Eliance
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Été 1462
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Été 1462
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Citation:
Torvar,
Plusieurs jours que j'hésite à écrire ce petit mot, plusieurs jours sans doute avant que je ne me décide à l'attacher à un volatile, plusieurs jours encore pour que ce foutu pigeon trouve où vous vous cachez. Bref, quand vous lirez ça, vous serez sans doute loin et avec un peu de chance, je n'entendrais pas votre grognement oursal de mécontentement qui ponctuera le début, le milieu et la fin de cette lettre.
Et si vous en venez à grogner ce sera parce que j'ai quelque chose à avouer, un truc qui me tracasse, voir plusieurs trucs. J'ai pas l'habitude de mentir, je déteste ça, en fait, et je m'en pensais d'ailleurs incapable. J'aurais préféré ne pas connaître ce talent caché, j'ai peur de m'en servir à présent sans réfléchir et ça m'angoisse.
Tout ce baratin pour vous endormir un peu et vous avouer l'air de rien que j'ai jamais eu de cheval, que je ne suis jamais monté sur le dos d'un et j'en serais foutrement incapable, adroite comme je suis.
Le deuxième aveu concerne Kachina qui ne m'a jamais frappée et qui s'est contentée de m'aider à retrouver ma mémoire perdue à cause d'un cheval qui m'a défoncé la tronche, alors qu'elle n'était que ma voisine de chambrée dans une taverne de Dôle. On en revient toujours au cheval, je sais, le hasard des choses.
Le troisième aveu explique le pourquoi du comment des mensonges précédents. Maryah voulait vous voir sourire, en gros, et j'ai accepté la mission, en la modifiant un peu à ma sauce quand même. J'ai donc inventé le cheval et Kachina pour arriver à vous parler, ou plutôt pour arriver à ce que vous m'écoutiez. J'ai accepté de faire ça parce que j'avais envie de vous connaître, j'avais envie de savoir ce qui se cachait sous ce type qui bougonnait dans son coin. La faute à ma curiosité, vous savez. Après ces deux éléments de conversations catastrophiques, je n'ai plus raconté de conneries, je n'ai plus menti sur rien. Je vous le promets. Tout ce qui est sorti de ma bouche était dit sincèrement. Je n'ai de même pas tout raconté à Maryah de nos discussions, comme vous aviez dit qu'elle n'en savait pas tant sur vous. J'ai respecté ça. J'ai essayé de rattraper mes erreurs du début.
Je préfère vous décevoir maintenant plutôt que de continuer à mentir éternellement. Mentir, ne n'est pas moi. Pardonnez-moi ces maladresses, je ne regrette rien de ces journées passées avec vous. Elles me manquent, pour tout vous dire.
Vous pouvez à présent m'insulter, déchirer cette lettre si ce n'est pas encore fait, avoir envie de m'étriper, que sais-je d'autre...
Vous allez surement confirmer le « À jamais » de votre au revoir, et je le comprendrais. J'aurais eu plaisir à vous revoir malgré tout, mais comment vous en vouloir. Je déçois toujours. C'est ainsi. On s'y fait, avec le temps.
Prenez soin de vous, Torvar.
Eliance
PS : Ne faites aucun reproche à Maryah. Elle voulait seulement vous aider à retrouver une certaine envie de vivre et s'en sentait incapable. Je lui en aurais voulu de ne pas m'avoir proposé ça. Passer à côté de quelqu'un comme vous, ça se regrette.
Eliance,
Si vous saviez quel regard je portais sur vous, vous vous seriez enfuie loin dès le départ et vous nauriez pas cherché à approfondir une quelconque relation entre nous. Etre votre père, grasce à dieu je ne le suis pas. Je nai pas réussi à faire grand-chose dans la vie de mes filles et elles men ont toujours voulu La preuve en est, la dernière a voulu me tuer. Etre votre ami, je peux vous apporter mon soutien et mon bras armé si un jour vous en avez besoin. Je vous lai dis Eliance, où que je sois, je serais toujours là. Ne cherchez pas à comprendre pourquoi, il y a des choses dont il est préférable de taire. Quant à être un mari de une vous êtes déjà mariée et de deux, je fais un bien piètre époux. Mes femmes sont toutes mortes et je ne vous souhaite aucun mal. Je suis destiné à être celui que lon cache, à ne pas être ouvertement celui que lon met en avant. Cest comme ça. Je donne ce que je peux, je prends ce que lon moffre et je mefface quand on ne veut plus de moi. Voilà ce que je suis, dans tous les cas. Une place partout ou aucune place du tout. Les hommes de lombre restent dans lombre.
Maintenant pour cette histoire de mensonge, je ne vous en veux point à vous mais Maryah cela fait plusieurs jours que nous ne sommes plus sur la même longueur dondes. Elle me fait des crises de jalousie, des crises de sentiments et me reproche de ne pas en avoir envers elle. Jai tout fais pour elle, jai été celui qui était là pour lui rendre sa féminité lorsquelle a été souillée par un homme, jai accepté ces frasques, de passer après son amie Sarah, de devenir un chien de garde quand nous devions affronter Ezequiel. Jai été celui qui sest confronté au baron borgne et pris pour un con par ce dernier mais jai ma fierté. Et je ne suis pas une ordure qui profite. Elle dit maimer, je ne peux pas lui donner ce quelle désire. Le peu de sentiments quil me reste sont pour autrui quà cela ne plaise, tant pis ! Elle ne cherche pas un mari mais un amant qui soit capable dassumer son fils. Et je ne suis que son troisième choix. Je suis peut être un rustre mais pas non plus celui qui dit « amen » facilement.
Dignité mal placée ? Peut être, sans doute même mais je ne suis pas pire quun autre. Je sais donner mais je ne veux pas me sentir obliger. Avec vous cela cest fait si facilement vous mavez touché peut être parce que vous avez une certaine fragilité que vous essayez de dissimuler aux autres, peut être parce que vous dégagez une force peu commune que lon perçoit au fond de votre regard quand vous posez vos yeux sur les gens. Je ne saurais vous dire vraiment mais il est ainsi. Et jamais je ne reprendrais ce que je vous ai offert mais me mettre à lécart cest me préserver. Préserver ce quil me reste dhumanité si je ne veux pas devenir fou. Même si la folie est mienne car je sais lapprivoiser.
Mais je vais marrêter là Eliance car je ne souhaite aucunement vous accabler, bien au contraire. Sachez que vous avez été une bouffée dair dans ma vie, une touche teintée de beauté dans ma vie sombre et ensanglantée. Vous avez effleurée du doigt quelques désirs que javais enfoui au fond de moi, dépoussiéré une existence qui fut autrefois mienne. A cela je ne peux revenir en arrière mais éviter de me confronter à nouveau à vous me fera oublier ce que jai manqué.
Citation:
Torvar,
Dites-moi quel regard vous portiez sur moi, la première fois où vous m'avez vu. Quelque chose me dit que ça va me faire rire. Et j'en ai bien besoin ce soir.
Vous avez pu être un père et un mari exécrable par le passé, ça ne veut pas dire que vous le serez toujours. Vous n'avez pas tué vos femmes. Et quand bien même, j'ai bien essayé de faire brûler mon premier mari, c'est pas pour ça que mon second aura ce même destin. Parfois, les choses changent suivant les personnes qui se trouvent sur votre chemin. Vous méritez d'avoir une place bien à vous. Des femmes seraient fières de vous côtoyer si elles vous connaissaient comme moi je vous connais. Si elles voyaient ce que je vois de vous. Ce que vous dites de vous-même me fend l'âme. Comment vous pouvez penser que c'est votre rôle que de n'être personne, de n'être que le suivant. Vous êtes Torvar le Cosaque. Vous êtes un guerrier, un homme de valeurs. Vous n'êtes pas un homme de l'ombre.
Maryah m'a écrit. Elle voyait un apaisement dans vos relations ces derniers jours quand vous n'y perceviez qu'un éloignement constant. C'est étrange. Je vous comprends, vous, de vouloir vous sortir de là, n'en plus souffrir, mais je parviens pas à la comprendre, elle, j'arrive pas à savoir ce qu'elle souhaite réellement depuis le début. Vous l'avez toujours respecté. Vous êtes admirable, pour ça. Même si l'« entrainement » qui semble vous avoir ruiné un genou, évoqué dans sa lettre, me semble loin de tout respect, il faut bien que certaines choses me dépassent. Je ne parlerais pas de dignité mal placée, plutôt d'un instinct de survie qui vous empêche de replonger tête la première dans quelque chose qui vous détruit.
Cette même chose qui vous gueule de rester à l'écart de moi. Je respecterais ça, Torvar. Je ne pensais pas ça possible... j'ai jamais voulu être source de souffrance. Diego dit que je le suis bien malgré moi. Souvent. Il faut croire qu'il a raison. Je suis maudite. Mon âme saigne de penser à ce qui aurait été. Je suis désolée, Torvar. J'aurais aimé ne pas être mariée pour vous rencontrer. J'aurais aimé vous montrer la place qui aurait pu être la vôtre. Celle que vous méritez.
Mais vous voyez, mon instinct de survie à moi est quasiment nul. Je me détruis petit à petit. Ca vaut mieux pour vous que vous soyez loin de ça. Vous avez bien raison.
Préservez ce que vous êtes.
Si me lire est douloureux. Dites-le. J'arrêterais.
Soyez prudent.
Eliance
PS : J'ai écrit quelque chose sur ce que vous m'avez appris de votre peuple. Peut-être sera-t-il publié à l'AAP si la cheffe considère ça intéressant. J'aimerais beaucoup. C'est une sorte d'hommage à un homme important.
Eliance,
Vous dire quel regard jai porté sur vous serez me dévoiler, vous avouer, vous faire entrer dans mon monde et ce que je ressens. Vous dire ce que japprécie ou non, vous donnez des détails sur ce qui me rend faible ou fort et cela ne mènerait à rien à rien que me faire regretter de ne pas avoir su profiter de votre présence un peu plus, davoir été un homme respectueux et bourré de principes, davoir respecté la part dombre qui est en moi et rester dans la pénombre justement afin de ne porter préjudice à personne au final.
Pour ce qui est davoir tué mes femmes cest tout comme. Aelis, la mère dApolinna est morte par ma faute. Elle a été prise pour cible par des mercenaires qui voulaient récupérer leur butin, butin que je navais pas et pour la faire parler, ils ont tous fait jusquà lui ôter la vie. Je suis responsable. Cest comme si ma main avait tenue lépée qui la transpercée. Quant à la mère de Kallista, elle était une ancienne esclave et na jamais vraiment réussi à sintégrer malgré le fait quelle était ma femme et la mère de mon enfant légitime. Je crois que jai été sourd à ses problèmes et la mort la emporté sans que je lui témoigne réellement dinquiétude ou même de respect Cest ainsi que je le vois. Jétais derrière ces morts et je suis responsable, quoi que vous disiez. Et si je dis être un homme de lombre cest que je le suis, croyez-moi Eliance.
Homme de main, homme de lombre, assassin, espion et même amant, je ne cherche pas à avoir un statut différent. Je voulais être diplomate, je suis un mercenaire, je nagis point dans la lumière. Il y a longtemps que cest ainsi et je ne changerais rien, il est trop tard pour moi.
Maryah vous a écrit. Je pense quelle a besoin dune amie ou dune personne à manipuler. Je ne saurais trop vous dire dêtre sur vos gardes. Elle est abusive dans ses amours comme dans ses amitiés. Elle dit maimer depuis des semaines imaginez après votre départ, elle a tenté le tout pour le tout. Elle a voulu me séduire une nouvelle fois, en taverne et je lai repoussé. Après quoi, elle ma provoqué constamment jusquà aller à se dénigrer devant autrui en disant quelle était sale, que les hommes naiment pas sa couleur de peau, quon ne la respectait pas, que je préférais les autres et ne pas la toucher elle elle a rien compris alors elle sest mise en tête dapprendre à se battre. Je jouis dune certaine aisance au combat alors elle ma tarabusté jusquà ce que je cède et lentraine Je naurais pas dû mais je navais pas cur de la repousser constamment. Et cela sest fini en combat de rue. Il me manque la rapidité de ma jeunesse et la vaillance de mon bras qui na pas répondu comme je le souhaitais. Il me reste des marques de morsures et détranglements en plus de douleurs dans les côtes et des bleus mais cela na pas servi à grand-chose, elle est toujours aussi virulente. Mais elle sest trouvée une nouvelle proie, une jeune aveugle demain nous arrivons à Arles cest la fin du voyage pour Maryah et moi. Je lui ai dis quon se séparait après ça. A force de trop tirer sur la corde, elle casse.
Et vous allez mécouter petit chat sauvage. Vous nêtes pas maudite, vous nêtes pas responsable de ma souffrance. Je souffre parce que je le veux bien, parce que je suis un homme qui na plus rien à perdre, parce que ma vie sétiole et sétire vers la fin. Jai vu en vous une lumière, une grasce, un peu de chaleur qui me faisait défaut depuis si longtemps Jaurais voulu mabreuver à votre source, vous garder pour moi, vous écouter encore des heures entières mais nous ne nous sommes pas rencontrés au bon moment ni au bon endroit. Cest là toute lironie de la vie. Vous avez un mari, jai une sangsue qui croit maimer cest ainsi il y aura encore des bordels sur ma route quoi quen dise Maryah, je trouverais le repos du guerrier entre les bras de ces femmes accueillantes et vous entre ceux de votre époux. Il ny a rien à dire de plus, vous le savez bien Eliance. Vous ne détruirez jamais le lien qui vous unit à votre époux pour un homme comme moi. Si vous êtes une femme au passé torturé vous essayez de construire un meilleur présent. Cest tout à votre honneur. Et ne vous détruisez pas Eliance, je vous en prie. Je ne le supporterais pas. Cest comme si je vous regardais à vous ouvrir les veines cela mest insupportable. Et dabord, pourquoi détruisez-vous ? Diego aurait-il fait quelque chose de mal ? Vous aurait-il mal traité ?
Et je nadmettrais aucun silence de votre part. jai été honnête avec vous et jessaie de répondre au mieux à vos questions silencieuses alors faites-en de même avec celles que je pose carrément.
Quant à vous lire et ma douleur, elles vont de paires et me font me sentir encore un peu de ce monde. Laissez-moi encore ces quelques bonheurs et faites-moi part de vos mots destructeurs tout autant quils sont enchanteurs. Racontez-moi encore petit chat sauvage parlez-moi avec vos mots qui vous touchent et me font comprendre qui vous êtes vraiment.
A votre tour, restez sur vos gardes Eliance et dites-moi si cet article dont vous mavez parlé est publié. Jaimerais lire ce que vous avez pu écrire. Vos mots ont la saveur quil faut pour me faire voyager et grasce à vous, je verrais surement les miens à travers vos yeux.
Я сумую за тобою
Citation:
- Torvar,
Je ne vous remercierais jamais assez pour vos lettres. Pour ce qu'elles disent. Ce qu'elles dégagent.
Cette droiture, cette résignation, ces mots me font tantôt sourire, tantôt trembler.
Ne dévoilez pas ce que vous ne souhaitez pas. Je pose des questions, comme toujours, mais je ne souhaite pas être intrusive. Pardonnez ma curiosité. Je respecte votre silence. Je bois vos autres mots comme une offrande et c'est bien assez, bien mieux que rien du tout.
Quand je vous lis évoquer vos femmes, je ne vois qu'un malheureux concours de circonstances et votre culpabilité qui ressort, mais pas seulement. Il n'y a pas de culpabilité sans amour. Vous les avez aimées, ces femmes. Mal peut-être parfois, mais vous les avez aimées plus que tout. Vous avez fait des erreurs. Tout le monde en fait. Laissez-vous oublier ça. Allégez votre conscience, Torvar. Vous dites amener le mal avec vous. Je ne suis pas d'accord. Vous êtes de ces hommes qui rassurent, qui protègent plus qu'ils ne détruisent. Croyez-moi.
Vous voulez savoir pourquoi je me détruis ? Je vais vous répondre. Je vous dois bien ça, après tout. Confidence pour confidence...
Diego a tué mon premier mari. Il m'a épargné un retour programmé en enfer. Je lui dois ma vie, ma liberté. Je l'aime pour ça, pour ce qu'il est et malgré ce qu'il est. Diego est un amoureux. Un vaste amoureux des femmes. Toutes les femmes. Voyez où je veux en venir ? Pour moi, il a calmé ses ardeurs. Pour moi, il a changé ses habitudes. Mais elles ne font que sommeiller. Alors je pardonne ou plutôt j'oublie. Voilà le cycle de mes journées. Certaines choses sont plus dures à oublier que d'autres. Je suis hantée par des visions qui ne me lâchent pas. Sa sur, ne me lâche pas. Il l'aime. Sans doute autant ou davantage qu'il ne m'aime, moi. Et je ne peux rien y faire. Elle n'est pas uniquement sa sur. Elle le manipule, le prend dans sa couche, me l'enlève. Lui se laisse faire. Il peut éviter et résister à toutes les femmes, mais elle, il ne peut pas, il ne sait pas. Il me l'a dit. Je dois vivre avec ça. Et c'est ça qui me détruit. Je peine à oublier. Je me contente de ce qu'il m'offre de bonheur. Je n'ai droit que à ça. De simples moments auxquels je m'accroche. N'allez pas penser que je suis une douce épouse parfaite. Je suis bourrée de défauts, de blocages en tout genre. Je supporte Diego autant qu'il me supporte.
La folie aussi, je la connais. Une différente de la vôtre, sans doute. Mais je deviendrais folle, un jour, à force. Ayla l'a dit. Je fais des sortes de malaise. Elle a vu une femme en faire comme moi, puis mourir. Je suis maudite. Vous ne pouvez pas dire le contraire. Je me détruis, je détruis Diego qui ne supporte pas de me voir souffrir, je vous détruis vous, malgré ce que vous dites. Mon présent est ce qu'il est. Bien sûr, meilleur que mon passé, mais guère reluisant. C'est ainsi. Je me détruis et je n'y peux rien.
Le petit chat sauvage a souvent envie de plonger du haut d'une falaise pour libérer ce monde des malédictions qu'il traîne dans ses pas. Vous voilà au courant de mes faiblesses. Même si vous les aviez sans doute devinées déjà. Vos yeux savent transpercer les âmes. C'est du moins l'impression qu'il en ressort quand ils se posent sur quelqu'un.
Mais arrêtons de parler de moi, c'est peu intéressant. Maryah m'a écrit qu'elle avait essayé, oui, de vous séduire. Elle me tient d'ailleurs pour responsable de cet échec, même si elle ne m'en tient pas rigueur. Elle n'intègre pas qu'elle vous avait perdu bien avant que je vienne mettre un peu plus le bordel. Je la sais excessive. Je l'ai vu. Mais elle pardonne mes fautes, alors ça en fait une amie. Et Dieu sait que les amis se font rares. Je prends note de vos mises en garde. Je me méfie de tout le monde, en règle générale. Parfois pas assez, parfois trop. Mon instinct me fait défaut. Et puis, je me méfie toujours des femmes un peu plus que des hommes. Elles ont parfois une manière de vous faire parler pour vous nuire par la suite plus facilement. Je trouve ça effrayant. J'apprends à me taire. À ne pas tout raconter. Ou plutôt je ne raconte certaines choses qu'aux gens importants qui ne trahiront pas.
Où allez-vous aller après Arles ?
C'est idiot, mais je crains de vous savoir seul sur les routes. Je crains que vous disparaissiez une nuit, d'après une stupide sensation de n'être personne. Je crains de partager la même peur que vous de voir l'autre se détruire, s'éteindre. Je ne supporterais pas non plus. Pas vous.
Je me consume de l'intérieur mais ne sauterait pas. La falaise reste seulement un réconfort dans un coin de ma tête. Je vous le promets. Faites de même... je vous en prie. Promettez-moi...
Pardonnez-moi cette lettre. Elle est loin d'être folichonnement joyeuse. Simplement, elle reflète mon humeur matinale. Je ferais mieux la prochaine fois. Je préfère vous imaginer sourire en lisant mes mots. Alors je ferais mieux.
Je vous préviendrais si l'article sur les Cosaques venait à être publié. Je voudrais que vous soyez le premier à le lire.
Je me doute que vos tous derniers mots ne doivent pas être compris. Laissez-moi simplement vous dire qu'ils sont jolis, même sans savoir leur sens. Ils sont jolis.
Merci.
Eliance
Eliance,
Ne me remerciez point pour ce que je vous apporte car à mes yeux ce nest que tourments et futilités. Je ne suis quun pauvre hère qui ne sait plus trop ce quil ressent enfin ce nest pas tout à fait vrai car au fond de moi est venu fleurir quelques sentiments qui avaient été muet depuis tant dannées Si je voulais être tout à fait honnête, je délierais ma langue mais la peur de vous voir me fuir est trop ancrée en moi pour vous avouer linavouable. Et pourtant, ce désir profond dêtre moi-même jusquau bout Eliance Eliance Eliance un jour peut être je vous dirais ces mots qui brûlent mes entrailles et ne demandent quà sortir. Pour le moment, je sais que tant que je me tais, vous mappartenez encore un peu. Ne serait-ce quun instant encore, un fugace instant Mais arrêtons de parler de moi, ce nest guère intéressant même si vous pensez le contraire.
Vous mavez fait un merveilleux cadeau même si vous ne le voyez pas ainsi. Vous êtes venue me confier votre histoire, du moins une partie car je devine quil y a encore tant de choses cachées, enterrées, enfouies bien profondément pour ne pas être découvertes. Et je ne chercherais pas à vous les faire dire. Je juge quil vous appartient de vouloir vous confier et non vous forcer. Par contre, je suis étonné de ce quil se passe avec Diego. Loin de moi de le critiquer car il est lhomme qui vous a offert votre liberté mais je devine une forme dasservissement vous concernant. Il vous aime, vous laimez, il vous a libérée de votre premier mari mais en contre partie, vous fermez les yeux sur ses incartades, ses besoins féminins, son appétit dévorant pour les autres et sa sur sa sur Eliance voyez, rien que ça, je ne puis cautionner le mal quil vous fait. Encore, sil avait des maîtresses au détour dun chemin, dune ville visitée, dun lieu donné, je pourrais faire comme si je men foutais même si je sais que cela vous atteint à chaque fois mais le même sang que lui Et il ne peut faire autrement dites-vous ? Est-il un homme ou un fantôme qui ne sait plus qui il est ? A-t-il donc aucun respect pour vous quil va forniquer avec sa sur ?
Je sais, mes mots sont durs et je ne suis pas du genre à condamner, à juger mais il vous met dans une position délicate, il vous impose un choix qui nest pas votre. Mon petit chat sauvage, je sens la rage monter en moi quand je lis ces mots, quand je devine la douleur qui vous ravage parce quil est trop faible pour résister et je me rappelle soudainement vos confidences à propos de la pire de la famille. Jaurais aimé le savoir avant votre départ peut être que jaurais tenté de vous persuader de rester à mes côtés au moins quelque temps, non pas pour profiter de vous et vous mettre dans ma couche mais au moins pour vous donner la force daffronter cette situation. La force, cest tout ce quil me reste, cest ce que je peux vous offrir.
Alors je me dis que je dois tenter quelque chose, vous soutenir, vous retrouver, venir jusquà vous pour ne pas vous laisser sombrer et vous laisser croire que vous me faites souffrir car ce que je vis nest rien à comparer à ce que vous vivez. Même si je sais Diego votre mari, il na pas le droit de vous tourmenter ainsi. Il na pas le droit de vous faire de mal Sil ne supporte pas de vous voir souffrir, quil arrête ce manège quil vous impose, quil soit un homme, un vrai, un homme qui prend des décisions, qui se fait respecter et qui offre à sa femme le respect quelle est en droit dattendre. Quil ne soit pas uniquement un tombeur et un jouisseur
Me voilà en rage et pourtant ce nest pas ce que je souhaite vous montrer comme visage. Et ne venez pas vous fustiger, vous ny êtes pour rien. Jai assez entendu de choses à droite, à gauche que finalement, je ne devrais pas être étonné. Et jaimerais vous épargner. Alors, à ma manière, je vous dirais de ne point faire confiance à tout le monde. Certaines personnes ont le don de vous faire parler et vous lavez deviné, pour aller colporter de vilaines choses. Maryah vous semble une amie alors gardez-la comme telle. Entre nous, il y a un contentieux plus profond parce que sans doute nous avons vécu un bout de chemin ensemble mais je trouve que pour quelquun qui il ya deux semaines à peine clamer partout que Niallan et elle formaient une famille avec leur fils et la fille de Niallan, pour quelquun qui nhésitait pas à finir la nuit dans sa couche, elle change rapidement davis. Pourriez-vous aimer quelquun dautre aussi vite vous ?
Je nai jamais bien compris les femmes mais là aimer deux êtres en même temps, cela mest arrivé. Le cur des hommes est une telle merveille que je ne comprends pas tout son fonctionnement mais de là à changer davis si vite je dois être le dernier des cons pour ne pas être aussi doué enfin, cet épisode sera bientôt terminé. Après mes pas mentraineront, ici ou là peut être au nord, au sud, peut être dans votre direction si je sais où vous vous cachez, peut être ailleurs mais je fais attention. De toute manière, mise à part à vous, je ne manquerais pas à grand monde alors je laisserais des instructions pour que lon prévienne les personnes qui me sont importantes et vous en faites partie, nen doutez point peut être même la plus importante à mes yeux.
Je vais vous laisser Eliance. Il est temps que jaille me dérouiller les jambes avec mon cheval. Il est le seul que jai envie de voir ces derniers temps, je ne fréquente même plus les tavernes pour éviter de me faire incendier cest dire il me manque le temps où vous étiez à mes côtés quil me manque Et si vous trouvez mes mots jolis et que loccasion nous est donné de nous revoir, je vous en apprendrais quelques uns si vous le souhaitez. Ils seront vôtre à votre tour.
Citation:
Torvar,
Je vous remercie si je veux. Et je le ferais sans doute bien d'autres fois encore. Que ça vous plaise ou non. Mes tourments ne proviennent pas de vous, soyez-en sûr. Ce ne sont pas les vôtres qui, en tout cas, me feront le plus trembler. Voyez comme je suis habitée. Mon mari est ce qui m'est arrivée de mieux dans ma courte vie. Je vous laisse imaginer le reste. Je vous raconterais, un jour, si vous le voulez. Si vous le demandez. Même si le récit n'est pas des plus passionnants.
En attendant, gardez un peu de votre honnêteté pour vous-même. Ne me livrez pas tout. Pas que ça me ferait forcément fuir, mais l'inavouable s'avoue seulement avec le temps. Il y a un jour pour tout. Et aujourd'hui, c'est le temps des lettres. La suite amènera peut-être un autre lot. Si j'étais un tant soit peu franche avec vous, je vous dirais que ce genre de chose m'effraie grandement. Je vous dirais ne pas comprendre, n'avoir rien fait pour ça. Je vous dirais que vous vous trompez. Que je suis pas celle que vous pensez. Que je ne suis pas comme vous l'imaginez. Mais je me contenterais de vous écrire que je ne comprends pas comment un homme comme vous peut s'intéresser à un chat égaré comme moi et qu'il devrait même s'en méfier. Un chat enragé n'a jamais donné satisfaction à personne.
Vos mots concernant Diego sont durs. Mais j'ai l'habitude. J'ai entendu des discours bien plus critiques, bien plus dégradants que le vôtre. Diego n'est pas un fantôme, non, simplement un homme qui a commis des erreurs et qui se voit contraint par ces mêmes erreurs, espérant se plier et se racheter un jour. Et ces erreurs, se sont sa sur. Croyez bien qu'il s'impose cette vie autant qu'il me l'impose à moi. Je vais vous expliquer. Vous comprendrez mieux.
Elle est leur demi-soeur depuis le remariage du père. Aussitôt débarquée dans la famille, les frères en ont fait leur souffre-douleur. Sauf Diego. Lui n'a pas pris parti. Lui n'a fait que regarder. Sans rien faire. Ni participer à leurs violences, ni empêcher ses frères. Aujourd'hui, il regrette. Il voudrait revenir en arrière et agir. Mais c'est impossible, alors il essaie de se racheter. Sauf qu'elle est devenue... une harpie. Elle ne souhaite que se venger. Il le sait. Et pourtant, il persiste. Il l'aime. Il regrette. Elle les anéantit les uns après les autres. Elle a fait tuer Ezequiel, puis Sawyer. Elle éliminera Diego et les autres de la même manière. Je suis celle qui l'embarrasse pour détruire Diego. Elle essaie de me virer en vain. Parce que si je pars, elle aura le champ libre pour le manipuler à sa guise. Elle le fera se perdre, elle lui fera oublier ses enfants, elle le fera se tuer. Si je pars, il meurt. C'est aussi simple que ça. Alors je supporte. Pour lui.
Je lui dois bien ça, non ?
Je ne veux pas que cette histoire vous mette en rage. Ce n'est pas le but. Il n'y a pas de but, d'ailleurs. Aucun. Je vous confie simplement un peu de moi comme vous l'avez fait.
Je ne suis pas bonne juge pour estimer si l'attitude de Maryah est normale ou non. Vous êtes peut-être son second choix parce qu'elle a essayé de construire une famille avec le type qui sert de père à son fils. Mais elle vous aimait sûrement avant, déjà. Elle m'a dit qu'elle vous aimerait toujours, même si vous partiez. Mais qu'elle ne supporte plus de se faire engueuler comme une enfant. Pour répondre à votre question, et je vais vous décevoir, ces dernières semaines me font croire que j'ai l'amour un peu facile... Je suis naïve, Torvar. Et pas vraiment maline. J'ai cru aimer. Je me suis seulement fait manipuler en beauté. Ou bien j'ai réellement aimer un autre type que mon mari le temps de quelques jours. Je ne sais pas. À quoi bon savoir, après tout. Je suis pas bonne pour aimer les gens. Je n'ai pas ce qu'il faut pour rendre les hommes heureux. Le malheur de Diego vient aussi de moi. Il ne faut pas croire. Je suis une bien piètre épouse.
Vous revoir serait inespéré, inconscient, et tout autre qualificatif de ce genre, mais j'en serais aussi heureuse, si vous ne venez pas seulement par culpabilité de m'avoir laissé à mon sort. Dans tous les cas, soyez rassuré, je ne sombrerais pas de suite. J'ai encore un peu de force pour surmonter tout ça. Vous n'avez aucune obligation envers moi. Vos lettres sont déjà un moment de réconfort. Vos lettres m'aident. Vos lettres me font me sentir moins seule. Mais si vous revenez en Savoie, vous me trouverez non loin de là où on s'est connu. Je marche dans les pas de mon frère. Ou plutôt de mes frères. Essayant de m'incruster dans cette famille qui ne me ressemble pas, qui n'est pas la mienne.
Vous parlez de moi seule, en personne importante. Mais vous oubliez cet enfant, votre dernière mission. Lui est le plus important pour vous. Et cette chose a besoin de vous. Plus que moi.
J'ai compris tout à l'heure pourquoi cette journée est aussi triste. C'est mon anniversaire. Je déteste ces jours-là. Je serais donc plus gaie demain. Soyez-en sûr. Les tavernes me semblent bien sombres, aussi, sans vous. C'est ainsi...
Eliance
Citation:
Torvar,
Des jours sans nouvelles de vous. J'ai été patiente, mais je m'inquiète férocement.
Alors je patiente encore un peu pour retarder le moment où j'écrirais à Maryah pour lui demander si elle vous a vu ces derniers jours. Je retarde, je ne le fais pas de suite parce que je sais que vous aimeriez pas ça.
Dites-moi que vous êtes en vie.
Eliance
Eliance,
Que vous dire aujourdhui ?
Je suis heureux de vous lire bien entendu comme à chaque fois. Et ne vous inquiétez pas, ma vie est toujours accrochée à moi et je suis toujours de ce monde. Sinon, bien évidemment, vous ne recevriez point de mes nouvelles.
Que vous dire encore ?
Jattends la visite de mon neveu qui doit me ramener des poulains pour le fils de Maryah.
Quand je lui ai annoncé mon intention de partir, elle ma supplié de laider à trouver une monture pour son petit. Il est très doué je dois bien lavouer et quoi de plus satisfaisant pour moi que de lui faire ce cadeau. Je ne lai pas dis à Maryah mais je ne compte pas lui faire payer ce poulain. Il sera mon cadeau à Percy pour tout ce quil fait et pour la vie quil met dans la mienne. Et en attendant que Matveï vienne avec les montures, je leur apprends à soccuper dun cheval donc nos journées sont bien remplis. Tout autant que mes nuits.
Finalement jai passé un accord avec Maryah dont vous êtes la seule à savoir quoi que ce soit. Puisquelle se sent seule et que de mon côté cest pareil, nous avons décidé de passer nos nuits ensemble. Au moins, nous aurons la satisfaction de nous apporter quelque chose même si Maryah ma fait promettre de ne le dire à personne. Vous êtes la seule qui détenait ce secret. Je vous fais assez confiance pour tout vous dire Voyez comme je suis aujourdhui. Enfin voilà le pourquoi de mon silence Eliance mais je vous remercie de vous inquiétez autant pour moi.
Et vous dites-moi, que me racontez-vous donc de beau depuis tout ce temps ?
Avez-vous trouvé un endroit pour vivre ou du moins poser vos bagages ? Et avec Diego, tout se passe bien ?
Je me dépêche de vous faire parvenir ces quelques lignes afin de vous rassurer et vous dit peut être à bientôt si vous le souhaitez.
Citation:
Torvar,
Une fois de plus, je me suis inquiétée pour rien. Vous devez me trouver bien ridicule. Mais c'est une occupation comme une autre, faut croire. Une occupation qui m'a fait oublier certaines choses, ou du moins y penser un peu moins. Voyez comme vous êtes utile, même loin.
En vérité, je suis heureuse de vous lire si accaparé. Les journées sont plus douces lorsqu'elles sont bien remplies. Et ce cadeau que vous faites à ce gamin, c'est sans doute le plus beau qu'il ne recevra jamais. Il sera un peu cosaque ainsi, grâce à vous, grâce à ce que vous lui enseignez. Vous survivrez toujours quelque part dans sa mémoire, en lui, même sans être son père. Son père, il risque d'ailleurs de l'oublier bien vite puisqu'à en croire Maryah, il ne veut plus entendre parler de ce fils. Elle comptait sur lui pour l'aider à payer le cheval. Vous devriez le lui dire, à Maryah, que ce sera un cadeau sans contrepartie aucune. Elle risque de se saigner aux quatre sangs d'ici-là pour réunir la somme nécessaire.
Ne lui faites pas la gueule, Torvar. Voyez comme je sais tout ! Elle fait tout pour son fils. Je la crois bien mieux à vos côtés. Vous la connaissez mieux que moi. Vous la savez perdue. Et son rôle de maman la transforme, j'ai l'impression. Ne lui en voulez pas des contacts qu'elle peut avoir avec Niallan. Elle essaie seulement qu'il ait un père. Elle ne m'a effectivement rien dit à propos de votre accord. Je trouve ça relativement normal à vrai dire. Vous ne faites rien de mal. Pourquoi toujours voir du noir là où il n'y en a pas ? Vous êtes tout de même mieux auprès d'elle qu'avec une de ces catins trop bavarde ! Vivez, Torvar, vous y avez droit.
Je vais vous dire une chose, qui est possiblement erronée, mais qui reflète ce que je pense de tout ça. Je pense que le cheval est une excuse. Je pense qu'elle n'accepte pas votre départ. Plusieurs raisons à cela, mais je resterais en dehors de votre relation très personnelle à tous les deux, n'ayant aucun droit de m'immiscer dedans. L'excuse principale serait donc ce que vous êtes pour son fils. Quand je lis vos lettres, quand je lis les siennes, vos mots à tous deux évoquent cet homme que vous êtes et ce gamin, vos relations, votre complicité. Vous êtes sans doute le seul homme dans son entourage qui tienne la route, Torvar. Le seul qui s'occupe de son fils comme vous le faites. Le seul qui lui apprenne la vie, qui le faites rire sans doute. Vous êtes sûrement celui à qui il souhaite ressembler, plus tard. Je vous vois d'ici froncer les sourcils, marmonner que je raconte que des conneries, que ressembler à un homme sombre comme vous est idiotie. Arrêtez donc cette tête et réfléchissez. Ou du moins, non, arrêtez de réfléchir. Vous êtes quelqu'un pour ce gamin. Vous êtes quelqu'un pour sa mère. Vivez et ne réfléchissez pas à ce qui est judicieux de faire ou non. À quoi bon de telles réflexions ? Plus on songe et plus on fait de conneries. C'est ainsi.
Je ne réfléchis guère, pour ma part. Je suis d'accord que je ne suis peut-être pas l'exemple à suivre, mais j'estime que je me pourris moins la vie que ceux qui cogitent.
Poser les bagages n'est pas encore d'actualité pour moi. Je suis mes envies. Et mes envies se trouvent dans la terre foulée par mes bottes. Tout allait bien avec Diego ces derniers jours. Ça va faire un an qu'on est marié. Un an. Il en est tout heureux. Ces derniers jours passés ont été sous le signe de la légèreté. Les prochains semblent s'augurer bien plus compliqués. Hier, à Dijon, il a vu la mère de ses jumeaux. Moment difficile pour moi. Je préférerais qu'elle meurt, Torvar, plutôt que de la voir agir avec lui comme si je n'existais pas. Je vous livre le fonds de ma pensée. Ne me trouvez pas cruelle, par pitié. Ce n'est qu'une pensée. Une simple pensée. Je n'ai jamais fait de mal. J'en suis bien incapable. Nous allons la revoir bientôt, je le crains, et je ne sais pas comment réagir.
Aujourd'hui, nos pas nous ont conduit en Champagne. Pas par hasard, non. Le but est bien d'explorer les malles de la mairie. L'idée ne vient pas de moi. C'est Kachina qui me l'a proposée. Je ne sais pourquoi, mais vous et Maryah ne l'aimez pas, ou peu. Pour moi, c'est différent. Je l'ai rencontrée un peu avant vous et les discussions que nous pouvons avoir ensemble me sont agréables. Parce que comme vous, elle me comprend sans que je rentre dans les détails de mon âme. Alors je me suis laissée tenter. Pourquoi pas, après tout ? Je verrais bien si je suis de celles-là. Et puis ça me fera oublier certaines choses, avec un peu de chance. Ça reporte mon inquiétude ailleurs.
J'ai quitté mes frères. J'ai plus de place auprès d'inconnus de sang comme vous, Maryah, Kachina, qu'auprès d'eux. Vous me comprenez, vous cherchez à me comprendre. Eux m'ignorent, ne cherchant jamais à savoir qui je suis. C'est peut-être mieux ainsi, d'être partie. Mais vous savez, je comptais sur eux. Je pensais trouver en eux un réconfort, une alliance, une attache à la vie. Je n'y ai trouvé que des étrangers froids et distants emplis de secrets pour moi.
Cette lettre est maussade. Pardonnez-moi. Je vous écris rarement quand mon sourire est au beau fixe. Je viendrais vous l'offrir, cependant, un jour, en face. Je compte bien revoir Maryah, je compte bien vous revoir, vous. Le hasard fera le reste.
Prenez soin de vous, Torvar. Et n'oubliez pas : vivez !
Eliance
Eliance,
J'ai bien lu votre courrier peu joyeux il est vrai mais c'est le propre de l'homme, ne jamais être heureux même quand il a tout alors je vous pardonne. Chacun vivant ce qu'il a à vivre et votre parcours n'étant pas le mien, je ne peux pas vous dire que vous avez tort ou raison d'être maussade ou peu entrain à être heureuse. Vous vivez des choses que je ne vis point. Cela s'arrête là.
Pour ce qui est de Maryah et de moi, cela ne va pas au delà de nuits passées ensembles et d'envies assouvies. Ne croyez pas qu'il y ait le moindre sentiment de ma part. Je ne suis personne pour son fils et je ne veux être personne pour elle. Comme je vous l'ai déjà dis, nous avons loupé le coche une fois et il n'y a aucun retour en arrière possible. C'est ainsi. Je ne reviendrais pas là-dessus. Maryah est une femme certes magnifique mais aucun amour ne vient émouvoir la bête que je suis depuis des années. Arrêtez donc de croire aux contes de fées et d'imaginer que je suis ce que je ne suis pas. Les apparences sont trompeuses ainsi que les confidences que l'on veut bien faire. Elles sont interprétées différemment suivant ce que l'on désire leur faire dire !
Maintenant, il est de mon devoir de vous dire que je ne continuerais pas à vous écrire. Non pas parce que vous ne trouvez pas en la vie ce que vous cherchez mais plutôt parce que vous avez fait des choix que je réprouve. Si vous trouvez en Kachina une amie qui vous veut du bien, je trouve en cette femme une ennemie qui a voulu ma peau et je ne cautionne pas le fait que vous partiez mettre votre vie en péril pour cette garce de bas étage.
La vie est faite de choix Eliance, vous avez fait les vôtres, j'ai depuis longtemps fait les miens. Ainsi tourne mon monde. Je n'ai pas à faire de sourire ni même à m'obliger à être heureux pour vous alors que je ne le suis pas et que le nid de vipères dans lequel vous venez de vous installer ne vous apportera que des ennuis. Vous êtes bien assez grande pour savoir ce que vous faites et comme je ne suis ni votre frère, ni votre mari, ni votre amant, nous en resterons donc là.
Le dernier conseil que je puis vous donner c'est de faire attention à vous. Un sourire ou une gentillesse peut cacher bien plus que ce que l'on imagine.
Je ne vous dis pas adieu puisque je l'ai souvent dis pour rien et que cette fois-ci est la dernière fois que je prendrais la plume pour vous répondre.
Que vos pas vous mènent là où ils le doivent.
Le Cosaque.
Citation:
Torvar,
Vous deviez vous douter que je n'en resterais pas là. Que votre lettre soit la dernière des dernières, soit. C'est votre décision et elle vous appartient. Je continuerais pour ma part à vous écrire, même si mes lettres doivent finir dans un fossé, brûlées, non lues ou sans retour aucun. Ne me jugez pas butée, il n'en est rien, j'aime seulement l'idée de vous imaginer me lire et ça me rapproche un peu de vous, pour ne pas dire que je ne me vois pas rompre ce dernier lien.
J'ai parlé de vous à Kachina. Parce que cette histoire de vouloir vous trouer la peau m'a agacée. Parce que j'ai voulu savoir le pourquoi du comment. Ou peut-être parce que que cette histoire est la raison de votre décision de vous couper de moi. Et à ma grande surprise, elle a rit. Vous allez me ressortir votre refrain sur les apparences auxquelles il ne faut pas se fier, mais j'ai quand même écouté ses explications, dont je vous fais part ici-même. Elle ne veut plus du tout vous trouer la peau et si elle l'a voulu un jour, c'était pour défendre votre fille, qui, elle, semblait bien décidée à vous faire trépasser, comme vous me l'aviez d'ailleurs vous-même raconté. Mais puisque les choses se sont arrangées, semble-t-il, entre père et fille, elle ne garde aucun grief contre vous. Est-il utile d'ajouter qu'elle vous passe le bonjour et vous invite à nous rejoindre ? Je crois que ça ne fera que renforcer votre rancune, mais tant pis. Je ne cache rien. Je ne cache pas non plus que vous voir m'enchanterait. Je vous sais occupé et je n'insiste pas.
J'ai peut-être mis maladroitement les pieds dans un nid de vipères, mais ne croyez pas que vous aurez à m'en sortir, me sauver, me protéger. J'ai pour habitude de me débrouiller seule, même si c'est pas toujours une réussite, je m'y emploie. Les amis ne sont pas pour moi à entraîner dans les bas-fond des emmerdes. Ne me demandez pas non plus comment je vois ça, j'en sais rien et n'ai aucune idée de ce qu'un ami peut faire ou non pour un autre. Vous êtes peut-être ni mon mari, ni mon amant, ni mon frère, mais vous êtes bien un ami, Torvar. Il est possible, d'ailleurs, que ce soit plus souhaitable que tout le reste. Je ne sais me débrouiller ni avec les uns, ni avec les autres. J'espère être meilleure en amitié. Être moins décevante.
Je m'excuse si vous vous êtes senti obligé de faire semblant d'être heureux pour moi. J'ai pas voulu ça. Le bonheur est quelque chose de lointain et je connais votre philosophie sur le peu qu'il vous reste à vivre. Mais je n'accepte pas de lire que vous êtes une bête sans émotion depuis des années déjà. Peut-être ne ressentez-vous rien pour Maryah, mais vos lettres précédentes m'ont montrées que vous étiez un homme comme les autres, ou du moins, tout autant que vous êtes différent du commun, vous êtes capable de sentiments, vous êtes capable de sentir votre cur battre. Ne dites pas le contraire ou bien je vous ressors ces fameuses lettres et vient vous les coller sous le nez. Vous y avez écris des choses. Je les ai toutes gardées. Je garde toujours les lettres. Les vôtres, du moins. Alors je refuse de vous entendre penser d'ici des stupidités pareilles. Que vous ne vouliez pas vous laisser aller, que ce soit avec Maryah ou une autre femme, est une chose. Mais ne dites pas que vous êtes une bête.
D'ailleurs, je vous rassure, vous ne ressentirez plus rien en me voyant, je ne ressemble plus à rien. Ou du moins, je n'ai plus ce visage qui m'a joué tant de tours. Ça a failli me coûter un mariage, mais je ne regrette rien. Me voilà libérée tout à fait. J'ai trouvé un brave blond qui a accepté de me donner un nez de travers et quelles autres transformations nécessaires. Ainsi, vous pourrez être un ami, un vrai, sans que rien d'autre ne s'immisce et ne gâche ça. Ainsi, plus aucun homme ne me regardera avec des envies que je n'ose imaginer. Ainsi, je peux vivre normalement.
Vous me manquez, Torvar. Viendrez-vous ?
Eliance
Eliance,
Non je ne viendrais pas.
Vous vous ennuyez ? Demandez donc à vos amies et amis de combler votre manque.
Vous dites que vous avez parlé à Kachina et que laffaire est close mais doù tient-elle ça ?
Sachez une chose Eliance cest que davoir voulu maffronter, il lui en cuira quand on se retrouvera. Et puis rien nest terminé. Ma fille a voulu la suivre, je lui en voudrais toujours pour ça. Elle est devenue la même que ceux qui ont tué sa mère. Et cest à moi quelle en veut Qui se fout du monde là ?
Bref, ceci est une histoire de famille et je nai pas à vous en parler.
Pour ce qui est du reste je me doutais bien que vous ne maviez pas compris. Et jen ai eu la preuve avec vos dires, vos mots, vos actes. Vous croyez que cest votre visage qui me plaisait, qui mattirait ? Vous croyez que jétais comme tous ces hommes qui ont envie de vous parce que vous avez un joli minois ? Vous mavez mis dans le même panier que les autres alors que jai été séduis par votre esprit mais aussi par votre cur Vous navez donc rien compris. Et au lieu de vous faire souffrir, arrêtez de vous trouver des excuses parce que vous avez du charme, assumez-le et quittez votre putain de mari sil est trop jaloux. Il couche avec tout ce qui porte jupons et on na pas le droit de vous approcher foutaises Vous vous faites du mal pour ne pas avoir à assumer une relation avec un autre homme qui pourrait vous offrir de lamour, du bonheur et des joies que vous ne voulez pas soupçonner. Je suis désolé pour vous que vous préfériez vous cacher que de vivre pleinement lamour. Jétais prêt à jouer lhomme de lombre et de navoir que des miettes tel un chien attendant une caresse de sa maitresse mais même moi vous mavez repoussé alors assumez vos choix bordel et ne venez pas me dire que vous avez fait ce qui devait être fait ! Je ne cautionne pas et je ne cautionnerais jamais que vous vous détruisiez pour lui. Jamais !
Alors non, vous ne me verrez pas et sans doute plus jamais Je ne suis pas adepte de me faire du mal contrairement à vous. Jai très bien compris le message me concernant, pas la peine de me rabâcher les choses.
Si cela peut vous soulager de mécrire, faites comme bon vous semble. Pour le moment je ne suis plus disposé à vous répondre.
Citation:
Torvar,
Il y a des choses que je comprends de travers. Mais vous non plus ne comprenez pas tout. Vous écrivez que je vous rejette. C'est pas tout à fait exact. Je rejette ce que vous voudriez que je sois et que je me sais incapable d'être pour vous. Vous pensez que je me fous de vous, tandis que j'essaie de vous préserver de ma poisse. Parce que je suis pas la douce Eliance que vous croyez que je suis. Je suis pas celle-là, Torvar.
Je vais vous raconter qui je suis. Tout raconter.
J'ai été élevée pour être mariée. J'ai grandit dans un grenier. Sans rire, sans amis, juste avec des leçons et mon père, à l'écart des autres. Mon père m'a fait des choses, pour que je sache faire à mon mari. Et puis il m'a marié. J'avais treize ans et mon mari... bien plus. Bien trop. Un fou, cet homme-là. Il a tué tous mes enfants, Torvar. Tous. Dans mon ventre. J'étais son jouet. Il aimait me prêter à ses amis. Il aimait regarder. Et récupérer son jouet tordu. Et le retordre encore un peu, après.
Alors, les enfants, je peux pas. J'arrive plus à les aimer. J'arrive plus à les regarder.
Et les hommes... j'y arrive pas non plus. Je sais pas y faire, avec les choses de l'amour. Diego n'est pas un mauvais type. Il a juste plus de besoin que je ne sais lui en donner. Et comme il ne veut pas me forcer, il va parfois voir ailleurs. Il m'aime malgré ça. Malgré ma froideur.
Je ne le rends pas heureux, mais il ne le mérite pas forcément. C'est pour ça que je l'ai choisi. Il est loin d'être parfait, mais il sait comment je suis et fait avec. Et j'arrive à le regarder, justement parce qu'il ne mérite pas forcément mieux que moi.
Je pourrais pas voir tous les jours de la déception dans le regard d'un homme comme vous, je pourrais pas supporter d'en être à l'origine, je pourrais pas supporter de vous gâcher la vie, de vous voir souffrir par ma faute. Vous, vous méritez une femme, une vraie. Une qui rend heureuse.
Vous méritez tout, sauf moi.
Eliance
Eliance,
Vous avez raison, je ne vous comprends pas et je ne veux pas vous comprendre. Je tire un trait sur cette histoire qui finalement n'a existé que dans ma tête. Et je vous dis merci de mavoir remis les idées en place !
Et jai une dernière chose à vous dire, que ça vous plaise ou non, je nen ai rien à foutre finalement.
Arrêtez de vous cacher derrière des prétextes. Ça ne sied quaux grands et vous êtes loin den avoir la carrure.
Vous m'avez fait la leçon durant des jours, des semaines à me répéter qu'il fallait que je vive, que j'oublie les choses qui font mal, que jaille de lavant et vous, vous faites quoi au juste ?
Vous m'offrez votre passé comme pour vous dédouaner ou plutôt vous trouver une excuse. Vous nêtes pas la seule femme à avoir subi des atrocités et jen connais qui ont au moins le courage pour ne pas dire les couilles de sen sortir et de donner plutôt que de se lamenter sur ce quelles ont vécu.
Vous me parlez de votre poisse afin de me préserver. Mais qui êtes-vous pour penser ce qui me convient ou pas ? Vous avez simplement décidé dès le départ que vous ne finiriez pas dans mon lit et vous avez mené votre barque pour arriver là où vous le vouliez. Je dois dire que vous avez bien manuvré. Mais quaurais-je pu attendre de vous finalement ? Rien, vous ne mêtes rien.
Allez, restez donc dans votre petite vie, amusez-vous à vous faire tabasser et donnez le peu que vous pouvez à votre mari. Vous avez raison sur une chose, on ne se force pas dans la vie pour ressentir ou pas les choses. Mais au moins, certains ont les tripes de le dire.
Maintenant, vos courriers vous seront retournés sans être lu si daventures vous veniez à men faire parvenir. Jai dautres chats à fouetter que de moccuper dune gamine qui joue les allumeuses les soirs de pluie. Personnellement, je préfère les vraies femmes qui ont du répondant même si elles men foutent plein la gueule. A cela, vous narrivez pas à la cheville de Maryah. Elle a tout ce quil faut pour men faire baver mais même si nos petits arrangements et nos vies ne sont pas ce quil y a de mieux dans ce bas monde, cela nous rend heureux et offre au petit Percy quelque chose dinoubliable.
Au plaisir de ne jamais vous recroiser.
Le Cosaque.
Citation:
Torvar,
Vous m'emmerdez. Non, je suis pas forte, ni courageuse. Je suis ce que je suis. Petite et minable.
J'ai jamais dit que j'étais autre chose. Je me suis jamais cachée. Je suis pas de celles qui oublient et arrivent à vivre comme si de rien n'était, qui font semblant.
J'ai jamais eu l'intention de vous envoyer bouler. Mais croyez bien ce qui vous arrange. J'ai simplement écrit ce que j'ai sur le cur. Parce que ça me bouffe. Parce que ça me hante. Et quoi ? Je suis une allumeuse. Une moins que rien. Merci !
Je suis maladroite, je sais. Je dis des choses sans parfois penser qu'on puisse les comprendre autrement. Mais vous, vous faites mal. Atrocement mal. Je vous avoue mes faiblesses et vous me les renvoyez dans les dents. Je vous avoue mes souffrances et vous les piétinez avant de me les retourner en pleine face. Je suis maladroite, mais honnête. Je le serais plus. Je vais garder pour moi ce qui est apparu. Ce que j'ai espéré. Ce que j'ai cru.
Vous vous êtes jamais demandé pourquoi je vous écris ? Pourquoi j'ai persisté, toujours, même quand vous m'écriviez "adieu et à jamais" ? Pourquoi je garde chacune de vos lettres ? Pourquoi j'ai essayé de vous convaincre de vivre ? Non, vous vous en foutez et vous avez raison.
J'ai besoin de vous. Mais ça aussi vous vous en foutez.
Adieu
Une gamine. Ou une allumeuse. Au choix
_________________
Eliance
Eliance et les hommes. Eliance et sa naïveté. Eliance et ses méfiances. Eliance et ses traumatismes. Eliance et...
Sa vision du monde est souvent binairement basique. Il y a les méchants et les gentils. Parfois, les méchants ont un traitement de faveur et obtiennent d'avoir un peu de bon en eux. Mais sommairement, le monde est partagé en catégories assez larges et tranchées.
Il y a les amis importants, ceux pour qui elle vit, ceux pour qui elle agit, ceux pour qui elle ferait n'importe quoi, même apprendre à se battre. Et puis il y a les autres, potentiellement peu existants, tout juste bon à tenir des conversations de comptoir (ce en quoi elle excelle) pour passer le temps.
Chez les hommes, c'est un peu pareil. Il y a Diego, tout en haut, en sorte d'icône idolâtré malgré ses incompétences notoires à être fidèle, malgré sa propension un peu trop grande pour la bouteille et la pipe (à fumer, hein, évitons les confusions fâcheuses). Celui-là représente le Mâle dans toute sa splendeur : beau, même parfait physiquement, n'ayons pas peur des mots, il est celui qui rassure, protège, la virilité incarnée en somme. Il est celui à qui elle doit sa vie qu'elle lui voue entièrement désormais, au grand désarroi de son entourage saint d'esprit. Il est celui qui sait les gestes tendres, qui lui a appris à avoir confiance, qui lui a révélé la part d'agneau qui sommeille en l'homme.
Et puis, il y a les Grands Hommes. Ceux qui impressionnent, ceux qu'elle admire tout en frissonnant à leur contact. Ceux-là sont peu nombreux. Ceux-là sont hommes de pouvoir. Charismatiques au possible, ils lui donnent l'impression d'être Dieu descendu sur Terre. Elle tremble de leur colère, de leurs bougonnements. Elle admire les larges épaules, les paroles autoritaires et cette gestion infaillible de leur vie qui semble toute tracée dans leur esprit comme un choix fort. Son père est le premier de ces hommes-là. Elle l'aime autant qu'elle le déteste. Viennent ensuite son frère l'invincible secret, le terrifiant Jok' et le fier Cosaque.
Le reste des hommes réside dans la basse-fausse comme étant non digne de confiance ou non intéressants. Notons que Mike n'est pas spécialement considéré par Eliance comme étant un homme. Il est à ses yeux asexué, entrant pleinement dans la catégorie des amis, mais certainement pas des mâles quels qu'ils soient. À cela, plusieurs raisons : étant le mari de sa presque-sur, il n'a jamais eu un geste « masculin » à son égard. Entendez par là qu'il ne s'est jamais intéressé à elle ni à sa féminité comme la plupart des hommes rencontrés. Il ne représente donc pas un potentiel danger comme les Grands Hommes mais est assez important pour entrer dans la catégorie des amis.
L'homme qui effleure son esprit à cet instant précis appartient pleinement à la catégorie des mâles terrifiants, j'ai nommé : Torvar. Du haut de sa carrure fière, le Cosaque en impose. Il semble savoir où il marche, il semble gérer toute sa vie en éloignant les déconvenues de la pointe d'un orteil, sans effort aucun. Pour ça, elle l'admire. Elle admire tout en lui. Elle le craint aussi. Un peu. Elle craint ses colères, même si elle n'a jamais assistée à aucune en direct, elle a souvenir d'une lettre terrible. Il semble d'une force d'esprit rare et puis... C'est à cet homme qu'elle pense. Parce qu'elle est dans sa ville. Nevers. Partie d'Autun pour se rendre en Savoie, sans carte et avec un sens de l'orientation plus qu'incertain, elle se retrouve à Nevers, ne sachant même pas si la route est la bonne. Mais peu importe. Elle marche. C'est là le plus important. Un instant, elle espère le voir franchir le pas de la porte de la taverne où elle a trouvé refuge le temps de se réchauffer les arpions. Mais le village semble désert. Alors elle prend une feuille et un crayon et commence à écrire.
Sa vision du monde est souvent binairement basique. Il y a les méchants et les gentils. Parfois, les méchants ont un traitement de faveur et obtiennent d'avoir un peu de bon en eux. Mais sommairement, le monde est partagé en catégories assez larges et tranchées.
Il y a les amis importants, ceux pour qui elle vit, ceux pour qui elle agit, ceux pour qui elle ferait n'importe quoi, même apprendre à se battre. Et puis il y a les autres, potentiellement peu existants, tout juste bon à tenir des conversations de comptoir (ce en quoi elle excelle) pour passer le temps.
Chez les hommes, c'est un peu pareil. Il y a Diego, tout en haut, en sorte d'icône idolâtré malgré ses incompétences notoires à être fidèle, malgré sa propension un peu trop grande pour la bouteille et la pipe (à fumer, hein, évitons les confusions fâcheuses). Celui-là représente le Mâle dans toute sa splendeur : beau, même parfait physiquement, n'ayons pas peur des mots, il est celui qui rassure, protège, la virilité incarnée en somme. Il est celui à qui elle doit sa vie qu'elle lui voue entièrement désormais, au grand désarroi de son entourage saint d'esprit. Il est celui qui sait les gestes tendres, qui lui a appris à avoir confiance, qui lui a révélé la part d'agneau qui sommeille en l'homme.
Et puis, il y a les Grands Hommes. Ceux qui impressionnent, ceux qu'elle admire tout en frissonnant à leur contact. Ceux-là sont peu nombreux. Ceux-là sont hommes de pouvoir. Charismatiques au possible, ils lui donnent l'impression d'être Dieu descendu sur Terre. Elle tremble de leur colère, de leurs bougonnements. Elle admire les larges épaules, les paroles autoritaires et cette gestion infaillible de leur vie qui semble toute tracée dans leur esprit comme un choix fort. Son père est le premier de ces hommes-là. Elle l'aime autant qu'elle le déteste. Viennent ensuite son frère l'invincible secret, le terrifiant Jok' et le fier Cosaque.
Le reste des hommes réside dans la basse-fausse comme étant non digne de confiance ou non intéressants. Notons que Mike n'est pas spécialement considéré par Eliance comme étant un homme. Il est à ses yeux asexué, entrant pleinement dans la catégorie des amis, mais certainement pas des mâles quels qu'ils soient. À cela, plusieurs raisons : étant le mari de sa presque-sur, il n'a jamais eu un geste « masculin » à son égard. Entendez par là qu'il ne s'est jamais intéressé à elle ni à sa féminité comme la plupart des hommes rencontrés. Il ne représente donc pas un potentiel danger comme les Grands Hommes mais est assez important pour entrer dans la catégorie des amis.
L'homme qui effleure son esprit à cet instant précis appartient pleinement à la catégorie des mâles terrifiants, j'ai nommé : Torvar. Du haut de sa carrure fière, le Cosaque en impose. Il semble savoir où il marche, il semble gérer toute sa vie en éloignant les déconvenues de la pointe d'un orteil, sans effort aucun. Pour ça, elle l'admire. Elle admire tout en lui. Elle le craint aussi. Un peu. Elle craint ses colères, même si elle n'a jamais assistée à aucune en direct, elle a souvenir d'une lettre terrible. Il semble d'une force d'esprit rare et puis... C'est à cet homme qu'elle pense. Parce qu'elle est dans sa ville. Nevers. Partie d'Autun pour se rendre en Savoie, sans carte et avec un sens de l'orientation plus qu'incertain, elle se retrouve à Nevers, ne sachant même pas si la route est la bonne. Mais peu importe. Elle marche. C'est là le plus important. Un instant, elle espère le voir franchir le pas de la porte de la taverne où elle a trouvé refuge le temps de se réchauffer les arpions. Mais le village semble désert. Alors elle prend une feuille et un crayon et commence à écrire.
