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[RP] Orgueilleux Onguents

Eilinn_melani
Parfois, au détour de ses pérégrinations diverses, à Rome ou en Bourgogne, Eilinn entendait parler de cette étrange dame qui, venant d'un pays du sud, à l'accent chantant, vendait quelques onguents destinés à rendre encore plus beau ce qui l'était déjà. Elle était passée au Louvre, avait fait sensation, disait-on. Les nobles commençaient à s'arracher ses produits, et Eilinn face à son reflet dans une vitre, se demanda si cela était vraiment pour elle.

Elle n'avait pas à chercher un époux, un parti, à se marier. Elle s'était mariée au Très Haut, et c'était bien assez, il était exigeant, demandait beaucoup d'elle. Surtout ses cardinaux d'ailleurs. Elle en avait vu un bien beau, un espagnol, et s'était surprise à rêvasser, avant de se morigener, et de se rappeler une triste vérité : elle était laide. Et surtout ordonnée.

Avec ses cicatrices le long de la joue et de son cou, sa maigreur peu avenante, le peu de soin qu'elle prenait d'elle, elle ne risquait pas d'être un objet de tentation. Pourtant, la nouvelle Primat de France était une femme fort belle, et semblait bien s’accommoder de cet état de fait.

Et puis il y avait eu les pompons. Et Eilinn se dit que peut-être, si elle pouvait être un peu moins moche, elle ne ferait plus peur aux grouillots de Rome, et elle pourrait rendre visite aux Congrégations sans craindre les regards curieux sur elle.

Ainsi elle écrivit une lettre.


Citation:
A Flaminia Marionno,
Sincères Salutations,

J'ai entendu parler de votre talent dans la composition d'onguents, crèmes et potions de toutes sortes pour révéler la beauté des femmes.

J'aimerais savoir si il serait possible de vous rencontrer, pour... une consultation ?

La vérité est que je ne suis pas jolie. Mais m'étant dévouée au service du Très Haut, cela n'est pas véritablement un problème de ne pas trouver d'époux.
Mais parfois, j'aimerais être un peu moins pas jolie.

Je ne sais si vos productions pourront quoi que ce soit pour moi, mais j'aimerais néanmoins que nous puissions faire affaire.

Bien à vous,
Eilinn Melani


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Secrétaire Pontificale et Scripteur du Saint Office
Flaminia.m.
Les pérégrinations, cela entraîne souvent son lot de rencontres et de connaissances communes. Et au cours de ses pérégrinations à elle, la Vénitienne avait rencontré dernièrement une valkyrie.

Lasse desdites pérégrinations qui l'ont conduite en Alençon contre toute attente, qui l'ont fait fouler les bords de Loire et les branches de la Mayenne, qui l'ont vue entrer en domaine royal français, la vénitienne s'est enroulée dans sa mante, dans la paille aux côtés de l'ânesse qui lui tient lieu de compagne et qui ne saurait tarder à mettre bas à en croire les halètements poussifs qu'elle laisse échapper – et croyez bien que ce n'est pas de gaieté de cœur qu'elle s'apprête à jouer l'hippiatre pour cet âne bâté – et qui emplissent désormais le petit abri de fortune attenant à l'auberge où elle loue une chambre. La tête contre le bois bouffé par l'humidité et la vermine, elle songe, flattant vaguement de la main le museau de la bête à son côté – ce n'est pas de la compassion, vous dit-on, c'est un retour sur investissement qu'elle espère payant – et constatant avec fatalité que le bas de sa cotte commence à s'user de trop marcher sur les chemins de France et de Navarre pour faire connaître ses produits au de-là des limites du Dauphiné. Cela commence à payer, cela commencer à bien avancer.. Mais elle est lasse et elle songe avec nostalgie à son Italie chérie..

La valkyrie tourangelle rencontrée est comtesse de Cagli – en sus d'être jolie et intéressante – et Cagli, cela amène son lot de nostalgies, cela fait penser à Urbino. Urbino, cela amène un sourire amusé sur le minois fardé de la Marionno, Urbino et la cathédrale de San Domenico, son servant d'église marié au Très-Haut mais point trop. Urbino, c'est Rome non loin. Parlez de Venise à un vénitien et il vous contera la plus belle ville connue, où les femmes sont les plus belles et les plus dociles. Parlez de Rome à un romain, et vous aurez le droit à l'exposé en règle prouvant que cette ville est la quintessence du savoir et de ce qui se fait de poètes et de gens lettrés.