Citation:
Torvar,
La mine s'est rapidement relevée du papier. Que dire... En voulant lui écrire, elle 'na pas penser à ce qu'elle pourrait raconter. Comme elle n'a pas beaucoup pensé de toute manière depuis l'abandon ressenti par la non-venue de Diego au couvent. La réflexion la rattrape un peu, après ces jours où elle a été absente. Les yeux balaient lentement les murs crasseux de l'auberge avant de retomber sur le seul mot inscrit. Et là, la Ménudière se sent soudainement godiche. Elle froisse la feuille d'une main nerveuse et l'envoie dans l'âtre. Que dire à cet homme ? Qu'il a raison ? Que le mari n'est pas venu ? Qu'il peut se foutre d'elle ? La moquer ? Que la voie est libre ? Libre pour quoi, de toute façon... Cette dernière idée la met en boule et d'un geste rapide, elle prend ses affaires, laisse quelques piécettes pour le repas pris et quitte rapidement le bouge. Sur les chemins, là, elle ne pense plus. Et c'est bien mieux, en vérité... Sa caboche est trop confuse, trop sombre. Mieux vaut la mettre en sommeil par des heures de marche et de froid. Eliance a une gestion des soucis assez spéciale. On peut carrément dire qu'elle est nulle en survie...
_________________
Eliance
Un fait rare. Pour la première fois, les adieux entre le Cosaque et la Ménudière n'ont pas été couronnés du maintenant traditionnel « Adieu et à jamais ». Ces quelques mots, il les prononce toujours. À chaque au revoir latent. Comme une prière pour que la situation cesse, comme pour contrecarrer le sort qui leur est réservé. Cette fois, pas d'adieu véritable. La glace est rompue, un équilibre serein trouvé. Et de simples paroles rassurantes ainsi qu'un baiser au milieu des boucles débordantes ambrées d'Eliance ont accueilli le départ de l'homme.
Dans cette taverne, avec le Grand Homme en face, Eliance a eu un sentiment étrange. Elle s'est sentie en sécurité. Même pendant sa crise. Même alors qu'elle roulait au sol emporté par des spasmes incontrôlables, elle n'a pas eu peur. Il a su développer durant deux jours une atmosphère rassurante tout autour d'elle, une sorte de toile protectrice. Le nuage l'a poursuivi un peu après son départ, sur les chemins, pour s'estomper totalement avec l'éloignement.
Mais jamais le Cosaque ne sort totalement de l'esprit ménudiérien. Et même loin, même en chemin pour rejoindre Diego, il est là, quelque part à hanter de sa haute stature ses pensées. Alors à la première auberge trouvée, elle se met à écrire. À lui écrire. Ce qui lui était interdit devient salvateur. La mine est légère et glisse sur le vélin rapidement. Point de grand discours. Simplement la lettre d'une amie à un ami. De deux êtres qui ne sauront probablement jamais être tels que dans leurs rêves respectifs. Par respect pour elle. Par respect pour lui.
Un ami : elle est persuadée qu'il n'y a que de cette manière qu'elle ne le décevra pas.
Torvar. L'ami. L'ami... envoûtant, si déstabilisant...
Dans cette taverne, avec le Grand Homme en face, Eliance a eu un sentiment étrange. Elle s'est sentie en sécurité. Même pendant sa crise. Même alors qu'elle roulait au sol emporté par des spasmes incontrôlables, elle n'a pas eu peur. Il a su développer durant deux jours une atmosphère rassurante tout autour d'elle, une sorte de toile protectrice. Le nuage l'a poursuivi un peu après son départ, sur les chemins, pour s'estomper totalement avec l'éloignement.
Mais jamais le Cosaque ne sort totalement de l'esprit ménudiérien. Et même loin, même en chemin pour rejoindre Diego, il est là, quelque part à hanter de sa haute stature ses pensées. Alors à la première auberge trouvée, elle se met à écrire. À lui écrire. Ce qui lui était interdit devient salvateur. La mine est légère et glisse sur le vélin rapidement. Point de grand discours. Simplement la lettre d'une amie à un ami. De deux êtres qui ne sauront probablement jamais être tels que dans leurs rêves respectifs. Par respect pour elle. Par respect pour lui.
Un ami : elle est persuadée qu'il n'y a que de cette manière qu'elle ne le décevra pas.
Torvar. L'ami. L'ami... envoûtant, si déstabilisant...
Citation:
Torvar,
Cette fois, j'ose vous écrire.
Vous allez me trouver bien impatiente. Cette lettre ne vous étonnera pas non plus. Si, de votre propre aveu, je vous connais comme peu de gens vous connaissent, l'inverse est aussi véridique.
Je viens aux nouvelles. Je viens savoir comment Sandeo va. Est-ce qu'il s'est réveillé ? Je viens demander si vous avez trouvé un médecin compétent. Savoir combien vous en avez effrayé, pour ne pas écrire un autre mot qui serait plus adéquat mais que ma conscience n'arrive pas à vous apposer.
Je viens savoir comment vous allez. Comment Eunice va. Transmettez-lui mon bonjour, si vous voulez bien.
J'ai repris les chemins, comme vous sans doute. Votre proposition de vous suivre trotte encore dans ma tête, avec une sensation de « pas le choix ».
Je n'ai pas refait de crise. Je n'ai pas repleuré. Je me contente de marcher et de me souvenir de toutes vos paroles. Elles m'aident tant.
Torvar, je ne vous ai pas remercié. Je le dois.
Merci. Merci pour tout. Merci pour ces quelques heures. Merci de tenir vos promesses. Merci pour l'homme que vous êtes.
Je vous entends d'ici me dire qu'un homme comme vous n'a jamais besoin de personne et, pourtant, je vous le propose : si vous avez besoin de moi, écrivez-moi. Je saurais répondre présente. Je vous le dois.
Faites attention à vous.
Eliance
Torvar
Ils sétaient croisés, rencontrés, quittés pour mieux se retrouver puis ils sétaient écrits, parlés, déchirés pour mieux soublier mais on noublie pas une rousse comme on noublie pas un cosaque. Les liens sétaient tissés bien malgré eux. Les sentiments que Torvar avaient vu naître à la vue de lécervellée sen étaient à présent en allés pour ne plus venir le titiller. A présent, une solide affection avait laissé place à ce sentiment romanesque qui avait rongé le cur de lhomme, le laissant vindicatif et malheureux durant de longs mois. Donc lorsquil avait revu Eliance une nouvelle fois, il ne fut pas surpris plus que cela. Cétait écrit dans leurs destinées. Comme un père bienveillant, comme un ami sincère, il était là pour veiller même de loin sur cette jeune femme au cur trop naïf pour y voir le mal que Torvar deviné de loin. Mais il sétait promis une chose, ne plus intervenir dans la vie dEliance sans quelle le lui en fasse la demande. Il donnait son avis sans pour autant la bousculer ou lui faire comprendre que
non cétait fini ce temps où il aurait aimé la secouer pour quelle sache enfin la vérité, quelle ouvre les yeux et regarde en face ce qui faisait mal. Eliance était de celles qui jusquau bout croirait en lamour dautrui
lui nétait quun homme désabusé par les sentiments dautrui.
Donc depuis quelques jours trônaient sur la petite table de lauberge une missive quil avait lu et relu avec intérêt avant de décider de lui répondre. Lattachante écervelée désirait quils recommencent à sécrire soit, il répondrait comme il lavait toujours fait jusquà ce quil y ait un « adieu et à jamais ». Prenant sa plume et se plaçant à la table qui était éclairée par une petite bougie de fortune, la haute stature dessinait même quelques ombres chinoises sur le mur. Le cosaque réfléchissait sur ce quil allait lui dire, avouer, garder pour lui. Prenant le parti de la sincérité, une nouvelle fois, de sa plus belle écriture, il commença à faire crisser la plume sur le vélin.
Eliance,
Alors jeune voyageuse, je vous manque donc déjà ?
A peine mavez-vous quitté que déjà votre missive vient me retrouver. Et je me rends compte que votre inquiétude se dirige vers ce petit bonhomme plutôt que vers moi, grand guerrier que je suis jen suis offusqué bien que... finalement vous avez raison. Et je comprends tout à fait. Je tiens même à vous rassurer, si cela peut véritablement se faire. Sandeo est là, parmi nous mais il reste dans un état qui lui appartient. Je me sens dailleurs bien impuissant à len sortir. Sa tante et son oncle, un certain Edoran, sont à son chevet. Je veille de loin pour remplacer Eunice lorsque je vois sa fatigue se dessiner sur ses traits. Il ne sert à rien que les enfants se rendent compte quelle se tue à la tache pour eux. Ils ont besoin dune femme forte à leur côté et je sais quelle lest, même si parfois, je dirige un peu les choses afin quelle mange ou prenne lair.
Jessaie de faire au mieux vous savez Eliance mais se sentir impuissant devant un enfant, jai du mal. Je voudrais pouvoir arracher ce brouillard qui le maintient ainsi dans cette léthargie mais que faire lorsque lon nest quun homme sans pouvoir ni science ? Mise à part tuer des gens, je ne sais rien alors je continue ma quête et frappe aux portes des médecins que je croise et promis, je nen ai encore étripé aucun même si à mon humble avis ce ne sont là que des charlatans. Maudits soient-ils tous autant quils sont même pas capables dapporter du réconfort à un petit
Mais assez parlé de moi. Je suis heureux que vous alliez bien, enfin de ce que vous me dites, et que vos crises ne se soient plus manifestées. Cela minquiète aussi de vous savoir dans la nature avec cette bougresse que vous appelez ombre et je suis convaincue que cest vous qui la traînez plutôt quelle qui vous escorte. Elle a beau être la fille de, ce nest pas pour cela quelle sait se battre je doute que tous mes enfants sachent tenir une épée on nhérite pas du courage ni de la facilité de nos parents surtout quand ils ne nous ont pas élevés. Et de ce que vous mavez dit, jimagine mal son père soccuper delle Donc priez pour quil ne vous arrive rien surtout en sa compagnie sinon je me verrais obligé de venir lui couper les mains lune après lautre pour vous avoir attiré des ennuis. Toutefois, vous connaissant un peu, je doute que vous mavouez ce qui vous arrive ou alors après coups comme dhabitude. Alors je ne dirais quune chose, gardez en mémoire que je suis là, près de vous et que je ferais mon possible pour vous protéger même de loin ça vous mettre du baume au cur et effacera cette peur qui tenaille vos entrailles sur les routes. Soyez donc un peu cosaque dans la nuit qui vous emmène loin de mes pas.
Maintenant, une nouvelle chose. Si vous me dites encore une fois merci, je vous baillonne. Il ny aucun remerciement à me faire. Jétais là, je suis là et je serais là, quimporte linstant, quimporte ce quil se passe, les destinées se croisent et se recroisent sans que nous puissions influées dessus Eliance. Dites-le vous une bonne fois pour toute !
Bien, pour une fois vous aurez un long courrier. Je pense que vous aurez de quoi lire et râler, vous dire que je ne dis pas tout comme à laccoutumée ou bien que mon imagination est encore fertile sans doute aurez-vous raison ou pas vous qui savez qui je suis, vous saurez aussi deviner entre les mots certaines de mes vérités.
Prenez soin de vous jeune dame et prenez garde à vos démons, parfois ils revêtent des apparences agréables et bienfaisantes qui sont tout aussi toxiques que du poison.
Donc depuis quelques jours trônaient sur la petite table de lauberge une missive quil avait lu et relu avec intérêt avant de décider de lui répondre. Lattachante écervelée désirait quils recommencent à sécrire soit, il répondrait comme il lavait toujours fait jusquà ce quil y ait un « adieu et à jamais ». Prenant sa plume et se plaçant à la table qui était éclairée par une petite bougie de fortune, la haute stature dessinait même quelques ombres chinoises sur le mur. Le cosaque réfléchissait sur ce quil allait lui dire, avouer, garder pour lui. Prenant le parti de la sincérité, une nouvelle fois, de sa plus belle écriture, il commença à faire crisser la plume sur le vélin.
Eliance,
Alors jeune voyageuse, je vous manque donc déjà ?
A peine mavez-vous quitté que déjà votre missive vient me retrouver. Et je me rends compte que votre inquiétude se dirige vers ce petit bonhomme plutôt que vers moi, grand guerrier que je suis jen suis offusqué bien que... finalement vous avez raison. Et je comprends tout à fait. Je tiens même à vous rassurer, si cela peut véritablement se faire. Sandeo est là, parmi nous mais il reste dans un état qui lui appartient. Je me sens dailleurs bien impuissant à len sortir. Sa tante et son oncle, un certain Edoran, sont à son chevet. Je veille de loin pour remplacer Eunice lorsque je vois sa fatigue se dessiner sur ses traits. Il ne sert à rien que les enfants se rendent compte quelle se tue à la tache pour eux. Ils ont besoin dune femme forte à leur côté et je sais quelle lest, même si parfois, je dirige un peu les choses afin quelle mange ou prenne lair.
Jessaie de faire au mieux vous savez Eliance mais se sentir impuissant devant un enfant, jai du mal. Je voudrais pouvoir arracher ce brouillard qui le maintient ainsi dans cette léthargie mais que faire lorsque lon nest quun homme sans pouvoir ni science ? Mise à part tuer des gens, je ne sais rien alors je continue ma quête et frappe aux portes des médecins que je croise et promis, je nen ai encore étripé aucun même si à mon humble avis ce ne sont là que des charlatans. Maudits soient-ils tous autant quils sont même pas capables dapporter du réconfort à un petit
Mais assez parlé de moi. Je suis heureux que vous alliez bien, enfin de ce que vous me dites, et que vos crises ne se soient plus manifestées. Cela minquiète aussi de vous savoir dans la nature avec cette bougresse que vous appelez ombre et je suis convaincue que cest vous qui la traînez plutôt quelle qui vous escorte. Elle a beau être la fille de, ce nest pas pour cela quelle sait se battre je doute que tous mes enfants sachent tenir une épée on nhérite pas du courage ni de la facilité de nos parents surtout quand ils ne nous ont pas élevés. Et de ce que vous mavez dit, jimagine mal son père soccuper delle Donc priez pour quil ne vous arrive rien surtout en sa compagnie sinon je me verrais obligé de venir lui couper les mains lune après lautre pour vous avoir attiré des ennuis. Toutefois, vous connaissant un peu, je doute que vous mavouez ce qui vous arrive ou alors après coups comme dhabitude. Alors je ne dirais quune chose, gardez en mémoire que je suis là, près de vous et que je ferais mon possible pour vous protéger même de loin ça vous mettre du baume au cur et effacera cette peur qui tenaille vos entrailles sur les routes. Soyez donc un peu cosaque dans la nuit qui vous emmène loin de mes pas.
Maintenant, une nouvelle chose. Si vous me dites encore une fois merci, je vous baillonne. Il ny aucun remerciement à me faire. Jétais là, je suis là et je serais là, quimporte linstant, quimporte ce quil se passe, les destinées se croisent et se recroisent sans que nous puissions influées dessus Eliance. Dites-le vous une bonne fois pour toute !
Bien, pour une fois vous aurez un long courrier. Je pense que vous aurez de quoi lire et râler, vous dire que je ne dis pas tout comme à laccoutumée ou bien que mon imagination est encore fertile sans doute aurez-vous raison ou pas vous qui savez qui je suis, vous saurez aussi deviner entre les mots certaines de mes vérités.
Prenez soin de vous jeune dame et prenez garde à vos démons, parfois ils revêtent des apparences agréables et bienfaisantes qui sont tout aussi toxiques que du poison.
Eliance
Les retrouvailles, c'est jamais comme on l'a espéré.
C'est magique, puis décevant. Puis magique encore et à nouveau décevant. Parce que loin, de longs mois sans voir le Dracou, Eliance a fini par se l'imaginer différent. Elle a gardé ses traits principaux et son esprit a rajouté le reste. Oubliés les ennuis passés. Oubliés les enfants pondus ou en gestation ailleurs que dans son ventre. Oubliées les infidélités avérées. Oubliées les inquiétudes. Oubliés les coups de sang.
Sauf qu'après les premières heures, tout revient à grande foulée. Eliance s'accroche à son rêve, pourtant. Elle l'a rêvé, il est là, avec elle. La maison est trouvée et l'Italien travaille déjà à la retaper. Les fuites du toit doivent être réparées au plus vite. Les fenêtres doivent pouvoir fermées. Les jumeaux arrivent bientôt. La vie rêvée se dessine peu à peu. Mais elle est entachée des mêmes angoissées passées, des mêmes noirceurs. Si Diego a émis la volonté de faire table rase du passé, il n'aura pas dû englober l'enfant à naître de la Tarte dans le lot. Il en parle. Il l'attend. Il est fier.
La boule d'antan qui venait se coincer régulièrement dans la gorge ménudiérienne est de retour. Partir plutôt qu'entendre Diego raconter à Mike les détails de sa fratrie nombreuse. Fuir plutôt que de l'entendre clamer haut et fort qu'elle devrait y trouver son compte, elle qui ne veut pas engendrer. Affronter le froid plutôt que de devoir se rendre compte qu'il a oublié ses confidences. Se réfugier à l'auberge, dans sa piaule et s'asseoir dans un coin, par terre, près de la cheminée pour profiter un instant des flammes, puis prendre le paquet de lettres dans le baluchon et lire, comme pour se protéger. Retrouver le sourire, devant la dernière lettre de Torvar au ton libéré et gentillement moqueur. Prendre la plume pour lui répondre, pour avoir un moment de répit dans ces journées en yo-yo, tantôt joyeuses, tantôt désastreuses, mais toujours teintées d'une sensation étrange et dérangeante.
C'est magique, puis décevant. Puis magique encore et à nouveau décevant. Parce que loin, de longs mois sans voir le Dracou, Eliance a fini par se l'imaginer différent. Elle a gardé ses traits principaux et son esprit a rajouté le reste. Oubliés les ennuis passés. Oubliés les enfants pondus ou en gestation ailleurs que dans son ventre. Oubliées les infidélités avérées. Oubliées les inquiétudes. Oubliés les coups de sang.
Sauf qu'après les premières heures, tout revient à grande foulée. Eliance s'accroche à son rêve, pourtant. Elle l'a rêvé, il est là, avec elle. La maison est trouvée et l'Italien travaille déjà à la retaper. Les fuites du toit doivent être réparées au plus vite. Les fenêtres doivent pouvoir fermées. Les jumeaux arrivent bientôt. La vie rêvée se dessine peu à peu. Mais elle est entachée des mêmes angoissées passées, des mêmes noirceurs. Si Diego a émis la volonté de faire table rase du passé, il n'aura pas dû englober l'enfant à naître de la Tarte dans le lot. Il en parle. Il l'attend. Il est fier.
La boule d'antan qui venait se coincer régulièrement dans la gorge ménudiérienne est de retour. Partir plutôt qu'entendre Diego raconter à Mike les détails de sa fratrie nombreuse. Fuir plutôt que de l'entendre clamer haut et fort qu'elle devrait y trouver son compte, elle qui ne veut pas engendrer. Affronter le froid plutôt que de devoir se rendre compte qu'il a oublié ses confidences. Se réfugier à l'auberge, dans sa piaule et s'asseoir dans un coin, par terre, près de la cheminée pour profiter un instant des flammes, puis prendre le paquet de lettres dans le baluchon et lire, comme pour se protéger. Retrouver le sourire, devant la dernière lettre de Torvar au ton libéré et gentillement moqueur. Prendre la plume pour lui répondre, pour avoir un moment de répit dans ces journées en yo-yo, tantôt joyeuses, tantôt désastreuses, mais toujours teintées d'une sensation étrange et dérangeante.
Citation:
Torvar, vieux guerrier,
... pardon... grand guerrier !
Vous savez mon affection pour les êtres morveux et babillants, et vous vous étonnez encore que mon attention se porte sur l'un d'eux endormi accidentellement. Si je ne m'inquiète pas pour vous, c'est que je vous sais mauvaise herbe increvable, qui, aussitôt déracinée, s'accrochera à une nouvelle terre pour y trouver les ressources suffisantes à sa survie. Mais si vous y tenez, je peux vous demander comment va mon cher ami cosaque. Je peux vous demander si vos vieux pieds supportent encore de faire de longues lieues harassantes. Si vos mains aguerries parviennent toujours à menacer avec la même hargne quelque médecin froussard. Je peux vous demander si vos sens détectent encore le Nord du Sud ou si vous vous perdez comme un vieillard dans les campagnes auvergnates. Mais tout ceci ne serait qu'une insulte pour le grand homme que vous êtes et ne refléterait en rien ce qui me passe par la tête quand je songe à vous. Je préfère lire entre les lignes vos humeurs ainsi que vos troubles. Ou dans vos mots, puisque vous me faites part sans vergogne de votre impuissance.
Torvar, je sais que vous faites au mieux, pour cet enfant. Je sais aussi que vous faites au mieux pour soulager Eunice de sa peine. Je vous connais assez pour comprendre que sous vos airs glaciaires, vous ne supportez pas ce mal injustifié qui s'abat sur les innocents. Rassurez-vous. Il y a des cas où la connaissance n'y fait rien. Vous pourriez être le plus grand médecin du Royaume que vous seriez sans doute tout aussi impuissant que vous l'êtes à cette heure-ci. Ne vous morfondez pas. Vous êtes là pour eux. C'est déjà tellement. Continuez à leur fournir cette force guerrière que vous portez en vous. Tout le monde voudrait un Torvar à ses côtés, dans son ombre ou dans son sillage. Peu importe. Un Torvar offre cette sécurité dont lui seul à le secret.
Et ne vous inquiétez pas pour la mienne. Mon Ombre a su me protéger des rencontres néfastes. En saignant un chien pour l'offrir à ses dieux contre notre protection... pensez bien que je l'ai appris à notre arrivée ! J'ai essayé d'être un peu cosaque, mais je pense que je n'en ai pas l'étoffe. J'en ferais une bien pleutre et je doute que votre peuple conserve les faibles de ma composition. Enfin, me voilà à Belley en un seul morceau. Avec des gens que vous détestez. Avec des gens qui vous détestent sans doute autant.
Le baume au cur m'est parvenu. Je vous en remercie. Peu importe si pour ce dernier mot, je me retrouve bâillonnée un jour. Certaines choses doivent être dites et je ne pense pas qu'un merci soit une insulte. Je râle rarement en lisant vos mots. Je souris par contre souvent en les imaginant sortir de votre bouche avec cet accent si particulier que je n'ai entendu nul part ailleurs. Sachez que je me contente très bien des phrases écrites de votre main. Je n'attends rien d'autre de vous que ce que vous voulez bien m'écrire et sais parfaitement lire un sens second dans quelques mots choisis par vos soins, même si je trouve cet exercice périlleux et approximatif. Nos lettres me contentent. Vous savez mon amour pour le papier et le traçage de pattes de mouches.
J'aimerais par contre un cours sur ces démons dont vous parlez. J'ai beau chercher, faire des efforts, je suis nulle en démon. Je crains de m'empoisonner. Peut-être cette leçon fera-t-elle l'objet de notre prochaine hasardeuse rencontre, en plus de la torgnole que l'un ou l'autre recevra ?
Prenez soin de mon vieux guerrier. Faites attention à ses humeurs et faites-le sourire, de temps à autre.
Eliance
PS : Ça y est, je le suis ! Merci de m'avoir rassurer de mes capacités. Vous êtes un des rares à avoir su éteindre ces inquiétudes-là.
(Ceci 'est pas un merci en bon et dû forme et ne saura donc en aucun cas relever du cas du bâillonnement !)
Eliance
Elle a attendu une réponse. Elle a cru que la relation nouvelle qui était née entre eux à leur dernière rencontre perdurerait. Que le ton amical et détendu de la lettre du Cosaque était annonciateur de bon. Mais voilà. Rien. Alors Eliance a arrêté d'attendre. Eliance a arrêté de penser au Cosaque. Eliance a enfermé ça dans un coin de sa mémoire. Mais ces petites bêtes sauvages n'aiment guère être enfermées. Après une longue période de silence, une longue période à étouffer, à ingurgiter la situation nouvelle, l'abandon, la roussi-blonde se met à repenser au Cosaque. À leur promesse, leur pari. Et lui écrire devient une évidence.
Citation:
Torvar,
J'ai vu les démons. De près. Trop près. Mais je crois que je vis encore. Du moins assez pour vous écrire.
Vous aviez raison, Torvar. Vous avez gagné une belle torgnole à me mettre, à notre prochaine rencontre.
Je développerai pas. Je crois que vous savez de quoi je parle. Je crois que vous l'avez toujours su.
Je crois que vous avez une clairvoyance certaine. Comme mes amis. Je les écoute, du coup, maintenant. Je m'écoute plus moi. Ça vaudra mieux, n'est-ce pas ?
J'ai aussi appris une chose, sur Maryah. Une chose qui n'a fait que... bref... Je me suis rendu compte qu'elle n'a jamais été mon amie. Que tous ses actes n'ont toujours eu pour seul but que sa personne à elle. J'ai appris que Maryah ne fait rien réellement pour les autres. J'ai appris que Maryah ment comme elle respire. J'ai appris... Ce que j'ai appris m'empêche de dormir. Encore davantage que les démons.
Torvar, je m'excuse de vous écrire ainsi. De vous écrire ça.
Cette lettre est nulle. Mais je devais vous l'écrire.
Eliance
Torvar
Une lettre de plus en ces jours maudits
à croire que tout le monde sétait donné le mot et pas des moindres
sauf que le cosaque, lui, navait pas envie de cajoler ni même de comprendre la misère des autres
fallait bien un jour ou lautre apprendre à balayer devant sa porte alors autant commencer. Donc le vieux fit une réponse rapide avant de boucler ses malles en partance pour la capitale et ainsi y faire son devoir et y défendre ses terres adoptives.
Eliance,
Un vieux souvenir est venu vous titiller et vous rappeler mon nom ?
Depuis des lustres que je nai plus de nouvelles de vous je mimaginais même que vous aviez tiré un trait sur tout ça et ça maurait arrangé. Non pas quil fut un temps il me déplaisait de vous lire mais là franchement je nen ai rien à cirer de vos histoires. Oui javais raison pour vos démons et je ne suis pas clairvoyant, juste que jai vécu. Ce nest pas au vieil ours que je suis quon apprend à danser !
Je vous avais prévenu que Diego ne serait jamais un mari pour vous. Vous, lidéaliste, qui ne pensiez quà une chose réussir votre vie alors que vous aviez misé sur le mauvais cheval. Moi je me suis marré un moment et puis au final, je me suis dis que jétais bien le plus con dans lhistoire puisque je vous offrais un peu de rêve et que vous, vous naviez dyeux que pour lhomme qui vous écraserez un jour ! Maintenant que cest fait, faut assumer vos choix. Diego est un homme à femmes, point. Et vous nêtes pas sa préférée repoint ! A vous de vous choisir un second choix, ce dont je pense vous ne ferez pas bien évidemment. Votre pruderie vous linterdit A force dêtre sourde et aveugle sur ce quun cur peut offrir vous avez éloigné tout ceux qui auraient pu avoir quelque peu envie de vous aider.
Maintenant parlons peu mais parlons bien.
Si vous insinuez encore une seule méchanceté sur Maryah vous aurez affaire à moi. Oui elle nest pas parfaite, oui elle a des torts et à ses propres règles mais quand vous étiez dans la merde, malade, limite mourante, elle na pas hésité à venir vous chercher au péril de sa vie alors ne venez pas lui cracher dessus pour le remerciement quelle en a eu et moi avec je vous ai accueilli chez moi parce quelle y a tenu on vous a soigné et Dieu seul sait ce quelle a dû faire pour faire venir un médecin dans mon domaine pour panser ses plaies Vous venez cracher votre venin sur Maryah mais de quel droit ? Vous pensez être mieux quelle ? Vous pensez quelle ne vous arrive pas à la cheville tant vous vous sentez supérieure à elle, vous la petite naïve qui aguiche les hommes sans jamais conclure sous prétexte que vous êtes mariée au plus formidable des hommes ? Vous nêtes quune peste qui a raté sa vie et qui veut absolument foutre sa merde en dénigrant les autres alors ne parlez plus de la femme qui ma donné un fils, de celle qui sait être mère avant dêtre femme, de celle qui a donné la vie et fais son possible pour que cette vie grandisse dans les meilleures conditions. Quavez-vous donc fait, vous, à part être égoïste ?
Restez loin delle, de notre fils et de moi car vos mots ont eu le temps de déchirer le peu destime que javais encore pour vous. Tournez votre langue dans votre bouche et allez cracher votre rage ailleurs vous avez perdu le droit de vous entretenir avec moi désormais.
Eliance,
Un vieux souvenir est venu vous titiller et vous rappeler mon nom ?
Depuis des lustres que je nai plus de nouvelles de vous je mimaginais même que vous aviez tiré un trait sur tout ça et ça maurait arrangé. Non pas quil fut un temps il me déplaisait de vous lire mais là franchement je nen ai rien à cirer de vos histoires. Oui javais raison pour vos démons et je ne suis pas clairvoyant, juste que jai vécu. Ce nest pas au vieil ours que je suis quon apprend à danser !
Je vous avais prévenu que Diego ne serait jamais un mari pour vous. Vous, lidéaliste, qui ne pensiez quà une chose réussir votre vie alors que vous aviez misé sur le mauvais cheval. Moi je me suis marré un moment et puis au final, je me suis dis que jétais bien le plus con dans lhistoire puisque je vous offrais un peu de rêve et que vous, vous naviez dyeux que pour lhomme qui vous écraserez un jour ! Maintenant que cest fait, faut assumer vos choix. Diego est un homme à femmes, point. Et vous nêtes pas sa préférée repoint ! A vous de vous choisir un second choix, ce dont je pense vous ne ferez pas bien évidemment. Votre pruderie vous linterdit A force dêtre sourde et aveugle sur ce quun cur peut offrir vous avez éloigné tout ceux qui auraient pu avoir quelque peu envie de vous aider.
Maintenant parlons peu mais parlons bien.
Si vous insinuez encore une seule méchanceté sur Maryah vous aurez affaire à moi. Oui elle nest pas parfaite, oui elle a des torts et à ses propres règles mais quand vous étiez dans la merde, malade, limite mourante, elle na pas hésité à venir vous chercher au péril de sa vie alors ne venez pas lui cracher dessus pour le remerciement quelle en a eu et moi avec je vous ai accueilli chez moi parce quelle y a tenu on vous a soigné et Dieu seul sait ce quelle a dû faire pour faire venir un médecin dans mon domaine pour panser ses plaies Vous venez cracher votre venin sur Maryah mais de quel droit ? Vous pensez être mieux quelle ? Vous pensez quelle ne vous arrive pas à la cheville tant vous vous sentez supérieure à elle, vous la petite naïve qui aguiche les hommes sans jamais conclure sous prétexte que vous êtes mariée au plus formidable des hommes ? Vous nêtes quune peste qui a raté sa vie et qui veut absolument foutre sa merde en dénigrant les autres alors ne parlez plus de la femme qui ma donné un fils, de celle qui sait être mère avant dêtre femme, de celle qui a donné la vie et fais son possible pour que cette vie grandisse dans les meilleures conditions. Quavez-vous donc fait, vous, à part être égoïste ?
Restez loin delle, de notre fils et de moi car vos mots ont eu le temps de déchirer le peu destime que javais encore pour vous. Tournez votre langue dans votre bouche et allez cracher votre rage ailleurs vous avez perdu le droit de vous entretenir avec moi désormais.
Eliance
La sortie de taverne est mélancolique. Voir un Cosaque tourner les talons n'est jamais agréable, pour la roussi-blonde. Pourtant, ça fait parti de leurs habitudes. Et puis, quel autre dénouement ? Les remords, les regrets inondent chacune de leur rencontre. Eliance n'a à offrir que de « doux souvenirs ». C'est du moins l'achèvement de la matinée.
Elle a changé. Grâce à lui. Grâce à ses mots acerbes, injustes et piquants. Entre autre. Elle a changé pour que ces mots ne lui collent plus à la peau. Pour lui donner tort. Ce jour, elle lui a donné tort. Elle ne fuit plus, ne se cache plus. Elle vit. Ou du moins, elle tente de vivre. Elle n'a pas eu envie de rentrer à l'auberge. De voir Elias. Si elle a volontairement posé ses lèvres sur celles d'un autre, elle estime avoir embrassé un passé, un remords, un manque. Comme un retour en arrière. Un souvenir en retard. Pour lui, pour elle.
Mais elle n'a pas envie de voir Elias, là, de suite. Elle n'a pas envie de revenir dans le présent trop brutalement. Elle veut garder le timbre de voix particulier du Cosaque contre elle. Elle veut aussi conserver cette impression qu'elle ne saurait pas définir précisément. Alors elle est partie au hasard de la campagne mâconnaise, déambulant sans but, sans réflexion. Et puis, soudain, elle s'est mise à sourire, droit devant elle. À rien en particulier. À personne. Seulement à une idée qui vient de lui revenir, de traverser son esprit comme une averse s'invite un jour d'octobre.
Malgré le vent, la terre humide et l'automne environnant, son séant a rejoint le sol, permettant ainsi à ses genoux d'accueillir son calepin. C'est ainsi que la mine de plomb s'agite.
Elle a changé. Grâce à lui. Grâce à ses mots acerbes, injustes et piquants. Entre autre. Elle a changé pour que ces mots ne lui collent plus à la peau. Pour lui donner tort. Ce jour, elle lui a donné tort. Elle ne fuit plus, ne se cache plus. Elle vit. Ou du moins, elle tente de vivre. Elle n'a pas eu envie de rentrer à l'auberge. De voir Elias. Si elle a volontairement posé ses lèvres sur celles d'un autre, elle estime avoir embrassé un passé, un remords, un manque. Comme un retour en arrière. Un souvenir en retard. Pour lui, pour elle.
Mais elle n'a pas envie de voir Elias, là, de suite. Elle n'a pas envie de revenir dans le présent trop brutalement. Elle veut garder le timbre de voix particulier du Cosaque contre elle. Elle veut aussi conserver cette impression qu'elle ne saurait pas définir précisément. Alors elle est partie au hasard de la campagne mâconnaise, déambulant sans but, sans réflexion. Et puis, soudain, elle s'est mise à sourire, droit devant elle. À rien en particulier. À personne. Seulement à une idée qui vient de lui revenir, de traverser son esprit comme une averse s'invite un jour d'octobre.
Malgré le vent, la terre humide et l'automne environnant, son séant a rejoint le sol, permettant ainsi à ses genoux d'accueillir son calepin. C'est ainsi que la mine de plomb s'agite.
Citation:
Comment n'y ai-je pas pensé plus tôt ?!
Vous le saviez, j'en suis sûre. Vous vous en souvenez, vous ! Vous vous souvenez toujours de tout. Vous ne faites rien au hasard.
Mâcon ! On est à Mâcon !
Mon cheval est blessé... donnez-moi des conseils... Vous vous souvenez ?
Mâcon...
Vous avez raison, peut-être que les étoiles décident de tout. Ou alors, vous faites en sortent de les suivre, de les faire parler. Avez-vous déjà songé que si elles s'étaient éteintes un certain soir, ce n'était pas pour fuir, mais pour mieux regarder une nouvelle briller ?
La feuille est détachée du calepin d'un coup sec. Le mot n'est pas signé. Pas vraiment écrit après réflexion. Il est instinctif.
Heyy, toi !
Un gamin chargé d'un sac au contenant mystérieux est hélé.
Viens !
J'te donne dix écus si tu portes ça.
Tu d'mandes le Cosaque. Il doit être au campement, avec les soldats et tout.
Dix écus pour un maigre mot, c'est une aubaine pour le crotté. Il a lâché son sac qui doit coûter bien moins et est parti à toute jambe en direction des tentes militaires, situées de l'autre côté du village. Même si le Cosaque ne crèche pas là, aucun doute qu'il saura le trouver ailleurs. Mâcon n'a rien du labyrinthe parisien.
_________________
Torvar
Des souvenirs qui se forment, doucement, avec patience... des mots qui prennent soin d'effacer d'autres maux venus ronger l'âme du cosaque durant des mois... il n'a pas oublié, il n'a jamais oublié. Comment l'aurait-il pu alors qu'elle est la femme qui a su faire vibrer son âme torturée et silencieuse depuis tant d'années.
On lui en a reproché des choses au cosaque, on lui a dit qu'il faisait fausse route, qu'elle n'était pas pour lui, qu'il fallait abandonner cette femme-enfant parce qu'on ne peut pas prendre ce qui appartient à autrui. Alors il s'est muré dans ses silences qui en disent longs et il a fui... Eliance avait raison lorsqu'elle le lui avait dit. Cette certitude campée au fond du regard. Comment aurait-il pu en être autrement ?
L'arracher à son pseudo bonheur, il ne pouvait pas. Elle ne lui aurait pas pardonné de prendre ce qu'elle n'était pas prête à lui donner. Alors il s'était tu... longtemps et s'était montré froid, dur, méchant et mesquin. Comme il s'avait si bien le faire... Mais aujourd'hui, il avait devant lui cette vérité nue, triste constat des mois perdus et ne pouvant jamais se rattraper. Jamais elle ne lui appartiendrait, jamais elle ne renoncerait à sa vie d'hier ou d'aujourd'hui pour lui mais il ne pouvait que la remercier car grâce à elle, il avait touché du doigt ce que l'on appelait le bonheur... une fraction de seconde dans sa chienne de vie, il avait ressenti une paix immense l'envahir lorsque les lèvres d'Eliance était venue se poser sur les siennes. Telles des ailes de papillons, elles l'avaient à peine effleuré certes et il avait cru avoir rêvé avant qu'elle ne recommence... et ses doigts s'étaient alors glissés sur le velouté de cette peau tant admirée au cours des heures passées à la regarder...
La froidure d'automne venait mordre l'âme du cosaque. Il était à ce jour à nouveau plongé dans ce dilemme... l'envie de tout claquer, de partir, de ne jamais se retourner ou de se laisser mourir, enfin heureux d'avoir pu croire au bonheur l'espace d'un battement d'aile. Et puis un mioche était venu à sa rencontre, lui fourrant dans les pattes un papier griffonné... les doigts de Torvar se refermèrent dessus, il manquait d'air soudainement mais rappelant le gosse, il lui fit signe de le suivre.
- Installe-toi là... prends c'que tu veux à manger, y'en a trop pour moi... Dès que j'ai fini, tu iras porter ce pli à celle qui t'a confié le premier.
Torvar sortit quelques écus de son escarcelle, les posa devant le gamin puis s'installa lui-même sur son lit de fortune afin de répondre.
Macon... nos rencontres s'y sont fait à plusieurs reprises, il est vrai... la Bourgogne a toujours eu une signification particulière pour moi... peut être est-ce pour cela que j'ai accepté de m'y installer... Pour ne pas oublier ce regard que vous aviez porté sur moi la première fois... Entre la fièvre et les godets de Gorsalka, j'aurais pu oublier mais comment le faire lorsqu'il s'agit de vous ?
Si aujourd'hui je suis là ce n'était point pour vous faire du mal et vous le savez... Je n'aurais pas pu pointer mon épée sur vous parce que malgré ce que j'ai déclaré tant de fois, vous êtes et resterez celle qui a su me réchauffer de cet hiver qui enveloppait ma vie. Merci pour ce merveilleux cadeau que vous avez osé me donner... Le petit chat sauvage qui fut autrefois au centre de mes pensées s'est transformé en une douce étincelle de vie qui sait donner d'elle pour réchauffer les âmes meurtries... Votre moitié a bien de la chance mais ça je l'ai toujours su... Vous grandissez au fur et à mesure que le temps passe affrontant la vie drapée de votre aura chaleureuse et bienfaitrice. Vous faites partie de ces personnes qui sont faites pour briller Eliance contrairement à moi. Si mon ciel le jour de ma naissance était sombre comme la noirceur d'une âme damnée c'est qu'il y a une raison à cela... et je n'ai jamais cherché à être autre chose que ce que je suis... Mais merci d'avoir voulu me le faire croire... ne serais-ce qu'un court instant.
Je vous le redis, faites attention à vous. Les dangers rôdent et même si je sais que vous y êtes habituée, je ne puis faire autrement que de prier pour que vous traversiez la vie sans malheur ni encombre.
T.
Le gamin s'en était fourré plein les joues et les poches et Torvar lui offrit un regard bienveillant. Il n'allait pas lui interdire de grappiller un peu plus que ce qu'il pouvait avaler... il connaissait la faim et aujourd'hui c'était Byzance.
Le pli remis entre bonnes mains, le cosaque regarda le mioche reprendre le chemin qu'il avait fait à l'allé. Inspirant profondément, il remonta sa pelisse faite de peau d'ours et s'en enveloppa afin de se couper du monde, pénétrant dans sa tanière.
On lui en a reproché des choses au cosaque, on lui a dit qu'il faisait fausse route, qu'elle n'était pas pour lui, qu'il fallait abandonner cette femme-enfant parce qu'on ne peut pas prendre ce qui appartient à autrui. Alors il s'est muré dans ses silences qui en disent longs et il a fui... Eliance avait raison lorsqu'elle le lui avait dit. Cette certitude campée au fond du regard. Comment aurait-il pu en être autrement ?
L'arracher à son pseudo bonheur, il ne pouvait pas. Elle ne lui aurait pas pardonné de prendre ce qu'elle n'était pas prête à lui donner. Alors il s'était tu... longtemps et s'était montré froid, dur, méchant et mesquin. Comme il s'avait si bien le faire... Mais aujourd'hui, il avait devant lui cette vérité nue, triste constat des mois perdus et ne pouvant jamais se rattraper. Jamais elle ne lui appartiendrait, jamais elle ne renoncerait à sa vie d'hier ou d'aujourd'hui pour lui mais il ne pouvait que la remercier car grâce à elle, il avait touché du doigt ce que l'on appelait le bonheur... une fraction de seconde dans sa chienne de vie, il avait ressenti une paix immense l'envahir lorsque les lèvres d'Eliance était venue se poser sur les siennes. Telles des ailes de papillons, elles l'avaient à peine effleuré certes et il avait cru avoir rêvé avant qu'elle ne recommence... et ses doigts s'étaient alors glissés sur le velouté de cette peau tant admirée au cours des heures passées à la regarder...
La froidure d'automne venait mordre l'âme du cosaque. Il était à ce jour à nouveau plongé dans ce dilemme... l'envie de tout claquer, de partir, de ne jamais se retourner ou de se laisser mourir, enfin heureux d'avoir pu croire au bonheur l'espace d'un battement d'aile. Et puis un mioche était venu à sa rencontre, lui fourrant dans les pattes un papier griffonné... les doigts de Torvar se refermèrent dessus, il manquait d'air soudainement mais rappelant le gosse, il lui fit signe de le suivre.
- Installe-toi là... prends c'que tu veux à manger, y'en a trop pour moi... Dès que j'ai fini, tu iras porter ce pli à celle qui t'a confié le premier.
Torvar sortit quelques écus de son escarcelle, les posa devant le gamin puis s'installa lui-même sur son lit de fortune afin de répondre.
Macon... nos rencontres s'y sont fait à plusieurs reprises, il est vrai... la Bourgogne a toujours eu une signification particulière pour moi... peut être est-ce pour cela que j'ai accepté de m'y installer... Pour ne pas oublier ce regard que vous aviez porté sur moi la première fois... Entre la fièvre et les godets de Gorsalka, j'aurais pu oublier mais comment le faire lorsqu'il s'agit de vous ?
Si aujourd'hui je suis là ce n'était point pour vous faire du mal et vous le savez... Je n'aurais pas pu pointer mon épée sur vous parce que malgré ce que j'ai déclaré tant de fois, vous êtes et resterez celle qui a su me réchauffer de cet hiver qui enveloppait ma vie. Merci pour ce merveilleux cadeau que vous avez osé me donner... Le petit chat sauvage qui fut autrefois au centre de mes pensées s'est transformé en une douce étincelle de vie qui sait donner d'elle pour réchauffer les âmes meurtries... Votre moitié a bien de la chance mais ça je l'ai toujours su... Vous grandissez au fur et à mesure que le temps passe affrontant la vie drapée de votre aura chaleureuse et bienfaitrice. Vous faites partie de ces personnes qui sont faites pour briller Eliance contrairement à moi. Si mon ciel le jour de ma naissance était sombre comme la noirceur d'une âme damnée c'est qu'il y a une raison à cela... et je n'ai jamais cherché à être autre chose que ce que je suis... Mais merci d'avoir voulu me le faire croire... ne serais-ce qu'un court instant.
Je vous le redis, faites attention à vous. Les dangers rôdent et même si je sais que vous y êtes habituée, je ne puis faire autrement que de prier pour que vous traversiez la vie sans malheur ni encombre.
T.
Le gamin s'en était fourré plein les joues et les poches et Torvar lui offrit un regard bienveillant. Il n'allait pas lui interdire de grappiller un peu plus que ce qu'il pouvait avaler... il connaissait la faim et aujourd'hui c'était Byzance.
Le pli remis entre bonnes mains, le cosaque regarda le mioche reprendre le chemin qu'il avait fait à l'allé. Inspirant profondément, il remonta sa pelisse faite de peau d'ours et s'en enveloppa afin de se couper du monde, pénétrant dans sa tanière.
Eliance
Elle n'a pas bougé. Elle n'espérait pas revoir le gosse. Elle a juste oublié de cligner des yeux, de vivre pendant un instant. Elle est restée en suspend en elle-même, là, par terre au milieu de nul part, seule avec ses pensées. Alors quand il revient et lui agite un pli sous le nez, elle braque un regard hagard sur lui. Elle met un instant à comprendre. Mais quand elle saisit enfin, elle prend la lettre dans un geste presque brutal, lui file de nouveaux écus et le laisse filer, plus occupée à lire prestement qu'à le retenir.
Le froid l'a saisi. Elle n'a pas vu les heures s'égrainer et le soleil s'affadir. Elle a lu. Relu. Et puis elle a fini par se lever pour aller se réchauffer un bout de couenne dans une auberge. Tenir une mine de plomb entre des boudins congelés, ce n'est pas ce qu'il y a de plus pratique.
- ***
Ce n'est que plus tard, après un véritable adieu (ou devrait-on dire un énième adieu), que Eliance a ressorti la lettre, au calme d'une salle déserte, au coeur de la nuit. Le sommeil a préféré la fuir, ce soir-là, et l'idée lui est venue d'aller espionner les étoiles qui, paraît-il, décident de tout. Espionner à travers une fenêtre, il va sans dire, vu le froid glacial des alentours. C'est que l'hiver semble en bonne marche, ou du moins pas un automne de pacotille.
Trop de mots, trop de maux, en seulement deux petites journées. Entre les paroles du Cosaque et celles de Mahi dont l'avis tranchant est un peu sanglant parfois, Eliance a de quoi tergiverser avec elle-même. Et elle tergiverse, au gré du nez pratiquement collé au carreau, l'oeil davantage perdu dans la pénombre que détailleur de scintillement astral.
Et puis, parce qu'il faut bien que certaines choses sortent et se couchent dans l'encre, elle s'attaque à écrire.
Citation:
C'est sans doute pour ça que je déteste cette ville comme elle m'attire. Elle n'a rien pour elle, la pauvre, si ce n'est votre présence à chaque fois, ou presque, que j'y pose les talons. Je ne suis pas sûre que ça puisse être un argument à faire-valoir pour sa promotion dans le Royaume, mais peu importe. Je sais à présent d'où vient cette étrange impression.
De vous savoir en partance, ce soir, je la trouve changée. Les murs sont devenus plus froids. Plus silencieux. Plus moches. Il faudra m'expliquer comment vous faites. Votre amabilité, sans doute, qui court dessus et puis qui s'en va !
Je crois que j'ai oublié de vous dire une chose. Enfin, nous avons bien dû en oublier une centaine, mais une me traverse particulièrement l'esprit, depuis quelques minutes. Un regret plus fort que les autres. Vous auriez dû ne pas me laisser le choix, un jour. Je ne sais pas quel jour. Vous auriez dû mettre votre hargne là-dedans plutôt que dans les mots. Vous auriez dû m'enfermer quelque part. Je ne sais pas où. Me traîner de force chez vous. Je ne sais pas comment.
Ou accepter mon retour, après Diego. Simplement accepter que j'ai pu ouvrir les yeux, enfin.
Ce présent, ce cadeau dont vous parlez, ce souvenir tardif, ne m'en remerciez pas. Ne prenez pas ça pour une offrande ou un sacrifice, ou je ne sais quoi d'autre. Je vous le devais. Je vous dois encore beaucoup. Nous aurions dû dessiner ce souvenir bien plus tôt. Et puis, je vous ai dit que j'ai changé. Un peu.
Je ne vois pas en vous l'âme noircie que vous décrivez. Je vois tout autre chose. Et ce n'est pas pour vous arranger que je le dis sans cesse. Votre vision de moi est tout aussi stupide. Avez-vous déjà vu une gourde briller ? Ca doit pas avoir fameuse allure ! Et puis, voyez, à ma naissance, personne n'a eu l'idée de regarder le ciel. Je ne sais même pas si j'ai vu le jour sous un soleil de plomb au zénith, dans une épaisse purée de pois ou dans la pénombre des nuits sans étoiles. On m'a dit le jour, le mois. C'est tout. Chaque nuit que je remarquerai identique à votre naissance, je la considérerai comme un anniversaire. Vous ne saurez rien y changer.
Je pourrais mentir et vous dire que je fais attention à moi. Mais pour dire vrai, je ne sais pas comment faire.
Alors je vous demanderai seulement d'appliquer ceci à vous, de votre côté, même si je plains davantage celui qui tentera de vous briser un bras, vu ce qu'il se prendra dans la tête.
E.
Torvar
Il l'avait vu derrière les fenêtres de la taverne, il avait alors hésité, restant là, les deux mains dans les poches dans la froidure de la nuit... Un vieil alcoolique l'avait bousculé lui faisant détacher son regard pour mieux lancer des éclairs à celui qui s'était transformé en penaud en moins de dix secondes, s'excusant à tout va d'avoir si lamentablement échoué sur les bottes du cosaque. Jurant dans sa langue natale, Torvar avait donné une raison de plus au pauvre gars de se sentir mal dans sa peau. D'ailleurs il ne demanda pas son reste, ramassa son bonnet de meunier et s'en alla en direction du moulin du village...
Le cosaque redressa le menton, reprit sa position tout en faisant bien attention à se caler dans l'ombre de la nuit, sous ce porche qui lui permettait de voir sans être vu... il voulait juste être là, à la regarder se mouvoir, sourire ou bien encore s'en vouloir, froncer ce petit nez comme elle savait si bien le faire quand quelque chose lui déplaisait, peut être même rouler des yeux à l'annonce d'une vérité qu'elle ne souhaitait pas entendre ou qu'il avait transformé pour ne pas déranger... inspirant profondément, son coeur se serra de plus belle lorsqu'elle vint coller son minois contre la fenêtre... Eliance ne pouvait s'imaginer qu'il était là, face à elle avec l'envie de tendre les bras pour l'attraper... cette envie qui lui vrillait les tripes parce qu'il savait que ça lui était interdit... une fois de plus. Diego s'en était allé et Romanov avait pris sa place... toujours un qui avait un coup d'avance sur lui... Enfonçant son cou dans la pelisse d'ours, ses doigts vinrent remettre en place le col de ce mantel qui lui permettait de rester ainsi dans le froid et l'humidité. Mais pourtant il fallait que cela cesse, que tout se stoppe... un point final à une histoire avortée... mais avait-il simplement envie de renoncer à elle ? Elle était cette obsédante tentation, de celle qui se cache dans le moindre recoin de l'esprit, du coeur, de l'âme... vous faisant oublier jusqu'à votre propre existence. Se perdant dans les méandres de la nuit pour mieux revenir un jour éclater devant vous et vous illuminer de toute sa clarté... Mais pour l'heure, il devait s'en éloigner... encore... Adieu et à jamais...
Les lieues avaient été avalées, seul dans cette nuit profonde et silencieuse. Seul le souffle de Vorobeï rappelait au cosaque qu'il faisait route vers sa destinée, celle qu'il avait choisi et qui s'était imposée au cours de ces derniers mois. Faisant une pause afin de boire quelques gorgées de gorsalka en attrapant son outre à la selle de son compagnon de route, il se laissa glisser à terre afin de faire quelques pas, se dégourdissant les muscles endoloris par le froid et la position du cavalier... l'habitude était une chose, l'âge une autre et les nuits fraîches n'arrangeaient en rien l'état du vieux cosaque... tic-tac, tic-tac, l'aiguille tournait dans le bon sens le rapprochant inéluctablement de la fin... A ce moment-là, le cri d'un corbeau lui arracha un sourire et Torvar osa regarder en arrière... les lueurs des chandelles semblant flotter derrière les carreaux des chaumières avaient disparu depuis belle lurette tandis qu'un soupir de lassitude s'extirpait de ses lèvres encore imbibés du liquide ambrée... une goutte, une odeur, un besoin de se rappeler encore ce regard et cette bouche qui goutait avec défi au breuvage du cosaque... un appel aux souvenirs, encore et à jamais... Torvar s'installa contre le tronc d'un arbre et au petit matin, tandis que le vent glacé de la plaine venait lui mordre les joues ainsi exposée, il sortit son nécessaire à écriture pour envoyer un mot à celle qu'il avait une nouvelle fois laissée à sa propre destinée.
Dikaya koshka,
Pardonnez-moi... je n'ai pas pu rester un soir de plus à Mâcon. Non pas que je ne le souhaitais pas mais je ne vous aurais apporté que des soucis... à force de nous voir ensemble... Et je ne suis pas certain que cela aurait été au gout de votre... enfin vous savez...
Un jour peut être nos pas se recroiseront... un jour peut être...le destin aime à se jouer de nous...
Mes pensées vous accompagnent Eliance... Dikaya koshka
T.
Le corbeau sifflé, le cosaque accrocha à la patte le message à envoyer... il ne pouvait pas partir ainsi et la laisser sans une explication. Pas une nouvelle fois... Reprenant la route, cette fois, il traça jusqu'à Chalon où l'attendait une chambre bien au chaud à l'auberge. Il n'avait pas vraiment envie de se reposer, sachant que son sommeil serait peuplé de visages qui viendraient encore le fustiger de ne pas avoir essayé... mais la fatigue et le froid aidant, Torvar se laissa choir sur le lit qui le reçu sans préambule, laissant l'homme s'enfoncer dans un sommeil de plomb jusqu'à son réveil en sursaut quelques heures plus tard.
Redressé au milieu de son lit, la grisaille du jour n'annonçait rien de bon et Torvar s'en rendit compte lorsque ses pupilles se posèrent sur la fenêtre... Grognement de circonstance, le cosaque se redressa tout en essayant de chasser le souvenir des lèvres d'Eliance sur les siennes. Ses doigts vinrent même à toucher cette bouche qui gardait ce secret afin de s'assurer que ce n'était pas le fruit de son imagination... à son âge, on aurait dit un gamin à son premier rencart... Mais un coup frappé à la porte et déjà cette dernière s'ouvrait sur l'aubergiste qui lui tendait un pli... Et la lecture ne fut pas longue. Non, Torvar dévora ses mots avant de se retenir d'hurler d'autres maux qui venaient s'enfoncer dans son coeur. Fermant les yeux, il froissa le vélin, le jeta au sol et alla se poster devant la fenêtre, se murant dans son silence. Quand il en sortit, il prit sa plume et répondit.
Dikaya koshka,
Vous ne me devez rien... comment dire le contraire alors que je n'ai absolument rien fais ? Vous le dites vous-même, j'aurais dû... Mais ma couardise a fait que je n'ai pas franchi cette distance qui nous séparait. J'ai eu peur de voir dans votre regard ce que je n'étais pas prêt à affronter... votre mépris alors j'ai reculé... J'ai préféré laisser faire le temps et aujourd'hui il me reste quoi mis à part nos souvenirs ?
Aujourd'hui c'est un autre qui profite de votre présence à ses côtés, aujourd'hui ce sont des amis qui vous entourent et vous guident, aujourd'hui, votre vie appartient à jamais à ceux que vous avez choisi.
J'aurais dû faire de vous ma prisonnière, vous prendre et me faire aimer de vous mais vous m'auriez détesté Eliance... vous auriez détesté devenir celle que vous ne vouliez pas être... vous m'en auriez voulu à la longue et nous aurions fini par ne plus pouvoir ni nous parler, ni même rêver d'étoiles qui parcourent notre existence.
Aujourd'hui nous pouvons le faire... nous avons réussi à surmonter un obstacle qui nous semblait infranchissable parce que je suis entier et que je ne voulais plus de vous dans ma vie... Nous faire du mal était pour moi la solution à cette situation que l'on vivait... vous éloignant de moi à jamais je pensais que vous trouveriez ce que vous sembliez être prête à chercher. Vos pas sont encore hésitants mais vous avancez... A chaque jour suffit sa peine et vous grandissez. Rien ne sert de provoquer les choses lorsqu'on n'est pas prêt à les accepter.
Est-ce qu'aujourd'hui encore, j'ai envie de vous voir à mes côtés Dikaya koshka ? Bien évidemment, encore plus qu'hier et pourtant, je suis parti, encore... une habitude chez moi n'est-ce pas ? Vous semblez plus épanouie, plus prompte à vous prendre en main, plus "guerrière" que vous ne l'avez jamais été... d'ailleurs vos lèvres sur les miennes le prouvent, vous n'auriez jamais osé le faire il y a de ça six mois en arrière alors voyez que tout est bien pour vous... votre route s'ouvre devant vous et il ne faut pas en avoir peur.
Moi, vous, nous... cela n'a peut être existé que dans ma tête et dans mon coeur. Aujourd'hui Romanov est à vos côtés. Pour que vous l'ayez choisi c'est qu'il est différent de Diego. Et je l'espère. Qu'il ne s'avise pas à vous faire de mal sinon... cette fois je ne regarderais pas dans sa direction pour savoir si je fais bien ou pas... je vous enlèverais et vous garderez pour moi... mais pour l'heure ce n'est pas le cas même si je ne l'ai pas vu à Macon... mais il n'était pas le seul à se terrer. Vous avez été la seule à sortir de votre cachette. L'agnelle que l'on sacrifie sur l'autel de la bonne éducation... Au lieu d'un sacrifice, nous avons découvert bien des choses vous et moi... enfin pour ma part c'est incontestable... Et si vous levez le nez vers le ciel, je suis certain que les étoiles dansent et s'illuminent au fur et à mesure que vous avancez. Vous avez le pouvoir de changer les choses, changez-les en bien Eliance... toujours... Faites vos propres choix et ne tenez compte que de vous. Les autres, Romanov, les jokers et même moi ne sont là que pour entrer dans la ronde et illuminer votre vie et vos étoiles. Alors non, vous n'êtes pas une gourde à mes yeux, juste un petit chat sauvage qui apprend la vie.
Ne faites donc pas attention à vous tout comme je ne ferais pas attention à moi. La prochaine fois que nous nous rencontrerons, nous pourrions faire un concours de cicatrices, ça pourrait être amusant...
T.
Le pli fut scellé puis descendu à l'aubergiste afin qu'il dépêche un coursier pour Mâcon tandis que le cosaque s'installait dans un coin, commandant un alcool fort, du moins le plus fort qu'il pouvait avoir. La seule chose qui lui importait aujourd'hui c'était d'embrumer son esprit... une fois encore la vie se refusait à lui donner le droit au bonheur, une fois encore, il repartait à la conquête du vide et de l'absence afin de les apprivoiser.
Le cosaque redressa le menton, reprit sa position tout en faisant bien attention à se caler dans l'ombre de la nuit, sous ce porche qui lui permettait de voir sans être vu... il voulait juste être là, à la regarder se mouvoir, sourire ou bien encore s'en vouloir, froncer ce petit nez comme elle savait si bien le faire quand quelque chose lui déplaisait, peut être même rouler des yeux à l'annonce d'une vérité qu'elle ne souhaitait pas entendre ou qu'il avait transformé pour ne pas déranger... inspirant profondément, son coeur se serra de plus belle lorsqu'elle vint coller son minois contre la fenêtre... Eliance ne pouvait s'imaginer qu'il était là, face à elle avec l'envie de tendre les bras pour l'attraper... cette envie qui lui vrillait les tripes parce qu'il savait que ça lui était interdit... une fois de plus. Diego s'en était allé et Romanov avait pris sa place... toujours un qui avait un coup d'avance sur lui... Enfonçant son cou dans la pelisse d'ours, ses doigts vinrent remettre en place le col de ce mantel qui lui permettait de rester ainsi dans le froid et l'humidité. Mais pourtant il fallait que cela cesse, que tout se stoppe... un point final à une histoire avortée... mais avait-il simplement envie de renoncer à elle ? Elle était cette obsédante tentation, de celle qui se cache dans le moindre recoin de l'esprit, du coeur, de l'âme... vous faisant oublier jusqu'à votre propre existence. Se perdant dans les méandres de la nuit pour mieux revenir un jour éclater devant vous et vous illuminer de toute sa clarté... Mais pour l'heure, il devait s'en éloigner... encore... Adieu et à jamais...
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Les lieues avaient été avalées, seul dans cette nuit profonde et silencieuse. Seul le souffle de Vorobeï rappelait au cosaque qu'il faisait route vers sa destinée, celle qu'il avait choisi et qui s'était imposée au cours de ces derniers mois. Faisant une pause afin de boire quelques gorgées de gorsalka en attrapant son outre à la selle de son compagnon de route, il se laissa glisser à terre afin de faire quelques pas, se dégourdissant les muscles endoloris par le froid et la position du cavalier... l'habitude était une chose, l'âge une autre et les nuits fraîches n'arrangeaient en rien l'état du vieux cosaque... tic-tac, tic-tac, l'aiguille tournait dans le bon sens le rapprochant inéluctablement de la fin... A ce moment-là, le cri d'un corbeau lui arracha un sourire et Torvar osa regarder en arrière... les lueurs des chandelles semblant flotter derrière les carreaux des chaumières avaient disparu depuis belle lurette tandis qu'un soupir de lassitude s'extirpait de ses lèvres encore imbibés du liquide ambrée... une goutte, une odeur, un besoin de se rappeler encore ce regard et cette bouche qui goutait avec défi au breuvage du cosaque... un appel aux souvenirs, encore et à jamais... Torvar s'installa contre le tronc d'un arbre et au petit matin, tandis que le vent glacé de la plaine venait lui mordre les joues ainsi exposée, il sortit son nécessaire à écriture pour envoyer un mot à celle qu'il avait une nouvelle fois laissée à sa propre destinée.
Dikaya koshka,
Pardonnez-moi... je n'ai pas pu rester un soir de plus à Mâcon. Non pas que je ne le souhaitais pas mais je ne vous aurais apporté que des soucis... à force de nous voir ensemble... Et je ne suis pas certain que cela aurait été au gout de votre... enfin vous savez...
Un jour peut être nos pas se recroiseront... un jour peut être...le destin aime à se jouer de nous...
Mes pensées vous accompagnent Eliance... Dikaya koshka
T.
Le corbeau sifflé, le cosaque accrocha à la patte le message à envoyer... il ne pouvait pas partir ainsi et la laisser sans une explication. Pas une nouvelle fois... Reprenant la route, cette fois, il traça jusqu'à Chalon où l'attendait une chambre bien au chaud à l'auberge. Il n'avait pas vraiment envie de se reposer, sachant que son sommeil serait peuplé de visages qui viendraient encore le fustiger de ne pas avoir essayé... mais la fatigue et le froid aidant, Torvar se laissa choir sur le lit qui le reçu sans préambule, laissant l'homme s'enfoncer dans un sommeil de plomb jusqu'à son réveil en sursaut quelques heures plus tard.
Redressé au milieu de son lit, la grisaille du jour n'annonçait rien de bon et Torvar s'en rendit compte lorsque ses pupilles se posèrent sur la fenêtre... Grognement de circonstance, le cosaque se redressa tout en essayant de chasser le souvenir des lèvres d'Eliance sur les siennes. Ses doigts vinrent même à toucher cette bouche qui gardait ce secret afin de s'assurer que ce n'était pas le fruit de son imagination... à son âge, on aurait dit un gamin à son premier rencart... Mais un coup frappé à la porte et déjà cette dernière s'ouvrait sur l'aubergiste qui lui tendait un pli... Et la lecture ne fut pas longue. Non, Torvar dévora ses mots avant de se retenir d'hurler d'autres maux qui venaient s'enfoncer dans son coeur. Fermant les yeux, il froissa le vélin, le jeta au sol et alla se poster devant la fenêtre, se murant dans son silence. Quand il en sortit, il prit sa plume et répondit.
Dikaya koshka,
Vous ne me devez rien... comment dire le contraire alors que je n'ai absolument rien fais ? Vous le dites vous-même, j'aurais dû... Mais ma couardise a fait que je n'ai pas franchi cette distance qui nous séparait. J'ai eu peur de voir dans votre regard ce que je n'étais pas prêt à affronter... votre mépris alors j'ai reculé... J'ai préféré laisser faire le temps et aujourd'hui il me reste quoi mis à part nos souvenirs ?
Aujourd'hui c'est un autre qui profite de votre présence à ses côtés, aujourd'hui ce sont des amis qui vous entourent et vous guident, aujourd'hui, votre vie appartient à jamais à ceux que vous avez choisi.
J'aurais dû faire de vous ma prisonnière, vous prendre et me faire aimer de vous mais vous m'auriez détesté Eliance... vous auriez détesté devenir celle que vous ne vouliez pas être... vous m'en auriez voulu à la longue et nous aurions fini par ne plus pouvoir ni nous parler, ni même rêver d'étoiles qui parcourent notre existence.
Aujourd'hui nous pouvons le faire... nous avons réussi à surmonter un obstacle qui nous semblait infranchissable parce que je suis entier et que je ne voulais plus de vous dans ma vie... Nous faire du mal était pour moi la solution à cette situation que l'on vivait... vous éloignant de moi à jamais je pensais que vous trouveriez ce que vous sembliez être prête à chercher. Vos pas sont encore hésitants mais vous avancez... A chaque jour suffit sa peine et vous grandissez. Rien ne sert de provoquer les choses lorsqu'on n'est pas prêt à les accepter.
Est-ce qu'aujourd'hui encore, j'ai envie de vous voir à mes côtés Dikaya koshka ? Bien évidemment, encore plus qu'hier et pourtant, je suis parti, encore... une habitude chez moi n'est-ce pas ? Vous semblez plus épanouie, plus prompte à vous prendre en main, plus "guerrière" que vous ne l'avez jamais été... d'ailleurs vos lèvres sur les miennes le prouvent, vous n'auriez jamais osé le faire il y a de ça six mois en arrière alors voyez que tout est bien pour vous... votre route s'ouvre devant vous et il ne faut pas en avoir peur.
Moi, vous, nous... cela n'a peut être existé que dans ma tête et dans mon coeur. Aujourd'hui Romanov est à vos côtés. Pour que vous l'ayez choisi c'est qu'il est différent de Diego. Et je l'espère. Qu'il ne s'avise pas à vous faire de mal sinon... cette fois je ne regarderais pas dans sa direction pour savoir si je fais bien ou pas... je vous enlèverais et vous garderez pour moi... mais pour l'heure ce n'est pas le cas même si je ne l'ai pas vu à Macon... mais il n'était pas le seul à se terrer. Vous avez été la seule à sortir de votre cachette. L'agnelle que l'on sacrifie sur l'autel de la bonne éducation... Au lieu d'un sacrifice, nous avons découvert bien des choses vous et moi... enfin pour ma part c'est incontestable... Et si vous levez le nez vers le ciel, je suis certain que les étoiles dansent et s'illuminent au fur et à mesure que vous avancez. Vous avez le pouvoir de changer les choses, changez-les en bien Eliance... toujours... Faites vos propres choix et ne tenez compte que de vous. Les autres, Romanov, les jokers et même moi ne sont là que pour entrer dans la ronde et illuminer votre vie et vos étoiles. Alors non, vous n'êtes pas une gourde à mes yeux, juste un petit chat sauvage qui apprend la vie.
Ne faites donc pas attention à vous tout comme je ne ferais pas attention à moi. La prochaine fois que nous nous rencontrerons, nous pourrions faire un concours de cicatrices, ça pourrait être amusant...
T.
Le pli fut scellé puis descendu à l'aubergiste afin qu'il dépêche un coursier pour Mâcon tandis que le cosaque s'installait dans un coin, commandant un alcool fort, du moins le plus fort qu'il pouvait avoir. La seule chose qui lui importait aujourd'hui c'était d'embrumer son esprit... une fois encore la vie se refusait à lui donner le droit au bonheur, une fois encore, il repartait à la conquête du vide et de l'absence afin de les apprivoiser.
Dikaya koshka = chat sauvage
Eliance
Le temps coule, le souvenir reste. Chaque soir, Eliance s'endort en regardant le Russe d'un drôle d'oeil. Le choix. Il est son choix. Elle l'observe fermer les yeux, elle l'observe respirer plus profondément et tomber dans ce qu'on appelle le sommeil. Elle l'observe et un mot hurle en elle, de manière incessante, « choix ». Comme si Elias n'était devenu qu'un choix, ces derniers jours. Une décision prise comme une autre. Comme on jette son dévolu, un peu au hasard, sur la couleur d'un vêtement à l'aube ou de la viande à acheter au marché. Il est là, l'homme qui a souhaité l'épouser officieusement en réaction à une autre demande en mariage plus insolite. Il est là, l'homme qui s'est vexé sous les propos d'un jaloux éconduit. Il est là, le gamin aux yeux gris qui l'a faite rêver à la liberté pendant des années. Il est là, celui qui l'a libéré de la plupart de ses peurs et de ses tourments. Il est là et, pourtant, il ne porte plus que le nom de « choix », ces dernières heures.
Elle l'aime. C'est indubitable. Comme elle aime chacun de ses maris choisis. Comme elle aime chaque homme qui entre dans sa vie. Comme elle aime tout le monde, si on écoute ce qu'en dit Atro. Elle le trouve beau, le Russe, dans sa simplicité, dans sa carrure frêle, dans son teint pâle, dans ses manières qui rappellent sans cesse qu'il n'est pas homme de la terre. Mais elle le trouve lointain, aussi, parfois, quand il travaille le nez sur un galon, quand il mange sa soupe sans la regarder, quand il lui parle comme il parlerait peut-être à une autre.
Elle le trouve lointain depuis qu'un autre a été plus franc, plus direct. Depuis qu'un autre lui a apposé des mots incompréhensifs mais qui reflètent l'âme. Elle le trouve lointain, depuis qu'elle se prend à se demander ce qu'ont en commun ces deux hommes qui viennent du même coin du monde mais qui semblent si différents. L'un est jeune, l'autre moins. L'un est pâle, l'autre a la peau tannée. L'un est frêle, l'autre passe difficilement les portes. L'un lui a appris à vivre mieux, l'autre l'encourage à vivre toujours plus fort, toujours plus longtemps, toujours plus intensément. L'un l'épaule, l'autre l'apaise. L'un est constant, l'autre rassurant. L'un a les mains douces de celui qui ne tient ejtre ses doigts que tissus délicats et aiguilles, l'autre les a vivantes et calleuses, à force de combat et de vie dure.
Pourtant, l'idée qui l'obsède est que c'est le second qui lui a confié quelques mots de ses contrées. Que c'est les bras du second qui lui ont procuré un sentiment de protection intense. Que c'est au second qu'elle songe, quand elle regarde s'endormir le premier. Mais elle ne fera rien d'autre, cette nuit-là, que de se lever silencieusement pour aller prendre la plume. Elle laissera le premier s'apaiser avec ses songes rêvés pour mieux se souvenir du second et de ses étoiles.
Elle n'a rien dit à Elias, de sa rencontre avec le Cosaque. Elle n'a rien dit à Atro de sa rencontre avec le Cosaque. Seule Mahi a vu, deviné, su. Mais Mahi ne dira rien. Alors Eliance garde ces rencontres, ces souvenirs, comme un trésor précieux qui peut s'évanouir à tout moment si on n'y prend pas assez garde.
Elle l'aime. C'est indubitable. Comme elle aime chacun de ses maris choisis. Comme elle aime chaque homme qui entre dans sa vie. Comme elle aime tout le monde, si on écoute ce qu'en dit Atro. Elle le trouve beau, le Russe, dans sa simplicité, dans sa carrure frêle, dans son teint pâle, dans ses manières qui rappellent sans cesse qu'il n'est pas homme de la terre. Mais elle le trouve lointain, aussi, parfois, quand il travaille le nez sur un galon, quand il mange sa soupe sans la regarder, quand il lui parle comme il parlerait peut-être à une autre.
Elle le trouve lointain depuis qu'un autre a été plus franc, plus direct. Depuis qu'un autre lui a apposé des mots incompréhensifs mais qui reflètent l'âme. Elle le trouve lointain, depuis qu'elle se prend à se demander ce qu'ont en commun ces deux hommes qui viennent du même coin du monde mais qui semblent si différents. L'un est jeune, l'autre moins. L'un est pâle, l'autre a la peau tannée. L'un est frêle, l'autre passe difficilement les portes. L'un lui a appris à vivre mieux, l'autre l'encourage à vivre toujours plus fort, toujours plus longtemps, toujours plus intensément. L'un l'épaule, l'autre l'apaise. L'un est constant, l'autre rassurant. L'un a les mains douces de celui qui ne tient ejtre ses doigts que tissus délicats et aiguilles, l'autre les a vivantes et calleuses, à force de combat et de vie dure.
Pourtant, l'idée qui l'obsède est que c'est le second qui lui a confié quelques mots de ses contrées. Que c'est les bras du second qui lui ont procuré un sentiment de protection intense. Que c'est au second qu'elle songe, quand elle regarde s'endormir le premier. Mais elle ne fera rien d'autre, cette nuit-là, que de se lever silencieusement pour aller prendre la plume. Elle laissera le premier s'apaiser avec ses songes rêvés pour mieux se souvenir du second et de ses étoiles.
Elle n'a rien dit à Elias, de sa rencontre avec le Cosaque. Elle n'a rien dit à Atro de sa rencontre avec le Cosaque. Seule Mahi a vu, deviné, su. Mais Mahi ne dira rien. Alors Eliance garde ces rencontres, ces souvenirs, comme un trésor précieux qui peut s'évanouir à tout moment si on n'y prend pas assez garde.
Citation:
- Ce que vous appeler couardise, je préfère la nommer honneur, respect, abnégation. Vous avez fait, si, tant de choses pour moi. Vous m'avez regardé d'une certaine manière, parlé avec une telle franchise, laissé vivre mes choix avec tant de panache. Vous m'avez soigné et laissé repartir sans un mot alors que vos rêves étaient tout autre. Vous avez su vous faire haïr pour mon bien, sans doute. Vous avez su vous effacer pour le vôtre. Mais tout ça, je ne l'oublie pas. Soyez-en assuré. Tout ça ne fait qu'ajouter à notre passé une note plus étrange, plus captivante.
J'ai peur de ma route. J'ai peur de mes choix. La liberté coûte le repos de l'âme. Un prisonnier a la sienne entièrement libre. Il peut rêver, s'appuyer sur les autres, se laisser flotter à la vie, simplement. Comment savoir que nos choix sont les bons ? Comment ne pas regretter ces décisions prises chaque jour ? Comment faites-vous pour sembler si serein dans vos actes ? Parfois, je regrette d'être partie, de ne pas avoir suivi la vie que mon père avait choisi pour moi.
Vous partez. Toujours. Je ne vous en veux pas. Je sais pourquoi. J'aimerai n'être que légèreté, pour vous. Je n'aime pas l'idée que vous puissiez repartir plus lourd que vous n'êtes venu. J'ai toujours peur que nos rencontres vous emmenent plus rapidement vers la tombe, qu'elles vous coûtent trop d'énergie, trop d'effort pour oublier. Dites-moi la vérité. Aimez-vous nos rencontres ? Rêvez-vous de me revoir ou de m'oublier ? Ne réfléchissez pas à ça, répondez simplement. Répondez-moi en votre âme et conscience. Laissez tomber le reste. Je veux seulement savoir la vérité brute.
Pourquoi me serais-je terrée à Mâcon ? Je n'ai rien à me reprocher. Votre Duchesse me croit brigande. Votre admirateur blond me croit brigande. Vous, vous savez la vérité. Est-ce qu'avoir les amis que j'ai fait de moi une brigande ? Je ne vole pas aux pauvres gens. Je ne tue pas les pauvres gens. Mais qualifier un étranger de brigand est tellement facile. Je ne regrette rien. Je vous ai vu. Au hasard d'une de ces rencontres que votre destin ou vous aimez provoquer. Peut-être serait-ce mon hasard, qui provoquera la suivante. Qui sait...
Vos mots me font réfléchir. Plus que jamais. Vous croyez en moi comme jamais personne n'y a cru. Je ne me sens pas capable de tout ce que vous dites. Je ne me sens pas le pouvoir de changer les choses. Ni de faire le bien. J'essaie de comprendre. Mais les étoiles ne sont pas très causantes. Elles n'indiquent aucun chemin. Et si je les regarde trop longtemps, elles semblent me narguer devant mon ignorance. Ca m'agace.
Il n'y aura pas de concours de cicatrices. Vous gagneriez haut la main. Vous comme moi le savons. Ou alors, il faudrait que j'ai un sacré accident entre temps. À moins que certaines invisibles puissent être comptabilisées, je n'ai aucune chance de vous battre.
J'ai songé à vous demander que veulent dire ces mots étranges et inconnus que vous tracez dans vos dernières lettres. J'y renonce. Je préfère qu'ils gardent leur mystère. Ca les rend plus beaux encore.
Faites attention à vous. Quoique vous en pensiez. Vous comptez.
E.
Torvar
Il est arrivé au petit matin, dans la grisaille et le crachin d'octobre. Ne tenant plus en place la veille, il a scellé Vorobeï, payé rubis sur ongle ce qu'il devait et il a repris la route. Et à quelques lieues de Chalon il a bien failli tirer sur les brides de sa monture pour faire machine arrière... galoper en direction de Mâcon et aller prendre ce qu'il pense lui appartenir... Mais un souffle glacial est venu mettre un frein à son désir, l'obligeant à mettre pied à terre et trouver un abri pour lui et son vieux compagnon à quatre pattes. Et les heures se sont égrainés jusque tard dans la nuit. Aux premières lueurs du jour, Torvar a repris sa route pour Dijon. Le froid s'était retiré vers d'autres horizons et voyant cela comme un signe, le cosaque était revenu à la raison... un autre jour peut être mais pas aujourd'hui... non aujourd'hui, il se devait de retourner auprès de sa petite-fille.
L'auberge qui accueillait les cosaques n'était pas des plus rutilantes et c'était très bien ainsi. Les vieilles habitudes revenaient au galop ces derniers temps et Torvar se sentait mieux ainsi, toujours un peu plus éloigné de son titre de seigneur qui pourtant, aux dires d'Eliance, lui allait bien... Lui en était de moins en moins certain. Trop distant avec les affaires politiques, encore plus des manigances du pouvoir, il n'aimait pas ce qu'il voyait depuis des semaines voir des mois... un certain ras-le-bol, une envie de tout plaquer et vous obteniez un cosaque sur le fil du rasoir. Si en plus, il était agité de sentiments profonds et torturés alors le résultat risquait de devenir détonnant. Pour l'heure, seule la gamine le préoccupait.
Entrant dans la chambre alors que les premières lueurs de jour pointaient, il se dirigea vers le lit de l'enfant, posa une main sur son front pour chercher si la fièvre était toujours à l'ordre du jour avant de le caresser avec douceur, prenant soin de remettre quelques mèches rebelles qui s'échappaient dans toutes les directions. La porte s'entrouvrit alors. Le visage marqué par la lassitude du cosaque se tourna pour voir qui osait pénétrer dans ce sanctuaire de tranquillité et immédiatement, Torvar se détendit, un mouvement du menton afin de saluer l'arrivée de Drobomir qui lui, tenait dans sa main deux plis et les lui tendit.
Le premier qui fut lu n'était autre que celui de Maryah. L'espoir que Percy fut retrouvé lui fit rater un battement de cur mais le visage se ferma, le regard se fit noir et les dents grincèrent malgré elles. En quelques mots, l'Epicée venait d'humilier Drobomir et les siens, en quelques lignes elle avait anéanti tout espoir qu'un jour, tout se passe au mieux entre elle et eux... Torvar posa un regard d'une tristesse infinie sur son cousin et murmura "izvinite" en laissant sa main reposer sur l'épaule de ce dernier, serrant ses doigts comme pour l'obliger à relever la tête qui s'était baissée.
Toujours entre deux mondes, Torvar comprenait que Maryah puisse en vouloir aux siens d'avoir laissé son enfant fuir loin d'eux mais refuser à un cosaque de réparer alors qu'il avait reçu pour cela un châtiment des plus cruels... Drobomir porterait à jamais les traces de dix coups de fouet sans avoir pu laver son honneur... Un gout amer se répandit dans la bouche du cosaque. Il fit alors un signe dans la direction de Cecy à celui qui portait des linges propres afin de lui faire la toilette tandis que lui-même allait se poster dans un fauteuil, à l'opposé de la pièce. Prendre connaissance du second courrier lui devenait vital à cet instant et chaque mot fut lui et relut plusieurs fois pour mieux s'en imprégner... A chaque fois qu'il dévorait une lettre d'Eliance, cela le retournait de façon irrationnelle mais en même temps, elle l'assagissait. Parce qu'il savait à ce moment-là que le fil tendu entre elle et lui existait, parce que c'était leur façon à eux de défier le monde et d'être plus unis que jamais, parce que pour rien au monde il aurait voulu détruire tout ceci. Loin, perdus au milieu des tempêtes, elle était là pour lui rappeler que lui aussi était humain, qu'il avait le droit de ressentir bien des choses et d'arrêter de s'enfermer dans une tour dont il aurait volontairement perdu la clé.
Fermant les yeux, Torvar laissa la mélancolie le pénétrer, s'immiscer dans ses veines, remontrer jusqu'aux palpitations de son cur, prendre à bras le corps son âme afin de lui offrir une nouvelle danse. Et puis le besoin de lui répondre, là de suite, se fit impérieux comme si l'air allait lui manquait s'il ne s'exécutait pas... un vélin, son encre préféré et déjà, le cosaque était installé près de la cheminée qui ronronnait sereinement dans la pièce.
La peur est un sentiment que nous connaissons tous. Certains plus fortement que d'autres mais ne croyez pas que je ne sache pas ce que c'est. L'on m'a enseigné depuis ma plus tendre enfance à mesurer les dangers, évaluer ce qui pouvait être bon ou mauvais pour moi et pour les miens. Il m'arrive encore aujourd'hui de me tromper, de prendre un mauvais chemin, de m'enfoncer dans les méandres de l'irrationnel et d'en ressentir une angoisse qui me paralyse... Dans ces moments-là, je ferme les yeux et je chasse bien loin ce sentiment. De toute manière, lorsqu'on ressent cela, il est trop tard, le destin est déjà en marche...
Vous le savez aussi bien que moi, on a toujours le choix, bon ou mauvais, on a toujours le choix. Il faut écouter son cur et sa raison pour mieux avancer Eliance et rester en accord avec ses principes et surtout sa petite âme. Elle mérite d'être apaisée et en accord avec soi-même. Vous avez peur de faire les mauvais choix alors demandez-vous si, tout simplement, votre vie d'aujourd'hui n'est-elle pas mieux que celle d'avant, si vous souriiez plus, si vous osez plus, si vous pardonnez plus... tout ceci est important et vous saurez si votre route est meilleure que celle d'autrefois. Oh il y aura bien des jours bons et des jours qui seront plus gris que d'autres mais peu importe après tout, vous êtes là où vous avez choisi d'être sinon vous ne seriez plus de ce monde. D'une façon ou d'une autre, vous auriez appelé la mort pour qu'elle vous prenne dans son sillage. Lorsqu'on n'y croit plus, on sait que cela ne sert plus à rien de se battre.
Concernant la liberté, elle fait mal. Ce n'est pas quelque chose que l'on attrape et que l'on garde au fond de la poche en se le tenant pour acquis. La liberté ça se mérite, ça se gagne, ça s'arrache aux prix d'innombrables sacrifices. Pour être libre et en ressentir les bienfaits, il faut avoir souffert au plus profond de sa chair, de son âme, de ce qui fait de nous des hommes. Vous en prenez conscience, vous dessinez les contours de ce que je suis depuis la nuit des temps... Mon peuple vit libre au prix du sang et de la mort... et c'est très cher payé mais cela ne nous viendrait pas à l'idée d'y renoncer... non, jamais... Mes ancêtres se sont battus pour cela, je ne pourrais pas me regarder en face si je les déshonorais en devenant autre chose que ce que je suis. Vous me direz que c'est paradoxal vu que je suis vassal de quelqu'un mais quelqu'un qui me connait et me laisse agir à ma guise... le jour où cela n'ira plus, je repartirais comme je suis venu. C'est aussi cela la liberté Eliance, savoir s'en aller lorsque c'est le bon moment.
Comme lorsque je pars loin de vous... les rares instants que l'on s'accorde à être ensemble sont un privilège que je chéris. Et c'est ainsi, on sait que l'on aimerait plus mais il ne sert à rien de sacrifier les autres pour son propre bonheur. Si nous faisions cela, nous ne réussirions qu'à nous en vouloir et nous détester. Alors il vaut mieux se lever et s'en aller même si le pas se fait lourd, si le cur se serre, si le manque d'air se fait sentir... on ne doit pas regarder en arrière et surtout ne pas céder... vous et moi c'est ainsi. Je garde chaque rencontre comme un précieux trésor que la vie m'accorde, je garde en mémoire vos sourires et vos regards, je fais abstraction du reste et j'oublie que vous ne m'appartenez point... qu'un autre vous entoure de ses bras, qu'un autre vous regarde le soir au moment de vous coucher, qu'un autre sait comment vous êtes au réveil, ce qui vous rend triste ou gaie, ce que vous aimez ou pas... tout ceci n'a pas d'importance au final parce que je suis plus riche que lui... je savoure mes souvenirs avec tant de préciosité que rien ne pourra me les arracher et si je devais mourir demain, je le ferais dans la joie d'avoir rencontré ce petit supplément d'âme qui ravit tant la mienne. Et en lisant ces lignes, vous saurez au fond de vous ce qu'il en est... Oser me demander si je rêve de vous revoir ou de vous oublier tandis que je suis venu à Macon juste pour recroiser votre route... ma réponse a été nette, franche et sans appel... je vous l'ai donné lorsque nous nous sommes revus. Ne vous posez donc pas tant de questions Eliance alors que vous en avez chaque clé. Et surtout ne croyez pas que cela me mine au point de penser ne plus vous revoir... Si demain vous me donniez rendez-vous à l'autre bout du royaume, j'irais sans aucune hésitation juste pour avoir le bonheur de poser ne serait-ce qu'une fois encore sur votre joue et vous entendre dire mon nom... Je n'ai pas l'intention de quitter ce monde comme ça parce que vous ne m'appartenez pas. Oh non, je vais continuer à me battre, espérant qu'il y aura encore d'autres rencontres, d'autres chemins, d'autres étoiles qui nous mèneront à nous revoir. Et vous alors Eliance, désirez-vous me revoir ou bien ces rencontres fortuites ou non vous font du mal ?
Vous me demandez comme j'en suis à être serein dans mes actes, peut être tout simplement parce que certains sont commis pour rendre justice à quelqu'un, parce que d'autres le sont pour la liberté d'autrui que je défends ou bien tout simplement parce que je reste en accord avec mes principes. Et d'autres tout simplement parce que j'en ai besoin... c'est comme l'air que je respire, l'eau à laquelle je m'abreuve... c'est un tout qui fait que je suis ce que je suis hier comme aujourd'hui.
La duchesse croit, laissez-là croire ce qu'elle veut. De toute manière, je gage qu'elle ne sera jamais à même de changer d'avis. On l'a dit plutôt intransigeante, bornée et peu à l'écoute des autres donc c'est comme pisser sur ses parterres de fleurs devant son château, ça ne sert à rien... Et si cela fait de vous une brigande, alors vous êtes une mercenaire tout comme moi de vous retrouver à mes côtés avec un petit je-ne-sais-quoi de noble puisque je suis affublé d'un titre... joli parcours que vous avez l'a Dikaya koshka.
Quant à ces mots... je sais que vous pourriez demander facilement la traduction. Romanov vous la dirait sans problème mais là encore, c'est un lien qui nous unit vous et moi, que vous semblez vouloir garder rien que pour nous... faites-en bon usage, gardez-les comme un précieux trésor et un jour vous les comprendrez... je vous les ai déjà confié dans votre langue à vous mais pour une fois, je voulais que cela soit vous qui entriez dans mon monde... juste un petit peu...
T.
L'auberge qui accueillait les cosaques n'était pas des plus rutilantes et c'était très bien ainsi. Les vieilles habitudes revenaient au galop ces derniers temps et Torvar se sentait mieux ainsi, toujours un peu plus éloigné de son titre de seigneur qui pourtant, aux dires d'Eliance, lui allait bien... Lui en était de moins en moins certain. Trop distant avec les affaires politiques, encore plus des manigances du pouvoir, il n'aimait pas ce qu'il voyait depuis des semaines voir des mois... un certain ras-le-bol, une envie de tout plaquer et vous obteniez un cosaque sur le fil du rasoir. Si en plus, il était agité de sentiments profonds et torturés alors le résultat risquait de devenir détonnant. Pour l'heure, seule la gamine le préoccupait.
Entrant dans la chambre alors que les premières lueurs de jour pointaient, il se dirigea vers le lit de l'enfant, posa une main sur son front pour chercher si la fièvre était toujours à l'ordre du jour avant de le caresser avec douceur, prenant soin de remettre quelques mèches rebelles qui s'échappaient dans toutes les directions. La porte s'entrouvrit alors. Le visage marqué par la lassitude du cosaque se tourna pour voir qui osait pénétrer dans ce sanctuaire de tranquillité et immédiatement, Torvar se détendit, un mouvement du menton afin de saluer l'arrivée de Drobomir qui lui, tenait dans sa main deux plis et les lui tendit.
Le premier qui fut lu n'était autre que celui de Maryah. L'espoir que Percy fut retrouvé lui fit rater un battement de cur mais le visage se ferma, le regard se fit noir et les dents grincèrent malgré elles. En quelques mots, l'Epicée venait d'humilier Drobomir et les siens, en quelques lignes elle avait anéanti tout espoir qu'un jour, tout se passe au mieux entre elle et eux... Torvar posa un regard d'une tristesse infinie sur son cousin et murmura "izvinite" en laissant sa main reposer sur l'épaule de ce dernier, serrant ses doigts comme pour l'obliger à relever la tête qui s'était baissée.
Toujours entre deux mondes, Torvar comprenait que Maryah puisse en vouloir aux siens d'avoir laissé son enfant fuir loin d'eux mais refuser à un cosaque de réparer alors qu'il avait reçu pour cela un châtiment des plus cruels... Drobomir porterait à jamais les traces de dix coups de fouet sans avoir pu laver son honneur... Un gout amer se répandit dans la bouche du cosaque. Il fit alors un signe dans la direction de Cecy à celui qui portait des linges propres afin de lui faire la toilette tandis que lui-même allait se poster dans un fauteuil, à l'opposé de la pièce. Prendre connaissance du second courrier lui devenait vital à cet instant et chaque mot fut lui et relut plusieurs fois pour mieux s'en imprégner... A chaque fois qu'il dévorait une lettre d'Eliance, cela le retournait de façon irrationnelle mais en même temps, elle l'assagissait. Parce qu'il savait à ce moment-là que le fil tendu entre elle et lui existait, parce que c'était leur façon à eux de défier le monde et d'être plus unis que jamais, parce que pour rien au monde il aurait voulu détruire tout ceci. Loin, perdus au milieu des tempêtes, elle était là pour lui rappeler que lui aussi était humain, qu'il avait le droit de ressentir bien des choses et d'arrêter de s'enfermer dans une tour dont il aurait volontairement perdu la clé.
Fermant les yeux, Torvar laissa la mélancolie le pénétrer, s'immiscer dans ses veines, remontrer jusqu'aux palpitations de son cur, prendre à bras le corps son âme afin de lui offrir une nouvelle danse. Et puis le besoin de lui répondre, là de suite, se fit impérieux comme si l'air allait lui manquait s'il ne s'exécutait pas... un vélin, son encre préféré et déjà, le cosaque était installé près de la cheminée qui ronronnait sereinement dans la pièce.
La peur est un sentiment que nous connaissons tous. Certains plus fortement que d'autres mais ne croyez pas que je ne sache pas ce que c'est. L'on m'a enseigné depuis ma plus tendre enfance à mesurer les dangers, évaluer ce qui pouvait être bon ou mauvais pour moi et pour les miens. Il m'arrive encore aujourd'hui de me tromper, de prendre un mauvais chemin, de m'enfoncer dans les méandres de l'irrationnel et d'en ressentir une angoisse qui me paralyse... Dans ces moments-là, je ferme les yeux et je chasse bien loin ce sentiment. De toute manière, lorsqu'on ressent cela, il est trop tard, le destin est déjà en marche...
Vous le savez aussi bien que moi, on a toujours le choix, bon ou mauvais, on a toujours le choix. Il faut écouter son cur et sa raison pour mieux avancer Eliance et rester en accord avec ses principes et surtout sa petite âme. Elle mérite d'être apaisée et en accord avec soi-même. Vous avez peur de faire les mauvais choix alors demandez-vous si, tout simplement, votre vie d'aujourd'hui n'est-elle pas mieux que celle d'avant, si vous souriiez plus, si vous osez plus, si vous pardonnez plus... tout ceci est important et vous saurez si votre route est meilleure que celle d'autrefois. Oh il y aura bien des jours bons et des jours qui seront plus gris que d'autres mais peu importe après tout, vous êtes là où vous avez choisi d'être sinon vous ne seriez plus de ce monde. D'une façon ou d'une autre, vous auriez appelé la mort pour qu'elle vous prenne dans son sillage. Lorsqu'on n'y croit plus, on sait que cela ne sert plus à rien de se battre.
Concernant la liberté, elle fait mal. Ce n'est pas quelque chose que l'on attrape et que l'on garde au fond de la poche en se le tenant pour acquis. La liberté ça se mérite, ça se gagne, ça s'arrache aux prix d'innombrables sacrifices. Pour être libre et en ressentir les bienfaits, il faut avoir souffert au plus profond de sa chair, de son âme, de ce qui fait de nous des hommes. Vous en prenez conscience, vous dessinez les contours de ce que je suis depuis la nuit des temps... Mon peuple vit libre au prix du sang et de la mort... et c'est très cher payé mais cela ne nous viendrait pas à l'idée d'y renoncer... non, jamais... Mes ancêtres se sont battus pour cela, je ne pourrais pas me regarder en face si je les déshonorais en devenant autre chose que ce que je suis. Vous me direz que c'est paradoxal vu que je suis vassal de quelqu'un mais quelqu'un qui me connait et me laisse agir à ma guise... le jour où cela n'ira plus, je repartirais comme je suis venu. C'est aussi cela la liberté Eliance, savoir s'en aller lorsque c'est le bon moment.
Comme lorsque je pars loin de vous... les rares instants que l'on s'accorde à être ensemble sont un privilège que je chéris. Et c'est ainsi, on sait que l'on aimerait plus mais il ne sert à rien de sacrifier les autres pour son propre bonheur. Si nous faisions cela, nous ne réussirions qu'à nous en vouloir et nous détester. Alors il vaut mieux se lever et s'en aller même si le pas se fait lourd, si le cur se serre, si le manque d'air se fait sentir... on ne doit pas regarder en arrière et surtout ne pas céder... vous et moi c'est ainsi. Je garde chaque rencontre comme un précieux trésor que la vie m'accorde, je garde en mémoire vos sourires et vos regards, je fais abstraction du reste et j'oublie que vous ne m'appartenez point... qu'un autre vous entoure de ses bras, qu'un autre vous regarde le soir au moment de vous coucher, qu'un autre sait comment vous êtes au réveil, ce qui vous rend triste ou gaie, ce que vous aimez ou pas... tout ceci n'a pas d'importance au final parce que je suis plus riche que lui... je savoure mes souvenirs avec tant de préciosité que rien ne pourra me les arracher et si je devais mourir demain, je le ferais dans la joie d'avoir rencontré ce petit supplément d'âme qui ravit tant la mienne. Et en lisant ces lignes, vous saurez au fond de vous ce qu'il en est... Oser me demander si je rêve de vous revoir ou de vous oublier tandis que je suis venu à Macon juste pour recroiser votre route... ma réponse a été nette, franche et sans appel... je vous l'ai donné lorsque nous nous sommes revus. Ne vous posez donc pas tant de questions Eliance alors que vous en avez chaque clé. Et surtout ne croyez pas que cela me mine au point de penser ne plus vous revoir... Si demain vous me donniez rendez-vous à l'autre bout du royaume, j'irais sans aucune hésitation juste pour avoir le bonheur de poser ne serait-ce qu'une fois encore sur votre joue et vous entendre dire mon nom... Je n'ai pas l'intention de quitter ce monde comme ça parce que vous ne m'appartenez pas. Oh non, je vais continuer à me battre, espérant qu'il y aura encore d'autres rencontres, d'autres chemins, d'autres étoiles qui nous mèneront à nous revoir. Et vous alors Eliance, désirez-vous me revoir ou bien ces rencontres fortuites ou non vous font du mal ?
Vous me demandez comme j'en suis à être serein dans mes actes, peut être tout simplement parce que certains sont commis pour rendre justice à quelqu'un, parce que d'autres le sont pour la liberté d'autrui que je défends ou bien tout simplement parce que je reste en accord avec mes principes. Et d'autres tout simplement parce que j'en ai besoin... c'est comme l'air que je respire, l'eau à laquelle je m'abreuve... c'est un tout qui fait que je suis ce que je suis hier comme aujourd'hui.
La duchesse croit, laissez-là croire ce qu'elle veut. De toute manière, je gage qu'elle ne sera jamais à même de changer d'avis. On l'a dit plutôt intransigeante, bornée et peu à l'écoute des autres donc c'est comme pisser sur ses parterres de fleurs devant son château, ça ne sert à rien... Et si cela fait de vous une brigande, alors vous êtes une mercenaire tout comme moi de vous retrouver à mes côtés avec un petit je-ne-sais-quoi de noble puisque je suis affublé d'un titre... joli parcours que vous avez l'a Dikaya koshka.
Quant à ces mots... je sais que vous pourriez demander facilement la traduction. Romanov vous la dirait sans problème mais là encore, c'est un lien qui nous unit vous et moi, que vous semblez vouloir garder rien que pour nous... faites-en bon usage, gardez-les comme un précieux trésor et un jour vous les comprendrez... je vous les ai déjà confié dans votre langue à vous mais pour une fois, je voulais que cela soit vous qui entriez dans mon monde... juste un petit peu...
T.
Eliance
Tout a repris son court normal. Tout ou presque. Un secret est en train d'être monté, lentement mais sûrement, comme un blanc duf battu avec opiniâtreté va finir neigeux. Ce secret-là se crée, à coup de lettre reçue, de confidence notée, de réponse envoyée. Un secret si léger à porter. Un secret qui a un goût sucré.
Elles sont une parenthèse dans ses journées. Et il lui faut s'absenter de sa tâche, s'égarer au coin d'une rue, déserter quelque conversation ou quelque compagnie pour bénéficier entièrement de ce qu'elles contiennent. Le secret ne se partage pas. Il se savoure égoïstement. Seule. Pour être ensuite enfoui dans une certaine boîte en bois où, normalement, personne ne fouille jamais. La boîte à secret. La boîte à tourments. Cette boîte renferme les paroles les plus intimes des hommes de sa vie. Cette boîte est sa vie.
Les mots de Diego, d'Elias et de Torvar s'y côtoient sans honte, révélant chacun à leur manière quelle Eliance est la leur. Souvent, quand quelque turpitude surgit, c'est vers cette boîte que la roussi-blonde se tourne, avant même de causer à Atro, de se piniouffer avec elle ou de rêver de falaise. Certaines lettres, plus lues que d'autres, ont les plis marqués de celles consultées souvent. D'autres sont seulement conservées dans un sentiment étrange de besoin. Les lettres tranchantes du Cosaque sont de celles-là. Jamais relues, mais jamais loin non plus. Eliance ne les déplie jamais. Elle les passe, sachant que trop bien ce qu'elles contiennent. Elle les garde, comme pour les contredire.
Celle qui vient d'être lue à l'instant, alors que les mains pâles sont encore humides de l'eau du lavoir, sera relue souvent, sans aucun doute. Eliance n'a pas pris le temps de retirer son linge de l'eau. Ni de repousser les boucles agitées par le décrassage qui ont envahi son visage. Le tout a été abandonné tel quel, quand le messager lui a confié une nouvelle partie du secret. Et c'est avec une hâte d'enfant que la roussi-blonde a déplié le papier, tandis que ses fesses prenaient appui sur les jambes déjà repliées sur elles-même. Il n'y a pas de position adéquate, pour partager un secret. Ni de moment adéquat. Il n'y a que l'aubaine de lire, de rougir des mots couchés là, d'en sourire, de devenir Dikaya koshka pour quelques minutes.
À cet instant, les regards scrutateurs braqués sur elle importent peu à Eliance. Elle se fiche des laveuses alentour détaillant celle qui abandonne son linge nonchalamment en pleine flotte et qui s'est saisie d'un papier et d'une mine de plomb, pour écrire à même ses jambes. Tout ça n'atteint pas Dikaya koshka. Elle est Dikaya koshka. Forte. Libre. indépendante.
- Dikaya koshka
Elles sont une parenthèse dans ses journées. Et il lui faut s'absenter de sa tâche, s'égarer au coin d'une rue, déserter quelque conversation ou quelque compagnie pour bénéficier entièrement de ce qu'elles contiennent. Le secret ne se partage pas. Il se savoure égoïstement. Seule. Pour être ensuite enfoui dans une certaine boîte en bois où, normalement, personne ne fouille jamais. La boîte à secret. La boîte à tourments. Cette boîte renferme les paroles les plus intimes des hommes de sa vie. Cette boîte est sa vie.
Les mots de Diego, d'Elias et de Torvar s'y côtoient sans honte, révélant chacun à leur manière quelle Eliance est la leur. Souvent, quand quelque turpitude surgit, c'est vers cette boîte que la roussi-blonde se tourne, avant même de causer à Atro, de se piniouffer avec elle ou de rêver de falaise. Certaines lettres, plus lues que d'autres, ont les plis marqués de celles consultées souvent. D'autres sont seulement conservées dans un sentiment étrange de besoin. Les lettres tranchantes du Cosaque sont de celles-là. Jamais relues, mais jamais loin non plus. Eliance ne les déplie jamais. Elle les passe, sachant que trop bien ce qu'elles contiennent. Elle les garde, comme pour les contredire.
Celle qui vient d'être lue à l'instant, alors que les mains pâles sont encore humides de l'eau du lavoir, sera relue souvent, sans aucun doute. Eliance n'a pas pris le temps de retirer son linge de l'eau. Ni de repousser les boucles agitées par le décrassage qui ont envahi son visage. Le tout a été abandonné tel quel, quand le messager lui a confié une nouvelle partie du secret. Et c'est avec une hâte d'enfant que la roussi-blonde a déplié le papier, tandis que ses fesses prenaient appui sur les jambes déjà repliées sur elles-même. Il n'y a pas de position adéquate, pour partager un secret. Ni de moment adéquat. Il n'y a que l'aubaine de lire, de rougir des mots couchés là, d'en sourire, de devenir Dikaya koshka pour quelques minutes.
À cet instant, les regards scrutateurs braqués sur elle importent peu à Eliance. Elle se fiche des laveuses alentour détaillant celle qui abandonne son linge nonchalamment en pleine flotte et qui s'est saisie d'un papier et d'une mine de plomb, pour écrire à même ses jambes. Tout ça n'atteint pas Dikaya koshka. Elle est Dikaya koshka. Forte. Libre. indépendante.
Citation:
- J'entre dans votre monde, à chaque fois que je vois vos mots écris. À chaque fois que j'entends votre voix. J'entre dans votre monde quand je lis votre entièreté, votre indépendance, votre constance, votre dureté associée à cet aveu que vous n'êtes pas plus fort qu'un autre. Je suis stupide. Je ne parviens pas à vous imaginer angoissé. Ni faible. Ni défaillant. Peut-être que si un jour je vois vos blessures, je me rendrai compte que vous pouvez l'être. Je me rendrai compte qu'une lame a le même effet chez vous que chez moi. Qu'un mot trop dur aussi. Ou un manque. Un regret. Je vous vois si fort. Je sais ça stupide. Mais c'est ainsi.
Je vous remercie. Vous avez répondu à ma question. Même si vous avez raison. Je l'avais avant de la lire. Seulement, je ne sais jamais si mon instinct me dicte les bonnes réponses ou non. Je préfère toujours m'en assurer auprès du concerné. Je voulais être sûre. Je le suis. Et, puisque vous me le demandez à votre tour, je m'en vais vous répondre au mieux.
J'ai eu peur, en vous voyant. Peur de ressentir les souvenirs, peur que vous me soyez insultant, comme dans certaines lettres. J'ai eu peur de ne pas savoir vous affronter, tout simplement. Et puis, finalement, plus les heures passaient et plus tout ça s'évanouissait. Je n'ai ressenti qu'un bien-être profond. Vous savez, cette chose qui se produit quand on parle. Quand vous me regardez. Quand un sourire vous échappe. Je suis heureuse de vous avoir vu. Je suis heureuse de vous lire. Je suis heureuse de vous écrire. Je suis heureuse que le souvenir que je vous ai offert vous ai plu. Qu'il reste gravé en vous. Je suis heureuse, de notre secret.
Ce matin, j'ai été réveillée en fanfare : me voilà en procès pour être l'amie de Mike. Et pour quelque raison obscure pas franchement édictée dans l'acte d'accusation. Je crois qu'un autre jour, j'aurais eu peur. Je crois qu'un autre jour, je ne serais pas allée au tribunal aussi sereinement. Aujourd'hui, j'y suis allée sûre de moi, sans trembler, sans être impressionnée par le juge. Ni par le procureur. Je ne ferais appel à aucun témoin. Je vais gérer seule. Je n'ai pas besoin de vous expliquer pourquoi, je me suis sentie si « guerrière ». Je voulais seulement vous le dire.
Et puis, l'armée a déserté Mâcon. Le chef d'armée et nouveau maire aussi. La ville est à nouveau sans gérance ! Je n'ai jamais vu autant de n'importe quoi dans un duché. Au moins, nous, on la faisait vivre ! On n'est pas parti, encore. On n'a pas dit notre dernier mot.
Et vous ? Racontez-moi ? Pas d'ennuis sur les chemins ? Vous êtes enfin arrivé auprès de votre petite-fille ?
Je crois que je me sens libre. Je crois que vous m'apprenez, à force de discussion, le sens de ce mot. Et j'aime votre manière de voir les choses. J'aime que vous vous sentiez chanceux de notre secret. J'aime à vous imaginer espérer les étoiles, encore. Ça vous va bien mieux que de parler de votre fin, des années passées.
J'entre dans votre monde.
Dikaya koshka
Torvar
Les étoiles dansaient, là-haut dans le ciel. L'une se blottissait contre sa voisine, l'autre s'échappait... Torvar, les yeux rivés à cet étrange spectacle ne pouvait que l'admirait. Sa grand-mère Töregene avait raison, on apprenait toujours des étoiles... Dommage que lui-même n'ait pas le don qu'elle avait, il aurait su y lire son avenir. L'enchanteresse qu'elle était savait tant de choses qu'il ignorait et qu'il ignorerait toujours. Il n'était qu'un homme et certains jours comme cette nuit, elle lui manquait. Son regard se posa sur sa petite-fille qui dormait dans la chambrée. Sa respiration était redevenue plus calme et moins sifflante. Les yeux du cosaque admirèrent le petit visage ainsi reposé et la ressemblance avec la vieille femme le frappa encore plus soudainement que la première fois qu'il avait croisé le chemin de Cecy. Voilà d'où venait ce sentiment qui l'enveloppait lorsqu'il était avec elle... le père de la gamine faisait partie de la même peuplade que sa grand-mère... Mais où Kallista avait-elle trouvé l'occasion de le rencontrer et pourquoi Matveï avait-il laissé faire les choses ? Torvar comprenait bien des choses avec retard mais il comprenait...
Reportant son attention sur les étoiles, il chercha une réponse au vide qu'il ressentait bien trop souvent. Parfois, le cosaque avait l'impression que ses pas étaient inutiles, que rien ne lui montrerait la voie à suivre, qu'il était voué à rester solitaire dans ce monde qui n'était pas fait pour lui... mais au détour d'un chemin complexe, il lui arrivait de rencontrer un petit bonheur auquel son coeur s'accrochait sans vergogne. Cecy en faisait partie parce qu'elle était entrée dans sa vie en la chamboulant, comme une petite furie qu'elle était mais il y avait aussi Percy et sa mère Maryah qui avaient été son point d'ancrage durant de longs mois... aujourd'hui, le petit garçon avait renvoyé au visage de Torvar son incapacité à élever un enfant, allant même jusqu'à le fuir, portant son échec aux yeux de tous et surtout à ceux de sa mère, mère avec laquelle il n'y avait pas vraiment moyen de communiquer en dehors de leur capacité mutuelle à vouloir s'entretuer et puis il y avait Della, sa suzeraine. Femme de tête et amie de longue date, elle était de celles que l'on admire et ce n'était pas peu dire pour le cosaque, lui qui laissait souvent les femmes à leur rôle de mère ou d'épouse... et enfin, dernier bonheur depuis de longs mois déjà, Eliance. Ce bonheur là n'avait pas de nom ni même de spécificité. C'était un tout qui rendait le cosaque encore plus con que la moyenne... à son âge, sa capacité à perdre les pédales avec elle en devenait presque inquiétant mais avait-il une raison de laisser ce bonheur lui échapper ? Bien sûr que non, il était et surtout, le cosaque voulait qu'il le reste à jamais... ces petits moments rien qu'à lui et à elle, leur petit secret bien gardé et à jamais au creux de leur âme.
L'envie mais surtout le besoin de se sentir proche d'elle lui vrilla les entrailles si bien qu'il prit un vélin et de l'encre, s'installa à même le sol, le dos contre la cheminée qui ronronnait au creux de ses braises encore chaudes, le visage illuminé par la lueur des étoiles qui l'observaient.
Vous n'êtes pas stupide Dikaya koshka, vous ouvrez simplement les yeux sur le reste du monde. Comme une petite le ferait, vous apprenez que nous sommes tous des colosses aux pieds d'argile, que nous avons nos faiblesses et nos limites même si, pour la plupart des hommes, nous le cachons.
jamais je ne montrerais mes faiblesses, mes peurs, mes angoisses parce que l'on attend de moi que je sois fort, convaincant, meneur et que je prenne les sages décisions. Mais que l'on soit Khan ou Roy, soldat ou simple paysan, on est dévoré par les mêmes questions. Est-ce que je fais les bons choix, est-ce que je fais les choses avec justesse ? Tous ces petits tracas du quotidien qui rendent la vie impossible... Est-ce que je suis sur le bon chemin, est-ce que j'ai bien fais de faire cela ? Se poser les questions c'est choisir et choisir c'est réfléchir. Inconsciemment, vous faites le pour et le contre et donc vous avancer. Personne ne peut dire si telle chose est bonne ou pas... il n'y a qu'à la longue que l'on sait. Et encore, ce n'est pas toujours évident... Alors oui, je ne suis qu'un homme, un homme fait de doutes et de questions mais aussi de joies, de peur, d'angoisses, de rires et de tristesse. Je suis comme tout le monde même si, me voir invincible dans votre regard me plait assez... Quant à voir mes blessures, celles du corps ne sont pas belles Eliance et j'aurais peine à vous les montrer, ce n'est pas un spectacle des plus admiratifs... quant à celles de l'âme, elles ne sont guères mieux mais au moins, invisible à l'oeil inexpérimenté ce qui les rendent plus... tolérables.
Vous savez, vous pouvez me poser toutes les questions qui vous viennent à l'esprit. Si certaines me dérangent, je ferais l'impasse comme je l'ai toujours fait. Vous avez toujours eu ce don de me faire répondre même lorsque je ne le souhaitais pas. Sans doute avez-vous un don particulier... votre regard ou bien ce petit air de sorcellerie que l'on accorde aux boucles rousses ! C'est ce que l'on dit dans votre pays il me semble, que les rousses ont un pouvoir qui vient d'ailleurs, du malin et qu'elles savent tout sur tout. Voilà sans doute mon attirance pour ces femmes mystérieuses au regard scrutateur et à la capacité infinie de répandre un sentiment de crainte mêlé à celui du désir. Car nous le savons bien, tout ce qui est interdit devient convoitable dans l'esprit de l'homme, sans doute pour cela qu'il pense pouvoir conquérir tant de territoires interdits...mais je m'égare moi-même dans mes pensées douce Dikaya koshka... je m'égare et cela fait du bien d'oublier un peu ses soucis du quotidien qui me rongent un peu plus chaque jour... Tout comme vous entrez dans mon monde, j'essaie de créer une bulle où rien ne peut venir m'atteindre lorsque je suis avec vos côtés durant ce laps de temps où ma plume glisse sur le vélin, où je lis vos mots, où je pense à vous... je garde mes pensées rien que pour vous et je me ferme aux autres... Vous avez réussi ce petit miracle à vous toute seule, bien longtemps que je ne laissais plus ma vie être menée par autre chose que mon honneur ou mes convictions... merci de me rendre un peu humain Eliance.
Et soyez heureuse, heureuse et fière. Vous parlez de procès, j'en ai eu vent. Bien évidemment, la Bourgogne ne pouvait pas laisser Mike et ses complices sans jugement... Haute Trahison pour ceux qui s'en prennent aux terres et la duchesse doit frémir de ravissement que de savoir les jokers au tribunal. En ce qui vous concerne, j'en suis désolé. Vous avez le don de suivre vos amis dans leurs péripéties et voilà où ça vous mène. Je ne peux pas intercéder en votre faveur Dikaya koshka mais je peux vous offrir asile sur les terres de Cheny si vous le souhaitez. Ce n'est pas grand chose mais ça vous fera oublier quelques temps. Et puis vous ne risquerez rien, j'ai de bons gardes qui viennent de mon peuple et qui vous protégerons comme si vous étiez l'une des leurs... Pensez-y Eliance, gardez ce coin de terre dans votre tête et si un jour vous en ressentez le besoin ou simplement l'envie, venez.
Et pour répondre à votre question, je n'ai eu aucun souci à mon retour. Je l'ai d'ailleurs écrit à votre amie... la brune qui m'est tombée dessus en taverne l'autre soir... bref, je lui ai écris afin de lui dire que la route était dégagée... un petit mouvement de sympathie de ma part et parce qu'elle vous connaissez... ce fut très instructif et très agressif... elle est pire que moi mais je ne lui en veux pas, elle m'a dit avoir eu envie de passer ses nerfs, si ça peut lui faire du bien, je suis prévenu maintenant... donc pour en revenir à nos moutons, Vorobeï connait bien le chemin et sait les pièges à éviter... et puis les armées faisant des gardes, je pense que les chemins sont plus sûrs que certains petits villages qui sont pris d'assaut par des bandes de renégats... même si j'avoue que pour une fois, Mâcon a vécu des heures qui vont rester marqué dans les registres des paroisses ! Il ne manquait plus qu'un grand feu de joie au milieu de la place du bourg et ça aurait été parfait !
Quant à Cecy, elle va un peu mieux. Ce n'est pas encore gagné mais elle a mangé un peu de pain et bu du bouillon depuis mon retour. Je pense que la peur de me perdre lui a joué un mauvais tour. Si je venais à disparaitre, mon cousin Drobomir serait chargé de la ramener chez nous et dans son esprit d'enfant, elle doit avoir peur de ce monde inconnu. Mais qui n'en n'aurait point peur, il peut être effrayant de partir loin de ce que l'on connait et de recommencer sa vie. Vous en savez quelque chose Eliance, vous avez dû vous battre pour être celle que j'ai rencontré il y a de ça quelques jours. Mais vous ne m'avez jamais dis comment vous vous retrouvez Romanov désormais. Vous passez de la chaleur des terres du sud à la froidure des terres de l'est... qu'a-t-il donc de particulier cet homme pour avoir réussi là où j'ai échoué ?
Pardonnez mes questions qui sont sans doute déplacées mais ma curiosité est piquée au vif...
Mes pensées vous accompagnent Dikaya koshka
T.
Reportant son attention sur les étoiles, il chercha une réponse au vide qu'il ressentait bien trop souvent. Parfois, le cosaque avait l'impression que ses pas étaient inutiles, que rien ne lui montrerait la voie à suivre, qu'il était voué à rester solitaire dans ce monde qui n'était pas fait pour lui... mais au détour d'un chemin complexe, il lui arrivait de rencontrer un petit bonheur auquel son coeur s'accrochait sans vergogne. Cecy en faisait partie parce qu'elle était entrée dans sa vie en la chamboulant, comme une petite furie qu'elle était mais il y avait aussi Percy et sa mère Maryah qui avaient été son point d'ancrage durant de longs mois... aujourd'hui, le petit garçon avait renvoyé au visage de Torvar son incapacité à élever un enfant, allant même jusqu'à le fuir, portant son échec aux yeux de tous et surtout à ceux de sa mère, mère avec laquelle il n'y avait pas vraiment moyen de communiquer en dehors de leur capacité mutuelle à vouloir s'entretuer et puis il y avait Della, sa suzeraine. Femme de tête et amie de longue date, elle était de celles que l'on admire et ce n'était pas peu dire pour le cosaque, lui qui laissait souvent les femmes à leur rôle de mère ou d'épouse... et enfin, dernier bonheur depuis de longs mois déjà, Eliance. Ce bonheur là n'avait pas de nom ni même de spécificité. C'était un tout qui rendait le cosaque encore plus con que la moyenne... à son âge, sa capacité à perdre les pédales avec elle en devenait presque inquiétant mais avait-il une raison de laisser ce bonheur lui échapper ? Bien sûr que non, il était et surtout, le cosaque voulait qu'il le reste à jamais... ces petits moments rien qu'à lui et à elle, leur petit secret bien gardé et à jamais au creux de leur âme.
L'envie mais surtout le besoin de se sentir proche d'elle lui vrilla les entrailles si bien qu'il prit un vélin et de l'encre, s'installa à même le sol, le dos contre la cheminée qui ronronnait au creux de ses braises encore chaudes, le visage illuminé par la lueur des étoiles qui l'observaient.
Vous n'êtes pas stupide Dikaya koshka, vous ouvrez simplement les yeux sur le reste du monde. Comme une petite le ferait, vous apprenez que nous sommes tous des colosses aux pieds d'argile, que nous avons nos faiblesses et nos limites même si, pour la plupart des hommes, nous le cachons.
jamais je ne montrerais mes faiblesses, mes peurs, mes angoisses parce que l'on attend de moi que je sois fort, convaincant, meneur et que je prenne les sages décisions. Mais que l'on soit Khan ou Roy, soldat ou simple paysan, on est dévoré par les mêmes questions. Est-ce que je fais les bons choix, est-ce que je fais les choses avec justesse ? Tous ces petits tracas du quotidien qui rendent la vie impossible... Est-ce que je suis sur le bon chemin, est-ce que j'ai bien fais de faire cela ? Se poser les questions c'est choisir et choisir c'est réfléchir. Inconsciemment, vous faites le pour et le contre et donc vous avancer. Personne ne peut dire si telle chose est bonne ou pas... il n'y a qu'à la longue que l'on sait. Et encore, ce n'est pas toujours évident... Alors oui, je ne suis qu'un homme, un homme fait de doutes et de questions mais aussi de joies, de peur, d'angoisses, de rires et de tristesse. Je suis comme tout le monde même si, me voir invincible dans votre regard me plait assez... Quant à voir mes blessures, celles du corps ne sont pas belles Eliance et j'aurais peine à vous les montrer, ce n'est pas un spectacle des plus admiratifs... quant à celles de l'âme, elles ne sont guères mieux mais au moins, invisible à l'oeil inexpérimenté ce qui les rendent plus... tolérables.
Vous savez, vous pouvez me poser toutes les questions qui vous viennent à l'esprit. Si certaines me dérangent, je ferais l'impasse comme je l'ai toujours fait. Vous avez toujours eu ce don de me faire répondre même lorsque je ne le souhaitais pas. Sans doute avez-vous un don particulier... votre regard ou bien ce petit air de sorcellerie que l'on accorde aux boucles rousses ! C'est ce que l'on dit dans votre pays il me semble, que les rousses ont un pouvoir qui vient d'ailleurs, du malin et qu'elles savent tout sur tout. Voilà sans doute mon attirance pour ces femmes mystérieuses au regard scrutateur et à la capacité infinie de répandre un sentiment de crainte mêlé à celui du désir. Car nous le savons bien, tout ce qui est interdit devient convoitable dans l'esprit de l'homme, sans doute pour cela qu'il pense pouvoir conquérir tant de territoires interdits...mais je m'égare moi-même dans mes pensées douce Dikaya koshka... je m'égare et cela fait du bien d'oublier un peu ses soucis du quotidien qui me rongent un peu plus chaque jour... Tout comme vous entrez dans mon monde, j'essaie de créer une bulle où rien ne peut venir m'atteindre lorsque je suis avec vos côtés durant ce laps de temps où ma plume glisse sur le vélin, où je lis vos mots, où je pense à vous... je garde mes pensées rien que pour vous et je me ferme aux autres... Vous avez réussi ce petit miracle à vous toute seule, bien longtemps que je ne laissais plus ma vie être menée par autre chose que mon honneur ou mes convictions... merci de me rendre un peu humain Eliance.
Et soyez heureuse, heureuse et fière. Vous parlez de procès, j'en ai eu vent. Bien évidemment, la Bourgogne ne pouvait pas laisser Mike et ses complices sans jugement... Haute Trahison pour ceux qui s'en prennent aux terres et la duchesse doit frémir de ravissement que de savoir les jokers au tribunal. En ce qui vous concerne, j'en suis désolé. Vous avez le don de suivre vos amis dans leurs péripéties et voilà où ça vous mène. Je ne peux pas intercéder en votre faveur Dikaya koshka mais je peux vous offrir asile sur les terres de Cheny si vous le souhaitez. Ce n'est pas grand chose mais ça vous fera oublier quelques temps. Et puis vous ne risquerez rien, j'ai de bons gardes qui viennent de mon peuple et qui vous protégerons comme si vous étiez l'une des leurs... Pensez-y Eliance, gardez ce coin de terre dans votre tête et si un jour vous en ressentez le besoin ou simplement l'envie, venez.