Alors quand un va-nu-pieds vient heurter le battant branlant qui fait office de barrière à l'abri pour lui délivrer une missive et que la missive est parcourue, elle s'esclaffe. Une femme du Très-Haut qui fait appel à une fille du Sans-Nom, ça fait rire. Une fille de Rome qui appelle à l'aide une femme de Venise, ça lui arrache tout à fait un fou rire nerveux.

Et plus tard, alors que le travail n'aura toujours pas commencé, à la lumière d'une chandelle de suif de mauvaise qualité puant le rance, roulée dans le foin, elle a gratté au dos de la missive sa réponse, pour ce que le papier coûte trop cher pour qu'elle se donne la peine d'en acheter lors même qu'elle doit faire des économies pour retrouver son train de vie d'avant.


Citation:
A Eilinn Melani,
Salutations toutes sincères,

Je suis flattée de savoir que mon talent a su trouver grâce aux yeux des dames, assez pour qu'on en parle. J'espère que l'on aura su vous dire que si j'ai établi boutique à Lyon, je n'en suis pas moins en voyage et actuellement en Alençon.

Une rencontre peut toutefois être envisagée, ne serait-ce que parce qu'en tant que vénitienne, je ne saurais souffrir qu'on ne puisse accéder à la beauté.
Une chose encore. Vous vous dites femme d'église, êtes-vous romaine ? Votre nom ne semble pas français.

Donnez moi de vos nouvelles pour notre affaire, et priez pour moi, Dieu écoute peu les femmes qui font mon office, en dépit de toutes les absolutions que les hommes de Dieu ont voulu me donner.

Flaminia Marionno.


Elle ne s'est pas cachée. L'aurait-elle pu ? Il suffirait que la Melani soit de Rome ou d'ailleurs en Italie, pour qu'elle entende parler, par l'un de ses anciens clients ou par la faute d'une jalouse, de ce qui a fait hier sa réputation.

L'honnêteté, y a que ça de vrai. Et alors qu'elle fait couler quelques gouttes du maigre batonnet de cire et que l'ânesse brâme de douleur, c'est tout à coup la révélation. La bête n'a pas de nom, et beaucoup pourraient dire que c'est parce que ce n'est qu'un vulgaire baudet, elle même l'aurait dit quelques heures auparavant, et elle s'est bien souventes fois amusée à lui donner un nom en public pour rire de sa promiscuité avec l'animal, mais il n'a pas de réel nom. Et à entendre cette souffrance, à la partager, à se rappeler qu'à son échelle, elle a vécu cette souffrance, elle se dit soudain que cette ânesse doit avoir conscience de bien des choses, ne l'a-t-elle pas soigné avec des simples quand elle l'a trouvé dénutrie, comme on le ferait d'un homme ? La seule différence tangible avec l'être humain qui lui vient en tête, c'est bien que l'animal ne se cache pas, ne ment pas.


« Onesta. »*

Voilà comme on baptise le cousin mal vu du cheval. Voilà comme on s'avoue que la main qui flatte l'encolure qui se soulève avec force soupirs, est finalement peut-être un peu compatissante.

La lettre qui sera envoyée demain, en sera une preuve plus flagrante encore quand elle aura rencontré pour de bon la Salamandre.


[* - "Honnête" en italien, en référence à l'ancienne profession de Flaminia, qui était curtigiana onesta (autrement dit courtisane de haut rang)]
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Eilinn_melani
La neige commençait à fondre à Ternant, ce qui n'était pas un mal. Cela rendait les températures plus supportables, et Eilinn souffrait moins de ses cicatrices par les températures clémentes. Rome était ainsi plus agréable, au climat plus doux, mais elle n'avait jamais eu l'occasion de paresser dans la ville pontificale.

Ce fut au coin du feu qu'elle décacheta la lettre et l'esquisse d'un sourire se dessina. Non, Eilinn ne craignait pas de côtoyer les courtisanes, car il y avait bien pire que ces fréquentations en terme de vice.

L'imagination de la jeune femme s'emballa à la lecture. Venise, on disait que c'était une belle ville. Mais Eilinn savait que malgré ses pompons pontificaux, il y avait peu de chances qu'elle voyage. La jeune femme prit la plume, pour répondre.


Citation:
A Flaminia Marionno,
Sincères Salutations,

Je prends note que vous avez boutique à Lyon. Paris n'est guère loin d’où vous vous trouvez, et je dois m'y rendre prochainement.
Présentez-vous à la demeure du baron de Boiscommun, dans le sud-est de Paris. Je vous y recevrai.

Quant à mon nom de famille, il est italien en effet, mon père était milanais.

Je prierai pour vous, dona. Mais Il écoute toutes les prières, qu'elles soient de courtisanes ou de cardinaux.

Eilinn Melani

PS : L'adresse précise était indiquée en bas de page, ainsi que l'intervalle de présence d'Eilinn à Paris


Paris, ville des souvenirs. Ville des cicatrices. Eilinn retournera là ou elle a obtenu les balafres qui ont réduit à néant sa beauté, dans l'espoir probablement vain qu'un peu de ce qu'elle était autrefois lui soit restitué.

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Secrétaire Pontificale et Scripteur du Saint Office
Flaminia.m.
Et dans la nuit, l'ânesse avait enfin pondu son héritier et de fait, contribué à la richesse de sa propriétaire, ou au moins, à la production de matière première destinée à la richesse de sa propriétaire. Une bonne chose de faite ! L'ânon paraissait en bonne santé et s'avérait être une femelle aussi, la mère avait l'air de bien se remettre de la chose, et Flaminia n'avait pas eu à y mettre trop les mains, et se voyait déjà entrain de profiter de la production de tout ce bon lait d'ânesse qui finirait en pommade ou en pain de savon pour le corps des dames.

Vraiment, une nuit fructueuse. Autant que les jours à venir à n'en pas douter, puisque la vénitienne n'a pas oublié la lettre envoyée à la Melani, et la Melani n'a pas oublié d'y répondre – encore une chose bien faite, décidément ! - pour y dire des choses pour le moins intéressantes.
Voyez plutôt.

Elle vit chez un baron.
Les barons ont de l'argent.
Elle a de l'argent.

Syllogisme imparable. Bien que certains jugeraient bon de rappeler à notre vénitienne que « titre » ne rime pas toujours avec « monnaie sonnante et trébuchante », qu'il y a par le royaume bien plus de nobliaux chasseurs de lièvres qui vivent des travaux de la terre auxquels ils s'adonnent avec leur maigre mesnie que de grands nobles qui vivent à leurs aises dans de grands châteaux sans courant d'air et paient tout rubis sur l'ongle, parce que leurs terres sont verdoyantes et giboyeuses. Mais personne ne lui dira, et elle s'imagine déjà un peu plus riche encore, se rapprochant inexorablement de son but ultime : Retrouver son train de vie vénitien.

Comme si, vendre à la cour de France ne lui suffisait pas, il lui en faut plus. Toujours plus. C'est une femme sans aucun doute. La question est donc posée sérieusement. Doit-elle encore dépenser un peu plus d'argent pour retourner à la capitale ? Oui mais elle a de quoi faire là-bas, elle doit donner suite à une affaire menée de main de maître par la Rose de ces bois. C'est vite pesé, tout aussi vite décidé. Elle ira à Paris.

L'affaire l'intrigue, la maison du baron de Boiscommun l'intrigue, la Melani l'intrigue. Et elle doit acheter des roses à une Wolback-Carrann toute aussi intrigante. Tellement de raisons d'aller à Paris. Il est tout à fait normal qu'elle y aille donc.


[Paris – Si on suit]

Suivez donc.

Elle est à Paris, elle a laissé l'ânesse à Escouché, quel meilleur endroit d'ailleurs. En peu de temps en Alençon, elle a rencontré des personnalités surprenantes, mais elle a su se faire une place. Sa mère lui a répété sans cesse depuis son enfance « Impose ton staïle Flaminia. », et depuis son enfance, la Marionno n'a eu de cesse de faire honneur à cette requête maternelle toute saugrenue qu'elle puisse être.

La missive de la Melani en main, elle cherche du regard pour trouver l'endroit qu'on lui a indiqué quelques instants auparavant, Paris semble si triste, si terne par rapport à la Sérénissime, les gens sont mornes et gris à l'image de leur ville, et toute à ses réflexions, elle se fait bousculer non sans laisser échapper une bordée de jurons dans sa langue natale.