Et pour répondre à votre question, je n'ai eu aucun souci à mon retour. Je l'ai d'ailleurs écrit à votre amie... la brune qui m'est tombée dessus en taverne l'autre soir... bref, je lui ai écris afin de lui dire que la route était dégagée... un petit mouvement de sympathie de ma part et parce qu'elle vous connaissez... ce fut très instructif et très agressif... elle est pire que moi mais je ne lui en veux pas, elle m'a dit avoir eu envie de passer ses nerfs, si ça peut lui faire du bien, je suis prévenu maintenant... donc pour en revenir à nos moutons, Vorobeï connait bien le chemin et sait les pièges à éviter... et puis les armées faisant des gardes, je pense que les chemins sont plus sûrs que certains petits villages qui sont pris d'assaut par des bandes de renégats... même si j'avoue que pour une fois, Mâcon a vécu des heures qui vont rester marqué dans les registres des paroisses ! Il ne manquait plus qu'un grand feu de joie au milieu de la place du bourg et ça aurait été parfait !
Quant à Cecy, elle va un peu mieux. Ce n'est pas encore gagné mais elle a mangé un peu de pain et bu du bouillon depuis mon retour. Je pense que la peur de me perdre lui a joué un mauvais tour. Si je venais à disparaitre, mon cousin Drobomir serait chargé de la ramener chez nous et dans son esprit d'enfant, elle doit avoir peur de ce monde inconnu. Mais qui n'en n'aurait point peur, il peut être effrayant de partir loin de ce que l'on connait et de recommencer sa vie. Vous en savez quelque chose Eliance, vous avez dû vous battre pour être celle que j'ai rencontré il y a de ça quelques jours. Mais vous ne m'avez jamais dis comment vous vous retrouvez Romanov désormais. Vous passez de la chaleur des terres du sud à la froidure des terres de l'est... qu'a-t-il donc de particulier cet homme pour avoir réussi là où j'ai échoué ?
Pardonnez mes questions qui sont sans doute déplacées mais ma curiosité est piquée au vif...
Mes pensées vous accompagnent Dikaya koshka
T.
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« Adieu et à jamais »
Torvar
Il est arrivé au petit matin, dans la grisaille et le crachin d'octobre. Ne tenant plus en place la veille, il a scellé Vorobeï, payé rubis sur ongle ce qu'il devait et il a repris la route. Et à quelques lieues de Chalon il a bien failli tirer sur les brides de sa monture pour faire machine arrière... galoper en direction de Mâcon et aller prendre ce qu'il pense lui appartenir... Mais un souffle glacial est venu mettre un frein à son désir, l'obligeant à mettre pied à terre et trouver un abri pour lui et son vieux compagnon à quatre pattes. Et les heures se sont égrainés jusque tard dans la nuit. Aux premières lueurs du jour, Torvar a repris sa route pour Dijon. Le froid s'était retiré vers d'autres horizons et voyant cela comme un signe, le cosaque était revenu à la raison... un autre jour peut être mais pas aujourd'hui... non aujourd'hui, il se devait de retourner auprès de sa petite-fille.
L'auberge qui accueillait les cosaques n'était pas des plus rutilantes et c'était très bien ainsi. Les vieilles habitudes revenaient au galop ces derniers temps et Torvar se sentait mieux ainsi, toujours un peu plus éloigné de son titre de seigneur qui pourtant, aux dires d'Eliance, lui allait bien... Lui en était de moins en moins certain. Trop distant avec les affaires politiques, encore plus des manigances du pouvoir, il n'aimait pas ce qu'il voyait depuis des semaines voir des mois... un certain ras-le-bol, une envie de tout plaquer et vous obteniez un cosaque sur le fil du rasoir. Si en plus, il était agité de sentiments profonds et torturés alors le résultat risquait de devenir détonnant. Pour l'heure, seule la gamine le préoccupait.
Entrant dans la chambre alors que les premières lueurs de jour pointaient, il se dirigea vers le lit de l'enfant, posa une main sur son front pour chercher si la fièvre était toujours à l'ordre du jour avant de le caresser avec douceur, prenant soin de remettre quelques mèches rebelles qui s'échappaient dans toutes les directions. La porte s'entrouvrit alors. Le visage marqué par la lassitude du cosaque se tourna pour voir qui osait pénétrer dans ce sanctuaire de tranquillité et immédiatement, Torvar se détendit, un mouvement du menton afin de saluer l'arrivée de Drobomir qui lui, tenait dans sa main deux plis et les lui tendit.
Le premier qui fut lu n'était autre que celui de Maryah. L'espoir que Percy fut retrouvé lui fit rater un battement de cur mais le visage se ferma, le regard se fit noir et les dents grincèrent malgré elles. En quelques mots, l'Epicée venait d'humilier Drobomir et les siens, en quelques lignes elle avait anéanti tout espoir qu'un jour, tout se passe au mieux entre elle et eux... Torvar posa un regard d'une tristesse infinie sur son cousin et murmura "izvinite" en laissant sa main reposer sur l'épaule de ce dernier, serrant ses doigts comme pour l'obliger à relever la tête qui s'était baissée.
Toujours entre deux mondes, Torvar comprenait que Maryah puisse en vouloir aux siens d'avoir laissé son enfant fuir loin d'eux mais refuser à un cosaque de réparer alors qu'il avait reçu pour cela un châtiment des plus cruels... Drobomir porterait à jamais les traces de dix coups de fouet sans avoir pu laver son honneur... Un gout amer se répandit dans la bouche du cosaque. Il fit alors un signe dans la direction de Cecy à celui qui portait des linges propres afin de lui faire la toilette tandis que lui-même allait se poster dans un fauteuil, à l'opposé de la pièce. Prendre connaissance du second courrier lui devenait vital à cet instant et chaque mot fut lui et relut plusieurs fois pour mieux s'en imprégner... A chaque fois qu'il dévorait une lettre d'Eliance, cela le retournait de façon irrationnelle mais en même temps, elle l'assagissait. Parce qu'il savait à ce moment-là que le fil tendu entre elle et lui existait, parce que c'était leur façon à eux de défier le monde et d'être plus unis que jamais, parce que pour rien au monde il aurait voulu détruire tout ceci. Loin, perdus au milieu des tempêtes, elle était là pour lui rappeler que lui aussi était humain, qu'il avait le droit de ressentir bien des choses et d'arrêter de s'enfermer dans une tour dont il aurait volontairement perdu la clé.
Fermant les yeux, Torvar laissa la mélancolie le pénétrer, s'immiscer dans ses veines, remontrer jusqu'aux palpitations de son cur, prendre à bras le corps son âme afin de lui offrir une nouvelle danse. Et puis le besoin de lui répondre, là de suite, se fit impérieux comme si l'air allait lui manquait s'il ne s'exécutait pas... un vélin, son encre préféré et déjà, le cosaque était installé près de la cheminée qui ronronnait sereinement dans la pièce.
La peur est un sentiment que nous connaissons tous. Certains plus fortement que d'autres mais ne croyez pas que je ne sache pas ce que c'est. L'on m'a enseigné depuis ma plus tendre enfance à mesurer les dangers, évaluer ce qui pouvait être bon ou mauvais pour moi et pour les miens. Il m'arrive encore aujourd'hui de me tromper, de prendre un mauvais chemin, de m'enfoncer dans les méandres de l'irrationnel et d'en ressentir une angoisse qui me paralyse... Dans ces moments-là, je ferme les yeux et je chasse bien loin ce sentiment. De toute manière, lorsqu'on ressent cela, il est trop tard, le destin est déjà en marche...
Vous le savez aussi bien que moi, on a toujours le choix, bon ou mauvais, on a toujours le choix. Il faut écouter son cur et sa raison pour mieux avancer Eliance et rester en accord avec ses principes et surtout sa petite âme. Elle mérite d'être apaisée et en accord avec soi-même. Vous avez peur de faire les mauvais choix alors demandez-vous si, tout simplement, votre vie d'aujourd'hui n'est-elle pas mieux que celle d'avant, si vous souriiez plus, si vous osez plus, si vous pardonnez plus... tout ceci est important et vous saurez si votre route est meilleure que celle d'autrefois. Oh il y aura bien des jours bons et des jours qui seront plus gris que d'autres mais peu importe après tout, vous êtes là où vous avez choisi d'être sinon vous ne seriez plus de ce monde. D'une façon ou d'une autre, vous auriez appelé la mort pour qu'elle vous prenne dans son sillage. Lorsqu'on n'y croit plus, on sait que cela ne sert plus à rien de se battre.
Concernant la liberté, elle fait mal. Ce n'est pas quelque chose que l'on attrape et que l'on garde au fond de la poche en se le tenant pour acquis. La liberté ça se mérite, ça se gagne, ça s'arrache aux prix d'innombrables sacrifices. Pour être libre et en ressentir les bienfaits, il faut avoir souffert au plus profond de sa chair, de son âme, de ce qui fait de nous des hommes. Vous en prenez conscience, vous dessinez les contours de ce que je suis depuis la nuit des temps... Mon peuple vit libre au prix du sang et de la mort... et c'est très cher payé mais cela ne nous viendrait pas à l'idée d'y renoncer... non, jamais... Mes ancêtres se sont battus pour cela, je ne pourrais pas me regarder en face si je les déshonorais en devenant autre chose que ce que je suis. Vous me direz que c'est paradoxal vu que je suis vassal de quelqu'un mais quelqu'un qui me connait et me laisse agir à ma guise... le jour où cela n'ira plus, je repartirais comme je suis venu. C'est aussi cela la liberté Eliance, savoir s'en aller lorsque c'est le bon moment.
Comme lorsque je pars loin de vous... les rares instants que l'on s'accorde à être ensemble sont un privilège que je chéris. Et c'est ainsi, on sait que l'on aimerait plus mais il ne sert à rien de sacrifier les autres pour son propre bonheur. Si nous faisions cela, nous ne réussirions qu'à nous en vouloir et nous détester. Alors il vaut mieux se lever et s'en aller même si le pas se fait lourd, si le cur se serre, si le manque d'air se fait sentir... on ne doit pas regarder en arrière et surtout ne pas céder... vous et moi c'est ainsi. Je garde chaque rencontre comme un précieux trésor que la vie m'accorde, je garde en mémoire vos sourires et vos regards, je fais abstraction du reste et j'oublie que vous ne m'appartenez point... qu'un autre vous entoure de ses bras, qu'un autre vous regarde le soir au moment de vous coucher, qu'un autre sait comment vous êtes au réveil, ce qui vous rend triste ou gaie, ce que vous aimez ou pas... tout ceci n'a pas d'importance au final parce que je suis plus riche que lui... je savoure mes souvenirs avec tant de préciosité que rien ne pourra me les arracher et si je devais mourir demain, je le ferais dans la joie d'avoir rencontré ce petit supplément d'âme qui ravit tant la mienne. Et en lisant ces lignes, vous saurez au fond de vous ce qu'il en est... Oser me demander si je rêve de vous revoir ou de vous oublier tandis que je suis venu à Macon juste pour recroiser votre route... ma réponse a été nette, franche et sans appel... je vous l'ai donné lorsque nous nous sommes revus. Ne vous posez donc pas tant de questions Eliance alors que vous en avez chaque clé. Et surtout ne croyez pas que cela me mine au point de penser ne plus vous revoir... Si demain vous me donniez rendez-vous à l'autre bout du royaume, j'irais sans aucune hésitation juste pour avoir le bonheur de poser ne serait-ce qu'une fois encore sur votre joue et vous entendre dire mon nom... Je n'ai pas l'intention de quitter ce monde comme ça parce que vous ne m'appartenez pas. Oh non, je vais continuer à me battre, espérant qu'il y aura encore d'autres rencontres, d'autres chemins, d'autres étoiles qui nous mèneront à nous revoir. Et vous alors Eliance, désirez-vous me revoir ou bien ces rencontres fortuites ou non vous font du mal ?
Vous me demandez comme j'en suis à être serein dans mes actes, peut être tout simplement parce que certains sont commis pour rendre justice à quelqu'un, parce que d'autres le sont pour la liberté d'autrui que je défends ou bien tout simplement parce que je reste en accord avec mes principes. Et d'autres tout simplement parce que j'en ai besoin... c'est comme l'air que je respire, l'eau à laquelle je m'abreuve... c'est un tout qui fait que je suis ce que je suis hier comme aujourd'hui.
La duchesse croit, laissez-là croire ce qu'elle veut. De toute manière, je gage qu'elle ne sera jamais à même de changer d'avis. On l'a dit plutôt intransigeante, bornée et peu à l'écoute des autres donc c'est comme pisser sur ses parterres de fleurs devant son château, ça ne sert à rien... Et si cela fait de vous une brigande, alors vous êtes une mercenaire tout comme moi de vous retrouver à mes côtés avec un petit je-ne-sais-quoi de noble puisque je suis affublé d'un titre... joli parcours que vous avez l'a Dikaya koshka.
Quant à ces mots... je sais que vous pourriez demander facilement la traduction. Romanov vous la dirait sans problème mais là encore, c'est un lien qui nous unit vous et moi, que vous semblez vouloir garder rien que pour nous... faites-en bon usage, gardez-les comme un précieux trésor et un jour vous les comprendrez... je vous les ai déjà confié dans votre langue à vous mais pour une fois, je voulais que cela soit vous qui entriez dans mon monde... juste un petit peu...
T.
L'auberge qui accueillait les cosaques n'était pas des plus rutilantes et c'était très bien ainsi. Les vieilles habitudes revenaient au galop ces derniers temps et Torvar se sentait mieux ainsi, toujours un peu plus éloigné de son titre de seigneur qui pourtant, aux dires d'Eliance, lui allait bien... Lui en était de moins en moins certain. Trop distant avec les affaires politiques, encore plus des manigances du pouvoir, il n'aimait pas ce qu'il voyait depuis des semaines voir des mois... un certain ras-le-bol, une envie de tout plaquer et vous obteniez un cosaque sur le fil du rasoir. Si en plus, il était agité de sentiments profonds et torturés alors le résultat risquait de devenir détonnant. Pour l'heure, seule la gamine le préoccupait.
Entrant dans la chambre alors que les premières lueurs de jour pointaient, il se dirigea vers le lit de l'enfant, posa une main sur son front pour chercher si la fièvre était toujours à l'ordre du jour avant de le caresser avec douceur, prenant soin de remettre quelques mèches rebelles qui s'échappaient dans toutes les directions. La porte s'entrouvrit alors. Le visage marqué par la lassitude du cosaque se tourna pour voir qui osait pénétrer dans ce sanctuaire de tranquillité et immédiatement, Torvar se détendit, un mouvement du menton afin de saluer l'arrivée de Drobomir qui lui, tenait dans sa main deux plis et les lui tendit.
Le premier qui fut lu n'était autre que celui de Maryah. L'espoir que Percy fut retrouvé lui fit rater un battement de cur mais le visage se ferma, le regard se fit noir et les dents grincèrent malgré elles. En quelques mots, l'Epicée venait d'humilier Drobomir et les siens, en quelques lignes elle avait anéanti tout espoir qu'un jour, tout se passe au mieux entre elle et eux... Torvar posa un regard d'une tristesse infinie sur son cousin et murmura "izvinite" en laissant sa main reposer sur l'épaule de ce dernier, serrant ses doigts comme pour l'obliger à relever la tête qui s'était baissée.
Toujours entre deux mondes, Torvar comprenait que Maryah puisse en vouloir aux siens d'avoir laissé son enfant fuir loin d'eux mais refuser à un cosaque de réparer alors qu'il avait reçu pour cela un châtiment des plus cruels... Drobomir porterait à jamais les traces de dix coups de fouet sans avoir pu laver son honneur... Un gout amer se répandit dans la bouche du cosaque. Il fit alors un signe dans la direction de Cecy à celui qui portait des linges propres afin de lui faire la toilette tandis que lui-même allait se poster dans un fauteuil, à l'opposé de la pièce. Prendre connaissance du second courrier lui devenait vital à cet instant et chaque mot fut lui et relut plusieurs fois pour mieux s'en imprégner... A chaque fois qu'il dévorait une lettre d'Eliance, cela le retournait de façon irrationnelle mais en même temps, elle l'assagissait. Parce qu'il savait à ce moment-là que le fil tendu entre elle et lui existait, parce que c'était leur façon à eux de défier le monde et d'être plus unis que jamais, parce que pour rien au monde il aurait voulu détruire tout ceci. Loin, perdus au milieu des tempêtes, elle était là pour lui rappeler que lui aussi était humain, qu'il avait le droit de ressentir bien des choses et d'arrêter de s'enfermer dans une tour dont il aurait volontairement perdu la clé.
Fermant les yeux, Torvar laissa la mélancolie le pénétrer, s'immiscer dans ses veines, remontrer jusqu'aux palpitations de son cur, prendre à bras le corps son âme afin de lui offrir une nouvelle danse. Et puis le besoin de lui répondre, là de suite, se fit impérieux comme si l'air allait lui manquait s'il ne s'exécutait pas... un vélin, son encre préféré et déjà, le cosaque était installé près de la cheminée qui ronronnait sereinement dans la pièce.
La peur est un sentiment que nous connaissons tous. Certains plus fortement que d'autres mais ne croyez pas que je ne sache pas ce que c'est. L'on m'a enseigné depuis ma plus tendre enfance à mesurer les dangers, évaluer ce qui pouvait être bon ou mauvais pour moi et pour les miens. Il m'arrive encore aujourd'hui de me tromper, de prendre un mauvais chemin, de m'enfoncer dans les méandres de l'irrationnel et d'en ressentir une angoisse qui me paralyse... Dans ces moments-là, je ferme les yeux et je chasse bien loin ce sentiment. De toute manière, lorsqu'on ressent cela, il est trop tard, le destin est déjà en marche...
Vous le savez aussi bien que moi, on a toujours le choix, bon ou mauvais, on a toujours le choix. Il faut écouter son cur et sa raison pour mieux avancer Eliance et rester en accord avec ses principes et surtout sa petite âme. Elle mérite d'être apaisée et en accord avec soi-même. Vous avez peur de faire les mauvais choix alors demandez-vous si, tout simplement, votre vie d'aujourd'hui n'est-elle pas mieux que celle d'avant, si vous souriiez plus, si vous osez plus, si vous pardonnez plus... tout ceci est important et vous saurez si votre route est meilleure que celle d'autrefois. Oh il y aura bien des jours bons et des jours qui seront plus gris que d'autres mais peu importe après tout, vous êtes là où vous avez choisi d'être sinon vous ne seriez plus de ce monde. D'une façon ou d'une autre, vous auriez appelé la mort pour qu'elle vous prenne dans son sillage. Lorsqu'on n'y croit plus, on sait que cela ne sert plus à rien de se battre.
Concernant la liberté, elle fait mal. Ce n'est pas quelque chose que l'on attrape et que l'on garde au fond de la poche en se le tenant pour acquis. La liberté ça se mérite, ça se gagne, ça s'arrache aux prix d'innombrables sacrifices. Pour être libre et en ressentir les bienfaits, il faut avoir souffert au plus profond de sa chair, de son âme, de ce qui fait de nous des hommes. Vous en prenez conscience, vous dessinez les contours de ce que je suis depuis la nuit des temps... Mon peuple vit libre au prix du sang et de la mort... et c'est très cher payé mais cela ne nous viendrait pas à l'idée d'y renoncer... non, jamais... Mes ancêtres se sont battus pour cela, je ne pourrais pas me regarder en face si je les déshonorais en devenant autre chose que ce que je suis. Vous me direz que c'est paradoxal vu que je suis vassal de quelqu'un mais quelqu'un qui me connait et me laisse agir à ma guise... le jour où cela n'ira plus, je repartirais comme je suis venu. C'est aussi cela la liberté Eliance, savoir s'en aller lorsque c'est le bon moment.
Comme lorsque je pars loin de vous... les rares instants que l'on s'accorde à être ensemble sont un privilège que je chéris. Et c'est ainsi, on sait que l'on aimerait plus mais il ne sert à rien de sacrifier les autres pour son propre bonheur. Si nous faisions cela, nous ne réussirions qu'à nous en vouloir et nous détester. Alors il vaut mieux se lever et s'en aller même si le pas se fait lourd, si le cur se serre, si le manque d'air se fait sentir... on ne doit pas regarder en arrière et surtout ne pas céder... vous et moi c'est ainsi. Je garde chaque rencontre comme un précieux trésor que la vie m'accorde, je garde en mémoire vos sourires et vos regards, je fais abstraction du reste et j'oublie que vous ne m'appartenez point... qu'un autre vous entoure de ses bras, qu'un autre vous regarde le soir au moment de vous coucher, qu'un autre sait comment vous êtes au réveil, ce qui vous rend triste ou gaie, ce que vous aimez ou pas... tout ceci n'a pas d'importance au final parce que je suis plus riche que lui... je savoure mes souvenirs avec tant de préciosité que rien ne pourra me les arracher et si je devais mourir demain, je le ferais dans la joie d'avoir rencontré ce petit supplément d'âme qui ravit tant la mienne. Et en lisant ces lignes, vous saurez au fond de vous ce qu'il en est... Oser me demander si je rêve de vous revoir ou de vous oublier tandis que je suis venu à Macon juste pour recroiser votre route... ma réponse a été nette, franche et sans appel... je vous l'ai donné lorsque nous nous sommes revus. Ne vous posez donc pas tant de questions Eliance alors que vous en avez chaque clé. Et surtout ne croyez pas que cela me mine au point de penser ne plus vous revoir... Si demain vous me donniez rendez-vous à l'autre bout du royaume, j'irais sans aucune hésitation juste pour avoir le bonheur de poser ne serait-ce qu'une fois encore sur votre joue et vous entendre dire mon nom... Je n'ai pas l'intention de quitter ce monde comme ça parce que vous ne m'appartenez pas. Oh non, je vais continuer à me battre, espérant qu'il y aura encore d'autres rencontres, d'autres chemins, d'autres étoiles qui nous mèneront à nous revoir. Et vous alors Eliance, désirez-vous me revoir ou bien ces rencontres fortuites ou non vous font du mal ?
Vous me demandez comme j'en suis à être serein dans mes actes, peut être tout simplement parce que certains sont commis pour rendre justice à quelqu'un, parce que d'autres le sont pour la liberté d'autrui que je défends ou bien tout simplement parce que je reste en accord avec mes principes. Et d'autres tout simplement parce que j'en ai besoin... c'est comme l'air que je respire, l'eau à laquelle je m'abreuve... c'est un tout qui fait que je suis ce que je suis hier comme aujourd'hui.
La duchesse croit, laissez-là croire ce qu'elle veut. De toute manière, je gage qu'elle ne sera jamais à même de changer d'avis. On l'a dit plutôt intransigeante, bornée et peu à l'écoute des autres donc c'est comme pisser sur ses parterres de fleurs devant son château, ça ne sert à rien... Et si cela fait de vous une brigande, alors vous êtes une mercenaire tout comme moi de vous retrouver à mes côtés avec un petit je-ne-sais-quoi de noble puisque je suis affublé d'un titre... joli parcours que vous avez l'a Dikaya koshka.
Quant à ces mots... je sais que vous pourriez demander facilement la traduction. Romanov vous la dirait sans problème mais là encore, c'est un lien qui nous unit vous et moi, que vous semblez vouloir garder rien que pour nous... faites-en bon usage, gardez-les comme un précieux trésor et un jour vous les comprendrez... je vous les ai déjà confié dans votre langue à vous mais pour une fois, je voulais que cela soit vous qui entriez dans mon monde... juste un petit peu...
T.
Eliance
Tout a repris son court normal. Tout ou presque. Un secret est en train d'être monté, lentement mais sûrement, comme un blanc duf battu avec opiniâtreté va finir neigeux. Ce secret-là se crée, à coup de lettre reçue, de confidence notée, de réponse envoyée. Un secret si léger à porter. Un secret qui a un goût sucré.
Elles sont une parenthèse dans ses journées. Et il lui faut s'absenter de sa tâche, s'égarer au coin d'une rue, déserter quelque conversation ou quelque compagnie pour bénéficier entièrement de ce qu'elles contiennent. Le secret ne se partage pas. Il se savoure égoïstement. Seule. Pour être ensuite enfoui dans une certaine boîte en bois où, normalement, personne ne fouille jamais. La boîte à secret. La boîte à tourments. Cette boîte renferme les paroles les plus intimes des hommes de sa vie. Cette boîte est sa vie.
Les mots de Diego, d'Elias et de Torvar s'y côtoient sans honte, révélant chacun à leur manière quelle Eliance est la leur. Souvent, quand quelque turpitude surgit, c'est vers cette boîte que la roussi-blonde se tourne, avant même de causer à Atro, de se piniouffer avec elle ou de rêver de falaise. Certaines lettres, plus lues que d'autres, ont les plis marqués de celles consultées souvent. D'autres sont seulement conservées dans un sentiment étrange de besoin. Les lettres tranchantes du Cosaque sont de celles-là. Jamais relues, mais jamais loin non plus. Eliance ne les déplie jamais. Elle les passe, sachant que trop bien ce qu'elles contiennent. Elle les garde, comme pour les contredire.
Celle qui vient d'être lue à l'instant, alors que les mains pâles sont encore humides de l'eau du lavoir, sera relue souvent, sans aucun doute. Eliance n'a pas pris le temps de retirer son linge de l'eau. Ni de repousser les boucles agitées par le décrassage qui ont envahi son visage. Le tout a été abandonné tel quel, quand le messager lui a confié une nouvelle partie du secret. Et c'est avec une hâte d'enfant que la roussi-blonde a déplié le papier, tandis que ses fesses prenaient appui sur les jambes déjà repliées sur elles-même. Il n'y a pas de position adéquate, pour partager un secret. Ni de moment adéquat. Il n'y a que l'aubaine de lire, de rougir des mots couchés là, d'en sourire, de devenir Dikaya koshka pour quelques minutes.
À cet instant, les regards scrutateurs braqués sur elle importent peu à Eliance. Elle se fiche des laveuses alentour détaillant celle qui abandonne son linge nonchalamment en pleine flotte et qui s'est saisie d'un papier et d'une mine de plomb, pour écrire à même ses jambes. Tout ça n'atteint pas Dikaya koshka. Elle est Dikaya koshka. Forte. Libre. indépendante.
- Dikaya koshka
Elles sont une parenthèse dans ses journées. Et il lui faut s'absenter de sa tâche, s'égarer au coin d'une rue, déserter quelque conversation ou quelque compagnie pour bénéficier entièrement de ce qu'elles contiennent. Le secret ne se partage pas. Il se savoure égoïstement. Seule. Pour être ensuite enfoui dans une certaine boîte en bois où, normalement, personne ne fouille jamais. La boîte à secret. La boîte à tourments. Cette boîte renferme les paroles les plus intimes des hommes de sa vie. Cette boîte est sa vie.
Les mots de Diego, d'Elias et de Torvar s'y côtoient sans honte, révélant chacun à leur manière quelle Eliance est la leur. Souvent, quand quelque turpitude surgit, c'est vers cette boîte que la roussi-blonde se tourne, avant même de causer à Atro, de se piniouffer avec elle ou de rêver de falaise. Certaines lettres, plus lues que d'autres, ont les plis marqués de celles consultées souvent. D'autres sont seulement conservées dans un sentiment étrange de besoin. Les lettres tranchantes du Cosaque sont de celles-là. Jamais relues, mais jamais loin non plus. Eliance ne les déplie jamais. Elle les passe, sachant que trop bien ce qu'elles contiennent. Elle les garde, comme pour les contredire.
Celle qui vient d'être lue à l'instant, alors que les mains pâles sont encore humides de l'eau du lavoir, sera relue souvent, sans aucun doute. Eliance n'a pas pris le temps de retirer son linge de l'eau. Ni de repousser les boucles agitées par le décrassage qui ont envahi son visage. Le tout a été abandonné tel quel, quand le messager lui a confié une nouvelle partie du secret. Et c'est avec une hâte d'enfant que la roussi-blonde a déplié le papier, tandis que ses fesses prenaient appui sur les jambes déjà repliées sur elles-même. Il n'y a pas de position adéquate, pour partager un secret. Ni de moment adéquat. Il n'y a que l'aubaine de lire, de rougir des mots couchés là, d'en sourire, de devenir Dikaya koshka pour quelques minutes.
À cet instant, les regards scrutateurs braqués sur elle importent peu à Eliance. Elle se fiche des laveuses alentour détaillant celle qui abandonne son linge nonchalamment en pleine flotte et qui s'est saisie d'un papier et d'une mine de plomb, pour écrire à même ses jambes. Tout ça n'atteint pas Dikaya koshka. Elle est Dikaya koshka. Forte. Libre. indépendante.
Citation:
- J'entre dans votre monde, à chaque fois que je vois vos mots écris. À chaque fois que j'entends votre voix. J'entre dans votre monde quand je lis votre entièreté, votre indépendance, votre constance, votre dureté associée à cet aveu que vous n'êtes pas plus fort qu'un autre. Je suis stupide. Je ne parviens pas à vous imaginer angoissé. Ni faible. Ni défaillant. Peut-être que si un jour je vois vos blessures, je me rendrai compte que vous pouvez l'être. Je me rendrai compte qu'une lame a le même effet chez vous que chez moi. Qu'un mot trop dur aussi. Ou un manque. Un regret. Je vous vois si fort. Je sais ça stupide. Mais c'est ainsi.
Je vous remercie. Vous avez répondu à ma question. Même si vous avez raison. Je l'avais avant de la lire. Seulement, je ne sais jamais si mon instinct me dicte les bonnes réponses ou non. Je préfère toujours m'en assurer auprès du concerné. Je voulais être sûre. Je le suis. Et, puisque vous me le demandez à votre tour, je m'en vais vous répondre au mieux.
J'ai eu peur, en vous voyant. Peur de ressentir les souvenirs, peur que vous me soyez insultant, comme dans certaines lettres. J'ai eu peur de ne pas savoir vous affronter, tout simplement. Et puis, finalement, plus les heures passaient et plus tout ça s'évanouissait. Je n'ai ressenti qu'un bien-être profond. Vous savez, cette chose qui se produit quand on parle. Quand vous me regardez. Quand un sourire vous échappe. Je suis heureuse de vous avoir vu. Je suis heureuse de vous lire. Je suis heureuse de vous écrire. Je suis heureuse que le souvenir que je vous ai offert vous ai plu. Qu'il reste gravé en vous. Je suis heureuse, de notre secret.
Ce matin, j'ai été réveillée en fanfare : me voilà en procès pour être l'amie de Mike. Et pour quelque raison obscure pas franchement édictée dans l'acte d'accusation. Je crois qu'un autre jour, j'aurais eu peur. Je crois qu'un autre jour, je ne serais pas allée au tribunal aussi sereinement. Aujourd'hui, j'y suis allée sûre de moi, sans trembler, sans être impressionnée par le juge. Ni par le procureur. Je ne ferais appel à aucun témoin. Je vais gérer seule. Je n'ai pas besoin de vous expliquer pourquoi, je me suis sentie si « guerrière ». Je voulais seulement vous le dire.
Et puis, l'armée a déserté Mâcon. Le chef d'armée et nouveau maire aussi. La ville est à nouveau sans gérance ! Je n'ai jamais vu autant de n'importe quoi dans un duché. Au moins, nous, on la faisait vivre ! On n'est pas parti, encore. On n'a pas dit notre dernier mot.
Et vous ? Racontez-moi ? Pas d'ennuis sur les chemins ? Vous êtes enfin arrivé auprès de votre petite-fille ?
Je crois que je me sens libre. Je crois que vous m'apprenez, à force de discussion, le sens de ce mot. Et j'aime votre manière de voir les choses. J'aime que vous vous sentiez chanceux de notre secret. J'aime à vous imaginer espérer les étoiles, encore. Ça vous va bien mieux que de parler de votre fin, des années passées.
J'entre dans votre monde.
Dikaya koshka
Torvar
Les étoiles dansaient, là-haut dans le ciel. L'une se blottissait contre sa voisine, l'autre s'échappait... Torvar, les yeux rivés à cet étrange spectacle ne pouvait que l'admirait. Sa grand-mère Töregene avait raison, on apprenait toujours des étoiles... Dommage que lui-même n'ait pas le don qu'elle avait, il aurait su y lire son avenir. L'enchanteresse qu'elle était savait tant de choses qu'il ignorait et qu'il ignorerait toujours. Il n'était qu'un homme et certains jours comme cette nuit, elle lui manquait. Son regard se posa sur sa petite-fille qui dormait dans la chambrée. Sa respiration était redevenue plus calme et moins sifflante. Les yeux du cosaque admirèrent le petit visage ainsi reposé et la ressemblance avec la vieille femme le frappa encore plus soudainement que la première fois qu'il avait croisé le chemin de Cecy. Voilà d'où venait ce sentiment qui l'enveloppait lorsqu'il était avec elle... le père de la gamine faisait partie de la même peuplade que sa grand-mère... Mais où Kallista avait-elle trouvé l'occasion de le rencontrer et pourquoi Matveï avait-il laissé faire les choses ? Torvar comprenait bien des choses avec retard mais il comprenait...
Reportant son attention sur les étoiles, il chercha une réponse au vide qu'il ressentait bien trop souvent. Parfois, le cosaque avait l'impression que ses pas étaient inutiles, que rien ne lui montrerait la voie à suivre, qu'il était voué à rester solitaire dans ce monde qui n'était pas fait pour lui... mais au détour d'un chemin complexe, il lui arrivait de rencontrer un petit bonheur auquel son coeur s'accrochait sans vergogne. Cecy en faisait partie parce qu'elle était entrée dans sa vie en la chamboulant, comme une petite furie qu'elle était mais il y avait aussi Percy et sa mère Maryah qui avaient été son point d'ancrage durant de longs mois... aujourd'hui, le petit garçon avait renvoyé au visage de Torvar son incapacité à élever un enfant, allant même jusqu'à le fuir, portant son échec aux yeux de tous et surtout à ceux de sa mère, mère avec laquelle il n'y avait pas vraiment moyen de communiquer en dehors de leur capacité mutuelle à vouloir s'entretuer et puis il y avait Della, sa suzeraine. Femme de tête et amie de longue date, elle était de celles que l'on admire et ce n'était pas peu dire pour le cosaque, lui qui laissait souvent les femmes à leur rôle de mère ou d'épouse... et enfin, dernier bonheur depuis de longs mois déjà, Eliance. Ce bonheur là n'avait pas de nom ni même de spécificité. C'était un tout qui rendait le cosaque encore plus con que la moyenne... à son âge, sa capacité à perdre les pédales avec elle en devenait presque inquiétant mais avait-il une raison de laisser ce bonheur lui échapper ? Bien sûr que non, il était et surtout, le cosaque voulait qu'il le reste à jamais... ces petits moments rien qu'à lui et à elle, leur petit secret bien gardé et à jamais au creux de leur âme.
L'envie mais surtout le besoin de se sentir proche d'elle lui vrilla les entrailles si bien qu'il prit un vélin et de l'encre, s'installa à même le sol, le dos contre la cheminée qui ronronnait au creux de ses braises encore chaudes, le visage illuminé par la lueur des étoiles qui l'observaient.
Vous n'êtes pas stupide Dikaya koshka, vous ouvrez simplement les yeux sur le reste du monde. Comme une petite le ferait, vous apprenez que nous sommes tous des colosses aux pieds d'argile, que nous avons nos faiblesses et nos limites même si, pour la plupart des hommes, nous le cachons.
jamais je ne montrerais mes faiblesses, mes peurs, mes angoisses parce que l'on attend de moi que je sois fort, convaincant, meneur et que je prenne les sages décisions. Mais que l'on soit Khan ou Roy, soldat ou simple paysan, on est dévoré par les mêmes questions. Est-ce que je fais les bons choix, est-ce que je fais les choses avec justesse ? Tous ces petits tracas du quotidien qui rendent la vie impossible... Est-ce que je suis sur le bon chemin, est-ce que j'ai bien fais de faire cela ? Se poser les questions c'est choisir et choisir c'est réfléchir. Inconsciemment, vous faites le pour et le contre et donc vous avancer. Personne ne peut dire si telle chose est bonne ou pas... il n'y a qu'à la longue que l'on sait. Et encore, ce n'est pas toujours évident... Alors oui, je ne suis qu'un homme, un homme fait de doutes et de questions mais aussi de joies, de peur, d'angoisses, de rires et de tristesse. Je suis comme tout le monde même si, me voir invincible dans votre regard me plait assez... Quant à voir mes blessures, celles du corps ne sont pas belles Eliance et j'aurais peine à vous les montrer, ce n'est pas un spectacle des plus admiratifs... quant à celles de l'âme, elles ne sont guères mieux mais au moins, invisible à l'oeil inexpérimenté ce qui les rendent plus... tolérables.
Vous savez, vous pouvez me poser toutes les questions qui vous viennent à l'esprit. Si certaines me dérangent, je ferais l'impasse comme je l'ai toujours fait. Vous avez toujours eu ce don de me faire répondre même lorsque je ne le souhaitais pas. Sans doute avez-vous un don particulier... votre regard ou bien ce petit air de sorcellerie que l'on accorde aux boucles rousses ! C'est ce que l'on dit dans votre pays il me semble, que les rousses ont un pouvoir qui vient d'ailleurs, du malin et qu'elles savent tout sur tout. Voilà sans doute mon attirance pour ces femmes mystérieuses au regard scrutateur et à la capacité infinie de répandre un sentiment de crainte mêlé à celui du désir. Car nous le savons bien, tout ce qui est interdit devient convoitable dans l'esprit de l'homme, sans doute pour cela qu'il pense pouvoir conquérir tant de territoires interdits...mais je m'égare moi-même dans mes pensées douce Dikaya koshka... je m'égare et cela fait du bien d'oublier un peu ses soucis du quotidien qui me rongent un peu plus chaque jour... Tout comme vous entrez dans mon monde, j'essaie de créer une bulle où rien ne peut venir m'atteindre lorsque je suis avec vos côtés durant ce laps de temps où ma plume glisse sur le vélin, où je lis vos mots, où je pense à vous... je garde mes pensées rien que pour vous et je me ferme aux autres... Vous avez réussi ce petit miracle à vous toute seule, bien longtemps que je ne laissais plus ma vie être menée par autre chose que mon honneur ou mes convictions... merci de me rendre un peu humain Eliance.
Et soyez heureuse, heureuse et fière. Vous parlez de procès, j'en ai eu vent. Bien évidemment, la Bourgogne ne pouvait pas laisser Mike et ses complices sans jugement... Haute Trahison pour ceux qui s'en prennent aux terres et la duchesse doit frémir de ravissement que de savoir les jokers au tribunal. En ce qui vous concerne, j'en suis désolé. Vous avez le don de suivre vos amis dans leurs péripéties et voilà où ça vous mène. Je ne peux pas intercéder en votre faveur Dikaya koshka mais je peux vous offrir asile sur les terres de Cheny si vous le souhaitez. Ce n'est pas grand chose mais ça vous fera oublier quelques temps. Et puis vous ne risquerez rien, j'ai de bons gardes qui viennent de mon peuple et qui vous protégerons comme si vous étiez l'une des leurs... Pensez-y Eliance, gardez ce coin de terre dans votre tête et si un jour vous en ressentez le besoin ou simplement l'envie, venez.
Et pour répondre à votre question, je n'ai eu aucun souci à mon retour. Je l'ai d'ailleurs écrit à votre amie... la brune qui m'est tombée dessus en taverne l'autre soir... bref, je lui ai écris afin de lui dire que la route était dégagée... un petit mouvement de sympathie de ma part et parce qu'elle vous connaissez... ce fut très instructif et très agressif... elle est pire que moi mais je ne lui en veux pas, elle m'a dit avoir eu envie de passer ses nerfs, si ça peut lui faire du bien, je suis prévenu maintenant... donc pour en revenir à nos moutons, Vorobeï connait bien le chemin et sait les pièges à éviter... et puis les armées faisant des gardes, je pense que les chemins sont plus sûrs que certains petits villages qui sont pris d'assaut par des bandes de renégats... même si j'avoue que pour une fois, Mâcon a vécu des heures qui vont rester marqué dans les registres des paroisses ! Il ne manquait plus qu'un grand feu de joie au milieu de la place du bourg et ça aurait été parfait !
Quant à Cecy, elle va un peu mieux. Ce n'est pas encore gagné mais elle a mangé un peu de pain et bu du bouillon depuis mon retour. Je pense que la peur de me perdre lui a joué un mauvais tour. Si je venais à disparaitre, mon cousin Drobomir serait chargé de la ramener chez nous et dans son esprit d'enfant, elle doit avoir peur de ce monde inconnu. Mais qui n'en n'aurait point peur, il peut être effrayant de partir loin de ce que l'on connait et de recommencer sa vie. Vous en savez quelque chose Eliance, vous avez dû vous battre pour être celle que j'ai rencontré il y a de ça quelques jours. Mais vous ne m'avez jamais dis comment vous vous retrouvez Romanov désormais. Vous passez de la chaleur des terres du sud à la froidure des terres de l'est... qu'a-t-il donc de particulier cet homme pour avoir réussi là où j'ai échoué ?
Pardonnez mes questions qui sont sans doute déplacées mais ma curiosité est piquée au vif...
Mes pensées vous accompagnent Dikaya koshka
T.
Reportant son attention sur les étoiles, il chercha une réponse au vide qu'il ressentait bien trop souvent. Parfois, le cosaque avait l'impression que ses pas étaient inutiles, que rien ne lui montrerait la voie à suivre, qu'il était voué à rester solitaire dans ce monde qui n'était pas fait pour lui... mais au détour d'un chemin complexe, il lui arrivait de rencontrer un petit bonheur auquel son coeur s'accrochait sans vergogne. Cecy en faisait partie parce qu'elle était entrée dans sa vie en la chamboulant, comme une petite furie qu'elle était mais il y avait aussi Percy et sa mère Maryah qui avaient été son point d'ancrage durant de longs mois... aujourd'hui, le petit garçon avait renvoyé au visage de Torvar son incapacité à élever un enfant, allant même jusqu'à le fuir, portant son échec aux yeux de tous et surtout à ceux de sa mère, mère avec laquelle il n'y avait pas vraiment moyen de communiquer en dehors de leur capacité mutuelle à vouloir s'entretuer et puis il y avait Della, sa suzeraine. Femme de tête et amie de longue date, elle était de celles que l'on admire et ce n'était pas peu dire pour le cosaque, lui qui laissait souvent les femmes à leur rôle de mère ou d'épouse... et enfin, dernier bonheur depuis de longs mois déjà, Eliance. Ce bonheur là n'avait pas de nom ni même de spécificité. C'était un tout qui rendait le cosaque encore plus con que la moyenne... à son âge, sa capacité à perdre les pédales avec elle en devenait presque inquiétant mais avait-il une raison de laisser ce bonheur lui échapper ? Bien sûr que non, il était et surtout, le cosaque voulait qu'il le reste à jamais... ces petits moments rien qu'à lui et à elle, leur petit secret bien gardé et à jamais au creux de leur âme.
L'envie mais surtout le besoin de se sentir proche d'elle lui vrilla les entrailles si bien qu'il prit un vélin et de l'encre, s'installa à même le sol, le dos contre la cheminée qui ronronnait au creux de ses braises encore chaudes, le visage illuminé par la lueur des étoiles qui l'observaient.
Vous n'êtes pas stupide Dikaya koshka, vous ouvrez simplement les yeux sur le reste du monde. Comme une petite le ferait, vous apprenez que nous sommes tous des colosses aux pieds d'argile, que nous avons nos faiblesses et nos limites même si, pour la plupart des hommes, nous le cachons.
jamais je ne montrerais mes faiblesses, mes peurs, mes angoisses parce que l'on attend de moi que je sois fort, convaincant, meneur et que je prenne les sages décisions. Mais que l'on soit Khan ou Roy, soldat ou simple paysan, on est dévoré par les mêmes questions. Est-ce que je fais les bons choix, est-ce que je fais les choses avec justesse ? Tous ces petits tracas du quotidien qui rendent la vie impossible... Est-ce que je suis sur le bon chemin, est-ce que j'ai bien fais de faire cela ? Se poser les questions c'est choisir et choisir c'est réfléchir. Inconsciemment, vous faites le pour et le contre et donc vous avancer. Personne ne peut dire si telle chose est bonne ou pas... il n'y a qu'à la longue que l'on sait. Et encore, ce n'est pas toujours évident... Alors oui, je ne suis qu'un homme, un homme fait de doutes et de questions mais aussi de joies, de peur, d'angoisses, de rires et de tristesse. Je suis comme tout le monde même si, me voir invincible dans votre regard me plait assez... Quant à voir mes blessures, celles du corps ne sont pas belles Eliance et j'aurais peine à vous les montrer, ce n'est pas un spectacle des plus admiratifs... quant à celles de l'âme, elles ne sont guères mieux mais au moins, invisible à l'oeil inexpérimenté ce qui les rendent plus... tolérables.
Vous savez, vous pouvez me poser toutes les questions qui vous viennent à l'esprit. Si certaines me dérangent, je ferais l'impasse comme je l'ai toujours fait. Vous avez toujours eu ce don de me faire répondre même lorsque je ne le souhaitais pas. Sans doute avez-vous un don particulier... votre regard ou bien ce petit air de sorcellerie que l'on accorde aux boucles rousses ! C'est ce que l'on dit dans votre pays il me semble, que les rousses ont un pouvoir qui vient d'ailleurs, du malin et qu'elles savent tout sur tout. Voilà sans doute mon attirance pour ces femmes mystérieuses au regard scrutateur et à la capacité infinie de répandre un sentiment de crainte mêlé à celui du désir. Car nous le savons bien, tout ce qui est interdit devient convoitable dans l'esprit de l'homme, sans doute pour cela qu'il pense pouvoir conquérir tant de territoires interdits...mais je m'égare moi-même dans mes pensées douce Dikaya koshka... je m'égare et cela fait du bien d'oublier un peu ses soucis du quotidien qui me rongent un peu plus chaque jour... Tout comme vous entrez dans mon monde, j'essaie de créer une bulle où rien ne peut venir m'atteindre lorsque je suis avec vos côtés durant ce laps de temps où ma plume glisse sur le vélin, où je lis vos mots, où je pense à vous... je garde mes pensées rien que pour vous et je me ferme aux autres... Vous avez réussi ce petit miracle à vous toute seule, bien longtemps que je ne laissais plus ma vie être menée par autre chose que mon honneur ou mes convictions... merci de me rendre un peu humain Eliance.
Et soyez heureuse, heureuse et fière. Vous parlez de procès, j'en ai eu vent. Bien évidemment, la Bourgogne ne pouvait pas laisser Mike et ses complices sans jugement... Haute Trahison pour ceux qui s'en prennent aux terres et la duchesse doit frémir de ravissement que de savoir les jokers au tribunal. En ce qui vous concerne, j'en suis désolé. Vous avez le don de suivre vos amis dans leurs péripéties et voilà où ça vous mène. Je ne peux pas intercéder en votre faveur Dikaya koshka mais je peux vous offrir asile sur les terres de Cheny si vous le souhaitez. Ce n'est pas grand chose mais ça vous fera oublier quelques temps. Et puis vous ne risquerez rien, j'ai de bons gardes qui viennent de mon peuple et qui vous protégerons comme si vous étiez l'une des leurs... Pensez-y Eliance, gardez ce coin de terre dans votre tête et si un jour vous en ressentez le besoin ou simplement l'envie, venez.
Et pour répondre à votre question, je n'ai eu aucun souci à mon retour. Je l'ai d'ailleurs écrit à votre amie... la brune qui m'est tombée dessus en taverne l'autre soir... bref, je lui ai écris afin de lui dire que la route était dégagée... un petit mouvement de sympathie de ma part et parce qu'elle vous connaissez... ce fut très instructif et très agressif... elle est pire que moi mais je ne lui en veux pas, elle m'a dit avoir eu envie de passer ses nerfs, si ça peut lui faire du bien, je suis prévenu maintenant... donc pour en revenir à nos moutons, Vorobeï connait bien le chemin et sait les pièges à éviter... et puis les armées faisant des gardes, je pense que les chemins sont plus sûrs que certains petits villages qui sont pris d'assaut par des bandes de renégats... même si j'avoue que pour une fois, Mâcon a vécu des heures qui vont rester marqué dans les registres des paroisses ! Il ne manquait plus qu'un grand feu de joie au milieu de la place du bourg et ça aurait été parfait !
Quant à Cecy, elle va un peu mieux. Ce n'est pas encore gagné mais elle a mangé un peu de pain et bu du bouillon depuis mon retour. Je pense que la peur de me perdre lui a joué un mauvais tour. Si je venais à disparaitre, mon cousin Drobomir serait chargé de la ramener chez nous et dans son esprit d'enfant, elle doit avoir peur de ce monde inconnu. Mais qui n'en n'aurait point peur, il peut être effrayant de partir loin de ce que l'on connait et de recommencer sa vie. Vous en savez quelque chose Eliance, vous avez dû vous battre pour être celle que j'ai rencontré il y a de ça quelques jours. Mais vous ne m'avez jamais dis comment vous vous retrouvez Romanov désormais. Vous passez de la chaleur des terres du sud à la froidure des terres de l'est... qu'a-t-il donc de particulier cet homme pour avoir réussi là où j'ai échoué ?
Pardonnez mes questions qui sont sans doute déplacées mais ma curiosité est piquée au vif...
Mes pensées vous accompagnent Dikaya koshka
T.
Eliance
Elle a passé la nuit à épier l'agitation en bordure du village, planquée derrière un bosquet, enroulée dans un grand mantel pour éviter de se laisser rattraper par le froid. Prétexte idéal pour contempler au calme les étincelles qui percent le voile noir d'une nuit, sans que personne ne pose de question. Sans que personne ne s'inquiète de ce nouveau loisir soudain. Elle a plissé les yeux, retenu son souffle à chaque soldat plus grand, plus carré que les autres. Pour se rendre à une évidence évidente, au fil des heures : il n'est pas là. Elle le savait, qu'il ne ferait pas demi-tour. Une petite-fille malade est une charge importante. Mais l'espoir stupide reste toujours dans un petit coin de la caboche de la roussi-blonde.
Son réveil ce matin-là s'est révélé très peu agréable. L'humidité nocturne s'est engouffrée sous son mantel, se fichant bien de cette protection factice, et c'est en tremblant que les paupières se sont levées pour laisser les yeux marron, tout aussi brumeux que les alentours, se faire torturer par la luminosité naissante. Elle a fini par s'assoupir au milieu des étoiles et du silence, sans que les conditions peu adéquates n'y puissent rien changer.
Il aura fallu quelques tranches de pâté, quelque soupe brûlante et un bon réchauffage au coin du feu d'une auberge pour éveiller totalement la roussi-blonde et la ramener un peu sur terre. Ce n'est qu'après ça qu'elle ose franchir le seuil de sa chambre partagée d'ordinaire avec le Russe. Russe déjà sur le pied de guerre, armé d'aiguille, de fil, de tissu, en plein travail. Au regard interrogateur, Eliance répond par un baiser bref et un assuré « J'ai surveillé l'armée qui est r'viendu. J'suis crevée ! » Aucun mensonge dans ses propos, même si c'est davantage une armée d'étoiles, qu'elle a surveillé de près.
C'est sur cette belle excuse qu'elle a pris le chemin de sa paillasse pour y dormir d'un sommeil véritable quelques heures. À son second réveil du jour, la chambre est vide de tailleur. Sans doute est-il parti en quête de quelque galon ou autre bricole manquante. Elle en profite pour se faire monter un baquet d'eau bouillante. Sa couenne a gardé une certaine froideur de la nuit passée dehors et les quelques écus piqués en vrac à la mairie de Mâcon lui permettent ce petit luxe. Mais à peine la toilette entamée, qu'on cogne à l'huis. Il lui faut s'enrubanner dans le premier tissu qu'elle trouve (prions pour que ce ne soit pas l'ouvrage actuel d'Elias) pour pouvoir entrebailler sans trop de honte un tout petit peu la porte et récupérer un pli tendu par la femme du tavernier.
Les pieds retournent immédiatement se recueillir dans l'eau fumante tandis que les fesses prennent possession d'une chaise et les prunelles marron des mots cosaques. La lettre est posée, seulement une fois la lecture finie et la toilette se poursuit, avec, sur le visage de la roussi-blonde, cet air vaporeux, lointain, invincible qui l'accompagne quand elle devient Dikaya koshka. La peine n'est pas franchement prise de se sécher convenablement. Elle a repris le tissu, s'est enroulée dedans et s'est mise à écrire frénétiquement au Cosaque. Elle a coutume de ne jamais laisser traîner une réponse. La distance fait assez cette chose-là, lui semble-t-il, pour ajouter une longueur supplémentaire.
Son réveil ce matin-là s'est révélé très peu agréable. L'humidité nocturne s'est engouffrée sous son mantel, se fichant bien de cette protection factice, et c'est en tremblant que les paupières se sont levées pour laisser les yeux marron, tout aussi brumeux que les alentours, se faire torturer par la luminosité naissante. Elle a fini par s'assoupir au milieu des étoiles et du silence, sans que les conditions peu adéquates n'y puissent rien changer.
Il aura fallu quelques tranches de pâté, quelque soupe brûlante et un bon réchauffage au coin du feu d'une auberge pour éveiller totalement la roussi-blonde et la ramener un peu sur terre. Ce n'est qu'après ça qu'elle ose franchir le seuil de sa chambre partagée d'ordinaire avec le Russe. Russe déjà sur le pied de guerre, armé d'aiguille, de fil, de tissu, en plein travail. Au regard interrogateur, Eliance répond par un baiser bref et un assuré « J'ai surveillé l'armée qui est r'viendu. J'suis crevée ! » Aucun mensonge dans ses propos, même si c'est davantage une armée d'étoiles, qu'elle a surveillé de près.
C'est sur cette belle excuse qu'elle a pris le chemin de sa paillasse pour y dormir d'un sommeil véritable quelques heures. À son second réveil du jour, la chambre est vide de tailleur. Sans doute est-il parti en quête de quelque galon ou autre bricole manquante. Elle en profite pour se faire monter un baquet d'eau bouillante. Sa couenne a gardé une certaine froideur de la nuit passée dehors et les quelques écus piqués en vrac à la mairie de Mâcon lui permettent ce petit luxe. Mais à peine la toilette entamée, qu'on cogne à l'huis. Il lui faut s'enrubanner dans le premier tissu qu'elle trouve (prions pour que ce ne soit pas l'ouvrage actuel d'Elias) pour pouvoir entrebailler sans trop de honte un tout petit peu la porte et récupérer un pli tendu par la femme du tavernier.
Les pieds retournent immédiatement se recueillir dans l'eau fumante tandis que les fesses prennent possession d'une chaise et les prunelles marron des mots cosaques. La lettre est posée, seulement une fois la lecture finie et la toilette se poursuit, avec, sur le visage de la roussi-blonde, cet air vaporeux, lointain, invincible qui l'accompagne quand elle devient Dikaya koshka. La peine n'est pas franchement prise de se sécher convenablement. Elle a repris le tissu, s'est enroulée dedans et s'est mise à écrire frénétiquement au Cosaque. Elle a coutume de ne jamais laisser traîner une réponse. La distance fait assez cette chose-là, lui semble-t-il, pour ajouter une longueur supplémentaire.
Citation:
Je savais qu'un jour, vous voudriez savoir. Je savais que vous poseriez la question ou alors que je ressentirai le besoin de vous raconter.
Je ne pensais seulement pas que ça tomberait maintenant.
Torvar, vous demandez la vérité, la sincérité et tout ce qui va avec. Je vais vous la donner. Comme je le fais toujours. Je ne veux pas par contre que ça vous chagrine. Que ça vous mine, ou que sais-je encore. Vous demandez, je réponds. Prenez ça pour une autre part de notre secret. Je vais vous dire depuis le début. Sans quoi, les choses seraient incompréhensibles et vous resteriez sur ce « qu'a-t-il donc de particulier cet homme pour avoir réussi là où j'ai échoué ? » qui ne me plaît guère.
Ça remonte à longtemps, notre première vraie rencontre. Et là, je vais évoquer ce passé que j'aime peu ranimer, que je vous avais brièvement confié, une fois. Je vivais dans la mansarde. Seule. Avec pour seules visites quotidiennes celles de mon père. Mon seul bien était une lucarne qui m'ouvrait sur le monde d'en bas. Espionner ce monde d'en bas était un de mes passe-temps favori. Un jour, un gamin s'est arrêté, a levé le nez et m'a regardé longuement. C'était la première fois que je rencontrais un inconnu. C'était la première fois qu'un inconnu me voyait. C'était la première fois et j'ai eu si peur. Je n'ai jamais oublié ce regard.
J'en ai rêvé, j'en ai tissé, des histoires, des songes, avec ces simples yeux braqués sur moi. J'ai fini par les retrouver un jour à Paris. Par hasard. Il y a peu de temps. Enfin, non, lui savait où il allait en venant au journal. Et il m'a regardé comme ce jour-là, avec ces mêmes yeux, ce même regard. Il a été ma première envie de liberté. Et le retrouver, là, à Paris... c'était étrange. On a parlé, fait connaissance. On s'est revu. Compris très rapidement.
Quand Diego est parti, lui est resté dans l'ombre. Il a attendu. Il a fait ce qu'aucun homme n'avait jamais fait : prendre sur lui pour mon bien à moi. Je sais, vous l'avez fait aussi. À votre manière. C'est à cette époque que je vous ai écrit. Que vous m'avez envoyé paître. Voilà pourquoi Elias. Lui est resté. Il a su m'apprendre, lentement mais sûrement, un peu des hommes. Si vous me sentez plus libre, plus guerrière, plus audacieuse, c'est grâce à lui et sa patience. Lui et son tact. Il n'a pas les tendances désinvoltes de Diego. Il ne s'intéresse qu'à ses tissus et à moi. Ça a un côté rassurant.
Vous venez des mêmes contrées froides, vous et lui. Pourtant, vous êtes si différents. Pourtant, la même indépendance vous caractérise. Je ne suis Romanov qu'à cause d'un prétendant plus insistant que les autres qui m'a demandé en mariage et qui m'a faite rire. À cause d'un champ de terre et d'une Atro devenue curé pour l'occasion. Ce n'est qu'un nom que j'ai voulu prendre pour être quelqu'un. Pour ne pas rester la fille de rien que j'étais. Je suis presque-mariée.
Vous n'avez échoué nul part, Torvar. Le destin l'a voulu ainsi. Et puis, vous l'avez dit, dans une lettre précédente : est-ce qu'on ne se serait-on pas haïs, en se hâtant ? J'aime nos rencontres saugrenues. J'aime votre obstination à voir en moi certaines choses.
J'espère que ces mots auront chassé l'amertume que j'ai ressenti en vous lisant.
Je ne compte pas fuir mon procès. Si je dois passer quelques jours au trou, j'irai. J'ai acquis une sorte de certitude qui, parfois, me permet d'affronter les rigueurs : est-ce que je peux vivre des choses pires que celles que j'ai déjà vécues ? Mais votre offre, votre havre de paix, je le garde en mémoire. Je suis accusée de trahison et de trouble à l'ordre public, figurez-vous. Mais le procureur n'avance aucune preuve contre moi. Il ne fait que parler de Mike. J'ai seulement évoqué mes bonnes relations avec la Bourgogne et un certain seigneur. Sans vous nommer, bien sûr. Vous avez assez d'ennuis pour que j'attire les miens sur vous.
D'ailleurs, pour éviter tout nouvel incident avec la justice pour soupçon de sorcellerie, je tiens à préciser que je suis roussi-blonde ! Pas rousse ! N'allez pas m'attirer un autre procès en colportant des rumeurs sur mes capacités magiques à vous soutirer des réponses, voulez-vous. Autant sauter d'une falaise ne m'effraie pas, autant finir cramée sur un bûcher me fait froid dans le dos. Froid d'être brûlée, oui. Encore une fois, c'est stupide, mais c'est ainsi. Et donc si vous me considérez comme ces femmes rousses que vous décrivez, vous me craignez, moi aussi ? Si tel est le cas, ce serait-inédit. Et j'avoue en sourire d'avance.
Vous évoquez votre cousin. Vous ne vivez donc pas seul parmi les Bourguignons, à Cheny ? D'autres Cosaques sont avec vous ? Racontez-moi, bon sang, quelle vie réelle de seigneur vous vivez ! Et qu'est-ce qu'un Khan ? Vous avez écrit ce mot, dans votre lettre.
Et puis, à moi de poser une question indiscrète : cette femme bretonne dont vous parliez avec le blond, n'a-t-elle pas tenté de vous rendre humain, elle aussi ?
Je suis ravie de lire que votre petite-fille reprend vie. Je n'ai jamais douté que ce serait le cas, vu ce qui coule dans ses veines. Prenez bien soin d'elle. Et de vous, surtout.
Dikaya koshka
L'armée est revenue, cette nuit. J'ai espéré votre retour, à vous aussi.
Mais aucune ombre n'a ressemblé à la vôtre.
Le secret palpite.