« Oh ça va ! Y a pas eu attouchement ! »

Et pour cause ? Elle a esquivé d'un mouvement gracile la main qui avait pour but premier d'atterrir sur sa croupe. Une chose certaine de Paris en Vénitie, les hommes sont tous les mêmes. Et celui-ci rentrera chez lui l'air serein, fera sa petite affaire tranquillement en rentrant chez sa bourgeoise ou alors il se pougnera salement en repensant à l'étrangère gironde.

Flaminia, quant à elle, continue sa route, déjà dégoûtée de cette ville qui fera sans aucun doute sa fortune mais où elle refuse d'emblée d'établir un quelconque commerce durable pour ce qu'elle la déteste déjà. Mais la question du jour n'est pas là, la question du jour, c'est de trouver l'hôtel suivant les indications données qui finissent enfin par payer, puisque le bâtiment décrit se fait enfin voir.

Voyons maintenant Flaminia, si ta réputation est à la hauteur de ton talent, et si tu te sens des airs de madone pour réaliser des miracles.

Toc. Toc. Qui est là ?

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Eilinn_melani
[Paris]

- Votre beau-père le vicomte n'est pas là en ce moment.
- Ah oui, c'est vrai.

Oui, c'était vrai, il gérait Avize. Avize que l'hérauderie n'avait pas voulu lui redonner, ou plutôt Champagne, ce qui était un peu différent. Mais la jeune femme n'avait pas cherché à insister, peut-être que les choses étaient mieux ainsi.

Rhân était à Boiscommun en ce moment, avec son demi-frère Renaud, ainsi Eilinn s'installa dans la demeure parisienne. Elle y était depuis quelques jours, à se réchauffer au cours d'un après-midi près du feu, quand Flaminia se présenta.

Passons outre les "Oui la dame Eilinn est là, entrez, suivez-moi, si vous voulez bien me laisser votre cape", et la vénitienne fut amenée dans le petit salon à la cheminée, ou la jeune femme s'était levée pour accueillir sa visiteuse.

Eilinn n'était pas très grande, des cheveux sombres lâchés sur ses épaules. Elle était au-delà de la minceur conventionnelle, presque maigre, et les habits religieux rendaient la chose plus flagrante. Par vraiment de quoi remplir un décolleté qu'elle ne portait de toute façon pas.
Ce qui attirait l'oeil était la peau pâle du visage, et ces stries blanchâtres, parfois violettes qui couvraient sa joue gauche, coulant dans son cou et disparaissant sous les replis des vêtements.
Les yeux bleus de la jeune femme posèrent un regard aimable sur Flaminia, alors qu'elle l'accueillait.


Bienvenue, je vous remercie d'être venue ! J'espère que la route n'a pas été trop mauvaise depuis Alençon.

On apporterait plus tard de l'hypocras et de quoi se sustenter, quand la vénitienne serait installée.
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Flaminia.m.
Oui, passons outre les politesses d'usage qui sont l'usage et qui sont plus ou moins les mêmes partout, à tel point qu'on a pas tant besoin de s'en inquiéter si tant est qu'on les a déjà usitées par le passé. Elle l'a fait, elle connaît. La Marionno suit donc une fois la mante laissée derrière elle, besace serrée contre elle. Non pas qu'elle craigne les voleurs, mais parce qu'il y a son gagne-pain là-dedans, et qu'on l'apprendra dans le futur, mais Flaminia est une sacrée pince, et chaque denier a son importance, et il y en a pour un peu plus qu'un paquet de deniers dans le sac de peau.

Sur le chemin pour rejoindre celle qui l'a appelée, elle prend plaisir à se l'imaginer. Des jeunes femmes laides, elle en a vu, des moins laides mais tout aussi convaincues de l'être, elle en a vu aussi, celles encore qui sont jolies mais prétendent ne pas l'être pour être flattée, tout le monde les connaît. Dans la campagne padouane, il y a un couvent où les nonnes sont si belles que les vénitiens se moquent gentiment du Très-Haut qui a gardé les plus belles pucelles pour Lui, mais n'en profitent pas moins de leurs affaires pour venir reluquer les bonnes sœurs. La Melani sera-t-elle de celles-ci, belle à damner un saint mais étouffée par l'humilité religieuse au point de ne pas le voir ?

Non.

Pendant quelques secondes, quelques millièmes de secondes, alors que la jeune nonne échange les paroles d'usage, dans l'esprit de la vénitienne, un chaos inénarrable règne. Les doigts se sont serrés sur l'anse de la besace au point d'en blanchir les jointures, et les dents se sont crispées à lui en briser la mâchoire.