Torvar
La veille, on lui avait fait une remarque au cosaque et cela l'avait travaillé toute la nuit. Au détour d'une conversation amicale, on lui avait fais observer que c'était étonnant qu'il ne soit pas du même avis que sa suzeraine, qu'il ne suivait donc pas sa "voie". Fronçant les sourcils, il avait alors argumenté qu'il était lui et que ses convictions lui appartenaient... et puis doucement, il y avait réfléchi, se remémorant parfois les mises en garde gentillettes lorsqu'il s'adressait à la duchesse ou un autre noble que sa suzeraine estimait... Et les questions fusèrent toute la nuit au point qu'au petit jour, elles laissèrent un cosaque en plein désarrois et surtout au bord de la fatigue. Et le mécanisme de son cerveau c'était mis en route cogitant sur ce qu'il devait faire ou pas, ce qu'il ne devait pas faire, quel rôle sa noblesse avait vraiment à ses yeux et aux yeux de tous... il n'était pas certain que cela ait changé profondément les choses et même pire, il se sentait écartelé entre deux mondes bien plus vivement qu'autrefois où il n'avait qu'à gérer son appartenance à son peuple et le fait de vivre sur les terres du royaume de France. Aujourd'hui, tout l'éloignait des gens qu'il connaissait et ceux des hautes sphères n'étaient pas prêt à accepter un homme comme lui... décidément, toute sa vie se résumait à une quête impossible à choisir qui il était au fond de lui.
Soupirs lâchés, traits tirés, les mains légèrement tremblantes vinrent se poser sur le visage tanné du cosaque essuyant une fatigue ancrée au plus profond de sa peau. Les soucis lui barraient le front et son esprit se posait en boucle la fameuse question : rendre ou ne pas rendre son titre. Il pouvait être au service de Della par n'importe quel moyen, il n'avait pas besoin d'être Seigneur de Cheny pour y arriver. Autrefois, il aurait même été fier de rester dans l'ombre... Qu'était-il donc venu foutre dans la lumière ?
Encore perdu, encore dans le flou le plus total, encore à se poser mille questions sans réponses, le cosaque resta toute la nuit à la taverne. Certaines avaient l'habitude de rester ouvertes pour y accueillir les soldats qui montaient la garde de jour comme de nuit... la paix avait peut être été signée mais il n'en restait pas moins que tout le monde se méfiait. Et ce n'était pas le coup des Jokers qui allait rassurer la duchesse et son conseil, tous prompt à montrer leur capacité à faire les cons dans une ville plus morte que vive. C'est donc là que Torvar prit le temps de répondre à Eliance, chat sauvage par excellence qui n'était qu'à quelques lieues de lui et qui paraissait si étrangement éloignée.
Y croire... toujours y croire... voilà ce que je me dis tous les matins lorsque mes yeux se posent sur le soleil levant. Mais aujourd'hui j'ai comme un mauvais pressentiment, une sensation de défaite s'immisce dans mes veines et me laisse comme un goût amer en moi... je ne saurais l'expliquer, je ne saurais dire pourquoi.... trop de questions et pas assez de réponses... J'aimerais que la vie soit plus simple et pourtant elle ne l'est pas.
Pardonnez-moi ce préambule Eliance, je tourne, je vire depuis hier que j'en suis à ne plus savoir ce que je raconte même à moi-même... j'ai la désagréable impression que je me fourvoie, que je me perds... chaque pas que je fais l'est au prix d'un terrible effort, d'une incommensurable réflexion et pourtant je ne vois pas le bout du tunnel, même j'ai l'impression de m'être fourvoyé... Vous m'avez dit que "seigneur" m'allait bien, je réponds que "saigneur" était parfait. J'aurais dû rester à mon niveau, me sentir à ma place... au lieu de ça j'ai essayé de briller mais je ne suis pas fait pour ça Eliance... non pas fait pour ça... mais veuillez me pardonner, je n'ai pas à vous parler de mes tourments et encore moins lorsqu'ils sont aussi ridicules et éloignés de vous.
Par contre je vous remercie d'avoir levé un peu le mystère de Romanov. Nous sommes du même pays certes mais je doute que nous ayons vécu les mêmes choses... je le vois bien être né dans les palais de la Moscovie tandis que je suis né sur les terres de mes ancêtres, au cur des steppes, où nous devions nous battre pour survivre. La preuve en est, alors que chez nous ce sont les femmes qui tissent et brodes de magnifiques robes et chemises, votre Romanov en a fait son métier. Il est plus précieux que nos précieuses petites mains... mais je ne le fustige point. Il est ce qu'il est et s'il sait prendre soin de vous alors je l'en remercie. Vous méritez d'être heureuse Eliance, bien plus que vous ne voulez bien l'admettre. Et même si vous êtes mise dans les geôles du duché, soyez heureuse malgré tout. Gardez au fond de votre cur la pensée éternelle que Romanov est là et qu'ailleurs, d'autres pensent à vous.
D'ailleurs parlons-en des geôles... ridicule procès fait juste pour montrer sa supériorité. Il faut bien que le conseil ducal se rassure comme il peut déjà que ses sbires sont incapables de reprendre la mairie... je me demande si la duchesse n'a pas trouvé ce prétexte pour aller conter fleurette et se faire soulever les jupes avec quelques hommes de troupes.... il se murmure ici qu'elle aime jouer les saintes nitouches mais qu'il n'en n'est rien. Peut être est-ce pour cela que vous trouviez qu'elle s'aplatissait bien devant moi... pour un peu j'en rirais si ce n'était pas si... pathétique. Etre au sommet et être si ridicule... ça me ramène à mes questions fondamentales... la noblesse est-elle vraiment vivable ? Plus je vous écris jolie Dikaya koshka, moins j'en suis convaincu... mais peu importe, je ne suis pas là pour vous décrire mes états d'âme mais plutôt pour en savoir plus sur votre vie là-bas, si près de moi tout en étant si éloignée... Pour un peu, je repartirais vous rendre visite si je n'avais pas peur que votre... mari... se doute de quelque chose... je n'ai jamais été très tolérant et s'il venait à poser son séant en taverne, nous risquerions l'incident. Et de ça je veux vous préserver. A peine mariée que déjà veuve... si cela ne me ferait ni chaud ni froid, je ne serais pas celui qui vous entrainera dans un malheur juste pour assouvir cette faim qui me dévore de l'intérieur. Je vous a... apprécie trop pour ça Eliance...
Et non, je ne vous crains pas mais les rousses ont un pouvoir que les autres n'ont pas. Elles savent être envoutantes sans même s'en rendre compte. Peut être la couleur chatoyante fait ouvrage, je ne sais point mais je vous assure que c'est quelque chose de difficile à raconter... peut être est-ce aussi parce que j'ai déjà frayé avec le feu lors de ma jeunesse et j'en garde les stigmates sur ma peau... le roux m'a toujours rappelé cette sensation si terriblement douloureuse qui s'immisçait en moi mais si attirante à la fois... hypnotisé que j'étais par la couleur des flammes... vous comprendrez sans difficulté ma fascination pour les charmantes rousses même si ces dernières sont "roussi-blondes"... nom tout à fait séduisant et qui vous va à ravir. Mais changeons de sujet, je ne voudrais pas trop vous flattez, vous risqueriez d'y prendre goût douce Dikaya koshka.
Alors pour répondre à vos questions concernant mon cousin, Drobomir est venu avec son fils et quelques hommes du clan quand j'en ai eu besoin lors des premières semaines du conflit avec l'Empire. Je n'étais pas encore engagé dans cette guerre harassante et lassante mais je tenais à avoir sous la main des hommes responsables, prêt à donner leur vie pour celle de Perceval. J'avais déjà reconnu le fils de Maryah comme le mien à cette époque et je savais qu'il serait en sécurité avec mon cousin. Depuis, Drobomir est resté à mes côtés et m'aide à me tenir sur le chemin long et difficile qui est le mien.
Il est celui en qui j'ai le plus confiance, il est le seul à pouvoir parler en mon nom, il est mon âme cosaque, celui qui me rappelle chaque jour d'où je viens et qui je suis. Quand je le regarde, je me vois et c'est un réel soulagement que de ne pas être seul par ici... Et je suis juste un petit seigneur qui récolte sa vigne, fait vivre un village pour le bien de tous, punis ceux qui doivent l'être et offre un meilleur... un seigneur de rien du tout qui n'aspire qu'à une chose, la tranquillité et je vous assure que ce n'est pas une mince affaire.
Maintenant passons à une petite leçon de terme étranger. Le khan est l'équivalent du souverain chez les Mongols. Vous en avez peut être entendu parler si vous avez eu vents des aventures de Marco Polo, ce commerçant vénitien qui a vécu longtemps sur les terres éloignées des Mongols. La Moscovie s'est longtemps battue contre les hordes du Khan, notre paix a été soumise à rudes épreuves... il fallut choisir son camp... ma grand-mère est mongol... ce ne fut pas une partie de plaisir pour mon clan, loin de là mais c'était écrit ainsi. Mais Dikaya koshka Romanov ne vous parle-t-il jamais de son pays ?
Maintenant, à moi de lever le voile puisque vous avez bien voulu mettre vos souvenirs à ma portée, je vous parlerais donc de Liz. C'était son nom... blonde comme un jour d'été, je l'appelais fille du soleil. Adorable, gentille, très souriante avec un propension à aimer les ours râleurs et grogneurs dès le matin.
Rencontrée en Bourgogne, je l'ai retrouvé chez elle, en Bretagne qu'elle voulait me faire visiter... mais vous me connaissez mieux que quiconque Eliance, je ne me laisse pas approcher, vraiment pas et puis... elle venait de se séparer de son mari qui lui aussi était infidèle, elle m'a vu pensant que je pourrais peut être lui faire oublier... de plus elle était très impliquée dans son village et dans la politique... d'ailleurs elle est duchesse de Bretagne aujourd'hui... je ne suis pas plus humain qu'hier Eliance, je ne le serais peut être jamais... je ne sais pas le faire et je ne voulais pas lui faire de mal... m'aimer c'est, et je m'en rends compte, un véritable poison. Je ne suis pas ce qu'on appelle un homme du monde, je suis même plutôt rébarbatif et pas marrant.... tout ce que vous, les jeunes femmes, n'aimez point alors c'est mieux ainsi... Je pense qu'elle est bien mieux sans moi de toute manière et bien plus heureuse.
Sur ces paroles qui mettent ma personnalité à jour je vais vous quitter Eliance... la fatigue commence à se faire sentir et j'ai encore mille choses à faire avant de prendre un peu de repos.
Faites attention à vous Dikaya koshka, l'armée rôde et ce n'est généralement jamais synonyme de bonnes choses...
T.
Soupirs lâchés, traits tirés, les mains légèrement tremblantes vinrent se poser sur le visage tanné du cosaque essuyant une fatigue ancrée au plus profond de sa peau. Les soucis lui barraient le front et son esprit se posait en boucle la fameuse question : rendre ou ne pas rendre son titre. Il pouvait être au service de Della par n'importe quel moyen, il n'avait pas besoin d'être Seigneur de Cheny pour y arriver. Autrefois, il aurait même été fier de rester dans l'ombre... Qu'était-il donc venu foutre dans la lumière ?
Encore perdu, encore dans le flou le plus total, encore à se poser mille questions sans réponses, le cosaque resta toute la nuit à la taverne. Certaines avaient l'habitude de rester ouvertes pour y accueillir les soldats qui montaient la garde de jour comme de nuit... la paix avait peut être été signée mais il n'en restait pas moins que tout le monde se méfiait. Et ce n'était pas le coup des Jokers qui allait rassurer la duchesse et son conseil, tous prompt à montrer leur capacité à faire les cons dans une ville plus morte que vive. C'est donc là que Torvar prit le temps de répondre à Eliance, chat sauvage par excellence qui n'était qu'à quelques lieues de lui et qui paraissait si étrangement éloignée.
Y croire... toujours y croire... voilà ce que je me dis tous les matins lorsque mes yeux se posent sur le soleil levant. Mais aujourd'hui j'ai comme un mauvais pressentiment, une sensation de défaite s'immisce dans mes veines et me laisse comme un goût amer en moi... je ne saurais l'expliquer, je ne saurais dire pourquoi.... trop de questions et pas assez de réponses... J'aimerais que la vie soit plus simple et pourtant elle ne l'est pas.
Pardonnez-moi ce préambule Eliance, je tourne, je vire depuis hier que j'en suis à ne plus savoir ce que je raconte même à moi-même... j'ai la désagréable impression que je me fourvoie, que je me perds... chaque pas que je fais l'est au prix d'un terrible effort, d'une incommensurable réflexion et pourtant je ne vois pas le bout du tunnel, même j'ai l'impression de m'être fourvoyé... Vous m'avez dit que "seigneur" m'allait bien, je réponds que "saigneur" était parfait. J'aurais dû rester à mon niveau, me sentir à ma place... au lieu de ça j'ai essayé de briller mais je ne suis pas fait pour ça Eliance... non pas fait pour ça... mais veuillez me pardonner, je n'ai pas à vous parler de mes tourments et encore moins lorsqu'ils sont aussi ridicules et éloignés de vous.
Par contre je vous remercie d'avoir levé un peu le mystère de Romanov. Nous sommes du même pays certes mais je doute que nous ayons vécu les mêmes choses... je le vois bien être né dans les palais de la Moscovie tandis que je suis né sur les terres de mes ancêtres, au cur des steppes, où nous devions nous battre pour survivre. La preuve en est, alors que chez nous ce sont les femmes qui tissent et brodes de magnifiques robes et chemises, votre Romanov en a fait son métier. Il est plus précieux que nos précieuses petites mains... mais je ne le fustige point. Il est ce qu'il est et s'il sait prendre soin de vous alors je l'en remercie. Vous méritez d'être heureuse Eliance, bien plus que vous ne voulez bien l'admettre. Et même si vous êtes mise dans les geôles du duché, soyez heureuse malgré tout. Gardez au fond de votre cur la pensée éternelle que Romanov est là et qu'ailleurs, d'autres pensent à vous.
D'ailleurs parlons-en des geôles... ridicule procès fait juste pour montrer sa supériorité. Il faut bien que le conseil ducal se rassure comme il peut déjà que ses sbires sont incapables de reprendre la mairie... je me demande si la duchesse n'a pas trouvé ce prétexte pour aller conter fleurette et se faire soulever les jupes avec quelques hommes de troupes.... il se murmure ici qu'elle aime jouer les saintes nitouches mais qu'il n'en n'est rien. Peut être est-ce pour cela que vous trouviez qu'elle s'aplatissait bien devant moi... pour un peu j'en rirais si ce n'était pas si... pathétique. Etre au sommet et être si ridicule... ça me ramène à mes questions fondamentales... la noblesse est-elle vraiment vivable ? Plus je vous écris jolie Dikaya koshka, moins j'en suis convaincu... mais peu importe, je ne suis pas là pour vous décrire mes états d'âme mais plutôt pour en savoir plus sur votre vie là-bas, si près de moi tout en étant si éloignée... Pour un peu, je repartirais vous rendre visite si je n'avais pas peur que votre... mari... se doute de quelque chose... je n'ai jamais été très tolérant et s'il venait à poser son séant en taverne, nous risquerions l'incident. Et de ça je veux vous préserver. A peine mariée que déjà veuve... si cela ne me ferait ni chaud ni froid, je ne serais pas celui qui vous entrainera dans un malheur juste pour assouvir cette faim qui me dévore de l'intérieur. Je vous a... apprécie trop pour ça Eliance...
Et non, je ne vous crains pas mais les rousses ont un pouvoir que les autres n'ont pas. Elles savent être envoutantes sans même s'en rendre compte. Peut être la couleur chatoyante fait ouvrage, je ne sais point mais je vous assure que c'est quelque chose de difficile à raconter... peut être est-ce aussi parce que j'ai déjà frayé avec le feu lors de ma jeunesse et j'en garde les stigmates sur ma peau... le roux m'a toujours rappelé cette sensation si terriblement douloureuse qui s'immisçait en moi mais si attirante à la fois... hypnotisé que j'étais par la couleur des flammes... vous comprendrez sans difficulté ma fascination pour les charmantes rousses même si ces dernières sont "roussi-blondes"... nom tout à fait séduisant et qui vous va à ravir. Mais changeons de sujet, je ne voudrais pas trop vous flattez, vous risqueriez d'y prendre goût douce Dikaya koshka.
Alors pour répondre à vos questions concernant mon cousin, Drobomir est venu avec son fils et quelques hommes du clan quand j'en ai eu besoin lors des premières semaines du conflit avec l'Empire. Je n'étais pas encore engagé dans cette guerre harassante et lassante mais je tenais à avoir sous la main des hommes responsables, prêt à donner leur vie pour celle de Perceval. J'avais déjà reconnu le fils de Maryah comme le mien à cette époque et je savais qu'il serait en sécurité avec mon cousin. Depuis, Drobomir est resté à mes côtés et m'aide à me tenir sur le chemin long et difficile qui est le mien.
Il est celui en qui j'ai le plus confiance, il est le seul à pouvoir parler en mon nom, il est mon âme cosaque, celui qui me rappelle chaque jour d'où je viens et qui je suis. Quand je le regarde, je me vois et c'est un réel soulagement que de ne pas être seul par ici... Et je suis juste un petit seigneur qui récolte sa vigne, fait vivre un village pour le bien de tous, punis ceux qui doivent l'être et offre un meilleur... un seigneur de rien du tout qui n'aspire qu'à une chose, la tranquillité et je vous assure que ce n'est pas une mince affaire.
Maintenant passons à une petite leçon de terme étranger. Le khan est l'équivalent du souverain chez les Mongols. Vous en avez peut être entendu parler si vous avez eu vents des aventures de Marco Polo, ce commerçant vénitien qui a vécu longtemps sur les terres éloignées des Mongols. La Moscovie s'est longtemps battue contre les hordes du Khan, notre paix a été soumise à rudes épreuves... il fallut choisir son camp... ma grand-mère est mongol... ce ne fut pas une partie de plaisir pour mon clan, loin de là mais c'était écrit ainsi. Mais Dikaya koshka Romanov ne vous parle-t-il jamais de son pays ?
Maintenant, à moi de lever le voile puisque vous avez bien voulu mettre vos souvenirs à ma portée, je vous parlerais donc de Liz. C'était son nom... blonde comme un jour d'été, je l'appelais fille du soleil. Adorable, gentille, très souriante avec un propension à aimer les ours râleurs et grogneurs dès le matin.
Rencontrée en Bourgogne, je l'ai retrouvé chez elle, en Bretagne qu'elle voulait me faire visiter... mais vous me connaissez mieux que quiconque Eliance, je ne me laisse pas approcher, vraiment pas et puis... elle venait de se séparer de son mari qui lui aussi était infidèle, elle m'a vu pensant que je pourrais peut être lui faire oublier... de plus elle était très impliquée dans son village et dans la politique... d'ailleurs elle est duchesse de Bretagne aujourd'hui... je ne suis pas plus humain qu'hier Eliance, je ne le serais peut être jamais... je ne sais pas le faire et je ne voulais pas lui faire de mal... m'aimer c'est, et je m'en rends compte, un véritable poison. Je ne suis pas ce qu'on appelle un homme du monde, je suis même plutôt rébarbatif et pas marrant.... tout ce que vous, les jeunes femmes, n'aimez point alors c'est mieux ainsi... Je pense qu'elle est bien mieux sans moi de toute manière et bien plus heureuse.
Sur ces paroles qui mettent ma personnalité à jour je vais vous quitter Eliance... la fatigue commence à se faire sentir et j'ai encore mille choses à faire avant de prendre un peu de repos.
Faites attention à vous Dikaya koshka, l'armée rôde et ce n'est généralement jamais synonyme de bonnes choses...
T.
Eliance
Et merde !
La chausse a soulevé quelque poussière, en s'abattant par terre dans un mouvement rageux. Sa propriétaire ? C'est Eliance. Et c'est rare, qu'elle enrage. Elle a les yeux rivés sur l'armée qui ne semble pas vouloir décoller de la campagne mâconnaise. Elle a les yeux rivés vers ce barrage, cette frontière mouvante et si effrayante. Vers ce qui la sépare de sa volonté.
Elle n'ose pas affronter ça. Bonne excuse pour fuir une nouvelle fois ? Prudence sécuritaire ? Personne ne sait, à part elle. Et encore... pas sûre qu'elle soit bien au courant de tout ce qui travaille dans sa caboche. Alors, plutôt que de trouver une excuse bidon comme un petit trajet vers le Nord en vu d'aller quérir quelques pains à bouffer, elle se rentre au chaud, pour écrire. Parce que la lettre du Cosaque l'a tourneboulé.
L'échappée sauvage ne sera pas pour ce jour.
La chausse a soulevé quelque poussière, en s'abattant par terre dans un mouvement rageux. Sa propriétaire ? C'est Eliance. Et c'est rare, qu'elle enrage. Elle a les yeux rivés sur l'armée qui ne semble pas vouloir décoller de la campagne mâconnaise. Elle a les yeux rivés vers ce barrage, cette frontière mouvante et si effrayante. Vers ce qui la sépare de sa volonté.
Elle n'ose pas affronter ça. Bonne excuse pour fuir une nouvelle fois ? Prudence sécuritaire ? Personne ne sait, à part elle. Et encore... pas sûre qu'elle soit bien au courant de tout ce qui travaille dans sa caboche. Alors, plutôt que de trouver une excuse bidon comme un petit trajet vers le Nord en vu d'aller quérir quelques pains à bouffer, elle se rentre au chaud, pour écrire. Parce que la lettre du Cosaque l'a tourneboulé.
L'échappée sauvage ne sera pas pour ce jour.
Citation:
- Amer, oui. Vos mots sont amers. Ne vous en excusez pas. Je préfère les savoir couchés sur un papier qu'en train de vous ronger de l'intérieur. À qui devraient revenir ces mots-là, ces tourments, au juste ? Pourquoi ne devraient-ils pas m'être adressés ? Tout ce qui est proche de vous l'est de moi, quelque part. Je n'ai pas besoin d'expliquer pourquoi ni comment, vous aurez compris, je pense.
Vos questionnements sont stupides. Permettez-moi de vous le dire. Pour une fois que les idioties viennent de vous ! Vous êtes bien davantage seigneur que la plupart des seigneurs. Vous parlez de noblesse, mais vous vous comparez à des gens qui en sont dépourvus. Vous avez plus de qualité d'âme, Torvar, que bien des nobles de naissance. Ce que vous êtes aujourd'hui, c'est parce que vous l'avez mérité. Ce que vous êtes aujourd'hui, reflète plus que jamais ce que vous avez été hier.
Vous vous contentez de voir votre noirceur, constamment. Croyez-vous réellement que votre suzeraine dont j'ignore le nom, mais qui doit être une personne honorable aurait offert une terre à n'importe qui ? Au premier type venu ? Si elle l'a fait, c'est qu'elle a vu en vous ce que j'y vois, moi aussi. Ce que vous vous refusez d'admettre, comme une excuse à votre morosité. En quoi seriez-vous plus mauvais qu'un autre, fondamentalement ? Tous ces sacrifices, que vous faites constamment, suis-je la seule à les voir ?
Vous êtes seigneur. Et même si vous rendez ce titre, ces terres, vous le resterez. Vous l'êtes dans votre âme, dans le plus profond de vous-même. Des Cosaques sont là. Ils vous suivent. Vous soutiennent, vous obéissent aussi, sans doute. Pour vous, ils ont quittés leur vie, leur froid, leur contrée. Je doute qu'ils l'auraient fait pour quiconque d'autre que vous. Vous êtes leur seigneur. Avec ou sans terre. Vous m'avez parlé, un jour, de l'honneur cosaque. De l'extrême importance de cet honneur. Ou bien, l'avais-je deviné dans vos mots. Je ne me souviens plus. Ne doutez-pas de l'avoir, Torvar.
Vous êtes Cosaque, seigneur et respectable, parce que vous êtes juste, bon, travailleur, honnête. Parce que vous ne cherchez pas à briller. Parce que quand vous devez agir, vous n'avez pas peur.Et par-dessus tout, vous êtes libre. Allez savoir si pour vos Cosaques, vous n'êtes pas un khan ! J'aimerai vous en tambouriner la tête jusqu'à ce que vous me croyiez. J'aimerai que vous lisiez dans mes yeux que je ne mens pas. Que ce n'est pas écrit pour vous faire plaisir. L'armée... je l'ai vu... Je fais attention. Du moins, nous ne bougeons pas de Mâcon. Ça évitera les dérives accidentelles. Mais ça m'empêche de vous convaincre en personne de votre valeur.
Cette Liz, puisque c'est son nom, vous l'avez raté lamentablement. Vous l'avez refusé en vous morfondant encore une fois. Je ne suis pas tendre, je crois, avec vous, dans cette lettre. Mais arrêtez de fuir. Arrêtez de vous croire si bas dans l'échelle des qualités humaines. Quand je vous regarde, quand je vous parle, je ne vois pas l'homme que vous décrivez. Vous n'êtes pas un homme du monde, certes, mais est-ce grave ? Vous êtes marrant, parfois. Vous êtes humain, souvent. Vous êtes attachant, toujours. Il est des poisons plus nocifs que vous. Des poisons véritables qui pensent à eux, avant de penser aux autres. Un poison ne s'auto-détruit pas pour épargner une vie, Torvar. Vous, vous le faites constamment.
Pour vous répondre, Elias ne parle jamais de son pays, non. Et il n'est pas né dans les steppes mais plutôt dans un lit douillet. Et il coud. Vous avez vu juste. Vous venez de l'Est, tous deux. Mais d'une vie tellement différente. Et je ne connais cette terre que par ce que vous m'en racontez, vous. Et vous savez comme j'aime quand vous m'en parlez. Préservez-moi si vous voulez. Ça ne changera pas notre secret.
Dikaya koshka
Eliance
La sortie de taverne est mélancolique. Voir un Cosaque tourner les talons n'est jamais agréable, pour la roussi-blonde. Pourtant, ça fait parti de leurs habitudes. Et puis, quel autre dénouement ? Les remords, les regrets inondent chacune de leur rencontre. Eliance n'a à offrir que de « doux souvenirs ». C'est du moins l'achèvement de la matinée.
Elle a changé. Grâce à lui. Grâce à ses mots acerbes, injustes et piquants. Entre autre. Elle a changé pour que ces mots ne lui collent plus à la peau. Pour lui donner tort. Ce jour, elle lui a donné tort. Elle ne fuit plus, ne se cache plus. Elle vit. Ou du moins, elle tente de vivre. Elle n'a pas eu envie de rentrer à l'auberge. De voir Elias. Si elle a volontairement posé ses lèvres sur celles d'un autre, elle estime avoir embrassé un passé, un remords, un manque. Comme un retour en arrière. Un souvenir en retard. Pour lui, pour elle.
Mais elle n'a pas envie de voir Elias, là, de suite. Elle n'a pas envie de revenir dans le présent trop brutalement. Elle veut garder le timbre de voix particulier du Cosaque contre elle. Elle veut aussi conserver cette impression qu'elle ne saurait pas définir précisément. Alors elle est partie au hasard de la campagne mâconnaise, déambulant sans but, sans réflexion. Et puis, soudain, elle s'est mise à sourire, droit devant elle. À rien en particulier. À personne. Seulement à une idée qui vient de lui revenir, de traverser son esprit comme une averse s'invite un jour d'octobre.
Malgré le vent, la terre humide et l'automne environnant, son séant a rejoint le sol, permettant ainsi à ses genoux d'accueillir son calepin. C'est ainsi que la mine de plomb s'agite.
Elle a changé. Grâce à lui. Grâce à ses mots acerbes, injustes et piquants. Entre autre. Elle a changé pour que ces mots ne lui collent plus à la peau. Pour lui donner tort. Ce jour, elle lui a donné tort. Elle ne fuit plus, ne se cache plus. Elle vit. Ou du moins, elle tente de vivre. Elle n'a pas eu envie de rentrer à l'auberge. De voir Elias. Si elle a volontairement posé ses lèvres sur celles d'un autre, elle estime avoir embrassé un passé, un remords, un manque. Comme un retour en arrière. Un souvenir en retard. Pour lui, pour elle.
Mais elle n'a pas envie de voir Elias, là, de suite. Elle n'a pas envie de revenir dans le présent trop brutalement. Elle veut garder le timbre de voix particulier du Cosaque contre elle. Elle veut aussi conserver cette impression qu'elle ne saurait pas définir précisément. Alors elle est partie au hasard de la campagne mâconnaise, déambulant sans but, sans réflexion. Et puis, soudain, elle s'est mise à sourire, droit devant elle. À rien en particulier. À personne. Seulement à une idée qui vient de lui revenir, de traverser son esprit comme une averse s'invite un jour d'octobre.
Malgré le vent, la terre humide et l'automne environnant, son séant a rejoint le sol, permettant ainsi à ses genoux d'accueillir son calepin. C'est ainsi que la mine de plomb s'agite.
Citation:
Comment n'y ai-je pas pensé plus tôt ?!
Vous le saviez, j'en suis sûre. Vous vous en souvenez, vous ! Vous vous souvenez toujours de tout. Vous ne faites rien au hasard.
Mâcon ! On est à Mâcon !
Mon cheval est blessé... donnez-moi des conseils... Vous vous souvenez ?
Mâcon...
Vous avez raison, peut-être que les étoiles décident de tout. Ou alors, vous faites en sortent de les suivre, de les faire parler. Avez-vous déjà songé que si elles s'étaient éteintes un certain soir, ce n'était pas pour fuir, mais pour mieux regarder une nouvelle briller ?
La feuille est détachée du calepin d'un coup sec. Le mot n'est pas signé. Pas vraiment écrit après réflexion. Il est instinctif.
Heyy, toi !
Un gamin chargé d'un sac au contenant mystérieux est hélé.
Viens !
J'te donne dix écus si tu portes ça.
Tu d'mandes le Cosaque. Il doit être au campement, avec les soldats et tout.
Dix écus pour un maigre mot, c'est une aubaine pour le crotté. Il a lâché son sac qui doit coûter bien moins et est parti à toute jambe en direction des tentes militaires, situées de l'autre côté du village. Même si le Cosaque ne crèche pas là, aucun doute qu'il saura le trouver ailleurs. Mâcon n'a rien du labyrinthe parisien.
_________________
Torvar
Des souvenirs qui se forment, doucement, avec patience... des mots qui prennent soin d'effacer d'autres maux venus ronger l'âme du cosaque durant des mois... il n'a pas oublié, il n'a jamais oublié. Comment l'aurait-il pu alors qu'elle est la femme qui a su faire vibrer son âme torturée et silencieuse depuis tant d'années.
On lui en a reproché des choses au cosaque, on lui a dit qu'il faisait fausse route, qu'elle n'était pas pour lui, qu'il fallait abandonner cette femme-enfant parce qu'on ne peut pas prendre ce qui appartient à autrui. Alors il s'est muré dans ses silences qui en disent longs et il a fui... Eliance avait raison lorsqu'elle le lui avait dit. Cette certitude campée au fond du regard. Comment aurait-il pu en être autrement ?
L'arracher à son pseudo bonheur, il ne pouvait pas. Elle ne lui aurait pas pardonné de prendre ce qu'elle n'était pas prête à lui donner. Alors il s'était tu... longtemps et s'était montré froid, dur, méchant et mesquin. Comme il s'avait si bien le faire... Mais aujourd'hui, il avait devant lui cette vérité nue, triste constat des mois perdus et ne pouvant jamais se rattraper. Jamais elle ne lui appartiendrait, jamais elle ne renoncerait à sa vie d'hier ou d'aujourd'hui pour lui mais il ne pouvait que la remercier car grâce à elle, il avait touché du doigt ce que l'on appelait le bonheur... une fraction de seconde dans sa chienne de vie, il avait ressenti une paix immense l'envahir lorsque les lèvres d'Eliance était venue se poser sur les siennes. Telles des ailes de papillons, elles l'avaient à peine effleuré certes et il avait cru avoir rêvé avant qu'elle ne recommence... et ses doigts s'étaient alors glissés sur le velouté de cette peau tant admirée au cours des heures passées à la regarder...
La froidure d'automne venait mordre l'âme du cosaque. Il était à ce jour à nouveau plongé dans ce dilemme... l'envie de tout claquer, de partir, de ne jamais se retourner ou de se laisser mourir, enfin heureux d'avoir pu croire au bonheur l'espace d'un battement d'aile. Et puis un mioche était venu à sa rencontre, lui fourrant dans les pattes un papier griffonné... les doigts de Torvar se refermèrent dessus, il manquait d'air soudainement mais rappelant le gosse, il lui fit signe de le suivre.
- Installe-toi là... prends c'que tu veux à manger, y'en a trop pour moi... Dès que j'ai fini, tu iras porter ce pli à celle qui t'a confié le premier.
Torvar sortit quelques écus de son escarcelle, les posa devant le gamin puis s'installa lui-même sur son lit de fortune afin de répondre.
Macon... nos rencontres s'y sont fait à plusieurs reprises, il est vrai... la Bourgogne a toujours eu une signification particulière pour moi... peut être est-ce pour cela que j'ai accepté de m'y installer... Pour ne pas oublier ce regard que vous aviez porté sur moi la première fois... Entre la fièvre et les godets de Gorsalka, j'aurais pu oublier mais comment le faire lorsqu'il s'agit de vous ?
Si aujourd'hui je suis là ce n'était point pour vous faire du mal et vous le savez... Je n'aurais pas pu pointer mon épée sur vous parce que malgré ce que j'ai déclaré tant de fois, vous êtes et resterez celle qui a su me réchauffer de cet hiver qui enveloppait ma vie. Merci pour ce merveilleux cadeau que vous avez osé me donner... Le petit chat sauvage qui fut autrefois au centre de mes pensées s'est transformé en une douce étincelle de vie qui sait donner d'elle pour réchauffer les âmes meurtries... Votre moitié a bien de la chance mais ça je l'ai toujours su... Vous grandissez au fur et à mesure que le temps passe affrontant la vie drapée de votre aura chaleureuse et bienfaitrice. Vous faites partie de ces personnes qui sont faites pour briller Eliance contrairement à moi. Si mon ciel le jour de ma naissance était sombre comme la noirceur d'une âme damnée c'est qu'il y a une raison à cela... et je n'ai jamais cherché à être autre chose que ce que je suis... Mais merci d'avoir voulu me le faire croire... ne serais-ce qu'un court instant.
Je vous le redis, faites attention à vous. Les dangers rôdent et même si je sais que vous y êtes habituée, je ne puis faire autrement que de prier pour que vous traversiez la vie sans malheur ni encombre.
T.
Le gamin s'en était fourré plein les joues et les poches et Torvar lui offrit un regard bienveillant. Il n'allait pas lui interdire de grappiller un peu plus que ce qu'il pouvait avaler... il connaissait la faim et aujourd'hui c'était Byzance.
Le pli remis entre bonnes mains, le cosaque regarda le mioche reprendre le chemin qu'il avait fait à l'allé. Inspirant profondément, il remonta sa pelisse faite de peau d'ours et s'en enveloppa afin de se couper du monde, pénétrant dans sa tanière.
On lui en a reproché des choses au cosaque, on lui a dit qu'il faisait fausse route, qu'elle n'était pas pour lui, qu'il fallait abandonner cette femme-enfant parce qu'on ne peut pas prendre ce qui appartient à autrui. Alors il s'est muré dans ses silences qui en disent longs et il a fui... Eliance avait raison lorsqu'elle le lui avait dit. Cette certitude campée au fond du regard. Comment aurait-il pu en être autrement ?
L'arracher à son pseudo bonheur, il ne pouvait pas. Elle ne lui aurait pas pardonné de prendre ce qu'elle n'était pas prête à lui donner. Alors il s'était tu... longtemps et s'était montré froid, dur, méchant et mesquin. Comme il s'avait si bien le faire... Mais aujourd'hui, il avait devant lui cette vérité nue, triste constat des mois perdus et ne pouvant jamais se rattraper. Jamais elle ne lui appartiendrait, jamais elle ne renoncerait à sa vie d'hier ou d'aujourd'hui pour lui mais il ne pouvait que la remercier car grâce à elle, il avait touché du doigt ce que l'on appelait le bonheur... une fraction de seconde dans sa chienne de vie, il avait ressenti une paix immense l'envahir lorsque les lèvres d'Eliance était venue se poser sur les siennes. Telles des ailes de papillons, elles l'avaient à peine effleuré certes et il avait cru avoir rêvé avant qu'elle ne recommence... et ses doigts s'étaient alors glissés sur le velouté de cette peau tant admirée au cours des heures passées à la regarder...
La froidure d'automne venait mordre l'âme du cosaque. Il était à ce jour à nouveau plongé dans ce dilemme... l'envie de tout claquer, de partir, de ne jamais se retourner ou de se laisser mourir, enfin heureux d'avoir pu croire au bonheur l'espace d'un battement d'aile. Et puis un mioche était venu à sa rencontre, lui fourrant dans les pattes un papier griffonné... les doigts de Torvar se refermèrent dessus, il manquait d'air soudainement mais rappelant le gosse, il lui fit signe de le suivre.
- Installe-toi là... prends c'que tu veux à manger, y'en a trop pour moi... Dès que j'ai fini, tu iras porter ce pli à celle qui t'a confié le premier.
Torvar sortit quelques écus de son escarcelle, les posa devant le gamin puis s'installa lui-même sur son lit de fortune afin de répondre.
Macon... nos rencontres s'y sont fait à plusieurs reprises, il est vrai... la Bourgogne a toujours eu une signification particulière pour moi... peut être est-ce pour cela que j'ai accepté de m'y installer... Pour ne pas oublier ce regard que vous aviez porté sur moi la première fois... Entre la fièvre et les godets de Gorsalka, j'aurais pu oublier mais comment le faire lorsqu'il s'agit de vous ?
Si aujourd'hui je suis là ce n'était point pour vous faire du mal et vous le savez... Je n'aurais pas pu pointer mon épée sur vous parce que malgré ce que j'ai déclaré tant de fois, vous êtes et resterez celle qui a su me réchauffer de cet hiver qui enveloppait ma vie. Merci pour ce merveilleux cadeau que vous avez osé me donner... Le petit chat sauvage qui fut autrefois au centre de mes pensées s'est transformé en une douce étincelle de vie qui sait donner d'elle pour réchauffer les âmes meurtries... Votre moitié a bien de la chance mais ça je l'ai toujours su... Vous grandissez au fur et à mesure que le temps passe affrontant la vie drapée de votre aura chaleureuse et bienfaitrice. Vous faites partie de ces personnes qui sont faites pour briller Eliance contrairement à moi. Si mon ciel le jour de ma naissance était sombre comme la noirceur d'une âme damnée c'est qu'il y a une raison à cela... et je n'ai jamais cherché à être autre chose que ce que je suis... Mais merci d'avoir voulu me le faire croire... ne serais-ce qu'un court instant.
Je vous le redis, faites attention à vous. Les dangers rôdent et même si je sais que vous y êtes habituée, je ne puis faire autrement que de prier pour que vous traversiez la vie sans malheur ni encombre.
T.
Le gamin s'en était fourré plein les joues et les poches et Torvar lui offrit un regard bienveillant. Il n'allait pas lui interdire de grappiller un peu plus que ce qu'il pouvait avaler... il connaissait la faim et aujourd'hui c'était Byzance.
Le pli remis entre bonnes mains, le cosaque regarda le mioche reprendre le chemin qu'il avait fait à l'allé. Inspirant profondément, il remonta sa pelisse faite de peau d'ours et s'en enveloppa afin de se couper du monde, pénétrant dans sa tanière.
Eliance
Elle n'a pas bougé. Elle n'espérait pas revoir le gosse. Elle a juste oublié de cligner des yeux, de vivre pendant un instant. Elle est restée en suspend en elle-même, là, par terre au milieu de nul part, seule avec ses pensées. Alors quand il revient et lui agite un pli sous le nez, elle braque un regard hagard sur lui. Elle met un instant à comprendre. Mais quand elle saisit enfin, elle prend la lettre dans un geste presque brutal, lui file de nouveaux écus et le laisse filer, plus occupée à lire prestement qu'à le retenir.
Le froid l'a saisi. Elle n'a pas vu les heures s'égrainer et le soleil s'affadir. Elle a lu. Relu. Et puis elle a fini par se lever pour aller se réchauffer un bout de couenne dans une auberge. Tenir une mine de plomb entre des boudins congelés, ce n'est pas ce qu'il y a de plus pratique.
- ***
Ce n'est que plus tard, après un véritable adieu (ou devrait-on dire un énième adieu), que Eliance a ressorti la lettre, au calme d'une salle déserte, au coeur de la nuit. Le sommeil a préféré la fuir, ce soir-là, et l'idée lui est venue d'aller espionner les étoiles qui, paraît-il, décident de tout. Espionner à travers une fenêtre, il va sans dire, vu le froid glacial des alentours. C'est que l'hiver semble en bonne marche, ou du moins pas un automne de pacotille.
Trop de mots, trop de maux, en seulement deux petites journées. Entre les paroles du Cosaque et celles de Mahi dont l'avis tranchant est un peu sanglant parfois, Eliance a de quoi tergiverser avec elle-même. Et elle tergiverse, au gré du nez pratiquement collé au carreau, l'oeil davantage perdu dans la pénombre que détailleur de scintillement astral.
Et puis, parce qu'il faut bien que certaines choses sortent et se couchent dans l'encre, elle s'attaque à écrire.
Citation:
C'est sans doute pour ça que je déteste cette ville comme elle m'attire. Elle n'a rien pour elle, la pauvre, si ce n'est votre présence à chaque fois, ou presque, que j'y pose les talons. Je ne suis pas sûre que ça puisse être un argument à faire-valoir pour sa promotion dans le Royaume, mais peu importe. Je sais à présent d'où vient cette étrange impression.
De vous savoir en partance, ce soir, je la trouve changée. Les murs sont devenus plus froids. Plus silencieux. Plus moches. Il faudra m'expliquer comment vous faites. Votre amabilité, sans doute, qui court dessus et puis qui s'en va !
Je crois que j'ai oublié de vous dire une chose. Enfin, nous avons bien dû en oublier une centaine, mais une me traverse particulièrement l'esprit, depuis quelques minutes. Un regret plus fort que les autres. Vous auriez dû ne pas me laisser le choix, un jour. Je ne sais pas quel jour. Vous auriez dû mettre votre hargne là-dedans plutôt que dans les mots. Vous auriez dû m'enfermer quelque part. Je ne sais pas où. Me traîner de force chez vous. Je ne sais pas comment.
Ou accepter mon retour, après Diego. Simplement accepter que j'ai pu ouvrir les yeux, enfin.
Ce présent, ce cadeau dont vous parlez, ce souvenir tardif, ne m'en remerciez pas. Ne prenez pas ça pour une offrande ou un sacrifice, ou je ne sais quoi d'autre. Je vous le devais. Je vous dois encore beaucoup. Nous aurions dû dessiner ce souvenir bien plus tôt. Et puis, je vous ai dit que j'ai changé. Un peu.
Je ne vois pas en vous l'âme noircie que vous décrivez. Je vois tout autre chose. Et ce n'est pas pour vous arranger que je le dis sans cesse. Votre vision de moi est tout aussi stupide. Avez-vous déjà vu une gourde briller ? Ca doit pas avoir fameuse allure ! Et puis, voyez, à ma naissance, personne n'a eu l'idée de regarder le ciel. Je ne sais même pas si j'ai vu le jour sous un soleil de plomb au zénith, dans une épaisse purée de pois ou dans la pénombre des nuits sans étoiles. On m'a dit le jour, le mois. C'est tout. Chaque nuit que je remarquerai identique à votre naissance, je la considérerai comme un anniversaire. Vous ne saurez rien y changer.
Je pourrais mentir et vous dire que je fais attention à moi. Mais pour dire vrai, je ne sais pas comment faire.
Alors je vous demanderai seulement d'appliquer ceci à vous, de votre côté, même si je plains davantage celui qui tentera de vous briser un bras, vu ce qu'il se prendra dans la tête.
E.
Torvar
Il l'avait vu derrière les fenêtres de la taverne, il avait alors hésité, restant là, les deux mains dans les poches dans la froidure de la nuit... Un vieil alcoolique l'avait bousculé lui faisant détacher son regard pour mieux lancer des éclairs à celui qui s'était transformé en penaud en moins de dix secondes, s'excusant à tout va d'avoir si lamentablement échoué sur les bottes du cosaque. Jurant dans sa langue natale, Torvar avait donné une raison de plus au pauvre gars de se sentir mal dans sa peau. D'ailleurs il ne demanda pas son reste, ramassa son bonnet de meunier et s'en alla en direction du moulin du village...
Le cosaque redressa le menton, reprit sa position tout en faisant bien attention à se caler dans l'ombre de la nuit, sous ce porche qui lui permettait de voir sans être vu... il voulait juste être là, à la regarder se mouvoir, sourire ou bien encore s'en vouloir, froncer ce petit nez comme elle savait si bien le faire quand quelque chose lui déplaisait, peut être même rouler des yeux à l'annonce d'une vérité qu'elle ne souhaitait pas entendre ou qu'il avait transformé pour ne pas déranger... inspirant profondément, son coeur se serra de plus belle lorsqu'elle vint coller son minois contre la fenêtre... Eliance ne pouvait s'imaginer qu'il était là, face à elle avec l'envie de tendre les bras pour l'attraper... cette envie qui lui vrillait les tripes parce qu'il savait que ça lui était interdit... une fois de plus. Diego s'en était allé et Romanov avait pris sa place... toujours un qui avait un coup d'avance sur lui... Enfonçant son cou dans la pelisse d'ours, ses doigts vinrent remettre en place le col de ce mantel qui lui permettait de rester ainsi dans le froid et l'humidité. Mais pourtant il fallait que cela cesse, que tout se stoppe... un point final à une histoire avortée... mais avait-il simplement envie de renoncer à elle ? Elle était cette obsédante tentation, de celle qui se cache dans le moindre recoin de l'esprit, du coeur, de l'âme... vous faisant oublier jusqu'à votre propre existence. Se perdant dans les méandres de la nuit pour mieux revenir un jour éclater devant vous et vous illuminer de toute sa clarté... Mais pour l'heure, il devait s'en éloigner... encore... Adieu et à jamais...
Les lieues avaient été avalées, seul dans cette nuit profonde et silencieuse. Seul le souffle de Vorobeï rappelait au cosaque qu'il faisait route vers sa destinée, celle qu'il avait choisi et qui s'était imposée au cours de ces derniers mois. Faisant une pause afin de boire quelques gorgées de gorsalka en attrapant son outre à la selle de son compagnon de route, il se laissa glisser à terre afin de faire quelques pas, se dégourdissant les muscles endoloris par le froid et la position du cavalier... l'habitude était une chose, l'âge une autre et les nuits fraîches n'arrangeaient en rien l'état du vieux cosaque... tic-tac, tic-tac, l'aiguille tournait dans le bon sens le rapprochant inéluctablement de la fin... A ce moment-là, le cri d'un corbeau lui arracha un sourire et Torvar osa regarder en arrière... les lueurs des chandelles semblant flotter derrière les carreaux des chaumières avaient disparu depuis belle lurette tandis qu'un soupir de lassitude s'extirpait de ses lèvres encore imbibés du liquide ambrée... une goutte, une odeur, un besoin de se rappeler encore ce regard et cette bouche qui goutait avec défi au breuvage du cosaque... un appel aux souvenirs, encore et à jamais... Torvar s'installa contre le tronc d'un arbre et au petit matin, tandis que le vent glacé de la plaine venait lui mordre les joues ainsi exposée, il sortit son nécessaire à écriture pour envoyer un mot à celle qu'il avait une nouvelle fois laissée à sa propre destinée.
Dikaya koshka,
Pardonnez-moi... je n'ai pas pu rester un soir de plus à Mâcon. Non pas que je ne le souhaitais pas mais je ne vous aurais apporté que des soucis... à force de nous voir ensemble... Et je ne suis pas certain que cela aurait été au gout de votre... enfin vous savez...
Un jour peut être nos pas se recroiseront... un jour peut être...le destin aime à se jouer de nous...
Mes pensées vous accompagnent Eliance... Dikaya koshka
T.
Le corbeau sifflé, le cosaque accrocha à la patte le message à envoyer... il ne pouvait pas partir ainsi et la laisser sans une explication. Pas une nouvelle fois... Reprenant la route, cette fois, il traça jusqu'à Chalon où l'attendait une chambre bien au chaud à l'auberge. Il n'avait pas vraiment envie de se reposer, sachant que son sommeil serait peuplé de visages qui viendraient encore le fustiger de ne pas avoir essayé... mais la fatigue et le froid aidant, Torvar se laissa choir sur le lit qui le reçu sans préambule, laissant l'homme s'enfoncer dans un sommeil de plomb jusqu'à son réveil en sursaut quelques heures plus tard.
Redressé au milieu de son lit, la grisaille du jour n'annonçait rien de bon et Torvar s'en rendit compte lorsque ses pupilles se posèrent sur la fenêtre... Grognement de circonstance, le cosaque se redressa tout en essayant de chasser le souvenir des lèvres d'Eliance sur les siennes. Ses doigts vinrent même à toucher cette bouche qui gardait ce secret afin de s'assurer que ce n'était pas le fruit de son imagination... à son âge, on aurait dit un gamin à son premier rencart... Mais un coup frappé à la porte et déjà cette dernière s'ouvrait sur l'aubergiste qui lui tendait un pli... Et la lecture ne fut pas longue. Non, Torvar dévora ses mots avant de se retenir d'hurler d'autres maux qui venaient s'enfoncer dans son coeur. Fermant les yeux, il froissa le vélin, le jeta au sol et alla se poster devant la fenêtre, se murant dans son silence. Quand il en sortit, il prit sa plume et répondit.
Dikaya koshka,
Vous ne me devez rien... comment dire le contraire alors que je n'ai absolument rien fais ? Vous le dites vous-même, j'aurais dû... Mais ma couardise a fait que je n'ai pas franchi cette distance qui nous séparait. J'ai eu peur de voir dans votre regard ce que je n'étais pas prêt à affronter... votre mépris alors j'ai reculé... J'ai préféré laisser faire le temps et aujourd'hui il me reste quoi mis à part nos souvenirs ?
Aujourd'hui c'est un autre qui profite de votre présence à ses côtés, aujourd'hui ce sont des amis qui vous entourent et vous guident, aujourd'hui, votre vie appartient à jamais à ceux que vous avez choisi.
J'aurais dû faire de vous ma prisonnière, vous prendre et me faire aimer de vous mais vous m'auriez détesté Eliance... vous auriez détesté devenir celle que vous ne vouliez pas être... vous m'en auriez voulu à la longue et nous aurions fini par ne plus pouvoir ni nous parler, ni même rêver d'étoiles qui parcourent notre existence.
Aujourd'hui nous pouvons le faire... nous avons réussi à surmonter un obstacle qui nous semblait infranchissable parce que je suis entier et que je ne voulais plus de vous dans ma vie... Nous faire du mal était pour moi la solution à cette situation que l'on vivait... vous éloignant de moi à jamais je pensais que vous trouveriez ce que vous sembliez être prête à chercher. Vos pas sont encore hésitants mais vous avancez... A chaque jour suffit sa peine et vous grandissez. Rien ne sert de provoquer les choses lorsqu'on n'est pas prêt à les accepter.
Est-ce qu'aujourd'hui encore, j'ai envie de vous voir à mes côtés Dikaya koshka ? Bien évidemment, encore plus qu'hier et pourtant, je suis parti, encore... une habitude chez moi n'est-ce pas ? Vous semblez plus épanouie, plus prompte à vous prendre en main, plus "guerrière" que vous ne l'avez jamais été... d'ailleurs vos lèvres sur les miennes le prouvent, vous n'auriez jamais osé le faire il y a de ça six mois en arrière alors voyez que tout est bien pour vous... votre route s'ouvre devant vous et il ne faut pas en avoir peur.
Moi, vous, nous... cela n'a peut être existé que dans ma tête et dans mon coeur. Aujourd'hui Romanov est à vos côtés. Pour que vous l'ayez choisi c'est qu'il est différent de Diego. Et je l'espère. Qu'il ne s'avise pas à vous faire de mal sinon... cette fois je ne regarderais pas dans sa direction pour savoir si je fais bien ou pas... je vous enlèverais et vous garderez pour moi... mais pour l'heure ce n'est pas le cas même si je ne l'ai pas vu à Macon... mais il n'était pas le seul à se terrer. Vous avez été la seule à sortir de votre cachette. L'agnelle que l'on sacrifie sur l'autel de la bonne éducation... Au lieu d'un sacrifice, nous avons découvert bien des choses vous et moi... enfin pour ma part c'est incontestable... Et si vous levez le nez vers le ciel, je suis certain que les étoiles dansent et s'illuminent au fur et à mesure que vous avancez. Vous avez le pouvoir de changer les choses, changez-les en bien Eliance... toujours... Faites vos propres choix et ne tenez compte que de vous. Les autres, Romanov, les jokers et même moi ne sont là que pour entrer dans la ronde et illuminer votre vie et vos étoiles. Alors non, vous n'êtes pas une gourde à mes yeux, juste un petit chat sauvage qui apprend la vie.
Ne faites donc pas attention à vous tout comme je ne ferais pas attention à moi. La prochaine fois que nous nous rencontrerons, nous pourrions faire un concours de cicatrices, ça pourrait être amusant...
T.
Le pli fut scellé puis descendu à l'aubergiste afin qu'il dépêche un coursier pour Mâcon tandis que le cosaque s'installait dans un coin, commandant un alcool fort, du moins le plus fort qu'il pouvait avoir. La seule chose qui lui importait aujourd'hui c'était d'embrumer son esprit... une fois encore la vie se refusait à lui donner le droit au bonheur, une fois encore, il repartait à la conquête du vide et de l'absence afin de les apprivoiser.
Le cosaque redressa le menton, reprit sa position tout en faisant bien attention à se caler dans l'ombre de la nuit, sous ce porche qui lui permettait de voir sans être vu... il voulait juste être là, à la regarder se mouvoir, sourire ou bien encore s'en vouloir, froncer ce petit nez comme elle savait si bien le faire quand quelque chose lui déplaisait, peut être même rouler des yeux à l'annonce d'une vérité qu'elle ne souhaitait pas entendre ou qu'il avait transformé pour ne pas déranger... inspirant profondément, son coeur se serra de plus belle lorsqu'elle vint coller son minois contre la fenêtre... Eliance ne pouvait s'imaginer qu'il était là, face à elle avec l'envie de tendre les bras pour l'attraper... cette envie qui lui vrillait les tripes parce qu'il savait que ça lui était interdit... une fois de plus. Diego s'en était allé et Romanov avait pris sa place... toujours un qui avait un coup d'avance sur lui... Enfonçant son cou dans la pelisse d'ours, ses doigts vinrent remettre en place le col de ce mantel qui lui permettait de rester ainsi dans le froid et l'humidité. Mais pourtant il fallait que cela cesse, que tout se stoppe... un point final à une histoire avortée... mais avait-il simplement envie de renoncer à elle ? Elle était cette obsédante tentation, de celle qui se cache dans le moindre recoin de l'esprit, du coeur, de l'âme... vous faisant oublier jusqu'à votre propre existence. Se perdant dans les méandres de la nuit pour mieux revenir un jour éclater devant vous et vous illuminer de toute sa clarté... Mais pour l'heure, il devait s'en éloigner... encore... Adieu et à jamais...
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Les lieues avaient été avalées, seul dans cette nuit profonde et silencieuse. Seul le souffle de Vorobeï rappelait au cosaque qu'il faisait route vers sa destinée, celle qu'il avait choisi et qui s'était imposée au cours de ces derniers mois. Faisant une pause afin de boire quelques gorgées de gorsalka en attrapant son outre à la selle de son compagnon de route, il se laissa glisser à terre afin de faire quelques pas, se dégourdissant les muscles endoloris par le froid et la position du cavalier... l'habitude était une chose, l'âge une autre et les nuits fraîches n'arrangeaient en rien l'état du vieux cosaque... tic-tac, tic-tac, l'aiguille tournait dans le bon sens le rapprochant inéluctablement de la fin... A ce moment-là, le cri d'un corbeau lui arracha un sourire et Torvar osa regarder en arrière... les lueurs des chandelles semblant flotter derrière les carreaux des chaumières avaient disparu depuis belle lurette tandis qu'un soupir de lassitude s'extirpait de ses lèvres encore imbibés du liquide ambrée... une goutte, une odeur, un besoin de se rappeler encore ce regard et cette bouche qui goutait avec défi au breuvage du cosaque... un appel aux souvenirs, encore et à jamais... Torvar s'installa contre le tronc d'un arbre et au petit matin, tandis que le vent glacé de la plaine venait lui mordre les joues ainsi exposée, il sortit son nécessaire à écriture pour envoyer un mot à celle qu'il avait une nouvelle fois laissée à sa propre destinée.
Dikaya koshka,
Pardonnez-moi... je n'ai pas pu rester un soir de plus à Mâcon. Non pas que je ne le souhaitais pas mais je ne vous aurais apporté que des soucis... à force de nous voir ensemble... Et je ne suis pas certain que cela aurait été au gout de votre... enfin vous savez...
Un jour peut être nos pas se recroiseront... un jour peut être...le destin aime à se jouer de nous...
Mes pensées vous accompagnent Eliance... Dikaya koshka
T.
Le corbeau sifflé, le cosaque accrocha à la patte le message à envoyer... il ne pouvait pas partir ainsi et la laisser sans une explication. Pas une nouvelle fois... Reprenant la route, cette fois, il traça jusqu'à Chalon où l'attendait une chambre bien au chaud à l'auberge. Il n'avait pas vraiment envie de se reposer, sachant que son sommeil serait peuplé de visages qui viendraient encore le fustiger de ne pas avoir essayé... mais la fatigue et le froid aidant, Torvar se laissa choir sur le lit qui le reçu sans préambule, laissant l'homme s'enfoncer dans un sommeil de plomb jusqu'à son réveil en sursaut quelques heures plus tard.
Redressé au milieu de son lit, la grisaille du jour n'annonçait rien de bon et Torvar s'en rendit compte lorsque ses pupilles se posèrent sur la fenêtre... Grognement de circonstance, le cosaque se redressa tout en essayant de chasser le souvenir des lèvres d'Eliance sur les siennes. Ses doigts vinrent même à toucher cette bouche qui gardait ce secret afin de s'assurer que ce n'était pas le fruit de son imagination... à son âge, on aurait dit un gamin à son premier rencart... Mais un coup frappé à la porte et déjà cette dernière s'ouvrait sur l'aubergiste qui lui tendait un pli... Et la lecture ne fut pas longue. Non, Torvar dévora ses mots avant de se retenir d'hurler d'autres maux qui venaient s'enfoncer dans son coeur. Fermant les yeux, il froissa le vélin, le jeta au sol et alla se poster devant la fenêtre, se murant dans son silence. Quand il en sortit, il prit sa plume et répondit.
Dikaya koshka,
Vous ne me devez rien... comment dire le contraire alors que je n'ai absolument rien fais ? Vous le dites vous-même, j'aurais dû... Mais ma couardise a fait que je n'ai pas franchi cette distance qui nous séparait. J'ai eu peur de voir dans votre regard ce que je n'étais pas prêt à affronter... votre mépris alors j'ai reculé... J'ai préféré laisser faire le temps et aujourd'hui il me reste quoi mis à part nos souvenirs ?
Aujourd'hui c'est un autre qui profite de votre présence à ses côtés, aujourd'hui ce sont des amis qui vous entourent et vous guident, aujourd'hui, votre vie appartient à jamais à ceux que vous avez choisi.
J'aurais dû faire de vous ma prisonnière, vous prendre et me faire aimer de vous mais vous m'auriez détesté Eliance... vous auriez détesté devenir celle que vous ne vouliez pas être... vous m'en auriez voulu à la longue et nous aurions fini par ne plus pouvoir ni nous parler, ni même rêver d'étoiles qui parcourent notre existence.
Aujourd'hui nous pouvons le faire... nous avons réussi à surmonter un obstacle qui nous semblait infranchissable parce que je suis entier et que je ne voulais plus de vous dans ma vie... Nous faire du mal était pour moi la solution à cette situation que l'on vivait... vous éloignant de moi à jamais je pensais que vous trouveriez ce que vous sembliez être prête à chercher. Vos pas sont encore hésitants mais vous avancez... A chaque jour suffit sa peine et vous grandissez. Rien ne sert de provoquer les choses lorsqu'on n'est pas prêt à les accepter.
Est-ce qu'aujourd'hui encore, j'ai envie de vous voir à mes côtés Dikaya koshka ? Bien évidemment, encore plus qu'hier et pourtant, je suis parti, encore... une habitude chez moi n'est-ce pas ? Vous semblez plus épanouie, plus prompte à vous prendre en main, plus "guerrière" que vous ne l'avez jamais été... d'ailleurs vos lèvres sur les miennes le prouvent, vous n'auriez jamais osé le faire il y a de ça six mois en arrière alors voyez que tout est bien pour vous... votre route s'ouvre devant vous et il ne faut pas en avoir peur.
Moi, vous, nous... cela n'a peut être existé que dans ma tête et dans mon coeur. Aujourd'hui Romanov est à vos côtés. Pour que vous l'ayez choisi c'est qu'il est différent de Diego. Et je l'espère. Qu'il ne s'avise pas à vous faire de mal sinon... cette fois je ne regarderais pas dans sa direction pour savoir si je fais bien ou pas... je vous enlèverais et vous garderez pour moi... mais pour l'heure ce n'est pas le cas même si je ne l'ai pas vu à Macon... mais il n'était pas le seul à se terrer. Vous avez été la seule à sortir de votre cachette. L'agnelle que l'on sacrifie sur l'autel de la bonne éducation... Au lieu d'un sacrifice, nous avons découvert bien des choses vous et moi... enfin pour ma part c'est incontestable... Et si vous levez le nez vers le ciel, je suis certain que les étoiles dansent et s'illuminent au fur et à mesure que vous avancez. Vous avez le pouvoir de changer les choses, changez-les en bien Eliance... toujours... Faites vos propres choix et ne tenez compte que de vous. Les autres, Romanov, les jokers et même moi ne sont là que pour entrer dans la ronde et illuminer votre vie et vos étoiles. Alors non, vous n'êtes pas une gourde à mes yeux, juste un petit chat sauvage qui apprend la vie.