Est-elle laide ? Oui.
Est-ce de sa faute ? Est-ce la Nature ? Ce sont des cicatrices.
C'est si horrible que cela Flaminia ? A en vomir.

Lentement, le sourire revient sur le visage de la courtisane qui esquisse une révérence rapide.


« Votre accueil vous honore et prouve bien que même en terres françaises, les italiens savent recevoir. Quant à la route.., elle hausse les épaules en disant cela Je ne me suis pas perdue, c'est déjà une bonne chose. Ainsi donc, c'est vous. »

Mais c'est monstrueux, c'est criminel. Elle ne s'offusque pas de la cruauté de la Nature ou de Dieu, elle ne s'attachera pas à pleurer pour le compte de la Melani qui met sur la balance de la vie son bon caractère et sa face abîmée à en pleurer. C'est triste, oui. C'est triste qu'une personne qui ait l'air si belle à l'intérieur ne le soit pas tant à l'extérieur.

Mais l'intérieur, ça concerne les curés, pas Flaminia Marionno.


«  Avez-vous déjà consulté ? Quels soins avez-vous reçu ? »

Et Flaminia Marionno ne s'embarrasse pas de messes et de préambules, elle attaque directement, sans même avoir encore saisi sa timbale d'hypocras.
Elle n'est pas médecin ou savante, elle essaie de mesurer l'ampleur des dégâts et la profondeur de ce qu'elle aura à résorber ou dissimuler.

On en viendra plus tard au remplumage et à la chevelure. Le plus évident semble être ce visage dédoublé, teinté de la douceur du ciel d'un côté et brûlé par les flammes de l'enfer de l'autre.

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Eilinn_melani
Eilinn raconta l'après, la fuite dans Paris, pour se retrouver dans le petit atelier de couture, avec Yolanda-Isabel qui s'était attelée à remettre sur pied son amie. Et Gras-Double, même avec toute sa bonne volonté, n'était pas médicastre ou esthéticienne.

Finalement, la jeune femme avait payé de sa beauté cette étrange duplicité qui avait été la sienne pendant de longues années. Mais ce prix avait aussi signifié la fin de la recherche d'un époux, pour plaire à son beau-père.

La jeune femme ne rentra pas dans le détail de ces réflexions, se contentant des faits. Du soin des brulûres, puis des cicatrices, pour assouplir la peau et lui permettre à nouveau de sourire. Qu'elles avaient fait au mieux, finalement.


Non, je n'ai jamais consulté vraiment pour cela. Ma santé n'est pas des meilleures, mais peu de médicastres se sont tentés à me conseiller sur cela.

Et le temps s'était écoulé.

Et voyez-vous, c'est de l'orgueil de tenter d'améliorer cela. On prête peu attention aux corps, dans l'Eglise.

Eilinn regarda un instant le feu, et une expression sereine passa sur son visage, avant qu'elle ne regarde à nouveau la vénitienne.

J'ai des sentiments pour un homme d'église. Rien d'osé, ou qui soit péché. Quelque chose qui n'est sans doute pas partagé, et qui ne sera jamais concrétisé.

Une pause, et un sourire malicieux étira les cicatrices sur le visage de la jeune femme.

Il est aveugle, alors voyez-vous, dans mon malheur, j'ai quand même... un peu de chance. Il ne me juge pas d'après... tout cela.

Et Eilinn rit avec sincérité à ces égarements du destin.
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Flaminia.m.
Pas de jugement, pas de remarques acerbes sur ces soins primaires et mal administrés. Elles n'étaient pas en mesure de savoir quoi faire, qui l'aurait pu mieux qu'un médicastre ? Loin d'être insensible à ce que lui raconte la cistercienne, la Marionno l'écoute attentivement et si elle réprime un frisson, ce n'est pas de la pitié qui l'anime, c'est une sorte d'admiration. Il n'est pas rare après un incendie de penser la terre aride et navrée par les flammes, mais toujours la Nature sait reprendre ses droits, alors sous les cendres, de jeunes pousses percent et arrivent à gagner le dehors. Coriace petite fleur qui a su en dépit des brûlures et du traumatisme, continuer à vivre.