Ne faites donc pas attention à vous tout comme je ne ferais pas attention à moi. La prochaine fois que nous nous rencontrerons, nous pourrions faire un concours de cicatrices, ça pourrait être amusant...
T.
Le pli fut scellé puis descendu à l'aubergiste afin qu'il dépêche un coursier pour Mâcon tandis que le cosaque s'installait dans un coin, commandant un alcool fort, du moins le plus fort qu'il pouvait avoir. La seule chose qui lui importait aujourd'hui c'était d'embrumer son esprit... une fois encore la vie se refusait à lui donner le droit au bonheur, une fois encore, il repartait à la conquête du vide et de l'absence afin de les apprivoiser.
Dikaya koshka = chat sauvage
Eliance
Le temps coule, le souvenir reste. Chaque soir, Eliance s'endort en regardant le Russe d'un drôle d'oeil. Le choix. Il est son choix. Elle l'observe fermer les yeux, elle l'observe respirer plus profondément et tomber dans ce qu'on appelle le sommeil. Elle l'observe et un mot hurle en elle, de manière incessante, « choix ». Comme si Elias n'était devenu qu'un choix, ces derniers jours. Une décision prise comme une autre. Comme on jette son dévolu, un peu au hasard, sur la couleur d'un vêtement à l'aube ou de la viande à acheter au marché. Il est là, l'homme qui a souhaité l'épouser officieusement en réaction à une autre demande en mariage plus insolite. Il est là, l'homme qui s'est vexé sous les propos d'un jaloux éconduit. Il est là, le gamin aux yeux gris qui l'a faite rêver à la liberté pendant des années. Il est là, celui qui l'a libéré de la plupart de ses peurs et de ses tourments. Il est là et, pourtant, il ne porte plus que le nom de « choix », ces dernières heures.
Elle l'aime. C'est indubitable. Comme elle aime chacun de ses maris choisis. Comme elle aime chaque homme qui entre dans sa vie. Comme elle aime tout le monde, si on écoute ce qu'en dit Atro. Elle le trouve beau, le Russe, dans sa simplicité, dans sa carrure frêle, dans son teint pâle, dans ses manières qui rappellent sans cesse qu'il n'est pas homme de la terre. Mais elle le trouve lointain, aussi, parfois, quand il travaille le nez sur un galon, quand il mange sa soupe sans la regarder, quand il lui parle comme il parlerait peut-être à une autre.
Elle le trouve lointain depuis qu'un autre a été plus franc, plus direct. Depuis qu'un autre lui a apposé des mots incompréhensifs mais qui reflètent l'âme. Elle le trouve lointain, depuis qu'elle se prend à se demander ce qu'ont en commun ces deux hommes qui viennent du même coin du monde mais qui semblent si différents. L'un est jeune, l'autre moins. L'un est pâle, l'autre a la peau tannée. L'un est frêle, l'autre passe difficilement les portes. L'un lui a appris à vivre mieux, l'autre l'encourage à vivre toujours plus fort, toujours plus longtemps, toujours plus intensément. L'un l'épaule, l'autre l'apaise. L'un est constant, l'autre rassurant. L'un a les mains douces de celui qui ne tient ejtre ses doigts que tissus délicats et aiguilles, l'autre les a vivantes et calleuses, à force de combat et de vie dure.
Pourtant, l'idée qui l'obsède est que c'est le second qui lui a confié quelques mots de ses contrées. Que c'est les bras du second qui lui ont procuré un sentiment de protection intense. Que c'est au second qu'elle songe, quand elle regarde s'endormir le premier. Mais elle ne fera rien d'autre, cette nuit-là, que de se lever silencieusement pour aller prendre la plume. Elle laissera le premier s'apaiser avec ses songes rêvés pour mieux se souvenir du second et de ses étoiles.
Elle n'a rien dit à Elias, de sa rencontre avec le Cosaque. Elle n'a rien dit à Atro de sa rencontre avec le Cosaque. Seule Mahi a vu, deviné, su. Mais Mahi ne dira rien. Alors Eliance garde ces rencontres, ces souvenirs, comme un trésor précieux qui peut s'évanouir à tout moment si on n'y prend pas assez garde.
Elle l'aime. C'est indubitable. Comme elle aime chacun de ses maris choisis. Comme elle aime chaque homme qui entre dans sa vie. Comme elle aime tout le monde, si on écoute ce qu'en dit Atro. Elle le trouve beau, le Russe, dans sa simplicité, dans sa carrure frêle, dans son teint pâle, dans ses manières qui rappellent sans cesse qu'il n'est pas homme de la terre. Mais elle le trouve lointain, aussi, parfois, quand il travaille le nez sur un galon, quand il mange sa soupe sans la regarder, quand il lui parle comme il parlerait peut-être à une autre.
Elle le trouve lointain depuis qu'un autre a été plus franc, plus direct. Depuis qu'un autre lui a apposé des mots incompréhensifs mais qui reflètent l'âme. Elle le trouve lointain, depuis qu'elle se prend à se demander ce qu'ont en commun ces deux hommes qui viennent du même coin du monde mais qui semblent si différents. L'un est jeune, l'autre moins. L'un est pâle, l'autre a la peau tannée. L'un est frêle, l'autre passe difficilement les portes. L'un lui a appris à vivre mieux, l'autre l'encourage à vivre toujours plus fort, toujours plus longtemps, toujours plus intensément. L'un l'épaule, l'autre l'apaise. L'un est constant, l'autre rassurant. L'un a les mains douces de celui qui ne tient ejtre ses doigts que tissus délicats et aiguilles, l'autre les a vivantes et calleuses, à force de combat et de vie dure.
Pourtant, l'idée qui l'obsède est que c'est le second qui lui a confié quelques mots de ses contrées. Que c'est les bras du second qui lui ont procuré un sentiment de protection intense. Que c'est au second qu'elle songe, quand elle regarde s'endormir le premier. Mais elle ne fera rien d'autre, cette nuit-là, que de se lever silencieusement pour aller prendre la plume. Elle laissera le premier s'apaiser avec ses songes rêvés pour mieux se souvenir du second et de ses étoiles.
Elle n'a rien dit à Elias, de sa rencontre avec le Cosaque. Elle n'a rien dit à Atro de sa rencontre avec le Cosaque. Seule Mahi a vu, deviné, su. Mais Mahi ne dira rien. Alors Eliance garde ces rencontres, ces souvenirs, comme un trésor précieux qui peut s'évanouir à tout moment si on n'y prend pas assez garde.
Citation:
- Ce que vous appeler couardise, je préfère la nommer honneur, respect, abnégation. Vous avez fait, si, tant de choses pour moi. Vous m'avez regardé d'une certaine manière, parlé avec une telle franchise, laissé vivre mes choix avec tant de panache. Vous m'avez soigné et laissé repartir sans un mot alors que vos rêves étaient tout autre. Vous avez su vous faire haïr pour mon bien, sans doute. Vous avez su vous effacer pour le vôtre. Mais tout ça, je ne l'oublie pas. Soyez-en assuré. Tout ça ne fait qu'ajouter à notre passé une note plus étrange, plus captivante.
J'ai peur de ma route. J'ai peur de mes choix. La liberté coûte le repos de l'âme. Un prisonnier a la sienne entièrement libre. Il peut rêver, s'appuyer sur les autres, se laisser flotter à la vie, simplement. Comment savoir que nos choix sont les bons ? Comment ne pas regretter ces décisions prises chaque jour ? Comment faites-vous pour sembler si serein dans vos actes ? Parfois, je regrette d'être partie, de ne pas avoir suivi la vie que mon père avait choisi pour moi.
Vous partez. Toujours. Je ne vous en veux pas. Je sais pourquoi. J'aimerai n'être que légèreté, pour vous. Je n'aime pas l'idée que vous puissiez repartir plus lourd que vous n'êtes venu. J'ai toujours peur que nos rencontres vous emmenent plus rapidement vers la tombe, qu'elles vous coûtent trop d'énergie, trop d'effort pour oublier. Dites-moi la vérité. Aimez-vous nos rencontres ? Rêvez-vous de me revoir ou de m'oublier ? Ne réfléchissez pas à ça, répondez simplement. Répondez-moi en votre âme et conscience. Laissez tomber le reste. Je veux seulement savoir la vérité brute.
Pourquoi me serais-je terrée à Mâcon ? Je n'ai rien à me reprocher. Votre Duchesse me croit brigande. Votre admirateur blond me croit brigande. Vous, vous savez la vérité. Est-ce qu'avoir les amis que j'ai fait de moi une brigande ? Je ne vole pas aux pauvres gens. Je ne tue pas les pauvres gens. Mais qualifier un étranger de brigand est tellement facile. Je ne regrette rien. Je vous ai vu. Au hasard d'une de ces rencontres que votre destin ou vous aimez provoquer. Peut-être serait-ce mon hasard, qui provoquera la suivante. Qui sait...
Vos mots me font réfléchir. Plus que jamais. Vous croyez en moi comme jamais personne n'y a cru. Je ne me sens pas capable de tout ce que vous dites. Je ne me sens pas le pouvoir de changer les choses. Ni de faire le bien. J'essaie de comprendre. Mais les étoiles ne sont pas très causantes. Elles n'indiquent aucun chemin. Et si je les regarde trop longtemps, elles semblent me narguer devant mon ignorance. Ca m'agace.
Il n'y aura pas de concours de cicatrices. Vous gagneriez haut la main. Vous comme moi le savons. Ou alors, il faudrait que j'ai un sacré accident entre temps. À moins que certaines invisibles puissent être comptabilisées, je n'ai aucune chance de vous battre.
J'ai songé à vous demander que veulent dire ces mots étranges et inconnus que vous tracez dans vos dernières lettres. J'y renonce. Je préfère qu'ils gardent leur mystère. Ca les rend plus beaux encore.
Faites attention à vous. Quoique vous en pensiez. Vous comptez.
E.
Torvar
Une lettre de plus en ces jours maudits
à croire que tout le monde sétait donné le mot et pas des moindres
sauf que le cosaque, lui, navait pas envie de cajoler ni même de comprendre la misère des autres
fallait bien un jour ou lautre apprendre à balayer devant sa porte alors autant commencer. Donc le vieux fit une réponse rapide avant de boucler ses malles en partance pour la capitale et ainsi y faire son devoir et y défendre ses terres adoptives.
Eliance,
Un vieux souvenir est venu vous titiller et vous rappeler mon nom ?
Depuis des lustres que je nai plus de nouvelles de vous je mimaginais même que vous aviez tiré un trait sur tout ça et ça maurait arrangé. Non pas quil fut un temps il me déplaisait de vous lire mais là franchement je nen ai rien à cirer de vos histoires. Oui javais raison pour vos démons et je ne suis pas clairvoyant, juste que jai vécu. Ce nest pas au vieil ours que je suis quon apprend à danser !
Je vous avais prévenu que Diego ne serait jamais un mari pour vous. Vous, lidéaliste, qui ne pensiez quà une chose réussir votre vie alors que vous aviez misé sur le mauvais cheval. Moi je me suis marré un moment et puis au final, je me suis dis que jétais bien le plus con dans lhistoire puisque je vous offrais un peu de rêve et que vous, vous naviez dyeux que pour lhomme qui vous écraserez un jour ! Maintenant que cest fait, faut assumer vos choix. Diego est un homme à femmes, point. Et vous nêtes pas sa préférée repoint ! A vous de vous choisir un second choix, ce dont je pense vous ne ferez pas bien évidemment. Votre pruderie vous linterdit A force dêtre sourde et aveugle sur ce quun cur peut offrir vous avez éloigné tout ceux qui auraient pu avoir quelque peu envie de vous aider.
Maintenant parlons peu mais parlons bien.
Si vous insinuez encore une seule méchanceté sur Maryah vous aurez affaire à moi. Oui elle nest pas parfaite, oui elle a des torts et à ses propres règles mais quand vous étiez dans la merde, malade, limite mourante, elle na pas hésité à venir vous chercher au péril de sa vie alors ne venez pas lui cracher dessus pour le remerciement quelle en a eu et moi avec je vous ai accueilli chez moi parce quelle y a tenu on vous a soigné et Dieu seul sait ce quelle a dû faire pour faire venir un médecin dans mon domaine pour panser ses plaies Vous venez cracher votre venin sur Maryah mais de quel droit ? Vous pensez être mieux quelle ? Vous pensez quelle ne vous arrive pas à la cheville tant vous vous sentez supérieure à elle, vous la petite naïve qui aguiche les hommes sans jamais conclure sous prétexte que vous êtes mariée au plus formidable des hommes ? Vous nêtes quune peste qui a raté sa vie et qui veut absolument foutre sa merde en dénigrant les autres alors ne parlez plus de la femme qui ma donné un fils, de celle qui sait être mère avant dêtre femme, de celle qui a donné la vie et fais son possible pour que cette vie grandisse dans les meilleures conditions. Quavez-vous donc fait, vous, à part être égoïste ?
Restez loin delle, de notre fils et de moi car vos mots ont eu le temps de déchirer le peu destime que javais encore pour vous. Tournez votre langue dans votre bouche et allez cracher votre rage ailleurs vous avez perdu le droit de vous entretenir avec moi désormais.
Eliance,
Un vieux souvenir est venu vous titiller et vous rappeler mon nom ?
Depuis des lustres que je nai plus de nouvelles de vous je mimaginais même que vous aviez tiré un trait sur tout ça et ça maurait arrangé. Non pas quil fut un temps il me déplaisait de vous lire mais là franchement je nen ai rien à cirer de vos histoires. Oui javais raison pour vos démons et je ne suis pas clairvoyant, juste que jai vécu. Ce nest pas au vieil ours que je suis quon apprend à danser !
Je vous avais prévenu que Diego ne serait jamais un mari pour vous. Vous, lidéaliste, qui ne pensiez quà une chose réussir votre vie alors que vous aviez misé sur le mauvais cheval. Moi je me suis marré un moment et puis au final, je me suis dis que jétais bien le plus con dans lhistoire puisque je vous offrais un peu de rêve et que vous, vous naviez dyeux que pour lhomme qui vous écraserez un jour ! Maintenant que cest fait, faut assumer vos choix. Diego est un homme à femmes, point. Et vous nêtes pas sa préférée repoint ! A vous de vous choisir un second choix, ce dont je pense vous ne ferez pas bien évidemment. Votre pruderie vous linterdit A force dêtre sourde et aveugle sur ce quun cur peut offrir vous avez éloigné tout ceux qui auraient pu avoir quelque peu envie de vous aider.
Maintenant parlons peu mais parlons bien.
Si vous insinuez encore une seule méchanceté sur Maryah vous aurez affaire à moi. Oui elle nest pas parfaite, oui elle a des torts et à ses propres règles mais quand vous étiez dans la merde, malade, limite mourante, elle na pas hésité à venir vous chercher au péril de sa vie alors ne venez pas lui cracher dessus pour le remerciement quelle en a eu et moi avec je vous ai accueilli chez moi parce quelle y a tenu on vous a soigné et Dieu seul sait ce quelle a dû faire pour faire venir un médecin dans mon domaine pour panser ses plaies Vous venez cracher votre venin sur Maryah mais de quel droit ? Vous pensez être mieux quelle ? Vous pensez quelle ne vous arrive pas à la cheville tant vous vous sentez supérieure à elle, vous la petite naïve qui aguiche les hommes sans jamais conclure sous prétexte que vous êtes mariée au plus formidable des hommes ? Vous nêtes quune peste qui a raté sa vie et qui veut absolument foutre sa merde en dénigrant les autres alors ne parlez plus de la femme qui ma donné un fils, de celle qui sait être mère avant dêtre femme, de celle qui a donné la vie et fais son possible pour que cette vie grandisse dans les meilleures conditions. Quavez-vous donc fait, vous, à part être égoïste ?
Restez loin delle, de notre fils et de moi car vos mots ont eu le temps de déchirer le peu destime que javais encore pour vous. Tournez votre langue dans votre bouche et allez cracher votre rage ailleurs vous avez perdu le droit de vous entretenir avec moi désormais.
Eliance
Elle a attendu une réponse. Elle a cru que la relation nouvelle qui était née entre eux à leur dernière rencontre perdurerait. Que le ton amical et détendu de la lettre du Cosaque était annonciateur de bon. Mais voilà. Rien. Alors Eliance a arrêté d'attendre. Eliance a arrêté de penser au Cosaque. Eliance a enfermé ça dans un coin de sa mémoire. Mais ces petites bêtes sauvages n'aiment guère être enfermées. Après une longue période de silence, une longue période à étouffer, à ingurgiter la situation nouvelle, l'abandon, la roussi-blonde se met à repenser au Cosaque. À leur promesse, leur pari. Et lui écrire devient une évidence.
Citation:
Torvar,
J'ai vu les démons. De près. Trop près. Mais je crois que je vis encore. Du moins assez pour vous écrire.
Vous aviez raison, Torvar. Vous avez gagné une belle torgnole à me mettre, à notre prochaine rencontre.
Je développerai pas. Je crois que vous savez de quoi je parle. Je crois que vous l'avez toujours su.
Je crois que vous avez une clairvoyance certaine. Comme mes amis. Je les écoute, du coup, maintenant. Je m'écoute plus moi. Ça vaudra mieux, n'est-ce pas ?
J'ai aussi appris une chose, sur Maryah. Une chose qui n'a fait que... bref... Je me suis rendu compte qu'elle n'a jamais été mon amie. Que tous ses actes n'ont toujours eu pour seul but que sa personne à elle. J'ai appris que Maryah ne fait rien réellement pour les autres. J'ai appris que Maryah ment comme elle respire. J'ai appris... Ce que j'ai appris m'empêche de dormir. Encore davantage que les démons.
Torvar, je m'excuse de vous écrire ainsi. De vous écrire ça.
Cette lettre est nulle. Mais je devais vous l'écrire.
Eliance
Eliance
Les retrouvailles, c'est jamais comme on l'a espéré.
C'est magique, puis décevant. Puis magique encore et à nouveau décevant. Parce que loin, de longs mois sans voir le Dracou, Eliance a fini par se l'imaginer différent. Elle a gardé ses traits principaux et son esprit a rajouté le reste. Oubliés les ennuis passés. Oubliés les enfants pondus ou en gestation ailleurs que dans son ventre. Oubliées les infidélités avérées. Oubliées les inquiétudes. Oubliés les coups de sang.
Sauf qu'après les premières heures, tout revient à grande foulée. Eliance s'accroche à son rêve, pourtant. Elle l'a rêvé, il est là, avec elle. La maison est trouvée et l'Italien travaille déjà à la retaper. Les fuites du toit doivent être réparées au plus vite. Les fenêtres doivent pouvoir fermées. Les jumeaux arrivent bientôt. La vie rêvée se dessine peu à peu. Mais elle est entachée des mêmes angoissées passées, des mêmes noirceurs. Si Diego a émis la volonté de faire table rase du passé, il n'aura pas dû englober l'enfant à naître de la Tarte dans le lot. Il en parle. Il l'attend. Il est fier.
La boule d'antan qui venait se coincer régulièrement dans la gorge ménudiérienne est de retour. Partir plutôt qu'entendre Diego raconter à Mike les détails de sa fratrie nombreuse. Fuir plutôt que de l'entendre clamer haut et fort qu'elle devrait y trouver son compte, elle qui ne veut pas engendrer. Affronter le froid plutôt que de devoir se rendre compte qu'il a oublié ses confidences. Se réfugier à l'auberge, dans sa piaule et s'asseoir dans un coin, par terre, près de la cheminée pour profiter un instant des flammes, puis prendre le paquet de lettres dans le baluchon et lire, comme pour se protéger. Retrouver le sourire, devant la dernière lettre de Torvar au ton libéré et gentillement moqueur. Prendre la plume pour lui répondre, pour avoir un moment de répit dans ces journées en yo-yo, tantôt joyeuses, tantôt désastreuses, mais toujours teintées d'une sensation étrange et dérangeante.
C'est magique, puis décevant. Puis magique encore et à nouveau décevant. Parce que loin, de longs mois sans voir le Dracou, Eliance a fini par se l'imaginer différent. Elle a gardé ses traits principaux et son esprit a rajouté le reste. Oubliés les ennuis passés. Oubliés les enfants pondus ou en gestation ailleurs que dans son ventre. Oubliées les infidélités avérées. Oubliées les inquiétudes. Oubliés les coups de sang.
Sauf qu'après les premières heures, tout revient à grande foulée. Eliance s'accroche à son rêve, pourtant. Elle l'a rêvé, il est là, avec elle. La maison est trouvée et l'Italien travaille déjà à la retaper. Les fuites du toit doivent être réparées au plus vite. Les fenêtres doivent pouvoir fermées. Les jumeaux arrivent bientôt. La vie rêvée se dessine peu à peu. Mais elle est entachée des mêmes angoissées passées, des mêmes noirceurs. Si Diego a émis la volonté de faire table rase du passé, il n'aura pas dû englober l'enfant à naître de la Tarte dans le lot. Il en parle. Il l'attend. Il est fier.
La boule d'antan qui venait se coincer régulièrement dans la gorge ménudiérienne est de retour. Partir plutôt qu'entendre Diego raconter à Mike les détails de sa fratrie nombreuse. Fuir plutôt que de l'entendre clamer haut et fort qu'elle devrait y trouver son compte, elle qui ne veut pas engendrer. Affronter le froid plutôt que de devoir se rendre compte qu'il a oublié ses confidences. Se réfugier à l'auberge, dans sa piaule et s'asseoir dans un coin, par terre, près de la cheminée pour profiter un instant des flammes, puis prendre le paquet de lettres dans le baluchon et lire, comme pour se protéger. Retrouver le sourire, devant la dernière lettre de Torvar au ton libéré et gentillement moqueur. Prendre la plume pour lui répondre, pour avoir un moment de répit dans ces journées en yo-yo, tantôt joyeuses, tantôt désastreuses, mais toujours teintées d'une sensation étrange et dérangeante.
Citation:
Torvar, vieux guerrier,
... pardon... grand guerrier !
Vous savez mon affection pour les êtres morveux et babillants, et vous vous étonnez encore que mon attention se porte sur l'un d'eux endormi accidentellement. Si je ne m'inquiète pas pour vous, c'est que je vous sais mauvaise herbe increvable, qui, aussitôt déracinée, s'accrochera à une nouvelle terre pour y trouver les ressources suffisantes à sa survie. Mais si vous y tenez, je peux vous demander comment va mon cher ami cosaque. Je peux vous demander si vos vieux pieds supportent encore de faire de longues lieues harassantes. Si vos mains aguerries parviennent toujours à menacer avec la même hargne quelque médecin froussard. Je peux vous demander si vos sens détectent encore le Nord du Sud ou si vous vous perdez comme un vieillard dans les campagnes auvergnates. Mais tout ceci ne serait qu'une insulte pour le grand homme que vous êtes et ne refléterait en rien ce qui me passe par la tête quand je songe à vous. Je préfère lire entre les lignes vos humeurs ainsi que vos troubles. Ou dans vos mots, puisque vous me faites part sans vergogne de votre impuissance.
Torvar, je sais que vous faites au mieux, pour cet enfant. Je sais aussi que vous faites au mieux pour soulager Eunice de sa peine. Je vous connais assez pour comprendre que sous vos airs glaciaires, vous ne supportez pas ce mal injustifié qui s'abat sur les innocents. Rassurez-vous. Il y a des cas où la connaissance n'y fait rien. Vous pourriez être le plus grand médecin du Royaume que vous seriez sans doute tout aussi impuissant que vous l'êtes à cette heure-ci. Ne vous morfondez pas. Vous êtes là pour eux. C'est déjà tellement. Continuez à leur fournir cette force guerrière que vous portez en vous. Tout le monde voudrait un Torvar à ses côtés, dans son ombre ou dans son sillage. Peu importe. Un Torvar offre cette sécurité dont lui seul à le secret.
Et ne vous inquiétez pas pour la mienne. Mon Ombre a su me protéger des rencontres néfastes. En saignant un chien pour l'offrir à ses dieux contre notre protection... pensez bien que je l'ai appris à notre arrivée ! J'ai essayé d'être un peu cosaque, mais je pense que je n'en ai pas l'étoffe. J'en ferais une bien pleutre et je doute que votre peuple conserve les faibles de ma composition. Enfin, me voilà à Belley en un seul morceau. Avec des gens que vous détestez. Avec des gens qui vous détestent sans doute autant.
Le baume au cur m'est parvenu. Je vous en remercie. Peu importe si pour ce dernier mot, je me retrouve bâillonnée un jour. Certaines choses doivent être dites et je ne pense pas qu'un merci soit une insulte. Je râle rarement en lisant vos mots. Je souris par contre souvent en les imaginant sortir de votre bouche avec cet accent si particulier que je n'ai entendu nul part ailleurs. Sachez que je me contente très bien des phrases écrites de votre main. Je n'attends rien d'autre de vous que ce que vous voulez bien m'écrire et sais parfaitement lire un sens second dans quelques mots choisis par vos soins, même si je trouve cet exercice périlleux et approximatif. Nos lettres me contentent. Vous savez mon amour pour le papier et le traçage de pattes de mouches.
J'aimerais par contre un cours sur ces démons dont vous parlez. J'ai beau chercher, faire des efforts, je suis nulle en démon. Je crains de m'empoisonner. Peut-être cette leçon fera-t-elle l'objet de notre prochaine hasardeuse rencontre, en plus de la torgnole que l'un ou l'autre recevra ?
Prenez soin de mon vieux guerrier. Faites attention à ses humeurs et faites-le sourire, de temps à autre.
Eliance
PS : Ça y est, je le suis ! Merci de m'avoir rassurer de mes capacités. Vous êtes un des rares à avoir su éteindre ces inquiétudes-là.
(Ceci 'est pas un merci en bon et dû forme et ne saura donc en aucun cas relever du cas du bâillonnement !)
Eliance
Un fait rare. Pour la première fois, les adieux entre le Cosaque et la Ménudière n'ont pas été couronnés du maintenant traditionnel « Adieu et à jamais ». Ces quelques mots, il les prononce toujours. À chaque au revoir latent. Comme une prière pour que la situation cesse, comme pour contrecarrer le sort qui leur est réservé. Cette fois, pas d'adieu véritable. La glace est rompue, un équilibre serein trouvé. Et de simples paroles rassurantes ainsi qu'un baiser au milieu des boucles débordantes ambrées d'Eliance ont accueilli le départ de l'homme.
Dans cette taverne, avec le Grand Homme en face, Eliance a eu un sentiment étrange. Elle s'est sentie en sécurité. Même pendant sa crise. Même alors qu'elle roulait au sol emporté par des spasmes incontrôlables, elle n'a pas eu peur. Il a su développer durant deux jours une atmosphère rassurante tout autour d'elle, une sorte de toile protectrice. Le nuage l'a poursuivi un peu après son départ, sur les chemins, pour s'estomper totalement avec l'éloignement.
Mais jamais le Cosaque ne sort totalement de l'esprit ménudiérien. Et même loin, même en chemin pour rejoindre Diego, il est là, quelque part à hanter de sa haute stature ses pensées. Alors à la première auberge trouvée, elle se met à écrire. À lui écrire. Ce qui lui était interdit devient salvateur. La mine est légère et glisse sur le vélin rapidement. Point de grand discours. Simplement la lettre d'une amie à un ami. De deux êtres qui ne sauront probablement jamais être tels que dans leurs rêves respectifs. Par respect pour elle. Par respect pour lui.
Un ami : elle est persuadée qu'il n'y a que de cette manière qu'elle ne le décevra pas.
Torvar. L'ami. L'ami... envoûtant, si déstabilisant...
Dans cette taverne, avec le Grand Homme en face, Eliance a eu un sentiment étrange. Elle s'est sentie en sécurité. Même pendant sa crise. Même alors qu'elle roulait au sol emporté par des spasmes incontrôlables, elle n'a pas eu peur. Il a su développer durant deux jours une atmosphère rassurante tout autour d'elle, une sorte de toile protectrice. Le nuage l'a poursuivi un peu après son départ, sur les chemins, pour s'estomper totalement avec l'éloignement.
Mais jamais le Cosaque ne sort totalement de l'esprit ménudiérien. Et même loin, même en chemin pour rejoindre Diego, il est là, quelque part à hanter de sa haute stature ses pensées. Alors à la première auberge trouvée, elle se met à écrire. À lui écrire. Ce qui lui était interdit devient salvateur. La mine est légère et glisse sur le vélin rapidement. Point de grand discours. Simplement la lettre d'une amie à un ami. De deux êtres qui ne sauront probablement jamais être tels que dans leurs rêves respectifs. Par respect pour elle. Par respect pour lui.
Un ami : elle est persuadée qu'il n'y a que de cette manière qu'elle ne le décevra pas.
Torvar. L'ami. L'ami... envoûtant, si déstabilisant...
Citation:
Torvar,
Cette fois, j'ose vous écrire.
Vous allez me trouver bien impatiente. Cette lettre ne vous étonnera pas non plus. Si, de votre propre aveu, je vous connais comme peu de gens vous connaissent, l'inverse est aussi véridique.
Je viens aux nouvelles. Je viens savoir comment Sandeo va. Est-ce qu'il s'est réveillé ? Je viens demander si vous avez trouvé un médecin compétent. Savoir combien vous en avez effrayé, pour ne pas écrire un autre mot qui serait plus adéquat mais que ma conscience n'arrive pas à vous apposer.
Je viens savoir comment vous allez. Comment Eunice va. Transmettez-lui mon bonjour, si vous voulez bien.
J'ai repris les chemins, comme vous sans doute. Votre proposition de vous suivre trotte encore dans ma tête, avec une sensation de « pas le choix ».
Je n'ai pas refait de crise. Je n'ai pas repleuré. Je me contente de marcher et de me souvenir de toutes vos paroles. Elles m'aident tant.
Torvar, je ne vous ai pas remercié. Je le dois.
Merci. Merci pour tout. Merci pour ces quelques heures. Merci de tenir vos promesses. Merci pour l'homme que vous êtes.
Je vous entends d'ici me dire qu'un homme comme vous n'a jamais besoin de personne et, pourtant, je vous le propose : si vous avez besoin de moi, écrivez-moi. Je saurais répondre présente. Je vous le dois.
Faites attention à vous.
Eliance
Torvar
Ils sétaient croisés, rencontrés, quittés pour mieux se retrouver puis ils sétaient écrits, parlés, déchirés pour mieux soublier mais on noublie pas une rousse comme on noublie pas un cosaque. Les liens sétaient tissés bien malgré eux. Les sentiments que Torvar avaient vu naître à la vue de lécervellée sen étaient à présent en allés pour ne plus venir le titiller. A présent, une solide affection avait laissé place à ce sentiment romanesque qui avait rongé le cur de lhomme, le laissant vindicatif et malheureux durant de longs mois. Donc lorsquil avait revu Eliance une nouvelle fois, il ne fut pas surpris plus que cela. Cétait écrit dans leurs destinées. Comme un père bienveillant, comme un ami sincère, il était là pour veiller même de loin sur cette jeune femme au cur trop naïf pour y voir le mal que Torvar deviné de loin. Mais il sétait promis une chose, ne plus intervenir dans la vie dEliance sans quelle le lui en fasse la demande. Il donnait son avis sans pour autant la bousculer ou lui faire comprendre que
non cétait fini ce temps où il aurait aimé la secouer pour quelle sache enfin la vérité, quelle ouvre les yeux et regarde en face ce qui faisait mal. Eliance était de celles qui jusquau bout croirait en lamour dautrui
lui nétait quun homme désabusé par les sentiments dautrui.
Donc depuis quelques jours trônaient sur la petite table de lauberge une missive quil avait lu et relu avec intérêt avant de décider de lui répondre. Lattachante écervelée désirait quils recommencent à sécrire soit, il répondrait comme il lavait toujours fait jusquà ce quil y ait un « adieu et à jamais ». Prenant sa plume et se plaçant à la table qui était éclairée par une petite bougie de fortune, la haute stature dessinait même quelques ombres chinoises sur le mur. Le cosaque réfléchissait sur ce quil allait lui dire, avouer, garder pour lui. Prenant le parti de la sincérité, une nouvelle fois, de sa plus belle écriture, il commença à faire crisser la plume sur le vélin.
Eliance,
Alors jeune voyageuse, je vous manque donc déjà ?
A peine mavez-vous quitté que déjà votre missive vient me retrouver. Et je me rends compte que votre inquiétude se dirige vers ce petit bonhomme plutôt que vers moi, grand guerrier que je suis jen suis offusqué bien que... finalement vous avez raison. Et je comprends tout à fait. Je tiens même à vous rassurer, si cela peut véritablement se faire. Sandeo est là, parmi nous mais il reste dans un état qui lui appartient. Je me sens dailleurs bien impuissant à len sortir. Sa tante et son oncle, un certain Edoran, sont à son chevet. Je veille de loin pour remplacer Eunice lorsque je vois sa fatigue se dessiner sur ses traits. Il ne sert à rien que les enfants se rendent compte quelle se tue à la tache pour eux. Ils ont besoin dune femme forte à leur côté et je sais quelle lest, même si parfois, je dirige un peu les choses afin quelle mange ou prenne lair.
Jessaie de faire au mieux vous savez Eliance mais se sentir impuissant devant un enfant, jai du mal. Je voudrais pouvoir arracher ce brouillard qui le maintient ainsi dans cette léthargie mais que faire lorsque lon nest quun homme sans pouvoir ni science ? Mise à part tuer des gens, je ne sais rien alors je continue ma quête et frappe aux portes des médecins que je croise et promis, je nen ai encore étripé aucun même si à mon humble avis ce ne sont là que des charlatans. Maudits soient-ils tous autant quils sont même pas capables dapporter du réconfort à un petit
Mais assez parlé de moi. Je suis heureux que vous alliez bien, enfin de ce que vous me dites, et que vos crises ne se soient plus manifestées. Cela minquiète aussi de vous savoir dans la nature avec cette bougresse que vous appelez ombre et je suis convaincue que cest vous qui la traînez plutôt quelle qui vous escorte. Elle a beau être la fille de, ce nest pas pour cela quelle sait se battre je doute que tous mes enfants sachent tenir une épée on nhérite pas du courage ni de la facilité de nos parents surtout quand ils ne nous ont pas élevés. Et de ce que vous mavez dit, jimagine mal son père soccuper delle Donc priez pour quil ne vous arrive rien surtout en sa compagnie sinon je me verrais obligé de venir lui couper les mains lune après lautre pour vous avoir attiré des ennuis. Toutefois, vous connaissant un peu, je doute que vous mavouez ce qui vous arrive ou alors après coups comme dhabitude. Alors je ne dirais quune chose, gardez en mémoire que je suis là, près de vous et que je ferais mon possible pour vous protéger même de loin ça vous mettre du baume au cur et effacera cette peur qui tenaille vos entrailles sur les routes. Soyez donc un peu cosaque dans la nuit qui vous emmène loin de mes pas.
Maintenant, une nouvelle chose. Si vous me dites encore une fois merci, je vous baillonne. Il ny aucun remerciement à me faire. Jétais là, je suis là et je serais là, quimporte linstant, quimporte ce quil se passe, les destinées se croisent et se recroisent sans que nous puissions influées dessus Eliance. Dites-le vous une bonne fois pour toute !
Bien, pour une fois vous aurez un long courrier. Je pense que vous aurez de quoi lire et râler, vous dire que je ne dis pas tout comme à laccoutumée ou bien que mon imagination est encore fertile sans doute aurez-vous raison ou pas vous qui savez qui je suis, vous saurez aussi deviner entre les mots certaines de mes vérités.
Prenez soin de vous jeune dame et prenez garde à vos démons, parfois ils revêtent des apparences agréables et bienfaisantes qui sont tout aussi toxiques que du poison.
Donc depuis quelques jours trônaient sur la petite table de lauberge une missive quil avait lu et relu avec intérêt avant de décider de lui répondre. Lattachante écervelée désirait quils recommencent à sécrire soit, il répondrait comme il lavait toujours fait jusquà ce quil y ait un « adieu et à jamais ». Prenant sa plume et se plaçant à la table qui était éclairée par une petite bougie de fortune, la haute stature dessinait même quelques ombres chinoises sur le mur. Le cosaque réfléchissait sur ce quil allait lui dire, avouer, garder pour lui. Prenant le parti de la sincérité, une nouvelle fois, de sa plus belle écriture, il commença à faire crisser la plume sur le vélin.
Eliance,
Alors jeune voyageuse, je vous manque donc déjà ?
A peine mavez-vous quitté que déjà votre missive vient me retrouver. Et je me rends compte que votre inquiétude se dirige vers ce petit bonhomme plutôt que vers moi, grand guerrier que je suis jen suis offusqué bien que... finalement vous avez raison. Et je comprends tout à fait. Je tiens même à vous rassurer, si cela peut véritablement se faire. Sandeo est là, parmi nous mais il reste dans un état qui lui appartient. Je me sens dailleurs bien impuissant à len sortir. Sa tante et son oncle, un certain Edoran, sont à son chevet. Je veille de loin pour remplacer Eunice lorsque je vois sa fatigue se dessiner sur ses traits. Il ne sert à rien que les enfants se rendent compte quelle se tue à la tache pour eux. Ils ont besoin dune femme forte à leur côté et je sais quelle lest, même si parfois, je dirige un peu les choses afin quelle mange ou prenne lair.
Jessaie de faire au mieux vous savez Eliance mais se sentir impuissant devant un enfant, jai du mal. Je voudrais pouvoir arracher ce brouillard qui le maintient ainsi dans cette léthargie mais que faire lorsque lon nest quun homme sans pouvoir ni science ? Mise à part tuer des gens, je ne sais rien alors je continue ma quête et frappe aux portes des médecins que je croise et promis, je nen ai encore étripé aucun même si à mon humble avis ce ne sont là que des charlatans. Maudits soient-ils tous autant quils sont même pas capables dapporter du réconfort à un petit
Mais assez parlé de moi. Je suis heureux que vous alliez bien, enfin de ce que vous me dites, et que vos crises ne se soient plus manifestées. Cela minquiète aussi de vous savoir dans la nature avec cette bougresse que vous appelez ombre et je suis convaincue que cest vous qui la traînez plutôt quelle qui vous escorte. Elle a beau être la fille de, ce nest pas pour cela quelle sait se battre je doute que tous mes enfants sachent tenir une épée on nhérite pas du courage ni de la facilité de nos parents surtout quand ils ne nous ont pas élevés. Et de ce que vous mavez dit, jimagine mal son père soccuper delle Donc priez pour quil ne vous arrive rien surtout en sa compagnie sinon je me verrais obligé de venir lui couper les mains lune après lautre pour vous avoir attiré des ennuis. Toutefois, vous connaissant un peu, je doute que vous mavouez ce qui vous arrive ou alors après coups comme dhabitude. Alors je ne dirais quune chose, gardez en mémoire que je suis là, près de vous et que je ferais mon possible pour vous protéger même de loin ça vous mettre du baume au cur et effacera cette peur qui tenaille vos entrailles sur les routes. Soyez donc un peu cosaque dans la nuit qui vous emmène loin de mes pas.
Maintenant, une nouvelle chose. Si vous me dites encore une fois merci, je vous baillonne. Il ny aucun remerciement à me faire. Jétais là, je suis là et je serais là, quimporte linstant, quimporte ce quil se passe, les destinées se croisent et se recroisent sans que nous puissions influées dessus Eliance. Dites-le vous une bonne fois pour toute !
Bien, pour une fois vous aurez un long courrier. Je pense que vous aurez de quoi lire et râler, vous dire que je ne dis pas tout comme à laccoutumée ou bien que mon imagination est encore fertile sans doute aurez-vous raison ou pas vous qui savez qui je suis, vous saurez aussi deviner entre les mots certaines de mes vérités.
Prenez soin de vous jeune dame et prenez garde à vos démons, parfois ils revêtent des apparences agréables et bienfaisantes qui sont tout aussi toxiques que du poison.
Eliance
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Été 1462
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Été 1462
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Citation:
Torvar,
Plusieurs jours que j'hésite à écrire ce petit mot, plusieurs jours sans doute avant que je ne me décide à l'attacher à un volatile, plusieurs jours encore pour que ce foutu pigeon trouve où vous vous cachez. Bref, quand vous lirez ça, vous serez sans doute loin et avec un peu de chance, je n'entendrais pas votre grognement oursal de mécontentement qui ponctuera le début, le milieu et la fin de cette lettre.
Et si vous en venez à grogner ce sera parce que j'ai quelque chose à avouer, un truc qui me tracasse, voir plusieurs trucs. J'ai pas l'habitude de mentir, je déteste ça, en fait, et je m'en pensais d'ailleurs incapable. J'aurais préféré ne pas connaître ce talent caché, j'ai peur de m'en servir à présent sans réfléchir et ça m'angoisse.
Tout ce baratin pour vous endormir un peu et vous avouer l'air de rien que j'ai jamais eu de cheval, que je ne suis jamais monté sur le dos d'un et j'en serais foutrement incapable, adroite comme je suis.
Le deuxième aveu concerne Kachina qui ne m'a jamais frappée et qui s'est contentée de m'aider à retrouver ma mémoire perdue à cause d'un cheval qui m'a défoncé la tronche, alors qu'elle n'était que ma voisine de chambrée dans une taverne de Dôle. On en revient toujours au cheval, je sais, le hasard des choses.
Le troisième aveu explique le pourquoi du comment des mensonges précédents. Maryah voulait vous voir sourire, en gros, et j'ai accepté la mission, en la modifiant un peu à ma sauce quand même. J'ai donc inventé le cheval et Kachina pour arriver à vous parler, ou plutôt pour arriver à ce que vous m'écoutiez. J'ai accepté de faire ça parce que j'avais envie de vous connaître, j'avais envie de savoir ce qui se cachait sous ce type qui bougonnait dans son coin. La faute à ma curiosité, vous savez. Après ces deux éléments de conversations catastrophiques, je n'ai plus raconté de conneries, je n'ai plus menti sur rien. Je vous le promets. Tout ce qui est sorti de ma bouche était dit sincèrement. Je n'ai de même pas tout raconté à Maryah de nos discussions, comme vous aviez dit qu'elle n'en savait pas tant sur vous. J'ai respecté ça. J'ai essayé de rattraper mes erreurs du début.
Je préfère vous décevoir maintenant plutôt que de continuer à mentir éternellement. Mentir, ne n'est pas moi. Pardonnez-moi ces maladresses, je ne regrette rien de ces journées passées avec vous. Elles me manquent, pour tout vous dire.
Vous pouvez à présent m'insulter, déchirer cette lettre si ce n'est pas encore fait, avoir envie de m'étriper, que sais-je d'autre...
Vous allez surement confirmer le « À jamais » de votre au revoir, et je le comprendrais. J'aurais eu plaisir à vous revoir malgré tout, mais comment vous en vouloir. Je déçois toujours. C'est ainsi. On s'y fait, avec le temps.
Prenez soin de vous, Torvar.
Eliance
PS : Ne faites aucun reproche à Maryah. Elle voulait seulement vous aider à retrouver une certaine envie de vivre et s'en sentait incapable. Je lui en aurais voulu de ne pas m'avoir proposé ça. Passer à côté de quelqu'un comme vous, ça se regrette.
Eliance,
Si vous saviez quel regard je portais sur vous, vous vous seriez enfuie loin dès le départ et vous nauriez pas cherché à approfondir une quelconque relation entre nous. Etre votre père, grasce à dieu je ne le suis pas. Je nai pas réussi à faire grand-chose dans la vie de mes filles et elles men ont toujours voulu La preuve en est, la dernière a voulu me tuer. Etre votre ami, je peux vous apporter mon soutien et mon bras armé si un jour vous en avez besoin. Je vous lai dis Eliance, où que je sois, je serais toujours là. Ne cherchez pas à comprendre pourquoi, il y a des choses dont il est préférable de taire. Quant à être un mari de une vous êtes déjà mariée et de deux, je fais un bien piètre époux. Mes femmes sont toutes mortes et je ne vous souhaite aucun mal. Je suis destiné à être celui que lon cache, à ne pas être ouvertement celui que lon met en avant. Cest comme ça. Je donne ce que je peux, je prends ce que lon moffre et je mefface quand on ne veut plus de moi. Voilà ce que je suis, dans tous les cas. Une place partout ou aucune place du tout. Les hommes de lombre restent dans lombre.
Maintenant pour cette histoire de mensonge, je ne vous en veux point à vous mais Maryah cela fait plusieurs jours que nous ne sommes plus sur la même longueur dondes. Elle me fait des crises de jalousie, des crises de sentiments et me reproche de ne pas en avoir envers elle. Jai tout fais pour elle, jai été celui qui était là pour lui rendre sa féminité lorsquelle a été souillée par un homme, jai accepté ces frasques, de passer après son amie Sarah, de devenir un chien de garde quand nous devions affronter Ezequiel. Jai été celui qui sest confronté au baron borgne et pris pour un con par ce dernier mais jai ma fierté. Et je ne suis pas une ordure qui profite. Elle dit maimer, je ne peux pas lui donner ce quelle désire. Le peu de sentiments quil me reste sont pour autrui quà cela ne plaise, tant pis ! Elle ne cherche pas un mari mais un amant qui soit capable dassumer son fils. Et je ne suis que son troisième choix. Je suis peut être un rustre mais pas non plus celui qui dit « amen » facilement.
Dignité mal placée ? Peut être, sans doute même mais je ne suis pas pire quun autre. Je sais donner mais je ne veux pas me sentir obliger. Avec vous cela cest fait si facilement vous mavez touché peut être parce que vous avez une certaine fragilité que vous essayez de dissimuler aux autres, peut être parce que vous dégagez une force peu commune que lon perçoit au fond de votre regard quand vous posez vos yeux sur les gens. Je ne saurais vous dire vraiment mais il est ainsi. Et jamais je ne reprendrais ce que je vous ai offert mais me mettre à lécart cest me préserver. Préserver ce quil me reste dhumanité si je ne veux pas devenir fou. Même si la folie est mienne car je sais lapprivoiser.
Mais je vais marrêter là Eliance car je ne souhaite aucunement vous accabler, bien au contraire. Sachez que vous avez été une bouffée dair dans ma vie, une touche teintée de beauté dans ma vie sombre et ensanglantée. Vous avez effleurée du doigt quelques désirs que javais enfoui au fond de moi, dépoussiéré une existence qui fut autrefois mienne. A cela je ne peux revenir en arrière mais éviter de me confronter à nouveau à vous me fera oublier ce que jai manqué.
Citation:
Torvar,
Dites-moi quel regard vous portiez sur moi, la première fois où vous m'avez vu. Quelque chose me dit que ça va me faire rire. Et j'en ai bien besoin ce soir.
Vous avez pu être un père et un mari exécrable par le passé, ça ne veut pas dire que vous le serez toujours. Vous n'avez pas tué vos femmes. Et quand bien même, j'ai bien essayé de faire brûler mon premier mari, c'est pas pour ça que mon second aura ce même destin. Parfois, les choses changent suivant les personnes qui se trouvent sur votre chemin. Vous méritez d'avoir une place bien à vous. Des femmes seraient fières de vous côtoyer si elles vous connaissaient comme moi je vous connais. Si elles voyaient ce que je vois de vous. Ce que vous dites de vous-même me fend l'âme. Comment vous pouvez penser que c'est votre rôle que de n'être personne, de n'être que le suivant. Vous êtes Torvar le Cosaque. Vous êtes un guerrier, un homme de valeurs. Vous n'êtes pas un homme de l'ombre.
Maryah m'a écrit. Elle voyait un apaisement dans vos relations ces derniers jours quand vous n'y perceviez qu'un éloignement constant. C'est étrange. Je vous comprends, vous, de vouloir vous sortir de là, n'en plus souffrir, mais je parviens pas à la comprendre, elle, j'arrive pas à savoir ce qu'elle souhaite réellement depuis le début. Vous l'avez toujours respecté. Vous êtes admirable, pour ça. Même si l'« entrainement » qui semble vous avoir ruiné un genou, évoqué dans sa lettre, me semble loin de tout respect, il faut bien que certaines choses me dépassent. Je ne parlerais pas de dignité mal placée, plutôt d'un instinct de survie qui vous empêche de replonger tête la première dans quelque chose qui vous détruit.
Cette même chose qui vous gueule de rester à l'écart de moi. Je respecterais ça, Torvar. Je ne pensais pas ça possible... j'ai jamais voulu être source de souffrance. Diego dit que je le suis bien malgré moi. Souvent. Il faut croire qu'il a raison. Je suis maudite. Mon âme saigne de penser à ce qui aurait été. Je suis désolée, Torvar. J'aurais aimé ne pas être mariée pour vous rencontrer. J'aurais aimé vous montrer la place qui aurait pu être la vôtre. Celle que vous méritez.
Mais vous voyez, mon instinct de survie à moi est quasiment nul. Je me détruis petit à petit. Ca vaut mieux pour vous que vous soyez loin de ça. Vous avez bien raison.
Préservez ce que vous êtes.
Si me lire est douloureux. Dites-le. J'arrêterais.
Soyez prudent.
Eliance
PS : J'ai écrit quelque chose sur ce que vous m'avez appris de votre peuple. Peut-être sera-t-il publié à l'AAP si la cheffe considère ça intéressant. J'aimerais beaucoup. C'est une sorte d'hommage à un homme important.
Eliance,
Vous dire quel regard jai porté sur vous serez me dévoiler, vous avouer, vous faire entrer dans mon monde et ce que je ressens. Vous dire ce que japprécie ou non, vous donnez des détails sur ce qui me rend faible ou fort et cela ne mènerait à rien à rien que me faire regretter de ne pas avoir su profiter de votre présence un peu plus, davoir été un homme respectueux et bourré de principes, davoir respecté la part dombre qui est en moi et rester dans la pénombre justement afin de ne porter préjudice à personne au final.
Pour ce qui est davoir tué mes femmes cest tout comme. Aelis, la mère dApolinna est morte par ma faute. Elle a été prise pour cible par des mercenaires qui voulaient récupérer leur butin, butin que je navais pas et pour la faire parler, ils ont tous fait jusquà lui ôter la vie. Je suis responsable. Cest comme si ma main avait tenue lépée qui la transpercée. Quant à la mère de Kallista, elle était une ancienne esclave et na jamais vraiment réussi à sintégrer malgré le fait quelle était ma femme et la mère de mon enfant légitime. Je crois que jai été sourd à ses problèmes et la mort la emporté sans que je lui témoigne réellement dinquiétude ou même de respect Cest ainsi que je le vois. Jétais derrière ces morts et je suis responsable, quoi que vous disiez. Et si je dis être un homme de lombre cest que je le suis, croyez-moi Eliance.
Homme de main, homme de lombre, assassin, espion et même amant, je ne cherche pas à avoir un statut différent. Je voulais être diplomate, je suis un mercenaire, je nagis point dans la lumière. Il y a longtemps que cest ainsi et je ne changerais rien, il est trop tard pour moi.
Maryah vous a écrit. Je pense quelle a besoin dune amie ou dune personne à manipuler. Je ne saurais trop vous dire dêtre sur vos gardes. Elle est abusive dans ses amours comme dans ses amitiés. Elle dit maimer depuis des semaines imaginez après votre départ, elle a tenté le tout pour le tout. Elle a voulu me séduire une nouvelle fois, en taverne et je lai repoussé. Après quoi, elle ma provoqué constamment jusquà aller à se dénigrer devant autrui en disant quelle était sale, que les hommes naiment pas sa couleur de peau, quon ne la respectait pas, que je préférais les autres et ne pas la toucher elle elle a rien compris alors elle sest mise en tête dapprendre à se battre. Je jouis dune certaine aisance au combat alors elle ma tarabusté jusquà ce que je cède et lentraine Je naurais pas dû mais je navais pas cur de la repousser constamment. Et cela sest fini en combat de rue. Il me manque la rapidité de ma jeunesse et la vaillance de mon bras qui na pas répondu comme je le souhaitais. Il me reste des marques de morsures et détranglements en plus de douleurs dans les côtes et des bleus mais cela na pas servi à grand-chose, elle est toujours aussi virulente. Mais elle sest trouvée une nouvelle proie, une jeune aveugle demain nous arrivons à Arles cest la fin du voyage pour Maryah et moi. Je lui ai dis quon se séparait après ça. A force de trop tirer sur la corde, elle casse.
Et vous allez mécouter petit chat sauvage. Vous nêtes pas maudite, vous nêtes pas responsable de ma souffrance. Je souffre parce que je le veux bien, parce que je suis un homme qui na plus rien à perdre, parce que ma vie sétiole et sétire vers la fin. Jai vu en vous une lumière, une grasce, un peu de chaleur qui me faisait défaut depuis si longtemps Jaurais voulu mabreuver à votre source, vous garder pour moi, vous écouter encore des heures entières mais nous ne nous sommes pas rencontrés au bon moment ni au bon endroit. Cest là toute lironie de la vie. Vous avez un mari, jai une sangsue qui croit maimer cest ainsi il y aura encore des bordels sur ma route quoi quen dise Maryah, je trouverais le repos du guerrier entre les bras de ces femmes accueillantes et vous entre ceux de votre époux. Il ny a rien à dire de plus, vous le savez bien Eliance. Vous ne détruirez jamais le lien qui vous unit à votre époux pour un homme comme moi. Si vous êtes une femme au passé torturé vous essayez de construire un meilleur présent. Cest tout à votre honneur. Et ne vous détruisez pas Eliance, je vous en prie. Je ne le supporterais pas. Cest comme si je vous regardais à vous ouvrir les veines cela mest insupportable. Et dabord, pourquoi détruisez-vous ? Diego aurait-il fait quelque chose de mal ? Vous aurait-il mal traité ?
Et je nadmettrais aucun silence de votre part. jai été honnête avec vous et jessaie de répondre au mieux à vos questions silencieuses alors faites-en de même avec celles que je pose carrément.
Quant à vous lire et ma douleur, elles vont de paires et me font me sentir encore un peu de ce monde. Laissez-moi encore ces quelques bonheurs et faites-moi part de vos mots destructeurs tout autant quils sont enchanteurs. Racontez-moi encore petit chat sauvage parlez-moi avec vos mots qui vous touchent et me font comprendre qui vous êtes vraiment.
A votre tour, restez sur vos gardes Eliance et dites-moi si cet article dont vous mavez parlé est publié. Jaimerais lire ce que vous avez pu écrire. Vos mots ont la saveur quil faut pour me faire voyager et grasce à vous, je verrais surement les miens à travers vos yeux.
Я сумую за тобою
Citation:
- Torvar,
Je ne vous remercierais jamais assez pour vos lettres. Pour ce qu'elles disent. Ce qu'elles dégagent.
Cette droiture, cette résignation, ces mots me font tantôt sourire, tantôt trembler.
Ne dévoilez pas ce que vous ne souhaitez pas. Je pose des questions, comme toujours, mais je ne souhaite pas être intrusive. Pardonnez ma curiosité. Je respecte votre silence. Je bois vos autres mots comme une offrande et c'est bien assez, bien mieux que rien du tout.
Quand je vous lis évoquer vos femmes, je ne vois qu'un malheureux concours de circonstances et votre culpabilité qui ressort, mais pas seulement. Il n'y a pas de culpabilité sans amour. Vous les avez aimées, ces femmes. Mal peut-être parfois, mais vous les avez aimées plus que tout. Vous avez fait des erreurs. Tout le monde en fait. Laissez-vous oublier ça. Allégez votre conscience, Torvar. Vous dites amener le mal avec vous. Je ne suis pas d'accord. Vous êtes de ces hommes qui rassurent, qui protègent plus qu'ils ne détruisent. Croyez-moi.
Vous voulez savoir pourquoi je me détruis ? Je vais vous répondre. Je vous dois bien ça, après tout. Confidence pour confidence...
Diego a tué mon premier mari. Il m'a épargné un retour programmé en enfer. Je lui dois ma vie, ma liberté. Je l'aime pour ça, pour ce qu'il est et malgré ce qu'il est. Diego est un amoureux. Un vaste amoureux des femmes. Toutes les femmes. Voyez où je veux en venir ? Pour moi, il a calmé ses ardeurs. Pour moi, il a changé ses habitudes. Mais elles ne font que sommeiller. Alors je pardonne ou plutôt j'oublie. Voilà le cycle de mes journées. Certaines choses sont plus dures à oublier que d'autres. Je suis hantée par des visions qui ne me lâchent pas. Sa sur, ne me lâche pas. Il l'aime. Sans doute autant ou davantage qu'il ne m'aime, moi. Et je ne peux rien y faire. Elle n'est pas uniquement sa sur. Elle le manipule, le prend dans sa couche, me l'enlève. Lui se laisse faire. Il peut éviter et résister à toutes les femmes, mais elle, il ne peut pas, il ne sait pas. Il me l'a dit. Je dois vivre avec ça. Et c'est ça qui me détruit. Je peine à oublier. Je me contente de ce qu'il m'offre de bonheur. Je n'ai droit que à ça. De simples moments auxquels je m'accroche. N'allez pas penser que je suis une douce épouse parfaite. Je suis bourrée de défauts, de blocages en tout genre. Je supporte Diego autant qu'il me supporte.
La folie aussi, je la connais. Une différente de la vôtre, sans doute. Mais je deviendrais folle, un jour, à force. Ayla l'a dit. Je fais des sortes de malaise. Elle a vu une femme en faire comme moi, puis mourir. Je suis maudite. Vous ne pouvez pas dire le contraire. Je me détruis, je détruis Diego qui ne supporte pas de me voir souffrir, je vous détruis vous, malgré ce que vous dites. Mon présent est ce qu'il est. Bien sûr, meilleur que mon passé, mais guère reluisant. C'est ainsi. Je me détruis et je n'y peux rien.
Le petit chat sauvage a souvent envie de plonger du haut d'une falaise pour libérer ce monde des malédictions qu'il traîne dans ses pas. Vous voilà au courant de mes faiblesses. Même si vous les aviez sans doute devinées déjà. Vos yeux savent transpercer les âmes. C'est du moins l'impression qu'il en ressort quand ils se posent sur quelqu'un.
Mais arrêtons de parler de moi, c'est peu intéressant. Maryah m'a écrit qu'elle avait essayé, oui, de vous séduire. Elle me tient d'ailleurs pour responsable de cet échec, même si elle ne m'en tient pas rigueur. Elle n'intègre pas qu'elle vous avait perdu bien avant que je vienne mettre un peu plus le bordel. Je la sais excessive. Je l'ai vu. Mais elle pardonne mes fautes, alors ça en fait une amie. Et Dieu sait que les amis se font rares. Je prends note de vos mises en garde. Je me méfie de tout le monde, en règle générale. Parfois pas assez, parfois trop. Mon instinct me fait défaut. Et puis, je me méfie toujours des femmes un peu plus que des hommes. Elles ont parfois une manière de vous faire parler pour vous nuire par la suite plus facilement. Je trouve ça effrayant. J'apprends à me taire. À ne pas tout raconter. Ou plutôt je ne raconte certaines choses qu'aux gens importants qui ne trahiront pas.
Où allez-vous aller après Arles ?
C'est idiot, mais je crains de vous savoir seul sur les routes. Je crains que vous disparaissiez une nuit, d'après une stupide sensation de n'être personne. Je crains de partager la même peur que vous de voir l'autre se détruire, s'éteindre. Je ne supporterais pas non plus. Pas vous.
Je me consume de l'intérieur mais ne sauterait pas. La falaise reste seulement un réconfort dans un coin de ma tête. Je vous le promets. Faites de même... je vous en prie. Promettez-moi...
Pardonnez-moi cette lettre. Elle est loin d'être folichonnement joyeuse. Simplement, elle reflète mon humeur matinale. Je ferais mieux la prochaine fois. Je préfère vous imaginer sourire en lisant mes mots. Alors je ferais mieux.
Je vous préviendrais si l'article sur les Cosaques venait à être publié. Je voudrais que vous soyez le premier à le lire.
Je me doute que vos tous derniers mots ne doivent pas être compris. Laissez-moi simplement vous dire qu'ils sont jolis, même sans savoir leur sens. Ils sont jolis.
Merci.
Eliance
Eliance,
Ne me remerciez point pour ce que je vous apporte car à mes yeux ce nest que tourments et futilités. Je ne suis quun pauvre hère qui ne sait plus trop ce quil ressent enfin ce nest pas tout à fait vrai car au fond de moi est venu fleurir quelques sentiments qui avaient été muet depuis tant dannées Si je voulais être tout à fait honnête, je délierais ma langue mais la peur de vous voir me fuir est trop ancrée en moi pour vous avouer linavouable. Et pourtant, ce désir profond dêtre moi-même jusquau bout Eliance Eliance Eliance un jour peut être je vous dirais ces mots qui brûlent mes entrailles et ne demandent quà sortir. Pour le moment, je sais que tant que je me tais, vous mappartenez encore un peu. Ne serait-ce quun instant encore, un fugace instant Mais arrêtons de parler de moi, ce nest guère intéressant même si vous pensez le contraire.
Vous mavez fait un merveilleux cadeau même si vous ne le voyez pas ainsi. Vous êtes venue me confier votre histoire, du moins une partie car je devine quil y a encore tant de choses cachées, enterrées, enfouies bien profondément pour ne pas être découvertes. Et je ne chercherais pas à vous les faire dire. Je juge quil vous appartient de vouloir vous confier et non vous forcer. Par contre, je suis étonné de ce quil se passe avec Diego. Loin de moi de le critiquer car il est lhomme qui vous a offert votre liberté mais je devine une forme dasservissement vous concernant. Il vous aime, vous laimez, il vous a libérée de votre premier mari mais en contre partie, vous fermez les yeux sur ses incartades, ses besoins féminins, son appétit dévorant pour les autres et sa sur sa sur Eliance voyez, rien que ça, je ne puis cautionner le mal quil vous fait. Encore, sil avait des maîtresses au détour dun chemin, dune ville visitée, dun lieu donné, je pourrais faire comme si je men foutais même si je sais que cela vous atteint à chaque fois mais le même sang que lui Et il ne peut faire autrement dites-vous ? Est-il un homme ou un fantôme qui ne sait plus qui il est ? A-t-il donc aucun respect pour vous quil va forniquer avec sa sur ?
Je sais, mes mots sont durs et je ne suis pas du genre à condamner, à juger mais il vous met dans une position délicate, il vous impose un choix qui nest pas votre. Mon petit chat sauvage, je sens la rage monter en moi quand je lis ces mots, quand je devine la douleur qui vous ravage parce quil est trop faible pour résister et je me rappelle soudainement vos confidences à propos de la pire de la famille. Jaurais aimé le savoir avant votre départ peut être que jaurais tenté de vous persuader de rester à mes côtés au moins quelque temps, non pas pour profiter de vous et vous mettre dans ma couche mais au moins pour vous donner la force daffronter cette situation. La force, cest tout ce quil me reste, cest ce que je peux vous offrir.
Alors je me dis que je dois tenter quelque chose, vous soutenir, vous retrouver, venir jusquà vous pour ne pas vous laisser sombrer et vous laisser croire que vous me faites souffrir car ce que je vis nest rien à comparer à ce que vous vivez. Même si je sais Diego votre mari, il na pas le droit de vous tourmenter ainsi. Il na pas le droit de vous faire de mal Sil ne supporte pas de vous voir souffrir, quil arrête ce manège quil vous impose, quil soit un homme, un vrai, un homme qui prend des décisions, qui se fait respecter et qui offre à sa femme le respect quelle est en droit dattendre. Quil ne soit pas uniquement un tombeur et un jouisseur
Me voilà en rage et pourtant ce nest pas ce que je souhaite vous montrer comme visage. Et ne venez pas vous fustiger, vous ny êtes pour rien. Jai assez entendu de choses à droite, à gauche que finalement, je ne devrais pas être étonné. Et jaimerais vous épargner. Alors, à ma manière, je vous dirais de ne point faire confiance à tout le monde. Certaines personnes ont le don de vous faire parler et vous lavez deviné, pour aller colporter de vilaines choses. Maryah vous semble une amie alors gardez-la comme telle. Entre nous, il y a un contentieux plus profond parce que sans doute nous avons vécu un bout de chemin ensemble mais je trouve que pour quelquun qui il ya deux semaines à peine clamer partout que Niallan et elle formaient une famille avec leur fils et la fille de Niallan, pour quelquun qui nhésitait pas à finir la nuit dans sa couche, elle change rapidement davis. Pourriez-vous aimer quelquun dautre aussi vite vous ?
Je nai jamais bien compris les femmes mais là aimer deux êtres en même temps, cela mest arrivé. Le cur des hommes est une telle merveille que je ne comprends pas tout son fonctionnement mais de là à changer davis si vite je dois être le dernier des cons pour ne pas être aussi doué enfin, cet épisode sera bientôt terminé. Après mes pas mentraineront, ici ou là peut être au nord, au sud, peut être dans votre direction si je sais où vous vous cachez, peut être ailleurs mais je fais attention. De toute manière, mise à part à vous, je ne manquerais pas à grand monde alors je laisserais des instructions pour que lon prévienne les personnes qui me sont importantes et vous en faites partie, nen doutez point peut être même la plus importante à mes yeux.
Je vais vous laisser Eliance. Il est temps que jaille me dérouiller les jambes avec mon cheval. Il est le seul que jai envie de voir ces derniers temps, je ne fréquente même plus les tavernes pour éviter de me faire incendier cest dire il me manque le temps où vous étiez à mes côtés quil me manque Et si vous trouvez mes mots jolis et que loccasion nous est donné de nous revoir, je vous en apprendrais quelques uns si vous le souhaitez. Ils seront vôtre à votre tour.
Citation:
Torvar,
Je vous remercie si je veux. Et je le ferais sans doute bien d'autres fois encore. Que ça vous plaise ou non. Mes tourments ne proviennent pas de vous, soyez-en sûr. Ce ne sont pas les vôtres qui, en tout cas, me feront le plus trembler. Voyez comme je suis habitée. Mon mari est ce qui m'est arrivée de mieux dans ma courte vie. Je vous laisse imaginer le reste. Je vous raconterais, un jour, si vous le voulez. Si vous le demandez. Même si le récit n'est pas des plus passionnants.
En attendant, gardez un peu de votre honnêteté pour vous-même. Ne me livrez pas tout. Pas que ça me ferait forcément fuir, mais l'inavouable s'avoue seulement avec le temps. Il y a un jour pour tout. Et aujourd'hui, c'est le temps des lettres. La suite amènera peut-être un autre lot. Si j'étais un tant soit peu franche avec vous, je vous dirais que ce genre de chose m'effraie grandement. Je vous dirais ne pas comprendre, n'avoir rien fait pour ça. Je vous dirais que vous vous trompez. Que je suis pas celle que vous pensez. Que je ne suis pas comme vous l'imaginez. Mais je me contenterais de vous écrire que je ne comprends pas comment un homme comme vous peut s'intéresser à un chat égaré comme moi et qu'il devrait même s'en méfier. Un chat enragé n'a jamais donné satisfaction à personne.
Vos mots concernant Diego sont durs. Mais j'ai l'habitude. J'ai entendu des discours bien plus critiques, bien plus dégradants que le vôtre. Diego n'est pas un fantôme, non, simplement un homme qui a commis des erreurs et qui se voit contraint par ces mêmes erreurs, espérant se plier et se racheter un jour. Et ces erreurs, se sont sa sur. Croyez bien qu'il s'impose cette vie autant qu'il me l'impose à moi. Je vais vous expliquer. Vous comprendrez mieux.
Elle est leur demi-soeur depuis le remariage du père. Aussitôt débarquée dans la famille, les frères en ont fait leur souffre-douleur. Sauf Diego. Lui n'a pas pris parti. Lui n'a fait que regarder. Sans rien faire. Ni participer à leurs violences, ni empêcher ses frères. Aujourd'hui, il regrette. Il voudrait revenir en arrière et agir. Mais c'est impossible, alors il essaie de se racheter. Sauf qu'elle est devenue... une harpie. Elle ne souhaite que se venger. Il le sait. Et pourtant, il persiste. Il l'aime. Il regrette. Elle les anéantit les uns après les autres. Elle a fait tuer Ezequiel, puis Sawyer. Elle éliminera Diego et les autres de la même manière. Je suis celle qui l'embarrasse pour détruire Diego. Elle essaie de me virer en vain. Parce que si je pars, elle aura le champ libre pour le manipuler à sa guise. Elle le fera se perdre, elle lui fera oublier ses enfants, elle le fera se tuer. Si je pars, il meurt. C'est aussi simple que ça. Alors je supporte. Pour lui.
Je lui dois bien ça, non ?
Je ne veux pas que cette histoire vous mette en rage. Ce n'est pas le but. Il n'y a pas de but, d'ailleurs. Aucun. Je vous confie simplement un peu de moi comme vous l'avez fait.
Je ne suis pas bonne juge pour estimer si l'attitude de Maryah est normale ou non. Vous êtes peut-être son second choix parce qu'elle a essayé de construire une famille avec le type qui sert de père à son fils. Mais elle vous aimait sûrement avant, déjà. Elle m'a dit qu'elle vous aimerait toujours, même si vous partiez. Mais qu'elle ne supporte plus de se faire engueuler comme une enfant. Pour répondre à votre question, et je vais vous décevoir, ces dernières semaines me font croire que j'ai l'amour un peu facile... Je suis naïve, Torvar. Et pas vraiment maline. J'ai cru aimer. Je me suis seulement fait manipuler en beauté. Ou bien j'ai réellement aimer un autre type que mon mari le temps de quelques jours. Je ne sais pas. À quoi bon savoir, après tout. Je suis pas bonne pour aimer les gens. Je n'ai pas ce qu'il faut pour rendre les hommes heureux. Le malheur de Diego vient aussi de moi. Il ne faut pas croire. Je suis une bien piètre épouse.
Vous revoir serait inespéré, inconscient, et tout autre qualificatif de ce genre, mais j'en serais aussi heureuse, si vous ne venez pas seulement par culpabilité de m'avoir laissé à mon sort. Dans tous les cas, soyez rassuré, je ne sombrerais pas de suite. J'ai encore un peu de force pour surmonter tout ça. Vous n'avez aucune obligation envers moi. Vos lettres sont déjà un moment de réconfort. Vos lettres m'aident. Vos lettres me font me sentir moins seule. Mais si vous revenez en Savoie, vous me trouverez non loin de là où on s'est connu. Je marche dans les pas de mon frère. Ou plutôt de mes frères. Essayant de m'incruster dans cette famille qui ne me ressemble pas, qui n'est pas la mienne.
Vous parlez de moi seule, en personne importante. Mais vous oubliez cet enfant, votre dernière mission. Lui est le plus important pour vous. Et cette chose a besoin de vous. Plus que moi.
J'ai compris tout à l'heure pourquoi cette journée est aussi triste. C'est mon anniversaire. Je déteste ces jours-là. Je serais donc plus gaie demain. Soyez-en sûr. Les tavernes me semblent bien sombres, aussi, sans vous. C'est ainsi...
Eliance
Citation:
Torvar,
Des jours sans nouvelles de vous. J'ai été patiente, mais je m'inquiète férocement.
Alors je patiente encore un peu pour retarder le moment où j'écrirais à Maryah pour lui demander si elle vous a vu ces derniers jours. Je retarde, je ne le fais pas de suite parce que je sais que vous aimeriez pas ça.
Dites-moi que vous êtes en vie.
Eliance
Eliance,
Que vous dire aujourdhui ?
Je suis heureux de vous lire bien entendu comme à chaque fois. Et ne vous inquiétez pas, ma vie est toujours accrochée à moi et je suis toujours de ce monde. Sinon, bien évidemment, vous ne recevriez point de mes nouvelles.
Que vous dire encore ?
Jattends la visite de mon neveu qui doit me ramener des poulains pour le fils de Maryah.
Quand je lui ai annoncé mon intention de partir, elle ma supplié de laider à trouver une monture pour son petit. Il est très doué je dois bien lavouer et quoi de plus satisfaisant pour moi que de lui faire ce cadeau. Je ne lai pas dis à Maryah mais je ne compte pas lui faire payer ce poulain. Il sera mon cadeau à Percy pour tout ce quil fait et pour la vie quil met dans la mienne. Et en attendant que Matveï vienne avec les montures, je leur apprends à soccuper dun cheval donc nos journées sont bien remplis. Tout autant que mes nuits.
Finalement jai passé un accord avec Maryah dont vous êtes la seule à savoir quoi que ce soit. Puisquelle se sent seule et que de mon côté cest pareil, nous avons décidé de passer nos nuits ensemble. Au moins, nous aurons la satisfaction de nous apporter quelque chose même si Maryah ma fait promettre de ne le dire à personne. Vous êtes la seule qui détenait ce secret. Je vous fais assez confiance pour tout vous dire Voyez comme je suis aujourdhui. Enfin voilà le pourquoi de mon silence Eliance mais je vous remercie de vous inquiétez autant pour moi.
Et vous dites-moi, que me racontez-vous donc de beau depuis tout ce temps ?
Avez-vous trouvé un endroit pour vivre ou du moins poser vos bagages ? Et avec Diego, tout se passe bien ?
Je me dépêche de vous faire parvenir ces quelques lignes afin de vous rassurer et vous dit peut être à bientôt si vous le souhaitez.
Citation:
Torvar,
Une fois de plus, je me suis inquiétée pour rien. Vous devez me trouver bien ridicule. Mais c'est une occupation comme une autre, faut croire. Une occupation qui m'a fait oublier certaines choses, ou du moins y penser un peu moins. Voyez comme vous êtes utile, même loin.
En vérité, je suis heureuse de vous lire si accaparé. Les journées sont plus douces lorsqu'elles sont bien remplies. Et ce cadeau que vous faites à ce gamin, c'est sans doute le plus beau qu'il ne recevra jamais. Il sera un peu cosaque ainsi, grâce à vous, grâce à ce que vous lui enseignez. Vous survivrez toujours quelque part dans sa mémoire, en lui, même sans être son père. Son père, il risque d'ailleurs de l'oublier bien vite puisqu'à en croire Maryah, il ne veut plus entendre parler de ce fils. Elle comptait sur lui pour l'aider à payer le cheval. Vous devriez le lui dire, à Maryah, que ce sera un cadeau sans contrepartie aucune. Elle risque de se saigner aux quatre sangs d'ici-là pour réunir la somme nécessaire.
Ne lui faites pas la gueule, Torvar. Voyez comme je sais tout ! Elle fait tout pour son fils. Je la crois bien mieux à vos côtés. Vous la connaissez mieux que moi. Vous la savez perdue. Et son rôle de maman la transforme, j'ai l'impression. Ne lui en voulez pas des contacts qu'elle peut avoir avec Niallan. Elle essaie seulement qu'il ait un père. Elle ne m'a effectivement rien dit à propos de votre accord. Je trouve ça relativement normal à vrai dire. Vous ne faites rien de mal. Pourquoi toujours voir du noir là où il n'y en a pas ? Vous êtes tout de même mieux auprès d'elle qu'avec une de ces catins trop bavarde ! Vivez, Torvar, vous y avez droit.
Je vais vous dire une chose, qui est possiblement erronée, mais qui reflète ce que je pense de tout ça. Je pense que le cheval est une excuse. Je pense qu'elle n'accepte pas votre départ. Plusieurs raisons à cela, mais je resterais en dehors de votre relation très personnelle à tous les deux, n'ayant aucun droit de m'immiscer dedans. L'excuse principale serait donc ce que vous êtes pour son fils. Quand je lis vos lettres, quand je lis les siennes, vos mots à tous deux évoquent cet homme que vous êtes et ce gamin, vos relations, votre complicité. Vous êtes sans doute le seul homme dans son entourage qui tienne la route, Torvar. Le seul qui s'occupe de son fils comme vous le faites. Le seul qui lui apprenne la vie, qui le faites rire sans doute. Vous êtes sûrement celui à qui il souhaite ressembler, plus tard. Je vous vois d'ici froncer les sourcils, marmonner que je raconte que des conneries, que ressembler à un homme sombre comme vous est idiotie. Arrêtez donc cette tête et réfléchissez. Ou du moins, non, arrêtez de réfléchir. Vous êtes quelqu'un pour ce gamin. Vous êtes quelqu'un pour sa mère. Vivez et ne réfléchissez pas à ce qui est judicieux de faire ou non. À quoi bon de telles réflexions ? Plus on songe et plus on fait de conneries. C'est ainsi.
Je ne réfléchis guère, pour ma part. Je suis d'accord que je ne suis peut-être pas l'exemple à suivre, mais j'estime que je me pourris moins la vie que ceux qui cogitent.
Poser les bagages n'est pas encore d'actualité pour moi. Je suis mes envies. Et mes envies se trouvent dans la terre foulée par mes bottes. Tout allait bien avec Diego ces derniers jours. Ça va faire un an qu'on est marié. Un an. Il en est tout heureux. Ces derniers jours passés ont été sous le signe de la légèreté. Les prochains semblent s'augurer bien plus compliqués. Hier, à Dijon, il a vu la mère de ses jumeaux. Moment difficile pour moi. Je préférerais qu'elle meurt, Torvar, plutôt que de la voir agir avec lui comme si je n'existais pas. Je vous livre le fonds de ma pensée. Ne me trouvez pas cruelle, par pitié. Ce n'est qu'une pensée. Une simple pensée. Je n'ai jamais fait de mal. J'en suis bien incapable. Nous allons la revoir bientôt, je le crains, et je ne sais pas comment réagir.
Aujourd'hui, nos pas nous ont conduit en Champagne. Pas par hasard, non. Le but est bien d'explorer les malles de la mairie. L'idée ne vient pas de moi. C'est Kachina qui me l'a proposée. Je ne sais pourquoi, mais vous et Maryah ne l'aimez pas, ou peu. Pour moi, c'est différent. Je l'ai rencontrée un peu avant vous et les discussions que nous pouvons avoir ensemble me sont agréables. Parce que comme vous, elle me comprend sans que je rentre dans les détails de mon âme. Alors je me suis laissée tenter. Pourquoi pas, après tout ? Je verrais bien si je suis de celles-là. Et puis ça me fera oublier certaines choses, avec un peu de chance. Ça reporte mon inquiétude ailleurs.
J'ai quitté mes frères. J'ai plus de place auprès d'inconnus de sang comme vous, Maryah, Kachina, qu'auprès d'eux. Vous me comprenez, vous cherchez à me comprendre. Eux m'ignorent, ne cherchant jamais à savoir qui je suis. C'est peut-être mieux ainsi, d'être partie. Mais vous savez, je comptais sur eux. Je pensais trouver en eux un réconfort, une alliance, une attache à la vie. Je n'y ai trouvé que des étrangers froids et distants emplis de secrets pour moi.
Cette lettre est maussade. Pardonnez-moi. Je vous écris rarement quand mon sourire est au beau fixe. Je viendrais vous l'offrir, cependant, un jour, en face. Je compte bien revoir Maryah, je compte bien vous revoir, vous. Le hasard fera le reste.
Prenez soin de vous, Torvar. Et n'oubliez pas : vivez !
Eliance
Eliance,
J'ai bien lu votre courrier peu joyeux il est vrai mais c'est le propre de l'homme, ne jamais être heureux même quand il a tout alors je vous pardonne. Chacun vivant ce qu'il a à vivre et votre parcours n'étant pas le mien, je ne peux pas vous dire que vous avez tort ou raison d'être maussade ou peu entrain à être heureuse. Vous vivez des choses que je ne vis point. Cela s'arrête là.
Pour ce qui est de Maryah et de moi, cela ne va pas au delà de nuits passées ensembles et d'envies assouvies. Ne croyez pas qu'il y ait le moindre sentiment de ma part. Je ne suis personne pour son fils et je ne veux être personne pour elle. Comme je vous l'ai déjà dis, nous avons loupé le coche une fois et il n'y a aucun retour en arrière possible. C'est ainsi. Je ne reviendrais pas là-dessus. Maryah est une femme certes magnifique mais aucun amour ne vient émouvoir la bête que je suis depuis des années. Arrêtez donc de croire aux contes de fées et d'imaginer que je suis ce que je ne suis pas. Les apparences sont trompeuses ainsi que les confidences que l'on veut bien faire. Elles sont interprétées différemment suivant ce que l'on désire leur faire dire !
Maintenant, il est de mon devoir de vous dire que je ne continuerais pas à vous écrire. Non pas parce que vous ne trouvez pas en la vie ce que vous cherchez mais plutôt parce que vous avez fait des choix que je réprouve. Si vous trouvez en Kachina une amie qui vous veut du bien, je trouve en cette femme une ennemie qui a voulu ma peau et je ne cautionne pas le fait que vous partiez mettre votre vie en péril pour cette garce de bas étage.
La vie est faite de choix Eliance, vous avez fait les vôtres, j'ai depuis longtemps fait les miens. Ainsi tourne mon monde. Je n'ai pas à faire de sourire ni même à m'obliger à être heureux pour vous alors que je ne le suis pas et que le nid de vipères dans lequel vous venez de vous installer ne vous apportera que des ennuis. Vous êtes bien assez grande pour savoir ce que vous faites et comme je ne suis ni votre frère, ni votre mari, ni votre amant, nous en resterons donc là.
Le dernier conseil que je puis vous donner c'est de faire attention à vous. Un sourire ou une gentillesse peut cacher bien plus que ce que l'on imagine.
Je ne vous dis pas adieu puisque je l'ai souvent dis pour rien et que cette fois-ci est la dernière fois que je prendrais la plume pour vous répondre.
Que vos pas vous mènent là où ils le doivent.
Le Cosaque.
Citation:
Torvar,
Vous deviez vous douter que je n'en resterais pas là. Que votre lettre soit la dernière des dernières, soit. C'est votre décision et elle vous appartient. Je continuerais pour ma part à vous écrire, même si mes lettres doivent finir dans un fossé, brûlées, non lues ou sans retour aucun. Ne me jugez pas butée, il n'en est rien, j'aime seulement l'idée de vous imaginer me lire et ça me rapproche un peu de vous, pour ne pas dire que je ne me vois pas rompre ce dernier lien.
J'ai parlé de vous à Kachina. Parce que cette histoire de vouloir vous trouer la peau m'a agacée. Parce que j'ai voulu savoir le pourquoi du comment. Ou peut-être parce que que cette histoire est la raison de votre décision de vous couper de moi. Et à ma grande surprise, elle a rit. Vous allez me ressortir votre refrain sur les apparences auxquelles il ne faut pas se fier, mais j'ai quand même écouté ses explications, dont je vous fais part ici-même. Elle ne veut plus du tout vous trouer la peau et si elle l'a voulu un jour, c'était pour défendre votre fille, qui, elle, semblait bien décidée à vous faire trépasser, comme vous me l'aviez d'ailleurs vous-même raconté. Mais puisque les choses se sont arrangées, semble-t-il, entre père et fille, elle ne garde aucun grief contre vous. Est-il utile d'ajouter qu'elle vous passe le bonjour et vous invite à nous rejoindre ? Je crois que ça ne fera que renforcer votre rancune, mais tant pis. Je ne cache rien. Je ne cache pas non plus que vous voir m'enchanterait. Je vous sais occupé et je n'insiste pas.
J'ai peut-être mis maladroitement les pieds dans un nid de vipères, mais ne croyez pas que vous aurez à m'en sortir, me sauver, me protéger. J'ai pour habitude de me débrouiller seule, même si c'est pas toujours une réussite, je m'y emploie. Les amis ne sont pas pour moi à entraîner dans les bas-fond des emmerdes. Ne me demandez pas non plus comment je vois ça, j'en sais rien et n'ai aucune idée de ce qu'un ami peut faire ou non pour un autre. Vous êtes peut-être ni mon mari, ni mon amant, ni mon frère, mais vous êtes bien un ami, Torvar. Il est possible, d'ailleurs, que ce soit plus souhaitable que tout le reste. Je ne sais me débrouiller ni avec les uns, ni avec les autres. J'espère être meilleure en amitié. Être moins décevante.
Je m'excuse si vous vous êtes senti obligé de faire semblant d'être heureux pour moi. J'ai pas voulu ça. Le bonheur est quelque chose de lointain et je connais votre philosophie sur le peu qu'il vous reste à vivre. Mais je n'accepte pas de lire que vous êtes une bête sans émotion depuis des années déjà. Peut-être ne ressentez-vous rien pour Maryah, mais vos lettres précédentes m'ont montrées que vous étiez un homme comme les autres, ou du moins, tout autant que vous êtes différent du commun, vous êtes capable de sentiments, vous êtes capable de sentir votre cur battre. Ne dites pas le contraire ou bien je vous ressors ces fameuses lettres et vient vous les coller sous le nez. Vous y avez écris des choses. Je les ai toutes gardées. Je garde toujours les lettres. Les vôtres, du moins. Alors je refuse de vous entendre penser d'ici des stupidités pareilles. Que vous ne vouliez pas vous laisser aller, que ce soit avec Maryah ou une autre femme, est une chose. Mais ne dites pas que vous êtes une bête.
D'ailleurs, je vous rassure, vous ne ressentirez plus rien en me voyant, je ne ressemble plus à rien. Ou du moins, je n'ai plus ce visage qui m'a joué tant de tours. Ça a failli me coûter un mariage, mais je ne regrette rien. Me voilà libérée tout à fait. J'ai trouvé un brave blond qui a accepté de me donner un nez de travers et quelles autres transformations nécessaires. Ainsi, vous pourrez être un ami, un vrai, sans que rien d'autre ne s'immisce et ne gâche ça. Ainsi, plus aucun homme ne me regardera avec des envies que je n'ose imaginer. Ainsi, je peux vivre normalement.
Vous me manquez, Torvar. Viendrez-vous ?
Eliance
Eliance,
Non je ne viendrais pas.
Vous vous ennuyez ? Demandez donc à vos amies et amis de combler votre manque.
Vous dites que vous avez parlé à Kachina et que laffaire est close mais doù tient-elle ça ?
Sachez une chose Eliance cest que davoir voulu maffronter, il lui en cuira quand on se retrouvera. Et puis rien nest terminé. Ma fille a voulu la suivre, je lui en voudrais toujours pour ça. Elle est devenue la même que ceux qui ont tué sa mère. Et cest à moi quelle en veut Qui se fout du monde là ?
Bref, ceci est une histoire de famille et je nai pas à vous en parler.
Pour ce qui est du reste je me doutais bien que vous ne maviez pas compris. Et jen ai eu la preuve avec vos dires, vos mots, vos actes. Vous croyez que cest votre visage qui me plaisait, qui mattirait ? Vous croyez que jétais comme tous ces hommes qui ont envie de vous parce que vous avez un joli minois ? Vous mavez mis dans le même panier que les autres alors que jai été séduis par votre esprit mais aussi par votre cur Vous navez donc rien compris. Et au lieu de vous faire souffrir, arrêtez de vous trouver des excuses parce que vous avez du charme, assumez-le et quittez votre putain de mari sil est trop jaloux. Il couche avec tout ce qui porte jupons et on na pas le droit de vous approcher foutaises Vous vous faites du mal pour ne pas avoir à assumer une relation avec un autre homme qui pourrait vous offrir de lamour, du bonheur et des joies que vous ne voulez pas soupçonner. Je suis désolé pour vous que vous préfériez vous cacher que de vivre pleinement lamour. Jétais prêt à jouer lhomme de lombre et de navoir que des miettes tel un chien attendant une caresse de sa maitresse mais même moi vous mavez repoussé alors assumez vos choix bordel et ne venez pas me dire que vous avez fait ce qui devait être fait ! Je ne cautionne pas et je ne cautionnerais jamais que vous vous détruisiez pour lui. Jamais !
Alors non, vous ne me verrez pas et sans doute plus jamais Je ne suis pas adepte de me faire du mal contrairement à vous. Jai très bien compris le message me concernant, pas la peine de me rabâcher les choses.
Si cela peut vous soulager de mécrire, faites comme bon vous semble. Pour le moment je ne suis plus disposé à vous répondre.
Citation:
Torvar,
Il y a des choses que je comprends de travers. Mais vous non plus ne comprenez pas tout. Vous écrivez que je vous rejette. C'est pas tout à fait exact. Je rejette ce que vous voudriez que je sois et que je me sais incapable d'être pour vous. Vous pensez que je me fous de vous, tandis que j'essaie de vous préserver de ma poisse. Parce que je suis pas la douce Eliance que vous croyez que je suis. Je suis pas celle-là, Torvar.
Je vais vous raconter qui je suis. Tout raconter.
J'ai été élevée pour être mariée. J'ai grandit dans un grenier. Sans rire, sans amis, juste avec des leçons et mon père, à l'écart des autres. Mon père m'a fait des choses, pour que je sache faire à mon mari. Et puis il m'a marié. J'avais treize ans et mon mari... bien plus. Bien trop. Un fou, cet homme-là. Il a tué tous mes enfants, Torvar. Tous. Dans mon ventre. J'étais son jouet. Il aimait me prêter à ses amis. Il aimait regarder. Et récupérer son jouet tordu. Et le retordre encore un peu, après.
Alors, les enfants, je peux pas. J'arrive plus à les aimer. J'arrive plus à les regarder.
Et les hommes... j'y arrive pas non plus. Je sais pas y faire, avec les choses de l'amour. Diego n'est pas un mauvais type. Il a juste plus de besoin que je ne sais lui en donner. Et comme il ne veut pas me forcer, il va parfois voir ailleurs. Il m'aime malgré ça. Malgré ma froideur.
Je ne le rends pas heureux, mais il ne le mérite pas forcément. C'est pour ça que je l'ai choisi. Il est loin d'être parfait, mais il sait comment je suis et fait avec. Et j'arrive à le regarder, justement parce qu'il ne mérite pas forcément mieux que moi.
Je pourrais pas voir tous les jours de la déception dans le regard d'un homme comme vous, je pourrais pas supporter d'en être à l'origine, je pourrais pas supporter de vous gâcher la vie, de vous voir souffrir par ma faute. Vous, vous méritez une femme, une vraie. Une qui rend heureuse.
Vous méritez tout, sauf moi.
Eliance
Eliance,
Vous avez raison, je ne vous comprends pas et je ne veux pas vous comprendre. Je tire un trait sur cette histoire qui finalement n'a existé que dans ma tête. Et je vous dis merci de mavoir remis les idées en place !
Et jai une dernière chose à vous dire, que ça vous plaise ou non, je nen ai rien à foutre finalement.
Arrêtez de vous cacher derrière des prétextes. Ça ne sied quaux grands et vous êtes loin den avoir la carrure.
Vous m'avez fait la leçon durant des jours, des semaines à me répéter qu'il fallait que je vive, que j'oublie les choses qui font mal, que jaille de lavant et vous, vous faites quoi au juste ?
Vous m'offrez votre passé comme pour vous dédouaner ou plutôt vous trouver une excuse. Vous nêtes pas la seule femme à avoir subi des atrocités et jen connais qui ont au moins le courage pour ne pas dire les couilles de sen sortir et de donner plutôt que de se lamenter sur ce quelles ont vécu.
Vous me parlez de votre poisse afin de me préserver. Mais qui êtes-vous pour penser ce qui me convient ou pas ? Vous avez simplement décidé dès le départ que vous ne finiriez pas dans mon lit et vous avez mené votre barque pour arriver là où vous le vouliez. Je dois dire que vous avez bien manuvré. Mais quaurais-je pu attendre de vous finalement ? Rien, vous ne mêtes rien.
Allez, restez donc dans votre petite vie, amusez-vous à vous faire tabasser et donnez le peu que vous pouvez à votre mari. Vous avez raison sur une chose, on ne se force pas dans la vie pour ressentir ou pas les choses. Mais au moins, certains ont les tripes de le dire.
Maintenant, vos courriers vous seront retournés sans être lu si daventures vous veniez à men faire parvenir. Jai dautres chats à fouetter que de moccuper dune gamine qui joue les allumeuses les soirs de pluie. Personnellement, je préfère les vraies femmes qui ont du répondant même si elles men foutent plein la gueule. A cela, vous narrivez pas à la cheville de Maryah. Elle a tout ce quil faut pour men faire baver mais même si nos petits arrangements et nos vies ne sont pas ce quil y a de mieux dans ce bas monde, cela nous rend heureux et offre au petit Percy quelque chose dinoubliable.
Au plaisir de ne jamais vous recroiser.
Le Cosaque.
Citation:
Torvar,
Vous m'emmerdez. Non, je suis pas forte, ni courageuse. Je suis ce que je suis. Petite et minable.
J'ai jamais dit que j'étais autre chose. Je me suis jamais cachée. Je suis pas de celles qui oublient et arrivent à vivre comme si de rien n'était, qui font semblant.
J'ai jamais eu l'intention de vous envoyer bouler. Mais croyez bien ce qui vous arrange. J'ai simplement écrit ce que j'ai sur le cur. Parce que ça me bouffe. Parce que ça me hante. Et quoi ? Je suis une allumeuse. Une moins que rien. Merci !
Je suis maladroite, je sais. Je dis des choses sans parfois penser qu'on puisse les comprendre autrement. Mais vous, vous faites mal. Atrocement mal. Je vous avoue mes faiblesses et vous me les renvoyez dans les dents. Je vous avoue mes souffrances et vous les piétinez avant de me les retourner en pleine face. Je suis maladroite, mais honnête. Je le serais plus. Je vais garder pour moi ce qui est apparu. Ce que j'ai espéré. Ce que j'ai cru.
Vous vous êtes jamais demandé pourquoi je vous écris ? Pourquoi j'ai persisté, toujours, même quand vous m'écriviez "adieu et à jamais" ? Pourquoi je garde chacune de vos lettres ? Pourquoi j'ai essayé de vous convaincre de vivre ? Non, vous vous en foutez et vous avez raison.
J'ai besoin de vous. Mais ça aussi vous vous en foutez.
Adieu
Une gamine. Ou une allumeuse. Au choix
_________________
Eliance
Eliance et les hommes. Eliance et sa naïveté. Eliance et ses méfiances. Eliance et ses traumatismes. Eliance et...
Sa vision du monde est souvent binairement basique. Il y a les méchants et les gentils. Parfois, les méchants ont un traitement de faveur et obtiennent d'avoir un peu de bon en eux. Mais sommairement, le monde est partagé en catégories assez larges et tranchées.
Il y a les amis importants, ceux pour qui elle vit, ceux pour qui elle agit, ceux pour qui elle ferait n'importe quoi, même apprendre à se battre. Et puis il y a les autres, potentiellement peu existants, tout juste bon à tenir des conversations de comptoir (ce en quoi elle excelle) pour passer le temps.
Chez les hommes, c'est un peu pareil. Il y a Diego, tout en haut, en sorte d'icône idolâtré malgré ses incompétences notoires à être fidèle, malgré sa propension un peu trop grande pour la bouteille et la pipe (à fumer, hein, évitons les confusions fâcheuses). Celui-là représente le Mâle dans toute sa splendeur : beau, même parfait physiquement, n'ayons pas peur des mots, il est celui qui rassure, protège, la virilité incarnée en somme. Il est celui à qui elle doit sa vie qu'elle lui voue entièrement désormais, au grand désarroi de son entourage saint d'esprit. Il est celui qui sait les gestes tendres, qui lui a appris à avoir confiance, qui lui a révélé la part d'agneau qui sommeille en l'homme.
Et puis, il y a les Grands Hommes. Ceux qui impressionnent, ceux qu'elle admire tout en frissonnant à leur contact. Ceux-là sont peu nombreux. Ceux-là sont hommes de pouvoir. Charismatiques au possible, ils lui donnent l'impression d'être Dieu descendu sur Terre. Elle tremble de leur colère, de leurs bougonnements. Elle admire les larges épaules, les paroles autoritaires et cette gestion infaillible de leur vie qui semble toute tracée dans leur esprit comme un choix fort. Son père est le premier de ces hommes-là. Elle l'aime autant qu'elle le déteste. Viennent ensuite son frère l'invincible secret, le terrifiant Jok' et le fier Cosaque.
Le reste des hommes réside dans la basse-fausse comme étant non digne de confiance ou non intéressants. Notons que Mike n'est pas spécialement considéré par Eliance comme étant un homme. Il est à ses yeux asexué, entrant pleinement dans la catégorie des amis, mais certainement pas des mâles quels qu'ils soient. À cela, plusieurs raisons : étant le mari de sa presque-sur, il n'a jamais eu un geste « masculin » à son égard. Entendez par là qu'il ne s'est jamais intéressé à elle ni à sa féminité comme la plupart des hommes rencontrés. Il ne représente donc pas un potentiel danger comme les Grands Hommes mais est assez important pour entrer dans la catégorie des amis.
L'homme qui effleure son esprit à cet instant précis appartient pleinement à la catégorie des mâles terrifiants, j'ai nommé : Torvar. Du haut de sa carrure fière, le Cosaque en impose. Il semble savoir où il marche, il semble gérer toute sa vie en éloignant les déconvenues de la pointe d'un orteil, sans effort aucun. Pour ça, elle l'admire. Elle admire tout en lui. Elle le craint aussi. Un peu. Elle craint ses colères, même si elle n'a jamais assistée à aucune en direct, elle a souvenir d'une lettre terrible. Il semble d'une force d'esprit rare et puis... C'est à cet homme qu'elle pense. Parce qu'elle est dans sa ville. Nevers. Partie d'Autun pour se rendre en Savoie, sans carte et avec un sens de l'orientation plus qu'incertain, elle se retrouve à Nevers, ne sachant même pas si la route est la bonne. Mais peu importe. Elle marche. C'est là le plus important. Un instant, elle espère le voir franchir le pas de la porte de la taverne où elle a trouvé refuge le temps de se réchauffer les arpions. Mais le village semble désert. Alors elle prend une feuille et un crayon et commence à écrire.
Sa vision du monde est souvent binairement basique. Il y a les méchants et les gentils. Parfois, les méchants ont un traitement de faveur et obtiennent d'avoir un peu de bon en eux. Mais sommairement, le monde est partagé en catégories assez larges et tranchées.
Il y a les amis importants, ceux pour qui elle vit, ceux pour qui elle agit, ceux pour qui elle ferait n'importe quoi, même apprendre à se battre. Et puis il y a les autres, potentiellement peu existants, tout juste bon à tenir des conversations de comptoir (ce en quoi elle excelle) pour passer le temps.
Chez les hommes, c'est un peu pareil. Il y a Diego, tout en haut, en sorte d'icône idolâtré malgré ses incompétences notoires à être fidèle, malgré sa propension un peu trop grande pour la bouteille et la pipe (à fumer, hein, évitons les confusions fâcheuses). Celui-là représente le Mâle dans toute sa splendeur : beau, même parfait physiquement, n'ayons pas peur des mots, il est celui qui rassure, protège, la virilité incarnée en somme. Il est celui à qui elle doit sa vie qu'elle lui voue entièrement désormais, au grand désarroi de son entourage saint d'esprit. Il est celui qui sait les gestes tendres, qui lui a appris à avoir confiance, qui lui a révélé la part d'agneau qui sommeille en l'homme.
Et puis, il y a les Grands Hommes. Ceux qui impressionnent, ceux qu'elle admire tout en frissonnant à leur contact. Ceux-là sont peu nombreux. Ceux-là sont hommes de pouvoir. Charismatiques au possible, ils lui donnent l'impression d'être Dieu descendu sur Terre. Elle tremble de leur colère, de leurs bougonnements. Elle admire les larges épaules, les paroles autoritaires et cette gestion infaillible de leur vie qui semble toute tracée dans leur esprit comme un choix fort. Son père est le premier de ces hommes-là. Elle l'aime autant qu'elle le déteste. Viennent ensuite son frère l'invincible secret, le terrifiant Jok' et le fier Cosaque.
Le reste des hommes réside dans la basse-fausse comme étant non digne de confiance ou non intéressants. Notons que Mike n'est pas spécialement considéré par Eliance comme étant un homme. Il est à ses yeux asexué, entrant pleinement dans la catégorie des amis, mais certainement pas des mâles quels qu'ils soient. À cela, plusieurs raisons : étant le mari de sa presque-sur, il n'a jamais eu un geste « masculin » à son égard. Entendez par là qu'il ne s'est jamais intéressé à elle ni à sa féminité comme la plupart des hommes rencontrés. Il ne représente donc pas un potentiel danger comme les Grands Hommes mais est assez important pour entrer dans la catégorie des amis.
L'homme qui effleure son esprit à cet instant précis appartient pleinement à la catégorie des mâles terrifiants, j'ai nommé : Torvar. Du haut de sa carrure fière, le Cosaque en impose. Il semble savoir où il marche, il semble gérer toute sa vie en éloignant les déconvenues de la pointe d'un orteil, sans effort aucun. Pour ça, elle l'admire. Elle admire tout en lui. Elle le craint aussi. Un peu. Elle craint ses colères, même si elle n'a jamais assistée à aucune en direct, elle a souvenir d'une lettre terrible. Il semble d'une force d'esprit rare et puis... C'est à cet homme qu'elle pense. Parce qu'elle est dans sa ville. Nevers. Partie d'Autun pour se rendre en Savoie, sans carte et avec un sens de l'orientation plus qu'incertain, elle se retrouve à Nevers, ne sachant même pas si la route est la bonne. Mais peu importe. Elle marche. C'est là le plus important. Un instant, elle espère le voir franchir le pas de la porte de la taverne où elle a trouvé refuge le temps de se réchauffer les arpions. Mais le village semble désert. Alors elle prend une feuille et un crayon et commence à écrire.
Citation:
Torvar,
La mine s'est rapidement relevée du papier. Que dire... En voulant lui écrire, elle 'na pas penser à ce qu'elle pourrait raconter. Comme elle n'a pas beaucoup pensé de toute manière depuis l'abandon ressenti par la non-venue de Diego au couvent. La réflexion la rattrape un peu, après ces jours où elle a été absente. Les yeux balaient lentement les murs crasseux de l'auberge avant de retomber sur le seul mot inscrit. Et là, la Ménudière se sent soudainement godiche. Elle froisse la feuille d'une main nerveuse et l'envoie dans l'âtre. Que dire à cet homme ? Qu'il a raison ? Que le mari n'est pas venu ? Qu'il peut se foutre d'elle ? La moquer ? Que la voie est libre ? Libre pour quoi, de toute façon... Cette dernière idée la met en boule et d'un geste rapide, elle prend ses affaires, laisse quelques piécettes pour le repas pris et quitte rapidement le bouge. Sur les chemins, là, elle ne pense plus. Et c'est bien mieux, en vérité... Sa caboche est trop confuse, trop sombre. Mieux vaut la mettre en sommeil par des heures de marche et de froid. Eliance a une gestion des soucis assez spéciale. On peut carrément dire qu'elle est nulle en survie...
_________________
Eliance
Louiiis ! Tu viens faire câlin ?
- Non !
- Mais... ?
- J'rogarde mes mains. Sont belles !
- Mais du coup... tu peux r'garder tes mains en m'faisant un câlin, non ?
- Non ! 'vas les abîmer.
- Ah...
L'âge ingrat. L'enfant ingrat. Le nez ménudiérien s'est froncé devant le refus catégorique du nain blondinet. La pillule est amère. Eliance a du mal à encaisser ce genre de chose. Mais que faire d'autre que de ranger ses dents, dans ces cas-là ? Rien. Alors elle range ses dents, mais surtout, elle rentre chez elle, abandonnant la chambre de la famille d'à côté pour rejoindre la sienne. Le temps où elle squattait le même lit que les enfants de Mike et Atro est révolu. Non. Maintenant, elle est presque-mariée, alors elle vit en concubinage. Et Louis grandit. Et Louis lui échappe. Comment pourrait-il en être autrement alors qu'elle n'est pas sa mère ?
La chose ne l'avait pas beaucoup effleuré avant d'observer Torvar et la petite. Avant de se souvenir que cette lueur-là, qui brille dans le sourire du Cosaque, elle l'a connu, un peu, alors qu'elle tentait de remonter la pente et surtout de ne pas succomber à sa falaise. Atro lui avait confié Louis, encore petit et elle était devenue nounou officielle, avant de se faire détrôner par l'ingrate soeur de Mike. La soeur de Mike s'est barrée, Louis s'est retrouvé sans nourrice attitrée, mais personne n'a demandé à Eliance de reprendre sa place. Personne, et puis, elle n'y a même pas pensé. Louis a grandi et si elle aime à le regarder évoluer, quelque chose s'est brisé.
Elle s'en rend compte, alors qu'elle ramasse ses dents. Elle se rend compte que le lien de sang est primordial, dans ce genre de relation. Qu'elle a beau être la marraine, la presque-tante, elle n'est rien, réellement, dans la vie du gamin. Juste celle qui l'a extirpé des entrailles de sa mère et qui l'a gardé petit, qui accède à tous ses caprices. Tandis qu'elle marche dans le couloir de l'auberge, elle jalouse Maryah et son fils, elle jalouse Torvar et sa petite-fille. Elle n'aura jamais ce lien de sang avec quiconque.
Dans une conversation chalonnaise, Torvar lui a conseillé de trouver son étincelle à elle. Lui a Cecy. La chose lui revient en mémoire. Avec une envie de beugler, de pleurer pour se libérer de cette douleur. Au lieu de ça, elle pousse la porte de la chambre, se saisit d'une chute de tissu laissée là par le tailleur et se met à découper, assembler, coudre. En suivant, elle écrira et enverra le tout, avant d'aller boire, pour oublier qu'elle n'a pas cette lueur en elle.
- Non !
- Mais... ?
- J'rogarde mes mains. Sont belles !
- Mais du coup... tu peux r'garder tes mains en m'faisant un câlin, non ?
- Non ! 'vas les abîmer.
- Ah...
L'âge ingrat. L'enfant ingrat. Le nez ménudiérien s'est froncé devant le refus catégorique du nain blondinet. La pillule est amère. Eliance a du mal à encaisser ce genre de chose. Mais que faire d'autre que de ranger ses dents, dans ces cas-là ? Rien. Alors elle range ses dents, mais surtout, elle rentre chez elle, abandonnant la chambre de la famille d'à côté pour rejoindre la sienne. Le temps où elle squattait le même lit que les enfants de Mike et Atro est révolu. Non. Maintenant, elle est presque-mariée, alors elle vit en concubinage. Et Louis grandit. Et Louis lui échappe. Comment pourrait-il en être autrement alors qu'elle n'est pas sa mère ?
La chose ne l'avait pas beaucoup effleuré avant d'observer Torvar et la petite. Avant de se souvenir que cette lueur-là, qui brille dans le sourire du Cosaque, elle l'a connu, un peu, alors qu'elle tentait de remonter la pente et surtout de ne pas succomber à sa falaise. Atro lui avait confié Louis, encore petit et elle était devenue nounou officielle, avant de se faire détrôner par l'ingrate soeur de Mike. La soeur de Mike s'est barrée, Louis s'est retrouvé sans nourrice attitrée, mais personne n'a demandé à Eliance de reprendre sa place. Personne, et puis, elle n'y a même pas pensé. Louis a grandi et si elle aime à le regarder évoluer, quelque chose s'est brisé.
Elle s'en rend compte, alors qu'elle ramasse ses dents. Elle se rend compte que le lien de sang est primordial, dans ce genre de relation. Qu'elle a beau être la marraine, la presque-tante, elle n'est rien, réellement, dans la vie du gamin. Juste celle qui l'a extirpé des entrailles de sa mère et qui l'a gardé petit, qui accède à tous ses caprices. Tandis qu'elle marche dans le couloir de l'auberge, elle jalouse Maryah et son fils, elle jalouse Torvar et sa petite-fille. Elle n'aura jamais ce lien de sang avec quiconque.
Dans une conversation chalonnaise, Torvar lui a conseillé de trouver son étincelle à elle. Lui a Cecy. La chose lui revient en mémoire. Avec une envie de beugler, de pleurer pour se libérer de cette douleur. Au lieu de ça, elle pousse la porte de la chambre, se saisit d'une chute de tissu laissée là par le tailleur et se met à découper, assembler, coudre. En suivant, elle écrira et enverra le tout, avant d'aller boire, pour oublier qu'elle n'a pas cette lueur en elle.
Citation:
D'une étincelle
Vers un nuage voyageur
De quelle couleur êtes-vous teinté, ce jour ? Est-ce que la noirceur ombrage votre front ? Ou vos prunelles portent-elles la clarté et la douceur d'un tas de laine de mouton fraîchement tondue ?
Je sais que peu de jours se sont écoulés, depuis votre départ. Je sais que peut-être ce message arrivera-t-il avant vous à Cheny. Mais j'aurai voulu que nos conversations ne s'arrêtent jamais. J'ai, je crois, encore tellement de choses à vous demander, de questions à vous poser, de secrets à tenter de percer à jour. Enfin, disons que certains secrets ne sont pas bons à fouiner ni à divulguer, mais que d'autres peuvent toujours apparaître bénéfiques ou, que sais-je, salvateurs. Vous l'aurez compris, vous me manquez et le prétexte de la curiosité n'en est qu'un parmi tant d'autres.
J'ai pensé à une chose. Vous en ferez ce que vous voudrez. Je me suis dit que votre petite-fille voudrait peut-être un jour ressembler à une fille. Oui, parce que pour l'instant, on ne voit en elle que la guerrière. Je ne dis pas qu'une fille doit aimer minauder, broder et se coiffer. Mais si un jour elle vous en fait la demande, j'ai pensé qu'avoir un petit quelque chose pourrait vous aider. C'est une fleur en tissu. C'est petit, passe partout, ridicule. Mais c'est aussi quelque chose qui ne fane jamais, ne flétrit pas, reste constant quoiqu'il arrive. C'est éternel. Vous la trouverez dans le paquet attaché à cette lettre. Vous pourrez à votre guise la brûler, la planquer, la mettre à votre boutonnière ou l'obliger à la porter. Peu importe. Faites en ce qui vous plaira. Au pire, ça vous donnera la cruelle occasion de m'écrire ne serait-ce que pour vous foutre de cette idée stupide.
Chacun ses lubies. Vous aimez surveiller le lever du jour, au cas où quelque chose se passe de travers, je couds des fleurs en tissu.
Cette lettre est bien ridicule, je m'en rends compte. Alors je vais achever le ridicule ici, histoire d'arrêter l'étalage.
J'espère que vous avez fait bonne route. Que Maryah ne vous a pas arraché les tripes en chemin et inversement. Et qu'aucun enfant n'a été égaré.
Pour ne pas rendre ce pli totalement inutile, voici quelques questions qui piquent ma curiosité (et ne me dites pas que mon Romanov pourrait y répondre, Elias ne parle pas de son/votre pays).
Est-ce que les nuages ont la même couleur, ici que là-bas ? Est-ce que les forêts sont les mêmes ? Est-ce que l'herbe y est du même vert ?
Voilà, comme ça, tout est parfaitement ridicule, du début à la fin de cette lettre.
Mon plafond s'est assombri depuis qu'un nuage s'en est allé.
Dikaya koshka
Torvar
Les jours ressemblaient aux nuits, les nuits n'étaient qu'une éternelle contemplation des étoiles alliant questions et réponses à son imaginaire... Torvar avait la tranquillité apparente aux voyages groupés mais son esprit, lui, vagabondait vers d'autres cieux, d'autres horizons... il se taisait la plupart du temps, se permettait quelques indications à Della tout en sachant qu'elle connaissait bien son affaire et qu'elle ne se perdrait pas facilement tout en gardant sur Cecy un oeil bienveillant... Percy menait sa vie comme il l'avait prévu et les autres vaquaient à leurs propres occupations. La vie s'effilochait doucement, entrant de plein pied dans cet hiver qui allait les maintenir dans cet état léthargique qui l'arrangeait au final. Ainsi il pouvait conserver ses distances et cette froidure qui était sienne pour mieux penser à elle... Jusqu'au jour où il ne put retenir son besoin de lui écrire. Ils s'étaient promis de rester en contact l'un et l'autre, de ne plus se perdre une nouvelle fois même si la distance qui s'installait entre eux les séparait forcément. Torvar souffrait de cette absence alors il lui fallait recréer ce semblant de cocon qu'ils avaient su préserver à chacune de leur rencontre même si ce n'était que par des mots...
Dikaya koshka,
Que les jours me semblent longs et les nuits interminables. J'ai l'impression que nous nous sommes séparés depuis des mois et que rien ne pourra jamais me ramener vers vous... pourtant je sais que cela ne fait que commencer et mon espoir de vous revoir est déjà malmené. Qu'en sera-t-il dans quelques semaines lorsque l'hiver aura pris ses quartiers et viendra recouvrir de son blanc manteau l'horizon et que le ciel bleu n'existera plus ou que trop peu... J'aimerais m'endormir et ne m'éveiller qu'à mon retour pour vous trouver à mes côtés même si je sais que jamais cela ne se réalisera... Parfois les rêves font plus de mal que de bien... Mais je ne vais pas vous embêter avec mon humeur de ces derniers jours, cela serait vous contraindre à me rejoindre dans ce qui n'est pas votre monde jolie Eliance... juste l'infortune d'un vieil ours râleur qui voit sa vie prendre des chemins qu'il aurait voulu autres mais je ne dois pas me plaindre car grâce à vous j'ai su toucher le bonheur du bout des doigts... et nos rencontres sont toujours de merveilleuses surprises que j'affectionne à chaque fois. Même si ce n'est que déchirement de vous laisser dans les bras de l'autre... J'espère au moins qu'il mesure sa chance cet homme...
Ici la chance est aussi à nos côtés. Notre voyage se passe... bien. Mis à part le fils de ma suzeraine qui se perd un peu trop souvent parce que tête en l'air, il ne fait pas toujours attention à ce qu'on lui dit et suit facilement les animaux que nous croisons afin de les observer... malheureusement pour lui, il a dû mal à retrouver son chemin. J'envisage de lui coller un cosaque dans les pattes afin de le tenir dans nos rangs mais j'ai peur que cela ne soit pas du gout de sa mère... alors je laisse faire... peut être que je deviens laxiste avec le temps ou tout simplement parce que peu de choses me touchent réellement... l'hiver est là et impose sa loi, notre loi...
Chez moi, durant ces longs mois de silence et de blancheur nacrée, nous vivons encore plus proche les uns des autres... nos tentes ne sont généralement que de grandes yourtes dans lesquelles nous tenons à plusieurs et nous vivons ainsi, entre nous... Les hommes chassent pour nourrir la communauté et les femmes s'occupent à broder ou à préparer la pitance de chacun. Certaines plus maternelles que d'autres prennent en charge les plus petits et ainsi va la vie... Nous marchons au ralenti mais nous ne nous déplaçons guère minimisant nos forces pour la nouvelle saison, refaisant le plein de bonnes humeurs et de joyeusetés. Car les soirées sont mémorables autour du feu de camp... Si vous pouviez voir cela Eliance... la gorsalka coule à flots, les rires tonitruants résonnent au travers des bois et des monts qui nous entourent, parfois il y a quelques épreuves de force afin de garder la forme entre nous... et les souvenirs sont légions passant de l'un à l'autre, ne se perdant jamais dans la mémoire collective... et si l'on a bien mené sa vie, la nuit venue on se réchauffe auprès d'un corps attendri qui ne demande qu'à effacer pour quelques heures les cauchemars qui peuplent nos vies... voilà ce qu'est l'hiver chez moi et ici, je fais tout le contraire... ici c'est la solitude à l'état pur... on voyage mais au final on est seul dans son coin... enfin seul... Vorobeï est de bonne compagnie je vous rassure... et Cecy parfois me laisse l'approcher pour mieux répondre à quelques questions... mes frères ne comprennent pas ce que nous faisons là et s'épuisent... mais comme à un Khan, ils ont prété serment de veiller sur ma vie et le feront au mépris de la leur... et je pleure ce que je leur fais subir... Ils n'ont pas mérité d'être ainsi utilisé au mépris de nos traditions... je suis en train de me rendre compte que je tue mes croyances au profit de ce qui n'est pas mon monde... j'existe au travers de ces deux mondes depuis tant d'années mais je n'avais jamais eu à imposer tout cela à d'autres... aujourd'hui c'est le cas et je ne trouve aucune solution à cet avenir qui fait de nous ce que nous devenons aujourd'hui...
Pardonnez-moi Eliance, pardonnez tous ces mots qui causent mon trouble et que je déverse à vos pieds. J'aimerais vous parler plus joyeusement, vous dire combien vous comptez pour moi mais mon coeur n'est pas à la joie... il est simplement emprisonné dans un carcan de complications dont je n'ai pour l'instant pas trouvé la clé... peut être qu'un jour je saurais... je saurais quoi dire et faire au bon moment... En attendant, j'espère que ce courrier vous trouvera en meilleur état que moi et que votre moral sera au beau fixe. Racontez-moi un peu, avez-vous quitté Mâcon, êtes-vous retournée dans vos montagnes ? Etes-vous heureuse, ne serait-ce qu'un peu ?
Si vous le permettez et même si vous ne le permettez pas d'ailleurs, vous recevrez bientôt de la visite. J'ai demandé à Dobromir de me rendre un service et comme c'est un cousin qui a bon fond même si cela ne se voit pas au premier abord, il s'exécutera avec plaisir. Et n'ayez crainte, jamais il ne vous fera de mal... dites-vous qu'il est mon intermédiaire et même si vous aviez besoin de quoi que ce soit, vous pourriez le lui demander alors n'hésitez pas le cas échéant. Et ne tremblez surtout pas Dikaya koshka, je vous assure que Dobromir ne mord que lorsqu'il est sur un champ de bataille ! Cela devrait vous rassurer n'est-ce pas ?
Et avant de vous quitter de ces mots, je me dois de vous en donner un dans ma langue... un que vous m'avez demandé à maintes reprises et que jusqu'à maintenant je n'avais pas daigné vous offrir... aujourd'hui cela sera fait, aujourd'hui il vous appartient d'en faire ce que vous désirez... Et la prochaine fois que je vous retrouverai, je vous apprendrais à le prononcer dans ma langue afin d'y mettre la meilleure intonation qu'il faut... voici donc mon cadeau.... облако pour l'écriture mais dans votre langue on dit : oblako... j'espère que cela vous plaira...
Il est temps Dikaya koshka... il est temps de nous séparer... encore. Pensez un peu à moi de là où vous êtes, j'en ferais de même et la solitude qui nous entoure nous paraitra moins froide et dure à vivre...
T.
Dikaya koshka,
Que les jours me semblent longs et les nuits interminables. J'ai l'impression que nous nous sommes séparés depuis des mois et que rien ne pourra jamais me ramener vers vous... pourtant je sais que cela ne fait que commencer et mon espoir de vous revoir est déjà malmené. Qu'en sera-t-il dans quelques semaines lorsque l'hiver aura pris ses quartiers et viendra recouvrir de son blanc manteau l'horizon et que le ciel bleu n'existera plus ou que trop peu... J'aimerais m'endormir et ne m'éveiller qu'à mon retour pour vous trouver à mes côtés même si je sais que jamais cela ne se réalisera... Parfois les rêves font plus de mal que de bien... Mais je ne vais pas vous embêter avec mon humeur de ces derniers jours, cela serait vous contraindre à me rejoindre dans ce qui n'est pas votre monde jolie Eliance... juste l'infortune d'un vieil ours râleur qui voit sa vie prendre des chemins qu'il aurait voulu autres mais je ne dois pas me plaindre car grâce à vous j'ai su toucher le bonheur du bout des doigts... et nos rencontres sont toujours de merveilleuses surprises que j'affectionne à chaque fois. Même si ce n'est que déchirement de vous laisser dans les bras de l'autre... J'espère au moins qu'il mesure sa chance cet homme...
Ici la chance est aussi à nos côtés. Notre voyage se passe... bien. Mis à part le fils de ma suzeraine qui se perd un peu trop souvent parce que tête en l'air, il ne fait pas toujours attention à ce qu'on lui dit et suit facilement les animaux que nous croisons afin de les observer... malheureusement pour lui, il a dû mal à retrouver son chemin. J'envisage de lui coller un cosaque dans les pattes afin de le tenir dans nos rangs mais j'ai peur que cela ne soit pas du gout de sa mère... alors je laisse faire... peut être que je deviens laxiste avec le temps ou tout simplement parce que peu de choses me touchent réellement... l'hiver est là et impose sa loi, notre loi...
Chez moi, durant ces longs mois de silence et de blancheur nacrée, nous vivons encore plus proche les uns des autres... nos tentes ne sont généralement que de grandes yourtes dans lesquelles nous tenons à plusieurs et nous vivons ainsi, entre nous... Les hommes chassent pour nourrir la communauté et les femmes s'occupent à broder ou à préparer la pitance de chacun. Certaines plus maternelles que d'autres prennent en charge les plus petits et ainsi va la vie... Nous marchons au ralenti mais nous ne nous déplaçons guère minimisant nos forces pour la nouvelle saison, refaisant le plein de bonnes humeurs et de joyeusetés. Car les soirées sont mémorables autour du feu de camp... Si vous pouviez voir cela Eliance... la gorsalka coule à flots, les rires tonitruants résonnent au travers des bois et des monts qui nous entourent, parfois il y a quelques épreuves de force afin de garder la forme entre nous... et les souvenirs sont légions passant de l'un à l'autre, ne se perdant jamais dans la mémoire collective... et si l'on a bien mené sa vie, la nuit venue on se réchauffe auprès d'un corps attendri qui ne demande qu'à effacer pour quelques heures les cauchemars qui peuplent nos vies... voilà ce qu'est l'hiver chez moi et ici, je fais tout le contraire... ici c'est la solitude à l'état pur... on voyage mais au final on est seul dans son coin... enfin seul... Vorobeï est de bonne compagnie je vous rassure... et Cecy parfois me laisse l'approcher pour mieux répondre à quelques questions... mes frères ne comprennent pas ce que nous faisons là et s'épuisent... mais comme à un Khan, ils ont prété serment de veiller sur ma vie et le feront au mépris de la leur... et je pleure ce que je leur fais subir... Ils n'ont pas mérité d'être ainsi utilisé au mépris de nos traditions... je suis en train de me rendre compte que je tue mes croyances au profit de ce qui n'est pas mon monde... j'existe au travers de ces deux mondes depuis tant d'années mais je n'avais jamais eu à imposer tout cela à d'autres... aujourd'hui c'est le cas et je ne trouve aucune solution à cet avenir qui fait de nous ce que nous devenons aujourd'hui...