Si la vénitienne a une confiance aléatoire en la capacité de Dieu à protéger ses enfants, du moins ne peut-elle s'empêcher d'apprécier à sa juste valeur la vraie foi quand elle la croise sur sa route. Toutefois, il y a des limites, et cette limite intime à sa langue de claquer contre le palais avec désapprobation.


« Ce n'est pas de l'orgueil. Voyez cela comme une façon de sublimer l'oeuvre du Très-Haut. Une façon de lui rendre justice. Et quant à l'Eglise, croyez-moi quand je vous dis que certains ne sont pas si .. Insensibles aux corps. »

Elle sourit, moqueuse mais pas méchante, et derechef, elle se fait oreille attentive quand la jeune femme lui conte ce qui pourrait être un roman d'amour à faire pâmer les pucelles : Une novice défigurée et un prélat aveugle.
Le sourire de la Melani lui apparaît alors comme une révélation. Si devant l'étendue de la tâche, elle envisageait de refuser l'offre, ce sourire fait montre d'une force de caractère plus importante que l'allure générale de la cistercienne ne le laisse présager, et pour cette raison, Flaminia se sent des airs de guerrière de la beauté.

N'a-t-elle pas juré un jour que la laideur ne l'approcherait jamais ? Si. Alors à elle, de faire en sorte que cette face laide redevienne présentable.


« Charmante histoire. Si votre bon ami aveugle venait un jour à vouloir savoir à quoi vous ressembler, il usera de ses mains. Il nous reste donc à faire en sorte qu'elles ne rencontrent pas trop d'obstacles. »

La courtisane se lève donc et sans préambule, les mains se permettent bien des choses que l'on oserait guère sur une inconnue. Oui mais voilà, on ne l'a pas faite venir pour enfiler des perles. La face est considérée avec attention et la chevelure est soulevée sans ambages pour suivre les marques laissées par les flammes. Le regard se durcit, non pas de colère mais de concentration, elle cherche dans son savoir qui n'égale pas celui des savants, quelle pommade, quel onguent pourrait assouplir cette peau endommagée. De la pulpe des doigts, la vénitienne appréhende l'étendue du travail que l'on attend d'elle, les boursouflures souples sous ses doigts ne sont pas désagréables, mais elles sont là et la peau se tend sous elles.

« Sono tanto vecchie. »*

Les marques, toutes les marques, deviennent plus dures à effacer à mesure que le temps a prise sur elles. La main s'ôte non sans remettre les cheveux en arrière derrière les oreilles.

« Vous avez de beaux cheveux, c'est pitié qu'ils soient si courts. Votre bon ami aurait sûrement plaisir à les caresser si vous en faisiez plus cas, et en disant cela, c'est le corps de fillette maigrelette qu'elle regarde, sourcil haussé. Pour votre visage, avez-vous des notions de tannerie ? »

Elle a l'humour surprenant la vénitienne, et il ne faut pas se vexer quand elle prend la parole.

« Si un cuir est abîmé, on peut le rattraper en le nourrissant et en le traitant, ensuite, on le tanne pour lui donner un grain plus lisse. »

Les mains sont croisées sur son ventre, et elle attend. Parce que volontairement, elle a usé de vocabulaire qui n'a rien de bien agréable, pour faire saisir à la cistercienne que cela ne sera ni rapide, ni 'amusant, et que comme on prépare un cuir, il faudra du savoir-faire et de la patience.

[* Elles sont très vieilles..]
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Eilinn_melani
La jeune femme sourit doucement.

Oh, je sais, voyez-vous... Et la vertu, c'est un idéal, et parfois pour certains, il est trop dur à atteindre.

Qu'en était-il pour elle ? Elle l'ignorait. L'appel de la chair ne la démangeait pas vraiment, et même vis à vis du camerlingue, cela ne lui traversait pas l'esprit. Elle n'avait jamais connu l'acte amoureux non plus... mais avait-elle déjà été amoureuse ? Probablement que non. Et même pour Arnault, elle savait au fond d'elle même que c'était loin de l'amour des romans courtois. C'était autre chose.

Les yeux bleus d'Eilinn observaient la femme face à elle, alors qu'elle venait tâter les cicatrices. La balafrée la laissait faire, à soulever ses cheveux, réfléchissant à ses pensées de vierge ordonnée, puis Flaminia parla de ses cheveux.
Eilinn ne s'y était pas vraiment attendue, elle pensait qu'on aurait considéré que les cicatrices, mais visiblement, la vénitienne semblait envisager un véritable ravalement de facade. Mais il fallait admettre qu'il y avait du travail si on commençait à faire un relooking complet de la cistercienne.


Je les ai eu bien plus courts par le passé, car il ne restait plus grand chose après l'incendie...

Puis on évoqua la tannerie, et Eilinn eut un petit rire.

Mais vous savez, j'ai décidé de consacrer ma vie au Très Haut. J'ai donc du temps devant moi.

C'était bien des paroles de jeune femme pensant avoir la vie devant elle. Mais c"était le cas, après tout. Il n'y avait pas d'horloge biologique à considérer, ou de date de péremption à craindre. Et puis cela faisait déjà plusieurs années qu'elle vivait avec ce visage, quelques mois ou années de plus ne changeaient rien à l'affaire.
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Flaminia.m.
On aurait pu croire que la Melani aurait appris du passé, et aurait compris qu'on a le temps que le Très-Haut veut bien nous accorder, mais là n'est pas la question, et puisqu'elles ont le temps à priori, autant en profiter. Et le reste de la journée se passa de façon plus familière – si tant est qu'on puisse parler de familiarité dans ce paradoxe que représentent nos deux protagonistes – où les deux femmes en profitèrent pour parler de leurs connaissances communes concernant la péninsule italienne ou bien des soins qui seront ou devraient être apportés à la jeune femme tant pour sa peau que pour ses cheveux. Et quand vint le soir, on se promit de se revoir très vite quand la vénitienne aurait pu compléter ses réserves pour soigner plus avant la diaconesse.

[Deux semaines plus tard.]

Le chemin qui mène de l'hostellerie où elle loge en échange de quelques onguents à l'aubergiste et l'hôtel particulier du baron de Boiscommun est parcouru comme par habitude. Quelques jours, cela suffit à prendre ses marques, pas forcément à aimer Paris mais au moins à savoir comment se rendre d'un endroit à l'autre, et en osant quelques crochets par les galeries Lafayottes pour trouver ce qui pourrait lui manquer de temps à autre.

Et comme depuis quelques jours, pas plus d'une poignée à vrai dire, elle rejoint la diaconesse pour les soins qu'elles ont mis en place. La vénitienne entre la tête haute mais pas orgueilleuse, les femmes comme elles n'ont leur place dans les maisons nobles que parce que les nobles les y invitent, qu'on ne vienne pas demander leur avis aux gens de maison, ils diront le reste. Et si le cérémonial est le même, le trajet est plus rapidement fait qui la mène à l'antre de la petite religieuse.


« Buongiorno Donna Melani ! La journée est belle, et vous allez l'être tout autant. »

Préambule charmant, elle pourrait en faire sa devise concernant la romaine, même si les derniers jours ont été compliqués. Les soins envisagés et basés sur les travaux de Trotula di Ruggiero ne font pas leur office, pas aussi bien qu'elle le voudrait, voire même .. Pire.

« L'huile fait-elle toujours des siennes ? »

Comme on travaillerait le cuir, elles ont décidé de travailler la peau de la jeune femme, en la nourrissant, en l'hydratant, et en la tannant. Frileuse d'abord, parce qu'elle n'est pas médecin, Flaminia a opté pour la traditionnelle huile de bulbe de lis dont parle avec tant d'éloges Trotula dans son De Ornatus Mulierum, et le gommage est réalisée avec une pâte faite de farine de froment finement moulue et de l'eau.

Elle attend la réponse mais ne l'attend pas vraiment, elle a vu le résultat. Et .. Ca ne va pas ! Alors, elle jure plus qu'à son tour avec forces injures dans sa langue.


« Il faut trouver quelque chose d'autre. »*

La cosmétique expérimentale vu par des italiennes. Accrochez-vous à vos chausses, ça va décaper. Elle sera belle ou elle ne sera pas, foi de Marionno !


[*Quand Flaminia s'énerve, elle parle italien mais pour des facilités de compréhension, on se l'épargnera.]
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Eilinn_melani
Parfois les résultats des pommades de Flaminia n'étaient pas heureux. Cela grattait, chauffait, brulait, picotait, glaçait, endormait la peau du visage et du cou d'Eilinn.

Etrangement, la jeune femme ne s'en plaignait guère, puisqu'il lui semblait que cela faisait des années qu'elle n'avait rien sentit dans cette zone. Ainsi, redécouvrir qu'elle pouvait avoir des sensations, aussi désagréables étaient-elles, lui permettait de pardonner à la vénitienne ses égarements cosmétiques.