Pardonnez-moi Eliance, pardonnez tous ces mots qui causent mon trouble et que je déverse à vos pieds. J'aimerais vous parler plus joyeusement, vous dire combien vous comptez pour moi mais mon coeur n'est pas à la joie... il est simplement emprisonné dans un carcan de complications dont je n'ai pour l'instant pas trouvé la clé... peut être qu'un jour je saurais... je saurais quoi dire et faire au bon moment... En attendant, j'espère que ce courrier vous trouvera en meilleur état que moi et que votre moral sera au beau fixe. Racontez-moi un peu, avez-vous quitté Mâcon, êtes-vous retournée dans vos montagnes ? Etes-vous heureuse, ne serait-ce qu'un peu ?
Si vous le permettez et même si vous ne le permettez pas d'ailleurs, vous recevrez bientôt de la visite. J'ai demandé à Dobromir de me rendre un service et comme c'est un cousin qui a bon fond même si cela ne se voit pas au premier abord, il s'exécutera avec plaisir. Et n'ayez crainte, jamais il ne vous fera de mal... dites-vous qu'il est mon intermédiaire et même si vous aviez besoin de quoi que ce soit, vous pourriez le lui demander alors n'hésitez pas le cas échéant. Et ne tremblez surtout pas Dikaya koshka, je vous assure que Dobromir ne mord que lorsqu'il est sur un champ de bataille ! Cela devrait vous rassurer n'est-ce pas ?
Et avant de vous quitter de ces mots, je me dois de vous en donner un dans ma langue... un que vous m'avez demandé à maintes reprises et que jusqu'à maintenant je n'avais pas daigné vous offrir... aujourd'hui cela sera fait, aujourd'hui il vous appartient d'en faire ce que vous désirez... Et la prochaine fois que je vous retrouverai, je vous apprendrais à le prononcer dans ma langue afin d'y mettre la meilleure intonation qu'il faut... voici donc mon cadeau.... облако pour l'écriture mais dans votre langue on dit : oblako... j'espère que cela vous plaira...
Il est temps Dikaya koshka... il est temps de nous séparer... encore. Pensez un peu à moi de là où vous êtes, j'en ferais de même et la solitude qui nous entoure nous paraitra moins froide et dure à vivre...
T.
Eliance
Il lui a proposé. Il a osé.« Venez.... même si je sais que vous me direz non. »
Un instant, elle l'a regardé, étonnée, hésitante. L'invitait-il à entrer dans son quotidien ? À pousser le secret plus fortement dans sa réalité ? Répondre positivement était tentant. Effrayant. Tellement effrayant. Mais tellement tentant. Ca dépassait toute raisonnabilité. Sa pire crainte lui sautait à cet instant au visage : dans cette proposition dormait l'éventualité de décevoir le Cosaque, de le priver de sa liberté d'homme, de l'enchaîner contre son gré. Alors, une fois encore, elle a fui. Pour conserver intact leur lien. Sans doute a-t-elle laissé échapper un rire nerveux. Sans doute a-t-elle eu quelque geste tendre. Pour finir par décliner l'offre comme une chose somme toute naturelle, attendue et convenue entre eux depuis le départ.
Quelques mois plus tôt, la réponse aurait été autre. Leur secret n'est pas une mise en abîme de leur passé pour rien. Si Eliance a une mémoire énormément sélective, pour ne pas dire complètement pourrie, certaines choses restent gravées en elle et les rencontres avec le Cosaque sont de celles-là. Certains mots résonnent davantage que d'autres. La proposition de Torvar tourne en boucle sous la tignasse roussi-blonde. En refusant, elle a fait un choix. Un choix qui la rend mal à l'aise. Qui la hante. Mais qui parvient parfois à lui faire oublier cette crispation qui tord son abdomen. Un mal en soigne un autre. Ou est-ce plutôt la douceur de ce secret qui soigne le mieux ses torsions ventrales.
Les aller-retour au lavoir n'en finissent pas. S'agenouiller sur la pierre froide devient de plus en plus dur à chaque fois. Frotter ces linges tâchés aussi. Mais quand on est une femme, qu'on saigne et qu'on a mal, on se tait. Et on frotte. Les pensées ont cela de magiques qu'elles permettent de tenir, de surmonter à peu près tout. Tandis qu'une bande de tissu en chanvre se fait frapper à coup de battoir sans pitié, l'esprit d'Eliance voltige ailleurs. Dans des souvenirs proches et lointains à la fois. Elle déverse sa dernière énergie sur son linge. Ainsi, elle oublie un instant la douleur lancinante crispant ses entrailles.
C'est épuisée qu'Eliance ouvre la porte sur un coursier qui convoie une longue lettre. Derrière elle, le linge dégouline devant le feu, suspendu comme il peut. Les gouttes tombent dans un rythme irrégulier sur le plancher de la chambre. La fatigue et la douleur creusent son visage. Mais c'est vivement qu'elle prend sa mine de plomb. Ses yeux charrient une lueur particulière, alors que les mots sont lus pour la seconde fois, puis que de nouveaux sont tracés à leur tour sur un neuf papier. À cet instant, il n'y a plus de sang, plus de douleur, plus de tourments. Il n'y a que lui, elle et leur secret.
Un instant, elle l'a regardé, étonnée, hésitante. L'invitait-il à entrer dans son quotidien ? À pousser le secret plus fortement dans sa réalité ? Répondre positivement était tentant. Effrayant. Tellement effrayant. Mais tellement tentant. Ca dépassait toute raisonnabilité. Sa pire crainte lui sautait à cet instant au visage : dans cette proposition dormait l'éventualité de décevoir le Cosaque, de le priver de sa liberté d'homme, de l'enchaîner contre son gré. Alors, une fois encore, elle a fui. Pour conserver intact leur lien. Sans doute a-t-elle laissé échapper un rire nerveux. Sans doute a-t-elle eu quelque geste tendre. Pour finir par décliner l'offre comme une chose somme toute naturelle, attendue et convenue entre eux depuis le départ.
Quelques mois plus tôt, la réponse aurait été autre. Leur secret n'est pas une mise en abîme de leur passé pour rien. Si Eliance a une mémoire énormément sélective, pour ne pas dire complètement pourrie, certaines choses restent gravées en elle et les rencontres avec le Cosaque sont de celles-là. Certains mots résonnent davantage que d'autres. La proposition de Torvar tourne en boucle sous la tignasse roussi-blonde. En refusant, elle a fait un choix. Un choix qui la rend mal à l'aise. Qui la hante. Mais qui parvient parfois à lui faire oublier cette crispation qui tord son abdomen. Un mal en soigne un autre. Ou est-ce plutôt la douceur de ce secret qui soigne le mieux ses torsions ventrales.
Les aller-retour au lavoir n'en finissent pas. S'agenouiller sur la pierre froide devient de plus en plus dur à chaque fois. Frotter ces linges tâchés aussi. Mais quand on est une femme, qu'on saigne et qu'on a mal, on se tait. Et on frotte. Les pensées ont cela de magiques qu'elles permettent de tenir, de surmonter à peu près tout. Tandis qu'une bande de tissu en chanvre se fait frapper à coup de battoir sans pitié, l'esprit d'Eliance voltige ailleurs. Dans des souvenirs proches et lointains à la fois. Elle déverse sa dernière énergie sur son linge. Ainsi, elle oublie un instant la douleur lancinante crispant ses entrailles.
C'est épuisée qu'Eliance ouvre la porte sur un coursier qui convoie une longue lettre. Derrière elle, le linge dégouline devant le feu, suspendu comme il peut. Les gouttes tombent dans un rythme irrégulier sur le plancher de la chambre. La fatigue et la douleur creusent son visage. Mais c'est vivement qu'elle prend sa mine de plomb. Ses yeux charrient une lueur particulière, alors que les mots sont lus pour la seconde fois, puis que de nouveaux sont tracés à leur tour sur un neuf papier. À cet instant, il n'y a plus de sang, plus de douleur, plus de tourments. Il n'y a que lui, elle et leur secret.
Citation:
Oblako,
Ce mot sonne bizarrement, dans mon imaginaire. Mais je l'aime déjà. Je tente de l'entendre de votre bouche. Autant vous dire qu'il en sort encore plus étrange. Je crois que je devrais me contenter de l'espionner écrit dans votre lettre, ça serait plus sage, jusqu'à ce que vous m'expliquiez comment on le dit en vrai. En attendant, je vais continuer à écouter les deux mots par lesquels vous m'appelez. Je les entends tous les jours, ces mots-là. Ils viennent dans un souffle se loger dans le creux de mon oreille. Et alors, je souris. Je souris donc de manière totalement inopinée, parfois. Les gens doivent se demander ce que je fiche. Je crois que je m'en moque.
Mais pourquoi ai-je l'impression que notre secret vous fait du mal, à vous ? Pourquoi ai-je l'impression que vous le regrettez, dans un sens ? Pourquoi ai-je l'impression que vous doutez de lui ? De moi ? De nous ? De nos choix ? De le revivre un jour ?
Mes doigts se sont crispés en vous lisant. Je me suis sentie tellement impuissante. Loin. Si loin et inutile. Le peu de bonheur dont vous parlez semble s'estomper devant tout le reste. J'aimerais que vos rêves ne soient pas tranchants. J'aimerais qu'ils soient au contraire un réconfort pour vous. J'imagine que d'avoir confier ces quelques tourments les aura apaisés un peu. En tout cas, je vous en remercie : vous tenez parole. Je préfère savoir la vérité. Toute la vérité. Et vous l'écrivez sans honte. J'imagine sans peine le reste des tracas qui vous assaillent. Je suis sûre qu'un jour, vous trouverez la réponse.
Torvar, en vous lisant, j'ai entendu les rires. J'ai ressenti la chaleur du feu de camp. Celle des bras d'un certain homme. J'ai tâté la joie que vous décrivez. Je me suis même piquée à l'aiguille de ma broderie imaginaire. Je comprends votre trouble et vos regrets quant à ce temps-là, à votre pays. Je les comprends et les envie. La manière dont vous les évoquez ne trompe pas.
Pourtant, je ne trouve pas que ça soit en opposition totale avec votre vie d'ici. Je crois qu'il fait beaucoup plus froid, dans les campagnes de vos origines. Il doit falloir davantage qu'un mince tapis de neige pour vous arrêter. Je pense que vos Cosaques doivent être de cet avis. Je peux le dire puisque j'aime marcher l'hiver, quand il neige et qu'on craint à chaque lieue franchie de ne pas retrouver tous ses orteils intacts à la prochaine halte. Il n'y a qu'à cet instant précis qu'on apprécie réellement la chaleur d'un feu. Le confort d'un toit.
Ces souvenirs bénis, ils sont votre richesse. Ne les confrontez pas à votre présent. Additionnez-les, simplement. Vous avez la chance d'en avoir. Oui, c'est une chance que de pouvoir fermer les yeux et de se souvenir de telles choses. Voyez comme je suis obligée de m'approprier les souvenirs des autres. Votre récit hivernal m'a fait rêvée. Je n'ai pas une telle richesse en moi. Merci de les partager. Vous m'avez donné envie de reprendre la route. D'avoir froid. Mal aux pieds.
Je crois qu'on part bientôt pour la Savoie. Dès que Mike sort de prison. Il y fait quelque petit séjour. Les Bourguignons ont une dent contre lui. Ce qui se comprend. Alors on attend. Un peu. En Savoie, on retrouvera le froid et un semblant de chez nous, si nos chaumières n'ont pas brûlé entre temps. On va retrouver les paysages abrupts. Le soleil qui se couche tôt derrière les hauts sommets. Les nuages qui se retrouvent coincés toute une journée entre les pointes des massifs. J'aurais l'impression d'être un peu dans votre monde, s'il y fait assez froid.
Et puis, quand j'y réfléchis, je pense que vos deux mondes peuvent se cotoyer sans mal. Pourquoi choisir l'un en dépit de l'autre ? Votre nouvelle vie vous a fait promettre de vous rendre en Guyenne. Vous vous rendez en Guyenne. Rien ne vous empêche ensuite de vous arrêter pour le restant de l'hiver, quelque part, avec vos Cosaques. Je pense que vous parviendrez à trouver l'équilibre qu'il vous faut. Vous ne culpabiliserez plus d'entraîner vos proches dans votre sillage. Vous serez fier d'eux et puis fier de leur apprendre les coutumes d'ici.
Je pourrais vous raconter comment je vais, après ça. Mais je mentirai. J'en sais trop rien. Je sais jamais ces choses-là. Je peux vous dire que je me sens en vie, par rapport à il y a quelques années. Je peux aussi dire que la même solitude m'entoure. Même en bonne compagnie. Je peux dire que je souris. Que je m'occupe. Que je pense à vous. Je ne sais pas réellement si c'est une chance que de m'avoir pour presque-femme. Jusqu'alors, ça n'a été une réussite pour aucun de mes époux, même si Elias ne semble pas s'en plaindre.
Comment est-ce qu'on sait qu'on est heureux, Torvar ? Comment on sait que notre vie vaut la peine d'être vécue ? Qu'on est utile à quelque chose ? à quelqu'un ? Qu'il ne vaut pas mieux laisser sa place à un autre qui saura mieux s'y prendre ?
Bizarrement, je me réjouis que vous m'envoyiez votre cousin. Il sera une part de vous près de moi. Un peu brute. Un peu pas très causante. Un peu effrayante. Mais je m'en contenterai. Je ne garantis pas cependant de dormir sur mes deux oreilles le temps qu'il sera là ! Il a voulu ma tête, quand même !
J'ai beau écrire de plus en plus petit, la page s'achève bientôt. Mes mots se tassent. Ils ne représentent pas mes pensées. Ils sont tout l'inverse. Je pense à vous, Oblako. À vous et à bien d'autres choses.
J'ai hâte qu'il neige. Pour m'inviter un temps dans votre monde.
Dikaya koshka
Torvar
Des semaines qu'il était parti en voyage, des semaines qu'il faisait le mort. Le froid était à nouveau entré dans sa vie sous la forme de plusieurs mensonges... à force, Torvar avait décidé de fermer la porte à double tour mais le retour en Bourgogne l'avait décidé à renouer avec ce passé qui avait été son présent durant quelques temps. Il ne savait pas s'il aurait réponse à cette missive mais au moins, il aurait été clair avec lui-même malgré les menaces de Drobomir qui lui avait interdit de reprendre une histoire quelconque avec une "joker" tout autant qu'avec une Epicée. Il lui avait même dit que si l'une ou l'autre l'approchait, il les réduirait au silence. Cela avait fait sourire le cosaque un court instant mais c'était déjà ça... pour rien au monde il autoriserait son cousin à faire du mal à des femmes et encore moins à Eliance mais il savait aussi que derrière cette menace devait y avoir un ordre venant du chef de clan lui même. Matveï ne laisserait pas s'enfoncer Torvar et si le ménage devait être fait... Secouant sa tignasse grisonnante, Torvar ronchonna pour la forme. Le premier qui s'approcherait d'Eliance signait son arrêt de mort. Ses choix étaient faits depuis des lustres et même si cela le torturait, cela ne regardait que lui. Et Dobromir avait été mis au parfum une bonne fois pour toute !
Ce matin-là, à quelques lieues de Cheny, dans une taverne dans laquelle il se réchauffait, le cosaque prit une plume et un vélin afin de faire ce qu'il aurait dû depuis bien longtemps.
Dikaya koshka,
Voilà bien longtemps que je n'ai point pris le temps de vous écrire dérogeant une fois de plus à ma promesse de vous donner des nouvelles. Mais que dire lorsque tout vous semble froid et inutile, que vous vous sentez vous-même d'aucune utilité pour personne ?
Je n'avais pas coeur à vous faire partager mes déconvenues et encore moins mon mauvais caractère. Si seulement vous m'aviez accompagné comme je vous l'avais offert, vous auriez sans doute trouvé les mots à appliquer tel un baume sur ma mauvaise humeur et mon âme malmenée... mais une fois de plus, vous avez préféré la sécurité de votre foyer et de vos amis... je me rends compte que je passerais éternellement en second. C'est le paradoxe de nos chemins Eliance... ils ne sont fait que pour se croiser et se défaire pour mieux se retrouver et sans doute se quitter à tout jamais.
Dans votre dernière lettre, vous m'aviez demandé si je regrettais... Comment le pourrais-je Eliance ? Vous tenir un instant dans mes bras... j'aurais donné tout l'or du monde pour voir accomplir ce semblant de bonheur mais une chose vient obscurcir mon enthousiasme, il est vrai. Une ombre que je ne peux combattre et dont vous dépendez. Mais à cela, je me fais une raison. Vos choix vous appartiennent et jamais je ne les influencerais d'une quelconque manière. Le bonheur est subjectif, la tristesse l'est tout autant. J'ai toujours su au fond de moi que vous ne m'appartiendrais pas entièrement. Une fois établie cette certitude, la vie semble moins amère mais il arrive quelques fois qu'elle se rappelle à vous et quand le moral à foutu l'camp, les piqures sont bien moins plaisantes et plus rudes à combattre. Ceci étant, je m'efforce de trouver du bon dans tout ce que je vis depuis des mois... et je remonte la pente doucement. On ne peut pas toujours être le meilleur tous les jours et encore moins lorsque la solitude vous envahit... c'est ainsi, il faut faire avec.
Mais assez de me plaindre, que devenez-vous Dikaya koshka ? Où êtes-vous ? Avez-vous quitté la Bourgogne pour de meilleurs paysages et de meilleurs entourages capables de comprendre votre chef de file dans son délire de "grandeur" ?
De mon côté, le voyage m'a emmené jusqu'en Anjou où j'y ai retrouvé l'une de mes filles. Catnys la bien nommée. Jolie brin de fille tout comme sa mère l'était, elle a un foutu caractère qui lui vient du froid mais sous ces airs de guerrière couve le feu et je suis fier de ce qu'elle est devenue... comme quoi, un père n'est pas si important même si aujourd'hui elle désire construire quelque chose, je m'essaie à lui offrir ce qu'elle désire dans les limites de mes possibilités. Mais je sais qu'une fois encore, la vie ne nous fait pas de cadeaux, nous mettant chacun d'un côté de la barrière. L'Anjou n'est pas réputé pour être royaliste, la Bourgogne si... à croire que nos vies sont faites de choix qui laissent toujours un gout amer dans nos curs et nos âmes.
Sinon pour ma part, je rentre un peu sur mes terres. Je vais prendre le temps de faire le tour de mes vignes, voir si l'hiver ne les a pas trop endommagées et voir si le village de Cheny n'est pas trop malmené lui aussi, entreprendre les travaux qu'ils se doivent et attendre de meilleurs jours pour un nouveau voyage... je pense que ma suzeraine aura à cur de repartir vendre quelques futs de nos vins, autant s'en donner à cur joie. Rien ne me retient de toute manière. Percy est parti vivre auprès d'un seigneur qui lui fait son éducation afin de devenir chevalier. Maryah a trouvé quelqu'un de bien auprès de Della, je pense que c'est le principal pour ce petit homme. Le reste appartient au passé.
Voilà, j'en arrive à la fin de ce courrier. Je voulais prendre de vos nouvelles et savoir comment vous alliez... si l'hiver n'avait pas été trop menaçant avec vous ni les autorités...
Que les étoiles veillent sur vous.
T.
Ce matin-là, à quelques lieues de Cheny, dans une taverne dans laquelle il se réchauffait, le cosaque prit une plume et un vélin afin de faire ce qu'il aurait dû depuis bien longtemps.
Dikaya koshka,
Voilà bien longtemps que je n'ai point pris le temps de vous écrire dérogeant une fois de plus à ma promesse de vous donner des nouvelles. Mais que dire lorsque tout vous semble froid et inutile, que vous vous sentez vous-même d'aucune utilité pour personne ?
Je n'avais pas coeur à vous faire partager mes déconvenues et encore moins mon mauvais caractère. Si seulement vous m'aviez accompagné comme je vous l'avais offert, vous auriez sans doute trouvé les mots à appliquer tel un baume sur ma mauvaise humeur et mon âme malmenée... mais une fois de plus, vous avez préféré la sécurité de votre foyer et de vos amis... je me rends compte que je passerais éternellement en second. C'est le paradoxe de nos chemins Eliance... ils ne sont fait que pour se croiser et se défaire pour mieux se retrouver et sans doute se quitter à tout jamais.
Dans votre dernière lettre, vous m'aviez demandé si je regrettais... Comment le pourrais-je Eliance ? Vous tenir un instant dans mes bras... j'aurais donné tout l'or du monde pour voir accomplir ce semblant de bonheur mais une chose vient obscurcir mon enthousiasme, il est vrai. Une ombre que je ne peux combattre et dont vous dépendez. Mais à cela, je me fais une raison. Vos choix vous appartiennent et jamais je ne les influencerais d'une quelconque manière. Le bonheur est subjectif, la tristesse l'est tout autant. J'ai toujours su au fond de moi que vous ne m'appartiendrais pas entièrement. Une fois établie cette certitude, la vie semble moins amère mais il arrive quelques fois qu'elle se rappelle à vous et quand le moral à foutu l'camp, les piqures sont bien moins plaisantes et plus rudes à combattre. Ceci étant, je m'efforce de trouver du bon dans tout ce que je vis depuis des mois... et je remonte la pente doucement. On ne peut pas toujours être le meilleur tous les jours et encore moins lorsque la solitude vous envahit... c'est ainsi, il faut faire avec.
Mais assez de me plaindre, que devenez-vous Dikaya koshka ? Où êtes-vous ? Avez-vous quitté la Bourgogne pour de meilleurs paysages et de meilleurs entourages capables de comprendre votre chef de file dans son délire de "grandeur" ?
De mon côté, le voyage m'a emmené jusqu'en Anjou où j'y ai retrouvé l'une de mes filles. Catnys la bien nommée. Jolie brin de fille tout comme sa mère l'était, elle a un foutu caractère qui lui vient du froid mais sous ces airs de guerrière couve le feu et je suis fier de ce qu'elle est devenue... comme quoi, un père n'est pas si important même si aujourd'hui elle désire construire quelque chose, je m'essaie à lui offrir ce qu'elle désire dans les limites de mes possibilités. Mais je sais qu'une fois encore, la vie ne nous fait pas de cadeaux, nous mettant chacun d'un côté de la barrière. L'Anjou n'est pas réputé pour être royaliste, la Bourgogne si... à croire que nos vies sont faites de choix qui laissent toujours un gout amer dans nos curs et nos âmes.
Sinon pour ma part, je rentre un peu sur mes terres. Je vais prendre le temps de faire le tour de mes vignes, voir si l'hiver ne les a pas trop endommagées et voir si le village de Cheny n'est pas trop malmené lui aussi, entreprendre les travaux qu'ils se doivent et attendre de meilleurs jours pour un nouveau voyage... je pense que ma suzeraine aura à cur de repartir vendre quelques futs de nos vins, autant s'en donner à cur joie. Rien ne me retient de toute manière. Percy est parti vivre auprès d'un seigneur qui lui fait son éducation afin de devenir chevalier. Maryah a trouvé quelqu'un de bien auprès de Della, je pense que c'est le principal pour ce petit homme. Le reste appartient au passé.
Voilà, j'en arrive à la fin de ce courrier. Je voulais prendre de vos nouvelles et savoir comment vous alliez... si l'hiver n'avait pas été trop menaçant avec vous ni les autorités...
Que les étoiles veillent sur vous.
T.
Eliance
Qu'y a-t-il de pire que de ne pas savoir où est son mari ? Ne pas savoir où est son mari, manquer de crever toute seule dans son coin, partir à la recherche dudit mari et passer voir le Cosaque en chemin. Eliance est paumée, désespérée et c'est pas près de s'arranger. Mais, Torvar reste Torvar. Les mots reçus plus tôt ont eu un effet certain. C'est simple, la roussi-blonde a oublié tout le reste. La raison du voyage est notamment passée à la trappe et c'est sans complexe qu'elle fait une proposition presque indécente au Cosaque. Ces deux-là ont une propension certaine pour se remonter le moral. Alors autant profiter d'une proximité géographique. C'est du moins à ça que ressemble le programme d'Eliance.
La lettre prend vie rapidement entre les doigts ménudiériens. Il faut se dépêcher. Elle veut la confier à l'aubergiste avant de repartir. Et le départ est plus qu'imminent. Mais elle sait exactement quels mots écrire. C'est toujours comme ça. Ils se couchent docilement sur le papier quand ils sont adressés à Torvar. Et puis, l'espoir d'un sourire prochain l'envahit, met de l'entrain là où il n'y avait plus grand chose. Le prix fort est payé. Il faut que ça arrive au plus vite auprès du seigneur.
La lettre prend vie rapidement entre les doigts ménudiériens. Il faut se dépêcher. Elle veut la confier à l'aubergiste avant de repartir. Et le départ est plus qu'imminent. Mais elle sait exactement quels mots écrire. C'est toujours comme ça. Ils se couchent docilement sur le papier quand ils sont adressés à Torvar. Et puis, l'espoir d'un sourire prochain l'envahit, met de l'entrain là où il n'y avait plus grand chose. Le prix fort est payé. Il faut que ça arrive au plus vite auprès du seigneur.
Citation:
Oblako,
Vous semblez plus sombre que jamais. Plus orageux. Davantage perdu.
Quel vent vous a égaré ? a soufflé trop fort ? vous a emporté dans la pire des tempêtes ?
Vous m'écrivez. Peu importe comment. Peu importe quand. Comment. Vous tenez parole. Vous écrivez. Sans mensonge ni rond de jambe. Vous m'écrivez comme vous êtes. Qui vous êtes. Ne vous en excusez pas, s'il vous plaît.
Et, puisqu'on s'est juré vérité, vous et moi, je dois vous dire que je regrette. Je regrette une chose, Torvar. Je regrette d'être à l'origine de votre noirceur du moment. Je regrette ne savoir être que ça pour vous. Je regrette que les souvenirs ne suffisent pas à vous faire sourire. Je regrette d'avoir dit "non" à votre voyage. Vous me le reprochez. Vous avez raison. J'aurai dû venir. Je ne sais pas prendre les bonnes décisions. Pourtant, je ne regrette rien d'autre. Ni Cheny, ni nos lettres.
Et si, pour me rattraper (ou voyez ça comme il vous plaira), je vous proposais de passer vous voir ? On a repris la route. Je vous en épargne la raison. On sera dans quelques jours en Bourgogne. Je vous attendrai mardi à Autun. Je serais bien venu à Cheny, mais j'économise les pas dans votre duché, chacun étant assombri de la menace d'une armée. Et puis, allez savoir si votre cousin me laisserait entrer vivante, cette fois-ci.
Je vous dois une autre vérité, puisque les mauvaises nouvelles semblent nous harceler , vous et moi. Si je n'ai pas compté le temps passé depuis votre dernière lettre, c'est qu'un mal m'en a empêché. En savoir davantage ne vous avancera pas beaucoup. Sachez juste que tout va bien à présent.
Je suis heureuse que vous ayez cotoyé votre fille. Une qui ne veuille pas vous tuer, j'entends. Ne négligez pas ce que vous pouvez être pour elle. On n'a jamais le père dont on rêve. Pourtant, en avoir un est bien mieux qu'un grand vide, je suppose.
N'oubliez pas. Autun. Mardi.
J'aimerai tellement vous y voir. Et observer le nuage changer de couleur, s'éclaircir et monter plus haut dans le ciel.
La décision vous appartient. Cette fois.
Je ne me fais pas plus longue ici. Il nous reste encore de la route à faire avant la nuit.
Dikaya koshka
Torvar
Quelques instants dans une taverne après des lieues avalés à la va-vite pour la retrouver et au final pour en faire quoi ?
Torvar avait écouté, observé puis avait refermé la porte à sa manière. Que pouvait-il faire ou dire de plus ? Bien qu'Eliance était prête à leur offrir quelques jours, lui avait décidé de tourner la page. Il ne serait pas celui qui l'entrainerait dans la tombe, pas elle.
Prenant plume et vélin, il devait lui faire une réponse à ces mots énoncés la veille au soir dans un courrier tandis qu'il faisait déjà route vers Cheny.
Eliance,
Effectivement, les choix sont fait à nouveau j'ose constater. Mais il fallait bien les faire un jour afin de vous protéger de vous-même.
Vous m'avez confié avoir été mourante durant l'hiver et je n'étais pas là... Vous avez perdu un être... qui aurait ressemblé à son père j'en suis certain... alors je ne mettrais pas votre vie en danger plus longtemps pour quelques instants de bonheur. Je ne suis pas votre mari, je n'ai aucun droit. Vous avez décidé de rester auprès de ce compatriote qui n'est rien pour moi alors vivez et aimez-le comme il se doit. Je ne suis rien... Je n'ai jamais rien été. Un amant de passage qui vous offre la mort ? Très peu pour moi. Je tiens trop à vous pour être responsable de ce qui vous arrive.
Égoïste ? Tout à fait et j'assume. J'ai perdu assez de femmes pour savoir qu'une de plus et c'est moi qui me laisserait happer par la faucheuse. Ne m'en mandez pas plus Eliance... cela serait au-dessus de mes forces. C'est aussi pour cela que j'ai refusé de vous accompagner à Nevers. La séparation aurait été trop difficile. Je ne suis pas comme ces menteurs qui profitent des autres... j'aurais pu prendre ce que vous me donniez et m'enfuir par après mais ce n'est pas moi.
Nos souvenirs sont beaux pour la plupart... ils le resteront dans nos mémoires. Il ne faut pas forcer les choses et prendre ce que la vie nous offre. Notre parenthèse se ferme doucement et vous continuerez votre gentille vie auprès de votre russe de mari et de vos amis Jokers. Admettez quand même que pas mal d'obstacles se dressaient devant nous et que ni l'un ni l'autre désirions réellement les franchir. Quand nous avons eu l'opportunité, nous avons rebroussé chemin... cela veut tout dire... Vous n'êtes pas prête à tout quitter pour moi, je ne suis pas prêt à vous enlever à ceux en qui vous avez le plus confiance... ainsi va le monde Eliance. Il est fait d'aller et de retour et puis un jour, tout s'arrête... la vie aussi s'arrête doucement pour tout le monde... c'est un fait avéré, il faut juste l'admettre.
Je ne sais si on se reverra... je ne sais même pas de quoi demain sera fait mais j'espère que vous essaierez de cultiver un peu le bonheur qui est à votre porte. Donnez-lui la chance d'exister avec votre entourage et arrêtez donc de traverser la vie comme si vous n'aviez plus rien à vivre et que rien ne vous touchez. Il faut prendre des risques et aimer... un peu, beaucoup, passionnément... et puis respirer et se dire qu'on a bien avancé dans sa vie, que tout ça n'était pas inutile et qu'on se sent aujourd'hui bien vivant... Je l'ai fais... et aujourd'hui je savoure ces moments même s'ils ne sont plus que des souvenirs, de beaux souvenirs...
Prenez soin de vous... au moins toujours !
T.
Torvar avait écouté, observé puis avait refermé la porte à sa manière. Que pouvait-il faire ou dire de plus ? Bien qu'Eliance était prête à leur offrir quelques jours, lui avait décidé de tourner la page. Il ne serait pas celui qui l'entrainerait dans la tombe, pas elle.
Prenant plume et vélin, il devait lui faire une réponse à ces mots énoncés la veille au soir dans un courrier tandis qu'il faisait déjà route vers Cheny.
Eliance,
Effectivement, les choix sont fait à nouveau j'ose constater. Mais il fallait bien les faire un jour afin de vous protéger de vous-même.
Vous m'avez confié avoir été mourante durant l'hiver et je n'étais pas là... Vous avez perdu un être... qui aurait ressemblé à son père j'en suis certain... alors je ne mettrais pas votre vie en danger plus longtemps pour quelques instants de bonheur. Je ne suis pas votre mari, je n'ai aucun droit. Vous avez décidé de rester auprès de ce compatriote qui n'est rien pour moi alors vivez et aimez-le comme il se doit. Je ne suis rien... Je n'ai jamais rien été. Un amant de passage qui vous offre la mort ? Très peu pour moi. Je tiens trop à vous pour être responsable de ce qui vous arrive.
Égoïste ? Tout à fait et j'assume. J'ai perdu assez de femmes pour savoir qu'une de plus et c'est moi qui me laisserait happer par la faucheuse. Ne m'en mandez pas plus Eliance... cela serait au-dessus de mes forces. C'est aussi pour cela que j'ai refusé de vous accompagner à Nevers. La séparation aurait été trop difficile. Je ne suis pas comme ces menteurs qui profitent des autres... j'aurais pu prendre ce que vous me donniez et m'enfuir par après mais ce n'est pas moi.
Nos souvenirs sont beaux pour la plupart... ils le resteront dans nos mémoires. Il ne faut pas forcer les choses et prendre ce que la vie nous offre. Notre parenthèse se ferme doucement et vous continuerez votre gentille vie auprès de votre russe de mari et de vos amis Jokers. Admettez quand même que pas mal d'obstacles se dressaient devant nous et que ni l'un ni l'autre désirions réellement les franchir. Quand nous avons eu l'opportunité, nous avons rebroussé chemin... cela veut tout dire... Vous n'êtes pas prête à tout quitter pour moi, je ne suis pas prêt à vous enlever à ceux en qui vous avez le plus confiance... ainsi va le monde Eliance. Il est fait d'aller et de retour et puis un jour, tout s'arrête... la vie aussi s'arrête doucement pour tout le monde... c'est un fait avéré, il faut juste l'admettre.
Je ne sais si on se reverra... je ne sais même pas de quoi demain sera fait mais j'espère que vous essaierez de cultiver un peu le bonheur qui est à votre porte. Donnez-lui la chance d'exister avec votre entourage et arrêtez donc de traverser la vie comme si vous n'aviez plus rien à vivre et que rien ne vous touchez. Il faut prendre des risques et aimer... un peu, beaucoup, passionnément... et puis respirer et se dire qu'on a bien avancé dans sa vie, que tout ça n'était pas inutile et qu'on se sent aujourd'hui bien vivant... Je l'ai fais... et aujourd'hui je savoure ces moments même s'ils ne sont plus que des souvenirs, de beaux souvenirs...
Prenez soin de vous... au moins toujours !
T.
Eliance
***
Rencontre brève, furtive. Trop brève, trop furtive, au goût d'Eliance. Mais il a dit revenir. Alors elle a attendu. Et attendu. Et à part un fou furieux en soutane et un type peu causant, personne n'est réapparu. Pas celui tant attendu, du moins. Alors elle a pris sa mine de plomb. Que faire d'autre alors que le vide est là ?
Citation:
Torvar,
Sans doute vos achats vous auront procurés quelques difficultés. Je vous ai attendu.
Du coup, je n'ai pas eu l'occasion de vous proposer quelque chose. Alors je le fais ici.
Venez avec moi. Une journée ou davantage.
Nos échanges m'ont paru si brefs, si étranges. Peu importe que vous hiberniez. Je vous propose un peu de printemps avant l'heure.
Nous serons demain à Nevers. Y serez-vous ?
Eliance
Une lettre en retour lui est parvenu dans la soirée. Preuve inconditionnelle qu'il pense à elle. Malgré tout.
Eliance,
je suis désolé de ne pas être réapparu... mais je pense que c'était mieux ainsi. En y réfléchissant ça ne pouvait pas être mieux.
Je ne viendrais pas à Nevers avec vous.
Vous avez fais un choix il y a quelques temps et nous en avons assumé les conséquences... vous et moi... vous et lui... et vous au bord du gouffre de la mort... Pour rien au monde je n'aurais voulu vous entrainer dans ce jeu là et mettre votre vie en péril aussi, je me retire de ce petit jeu malsain.
Je vous laisse à vos amis et à votre mari.Je vous laisse à vos propres tourments qui ne viendront plus de moi, je vous laisse à votre vie parce que je ne veux pas que vous vous considériez comme celle qui m'apporte des tourments. Pour l'heure vous êtes la seule à être tourmentée et je ne le supporte pas.
Je pense qu'un jour ou l'autre nos chemins se recroiseront mais comme nous sommes des gens civilisés, nous saurons nous tenir sans nous sauter à la gorge pour un passé qui reste un merveilleux souvenir. Mais comme tout bon souvenir, il est à sa place dans nos mémoires.
Prenez soin de vous Eliance, jusqu'à toujours.
T.
Un coup de massue. Rien n'est jamais simple, avec eux. Mais là... elle pensait seulement... à pas grand chose, en fait. Mais un besoin viscéral de le voir, de plonger son regard dans le sien, d'entendre sa voix caverneuse s'était fait ressentir. Sauf qu'il en a décidé autrement, le Cosaque.
Citation:
- Torvar,
Je n'aurais pas cru qu'on ait quelque chose de semblable. Vous, si grand, fort, hivernal. Moi si peureuse, faible. Et pourtant, vous fuyez, vous aussi, du haut de votre caractère. Vous fuyez quand je parviens à vous proposer quelque chose. Vous vous cachez derrière des raisons absurdes. Des tourments que vous estimez venir de vous.
Vous vous trompez. Vous rencontrer aujourd'hui, je l'ai choisi. Je l'ai voulu. Que vous m'accompagniez quelques jours aussi. Ce qui me tracasse n'a rien à voir avec vous. Vous me reprochez de ne jamais oser, de ne pas savoir choisir. Quand je le fais, vous fuyez. A chaque fois. Du moins, pour la seconde fois.
Toujours raisonnent les "adieu", dans pareilles cirscontances. Laissez-moi vous en vouloir pour ça.
Je m'inquiète pour vous. Vous me repoussez. Je n'insisterai pas. Chacun ses choix. Vous me l'avez assez répété. Je n'insisterai pas. Je ne vous forcerai pas à me parler. Ni à supporter une autre rencontre. Je vais tenter de respecter votre liberté et votre conscience.
Vous avez choisi. Mal. Comme j'ai mal choisi plus d'une fois.
Cependant, vous avez promis de m'écrire. De me donner des nouvelles, de vous.
Je déteste vos mots, quand ils sont aussi ternes. Mais je les préfère à un lourd silence.
Si j'avais moins peur, j'aurais tant de choses à vous dire. A vous confier.
Je pars ce soir en laissant une grande chose auprès de vous. J'espère quelle saura vous choyer parfois. Ce souvenir, que vous évoquez, il me manque. J'aurai aimé l'étoffer.
Je guetterai malgré tout, demain, à Nevers, si votre ombre ne me surveille pas, de loin. J'ai l'espoir tenace.
Eliance
Bêtement, Eliance a gardé espoir. Elle sait pourtant les humeurs maussades de l'homme pas seulement passagères. Elle sait ses décisions fortes. Elle a quand même espéré quelque chose. Sans savoir pourquoi, malgré les mots tracés, elle est restée à Autun. Elle ne le cherchera pas. Elle ne provoquera rien. Elle a besoin d'être là, encore et de tenter de sentir sa présence. Puisque lui est reparti.
***
Un énième adieu lui vient dans la dernière lettre du grisonnant. Un adieu pas comme les autres. Un doux. Bourré de remords et de détresse.
Que répondre à ça ? Il est certainement l'homme qui s'inquiète le plus pour elle. Qui s'interroge le plus sur son bien-être. Celui qui se sacrifie toujours un peu plus pour espérer l'épargner des noirceurs de la vie. Celui qui se trompe le plus, aussi. Les noirceurs sont en elle comme en chacun. Elle a pleuré, en lisant les mots de Torvar. Bêtement pleuré. Et elle s'est perdue entre ce qu'elle a cru déceler dans ses mots et la réalité. Entre ses peurs tenaces et les faits.
Citation:
Torvar,
C'est donc ça. Pour ça. Je n'aurai pas dû vous dire ce qui est arrivé. Vous n'auriez jamais su. Vous seriez resté.
Vous n'auriez pas pensé que je suis une incapable. C'est ce que vous pensez, n'est-ce pas ? Vous avez raison. J'ai jamais su en garder un vivant. J'ai jamais su quand ils étaient en moi. Je vous l'avais dit. Vous aviez répondu que c'était pas important. Je vois aujourd'hui que ça l'est, en fait.
Pardon.
Je n'ai que ce mot à l'esprit. Je me sens plus coupable que jamais.
Pardon.
Vous méritez une vie plus belle. Vous avez raison.
Pardon.
Je n'ai plus rien à ma porte.
Torvar
Voyant qui les avait rejoint le soir à l'écurie, Torvar s'était tenu en retrait comme il l'avait fait durant toute cette semaine... ses prunelles allaient et venaient sur chacun d'entre eux puis finalement, il avait pris sa besace et il était retourné à l'auberge, s'était enfermé dans une chambre sans aucune lumière et là, allongé sur le lit, il avait pensé.... jusqu'à ce que sa décision fut prise.
Eliance,
Il me semble que nous sommes arrivés au bout du chemin cette fois. Et rien n'y personne ne pourra plus rien pour nous.
J'ai toujours essayé d'être sincère avec vous... j'ai toujours voulu faire au mieux de vos intérêts et lorsque Mike m'a écrit, là encore je n'ai pas hésité mais devais-je vraiment le faire ? On ne saura jamais puisque envers et contre tout je suis venu...
Je suis venu, je vous ai épaulé, du moins j'ai essayé et puis j'ai osé une folie... vous demander de m'épouser... les rêves ne sont pas faits pour être réalisés n'est-ce pas ?
Vous n'avez jamais répondu à ma proposition, vous êtes restée... lointaine et froide comme à l'ordinaire, peu encline à vous engager... et comme à l'accoutumée, j'ai respecté.
Aujourd'hui, Mike a décidé d'aller faire des siennes en Bourgogne, je ne vous y accompagnerai pas. Réel ou pas, je me fous de l'idée qui lui traverse l'esprit mais comme je sais que vous allez lui être fidèle, je ne puis continuer à cautionner. La Bourgogne est ma terre d'adoption et je n'y commettrais aucune exaction. De plus, le russe est revenu... je pense que l'on n'a pas besoin de détails pour savoir que votre place va vite être retrouvée... vous n'avez plus besoin de moi mais avez-vous eu un jour réellement besoin de mon épaule pour vous sentir mieux, de mes sentiments pour apprécier la vie, de mes mots pour voir les choses autrement ?
Je vous rends donc à lui et je disparais... il y a bien une guerre qui saura m'appeler. Il parait que le roy recherche des lames, je saurais bien mettre la mienne à son service, une fois de plus...
Je ne vous dirais pas de prendre soin de vous, cela me parait inutile... Elias veille toujours dans l'ombre tout comme Mike. Vous avez assez de chevaliers à vos pieds pour vous passer d'un troisième... il y a des choses qu'il vaut mieux laisser au passé.
Une page se tourne, votre destin vous attend... je garde en souvenirs nos moments passés ensemble, le reste n'a plus qu'à être enterré... vous pouvez dire au russe que... rien, s'il est intelligent, il saura ce qu'il a à faire...
T.
Eliance,
Il me semble que nous sommes arrivés au bout du chemin cette fois. Et rien n'y personne ne pourra plus rien pour nous.
J'ai toujours essayé d'être sincère avec vous... j'ai toujours voulu faire au mieux de vos intérêts et lorsque Mike m'a écrit, là encore je n'ai pas hésité mais devais-je vraiment le faire ? On ne saura jamais puisque envers et contre tout je suis venu...
Je suis venu, je vous ai épaulé, du moins j'ai essayé et puis j'ai osé une folie... vous demander de m'épouser... les rêves ne sont pas faits pour être réalisés n'est-ce pas ?
Vous n'avez jamais répondu à ma proposition, vous êtes restée... lointaine et froide comme à l'ordinaire, peu encline à vous engager... et comme à l'accoutumée, j'ai respecté.
Aujourd'hui, Mike a décidé d'aller faire des siennes en Bourgogne, je ne vous y accompagnerai pas. Réel ou pas, je me fous de l'idée qui lui traverse l'esprit mais comme je sais que vous allez lui être fidèle, je ne puis continuer à cautionner. La Bourgogne est ma terre d'adoption et je n'y commettrais aucune exaction. De plus, le russe est revenu... je pense que l'on n'a pas besoin de détails pour savoir que votre place va vite être retrouvée... vous n'avez plus besoin de moi mais avez-vous eu un jour réellement besoin de mon épaule pour vous sentir mieux, de mes sentiments pour apprécier la vie, de mes mots pour voir les choses autrement ?
Je vous rends donc à lui et je disparais... il y a bien une guerre qui saura m'appeler. Il parait que le roy recherche des lames, je saurais bien mettre la mienne à son service, une fois de plus...
Je ne vous dirais pas de prendre soin de vous, cela me parait inutile... Elias veille toujours dans l'ombre tout comme Mike. Vous avez assez de chevaliers à vos pieds pour vous passer d'un troisième... il y a des choses qu'il vaut mieux laisser au passé.
Une page se tourne, votre destin vous attend... je garde en souvenirs nos moments passés ensemble, le reste n'a plus qu'à être enterré... vous pouvez dire au russe que... rien, s'il est intelligent, il saura ce qu'il a à faire...
T.
Eliance
Citation:
Torvar,
Je crois que j'aurais préféré une lettre d'insultes. Ou de reproches. Ou quelque chose de méchant, très méchant, comme vous savez en sortir quand vous êtes bien énervé. En fait, votre lettre contient des reproches. Mais pas assez. Je sais pas. Votre lettre est trop... morte. Elle me glace les doigts dès que je la relis. Et croyez-moi, je l'ai lu un bon paquet de fois. Mais à chaque fois, j'arrive pas à vous répondre, après ça. Je sais pas comment faire. Quoi écrire. Mes doigts veulent pas le faire. Je crois qu'aujourd'hui, je vais y arriver.
D'habitude, quand vous partez, je vous déteste pour ça. Et je trouve un certain réconfort à pouvoir m'adresser à vous avec de l'encre et du papier. Là, je ne sais même pas si vous lirez ma lettre. Je ne sais pas si vous ne la ferez pas bouffer par votre cheval avant de la déplier.
Et je ne sais pas quoi vous écrire, à part que j'aurai voulu qu'on ait plus de temps. Pour parler de tout, de rien, de vos idées, vos propositions, nos tracas, nos peurs. J'aurai surtout voulu qu'on arrive à se causer sans qu'un Berrichon épie à quatre pas nos moindres faits et gestes. Vous me reprochez d'avoir été froide, lointaine. Souvenez-vous que vous m'avez appelé « rouquine ». N'est-ce pas froid et lointain, aussi ? Les torts sont partagés, cette fois. Pour ça.
Quant à votre demande un peu folle, j'aurai aimé vous dire combien ce genre de chose m'effraie. Je n'y ai pas répondu, parce que je crois que ce n'était pas le moment de demander ça. J'étais pas prête. Vous veniez d'arriver. Je venais de vouloir mourir. Et vous me demandez de m'engager à vous rendre heureux. Comment est-ce qu'on fait ça quand on n'arrive même pas à vouloir vivre plus d'une année entière d'affilée ? Comment est-ce qu'on fait quand on n'a pas trente ans et qu'on en est à son troisième mariage loupé ? Comment on fait pour rendre quelqu'un heureux alors qu'on est soi-même une ratée ?
Je n'ai pas répondu, parce que je ne le pouvais pas. Je ne pouvais pas dire oui. Enfin, si. J'aurai dit oui, au bout de quelques jours, si vous étiez resté. J'aurai fini par dire oui, parce que vous m'auriez fait voir des nuages lumineux, doux et annonciateurs de beau temps. Pourquoi m'avoir demandé ça, Torvar ? Croyez bien que mon silence n'était pas un refus. Quand je pense « non », je le dis. Je l'ai déjà fait. J'ai déjà refusé des demandes comme celles-là. Sans tarder. Sans réfléchir. Quand j'attends, c'est un « oui » en suspens. J'aurai aimé que vous le compreniez. Un Dikaya koshka m'aurait rassuré. J'aurai aimé l'entendre de votre bouche. J'aurai aimé voir dans vos yeux cette lueur que vous avez eu à Cheny. Quand je suis venue vous voir. J'aurai aimé qu'on se retrouve mieux. Seuls. J'aurai aimé qu'on ait le temps, pour ça. Alors, j'aurai pas hésité à vous répondre.
Vous avez pris mon silence pour un refus. Et puis vous avez fui. Encore une fois. Je ne vous le reproche pas. Je vous comprends. Enfin, si, je vous le reproche. Vous n'auriez pas dû partir. C'est la chose la plus stupide que vous ayez faite. Vous m'avez toujours reproché de vous faire passer en second. Ce jour-là, vous étiez le premier, Torvar. Vous étiez là, pour moi. Et vous avez fui. Vous avez cru... Je ne sais pas. Elias est venu récupérer une chose qu'il m'avait confié. Il est venu, on a parlé et je lui ai dit. Il sait. Le secret n'en est plus un. Mais vous avez fui. Comme au temps où vous aviez l'impression de passer toujours en second. Vous vous imaginez des chevaliers servants. Réellement ? Vous pensez ça ? Elias ne veille plus. Ni dans l'ombre ni nul part. Mike n'a jamais veillé. Il est seulement là quand j'ai besoin qu'il me défigure ou me coupe les cheveux. Et encore, la moitié du temps, il se rate, l'idiot. Et c'est moi qui lui suis utile.
Mais vous me voyez donc comme ça. Une femme avec des hommes à ses pieds, prêts à tout. J'ai encore l'impression que vous inventez une partie de qui je suis. Comme la dernière fois, où vous m'aviez un peu insulté. J'aime pas quand vous faites ça. Inventer qui je suis. Je ne sais pas forcément qui je suis. Mais je n'ai pas ces chevaliers servants dont vous parlez. Je n'ai jamais été aussi seule qu'aujourd'hui. Et j'ai peur. J'ai peur de ne plus jamais lire vos mots. Des nouveaux. J'ai peur de ne jamais vous revoir. J'ai peur de ne jamais vous réentendre. J'ai souvent eu besoin de vous. Quoi que vous en pensiez.
Aujourd'hui, je suis seule et j'ai peur.
Eliance
PS : N'oubliez pas votre promesse. Si il vous arrive une mauvaise chose dans une guerre, vous devez me faire appeler.
Je ne parlerai pas. Je ne vous demanderai rien. Je m'occuperai de vous et repartirai. Une promesse est une promesse. N'est-ce pas ?
Eliance
Elle a ressorti sa robe de deuil. L'immonde chose qu'elle a acheté avant de partir de Savoie, le jour où elle s'est décidée à enterrer son âme. Ce n'est plus de son âme qu'elle est en deuil. Mais d'une personne. D'une vraie. Alors elle a enfilé ce machin. Sauf qu'à part se couvrir de noir, elle ne sait pas quoi faire d'autre. Aller prier dans une église serait certainement inconvenant. Se rendre dans un cimetière ne sait pas mieux.
Elle n'a trouvé qu'une chose : écrire. Tout a commencé comme ça. Cela ne peut s'achever que de la même manière. Par une lettre. Il ne la lira pas. Mais s'adresser à lui une dernière fois semble vital à Eliance. Si la rédaction a été plus qu'éprouvante, elle prend à présent soin de plier le papier consciencieusement. Sans doute ce dernier sera-t-il gondolé par sa peine. Mais le feuillet disparaît de sa vue, lentement, alors qu'elle rabat d'abord le haut, puis le bas. La tâche est pratiquée avec minutie, lentement, comme un ultime au revoir.
Plus tard, elle rédigera une autre lettre. Moins douloureuse. Plus pratique. Plus impersonnelle, aussi.
Elle n'a trouvé qu'une chose : écrire. Tout a commencé comme ça. Cela ne peut s'achever que de la même manière. Par une lettre. Il ne la lira pas. Mais s'adresser à lui une dernière fois semble vital à Eliance. Si la rédaction a été plus qu'éprouvante, elle prend à présent soin de plier le papier consciencieusement. Sans doute ce dernier sera-t-il gondolé par sa peine. Mais le feuillet disparaît de sa vue, lentement, alors qu'elle rabat d'abord le haut, puis le bas. La tâche est pratiquée avec minutie, lentement, comme un ultime au revoir.
Plus tard, elle rédigera une autre lettre. Moins douloureuse. Plus pratique. Plus impersonnelle, aussi.
Citation:
Dobromir,
Maryah m'a averti, pour Torvar.
Et je ne sais pas ce qu'il est coutume de faire, en la mémoire de quelqu'un, par chez vous.
C'est ce qu'il attendait depuis longtemps, disparaître pour trouver l'apaisement.
N'empêche que je ne parviens pas à m'en réjouir.
Alors j'ai écrit une lettre, pour Lui. Vous la trouverez avec celle-ci.
Je sais qu'il ne la lira jamais.
Mais est-ce que vous pourriez la mettre avec lui, si il est enterré ?
Ou la brûler, si vous l'avez brûlé ?
Ou, je ne sais pas, la glisser dans ses affaires si vous les avez conservées ?
Je vous en serai reconnaissante. Et suis votre dévouée, pourvu que cette lettre soit près de lui. Demandez-moi ce que vous voudrez, en échange, je le ferai. Je vous en prie...
Avec tout mon respect,
Eliance
Spoiler:
Citation:
Lettre morte
Adieu et à jamais
Vous me l'avez dit, écrit si souvent... Mais toujours, je vous revoyais. Je savais qu'un départ dans le silence serait la fin. J'ai craint si souvent ce silence. Il a fini par arriver. Je n'ai pas voulu y croire. Vous étiez à Sarlat. Tout allait bien. Vous aviez à faire. Si vous saviez comme j'ai attendu, comme j'ai espéré. Vous n'êtes jamais revenu. J'ai dû me contenter d'ultimes reproches, sur un papier. Je les ai oubliée. Je veux les oublier. Ces mots n'existent pas.
Vous m'avez tué, Oblako. Je n'arrive pas à me relever. Je ne sais pas quoi faire. Je ne sais pas comment faire. J'aurai aimé vous voir sourire, encore. J'aurai aimé être pour toujours ce petit chat sauvage qui égayait vos vieux jours. J'aurai aimé... J'ai changé, pour vous. J'ai fait un choix. Il n'y avait plus que vous. Elias est parti, pour vous. Je vous aurai épousé. J'étais prête à vous suivre au bout du monde. Je ne sais pas où vous chercher. Où vous trouver. Je piste constamment une ombre incertaine. Un brouillard hasardeux qui s'en va si je ne fais pas attention. Qui joue à cache-cache avec ma peine.
J'aurai dû faire davantage attention à vous. J'aurai dû vous obliger à coucher à l'abri, et pas avec votre cheval. J'aurai dû vous accompagner sur les chemins. Tant pis pour Maryah. J'aurai dû prendre soin de vous. J'aurai dû voir que vous n'étiez pas en état pour repartir. J'aurai dû... panser vos blessures, comme j'avais tenté d'apaiser votre âme. Est-ce que j'y suis arrivée, un peu, Torvar ? oh... dites-le moi... Dites-moi que j'ai été utile. Que je n'ai pas été qu'une potiche. Dites-moi que vous m'avez aimé. Dites-moi que les mots de Maryah ne sont que mensonges...
Votre départ est une torture. Votre mort un gouffre. Je ne vois plus de lumière. Il n'y a rien. Que du noir. Du loin. Du rien.
Vous n'auriez pas dû partir. Vous auriez dû me tuer. Pourquoi m'avez-vous laisser comme ça ? Vous m'avez oublié, dans votre libération. Vous êtes cruel.
Je vous ai détesté. De votre départ. Je n'y arrive plus. Je ne sais toujours pas, pourquoi vous êtes parti. Je ne sais pas si vous comptiez revenir. Je ne sais rien. Juste que vous ne pourrez pas revenir. Même si vous le vouliez. Vous reveniez toujours. Comment va-t-on faire, Torvar, pour se retrouver par hasard ? Vous m'avez laissé seule ici.
Est-ce qu'au moins, là où vous êtes, vos tourments se sont tus ? Est-ce que c'est tel que vous l'imaginiez ? Est-ce que vous y êtes bien ? Est-ce que... non. Je ne vais pas écrire ça. Je ne veux pas savoir si vous avez retrouvé votre femme. Ça me rend stupidement jalouse. J'espère que vous avez atteint l'apaisement tant attendu. Ma tête est bourrée de reproches à mon encontre. J'ai souvent pris les mauvaises décisions. J'aurai pu être veuve, aujourd'hui. J'aurai pu vous pleurer au grand jour. J'aurai pu vous dire adieu. Vous embrasser une dernière fois.
Je ne suis rien. Je me cache. Je ne peux que toucher nos souvenirs. Et supplier votre cousin que cette lettre vous accompagne.
Je n'arrive pas à lâcher cette lettre. Ne plus vous parler, ne plus vous écrire.
Si vous saviez... Si vous saviez comme c'est dur de vous dire adieu.
Je vous ai aimé, Torvar. Je vous aime encore. Sans doute vous aimerai-je toujours.
Adieu et à jamais
Dikaya Koshka
Dobromir
Le froid s'était installé sur les contrées de mon pays tout comme dans mon cur et celui de mon peuple. Pleurer un guerrier mort n'avait pas de sens pour nous, les hommes, on laissait cette tâche à nos femmes qui le faisaient si bien. Les pleurs, les cris, les prières pendant que nous autres nous nous contentions de rire et de boire afin de célébrer l'esprit et la force qui étaient des nôtres. Mais l'amertume est là, jonchée dans le creux de mon cur, louvoyant sournoisement dans ma tête.
Je repense à chaque instant passé dans ce royaume lointain et je me dis que tout ceci aurait pût, dû, être évité. Si j'avais été plus vigilent, si j'avais été plus regardant, si j'avais mis les barrières qu'il se devait mais j'ai laissé faire parce que Torvar le souhaitait ainsi. Je n'aurais pas dû j'en ai parlé à Matveï et il m'a conseillé de partir, seul, durant l'hiver. Je lui laisserais mon fils et je chercherais les réponses que je ne trouve pas à l'heure actuelle. Mon esprit est trop confus alors j'ai décidé de rendre visite au vieux chaman de la tribu qui vit retiré dans l'Oural. C'est un long voyage mais j'aurais tout le temps de comprendre les choses. Mais avant je me dois de répondre à la rousse. Après, cela ne sera plus de mon ressort.
Eliance,
Les mots me manquent pour parler de lui. Il est il était le plus juste d'entre nous tous et son envie de partir n'avait de cesse que de trouver l'apaisement afin de laver les péchés qu'il avait commis. Car peu le savait, si Torvar était un guerrier et qu'il tuait sans aucune compassion, il était aussi un homme et une âme qui avaient dû, parfois, ôter la vie sans que cela soit une nécessité. De ces fantômes, beaucoup venaient le hanter Nous avons tous nos tourments à porter jusqu'à ce que le froid vienne nous saisir et nous emporter. Mais trouve la force de sourire Rouquine, Torvar n'aurait pas aimé te voir triste. Il n'aimait pas te savoir l'esprit vagabond à cause de lui, à tendre vers les abysses. Il disait toujours que le fait de te voir sourire était une victoire sur la vie. Et on peut dire que tu as été une adversaire coriace !
La vie n'apporte pas toujours ce que l'on souhaite. J'ai su pour cet hiver et sache qu'il aurait aimé l'enfant même s'il n'avait pas été de lui. Aujourd'hui, le vent a dispersé tout ce qui lui ressemblait de près ou de loin, la boucle est bouclée, le temps fera son uvre et nous permettra dans quelques mois de nous rappeler de lui avec fierté même si ce n'est pas encore évident. Tu as été celle de ses derniers instants, je te considère comme sa dernière femme même si tu avais osé lui dire non. Il fallait une sacré dose de courage pour le faire et tu as gagné le respect que je lui devais.
A cet effet, je te joins la pierre d'ambre qu'il portait à son cou.
Pour notre peuple, c'est une amulette de protection des grands voyageurs mais c'est surtout le lien indestructible du mariage. Il te l'aurait donné s'il avait eu le temps de te faire changer d'avis et aujourd'hui, c'est une évidence qu'elle te revient.
Garde-la comme un précieux cadeau que nous te faisons.
Pour le reste il n'a pas été enterré comme le demandent vos coutumes. Ici le sol est trop froid et nous craignons les charognards alors comme tout grand guerrier, il a brûlé de mille feux au sommet d'une montagne afin de se rapprocher de ceux qui l'attendaient. T'avait-il parlé des étoiles Eliance ? De celle qui marque le destin de chacun. T'avait-il dit que la nuit de sa naissance, aucune étoile n'avait brillé dans le ciel cette nuit-là, elles ont réparé cette erreur. Elles sont venues pour lui, le guider au travers de l'au-delà... c'était quelque chose de voir ça...
Je me suis permis de lui lire ta lettre et de la brûler ensuite là où lui-même avait reposé. Il me paraissait évident que tes mots devaient résonner dans le firmament afin de lui être porté. Quand tu recevras celle-ci, ferme les yeux un instant et sans doute que la brise viendra te chuchoter quelques mots. Il faut croire parfois à ce qui n'existe pas, croire que même s'il n'est plus, une petite parcelle de lui reste dans l'infini monde et nous regarde en souriant.
Il est temps maintenant. Il est temps pour moi de te dire au revoir Rouquine car je m'en vais.
Il n'y aura plus de courrier entre nous. Je pense t'avoir tout dis concernant Torvar, il me faut entreprendre un long voyage à mon tour afin d'avoir des questions à mes réponses.
Nous ne nous reverrons jamais mais je suis certain que tu sauras continuer ta route comme tout à chacun.
Adieu Eliance.
Dobromir.
La lettre fut confiée à un coursier qui ferait parvenir au Royaume de France et à qui de droit ce dernier courrier. La page se tournait et je pouvais enfin partir l'esprit libre.
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