Souvent, Eilinn demandait ce que la blonde lui mettait sur le visage. Malgré sa culture culinaire, elle découvrait des usages différents de certaines plantes qu'elle utilisait en cuisine, ignorant qu'unetelle pouvait être mise en pommade, que celle-ci broyée nettoyait les cheveux les plus rebelles. Elle goûtait même parfois les huiles utilisées par Flaminia, se demandant quel usage elle pourrait en faire par la suite. Mais bien souvent, elle concluait que cela serait très mauvais en vinaigrette.

La vénitienne en profitait aussi pour pousser Eilinn à prendre soin de ses cheveux, et si elle avait pu, elle aurait tenté de la faire manger plus que de raison, histoire de lui faire prendre un peu de gras.

La compagnie de la vénitienne n'était pas désagréable non plus, et Eilinn dut réviser son italien, qu'elle avait très parcellaire. Néanmoins, le rapport commercial faussait sans doute un peu tout cela, mais jamais la religieuse ne manifesta d'attitude déplacée, considérant la blonde comme une invitée, se montrant généreuse dans le traitement, et toujours aimable.

Après bien des errements cosmétiques, il y eut quelques trouvailles, tout de même. Eilinn sentait que certaines choses s'amélioraient, avec le temps. Certaines huiles se révélaient même fort simples à être utilisées, et la religieuse constata au bout de quelques temps que prendre soin de soi n'était pas si désagréable.


Ah Flaminia, cette pommade est si douce, que contient-elle ?
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Secrétaire Pontificale et Scripteur du Saint Office
Flaminia.m.
Merveilleuse compagne que la petite Melani qui lui rappelle qu'alors que certains hommes d'Eglise bafouent leur foi en la perdant dans les draps des courtisanes, certaines personnes ont embrassé la voie du Très-Haut par conviction et avec ferveur servent le Créateur sans la moindre once d'animosité ou d'hypocrisie.
Et tandis que la Marionno prépare des lotions et s'essaie à de nouvelles pommades, elles devisent de tout et de rien, qui en français, qui en italien, mariant les deux langues parfois même dans les mêmes phrases, pour leur donner plus de force, plus d'entrain, les deux langues chantent tant et si bien l'une et l'autre qu'on s'en voudrait de les priver.

La vénitienne voit en la milanaise une expérience de choix et revoit ainsi tous les pré-conçus accumulés au fur et à mesure des années.


« Mon petit, vous n'allez pas me croire.. On pourrait s'en servir pour enduire une volaille avant de la mettre à rotir, lance-t-elle en souriant amusée à la cuisinière avertie qu'elle a devant elle, il s'agit d'un beurre d'amande de ma composition ajouté à différentes huiles que j'ai marchandé durement aux halles. Nous avons de l'huile de rose de Damas, une merveille, c'est elle qui donne cette divine odeur, puis de l'immortelle, savez-vous à quoi cela ressemble ? C'est une petite fleur jaune qui pousse sur une île au large de l'Italie. Et j'ai pris aussi le soin de rajouter un macérat huileux de ciste. Il vous faudra la mettre deux fois par jour, je vous en refournirai besoin étant. »

En règle générale, elle ne s'encombrerait pas de ce genre d'explication et pourtant, là, pour cette jeune femme, elle se fend d'explication et quand les mots ne suffisent pas, elle dessine vaguement la forme des fleurs ou des feuilles pour que la diaconesse mette une image sur le nom de la plante.

Celles-ci ont été choisies volontairement pour l'utilisation qu'elle en faisait auparavant pour les vieilles courtisanes ou les prélats à la peau couperosée. Aux grands maux, les grands remèdes.


« Puisque le froment ne marche pas, il faudra envisager un grain plus épais, se faisant elle pile du gros sel qu'elle mélange à un petit pot à l'odeur forte et au contenant blanc, j'ai demandé au fromager de faire fermenter un petit peu de lait de jument que je lui ai amené, si nous ajoutons du sel, cela devrait faire son office, une fois par quinzaine. Pas plus, de toute façon, le lait de jument n'est pas facile à trouver. »

Et il lui faudra bien rentrer en Alençon où l'argent accumulé ici lui permettra par la suite d'ouvrir une échoppe de botaniste, alors autant donner toutes les cartes à la Melani.
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