Alphonse_tabouret
Janvier avait été dissipé à même lapplication acharnée quil avait mis à senfermer dans son bureau pour compulser, carnivore, les moindres données à portée de son attention, résolu à ne garder aucun souvenir des jours passés, des mots proférés et des vérités que lon recherchait toujours avec une application studieuse alors que lon était , bien souvent, incapable de les entendre.
Le carnage de Noël avait laissé le comptable plus exsangue quil ne laurait cru, vacillant aux vents dune colère quil savait juguler quand bien même elle le talonnait avec une voracité surprenante, quand ses tempes soffraient aux chants des sirènes dun monde étroit et pourtant tellement plus confortable où les visages dAntoine, dAxelle, de Sabaude ou dErwelyn se mêlaient parfois lorsquil passait une main à ses yeux fatigués. Il paraissait si simple de refermer les livres limmergeant, de poser la plume gorgée dencre et de se lever, de quitter cet univers sans cesse soumis aux tempêtes pour vivre quelques instants, les poumons plein, le cur sautorisant enfin à battre au-delà de la douleur quotidienne, mais à chaque fois que le rêve léveillait, il se découvrait fait de plomb, incapable de sextirper de son fauteuil, ses désirs immédiatement vaincus par les obligations et la peur, idiomes perpétuels qui se partageaient lâme tout autant que la réflexion.
La peur tenait en quelques mots, un bruissement de sensations, lélectrique étincelle qui ne cesserait jamais de le tourmenter La liberté était un fardeau à sa conscience dès lors quelle ne sattachait plus à le soustraire épisodiquement à ses impératifs. Né esclave, éduqué tel quel, le chat ne savait que faire dun horizon vierge, trop longtemps habitué à serpenter aux ruelles de ses devoirs, à escalader un mur dobligations pour nen rejoindre la pierre quau fil de quelques heures salvatrices, et même encore maintenant, quand sa fortune le lui permettait et que sa dette était depuis si longtemps payée à cet amant mort au travers de lopulence du lupanar, il se retrouvait incapable, rigide créature, de la savourer dans son entièreté. Lâme malformée, trop longtemps soumise au joug dune éducation métallique, boitait irrémédiablement malgré les baumes que dautres y posaient, rares brises auxquelles il avait consenti à accorder le courant dair, lui qui, résolu, restait craintif tout autant que rigoureux à ne plus se laisser enferrer à laddiction.
Sil sétait épargné aux premiers jours de lannée la vision de chacun des membres du bordel, emmuré dans ses livres, les factures avaient fini par le mener à lexact endroit quil redoutait, cailloux semés le long des pages noircies qui noffraient plus aucune alternative autre que la confrontation.
Les Hommes mentaient. Les chiffres, plus rarement.
Depuis deux semaines déjà, les livraisons réservées à la Maison Haute hoquetaient, et les millésimes que lon trouvait habituellement en nombre sur le comptoir du bordel sétaient raréfiés. Les stocks avaient été vidés pour répondre aux besoins de la clientèle et faute davoir pu être remplis dans un laps de temps raisonnable, attendaient, toujours, ventre béants, que lon les fournisse pour retrouver le faste habituel des commandes.
De tous, Adryan était certainement celui quil avait le moins envie de voir, Parasite que la douleur et la rage avaient mené si loin à la fin du bal quil redoutait lui-même de savoir dans quelles conditions le nobliau avait survécu au premier mois de lannée, à ce magma informe et cruel de vérités qui sétaient répandus ce soir-là sans aucune retenue, écho insupportable le ramenant fatalement à ses propres démons. Pourtant, ce soir-là, cétait bien le Castillon quAlphonse attendait, la mine sombre, lil rivé sur limprobable inattention du nobliau à sacquitter de sa tache quand il navait pourtant jamais failli jusque-là, entêté tout autant lun que lautre, à servir en priorité les exigences que lon attendait deux, trop fier pour supporter la critique, et linexactitude relative au travail fourni.
La main fit jouer lambre au fond du verre tandis que loreille se tendait, écoutant les pas menant à son bureau, reconnaissant sans mal les appuis du jeune homme, chat maitre en son royaume qui savait déceler chacun de ceux vivant à ses côtés par la simple pression accueillie au sol, accordant dun ton plat, la permission dentrer dès lors que lon toqua à sa porte.
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Le carnage de Noël avait laissé le comptable plus exsangue quil ne laurait cru, vacillant aux vents dune colère quil savait juguler quand bien même elle le talonnait avec une voracité surprenante, quand ses tempes soffraient aux chants des sirènes dun monde étroit et pourtant tellement plus confortable où les visages dAntoine, dAxelle, de Sabaude ou dErwelyn se mêlaient parfois lorsquil passait une main à ses yeux fatigués. Il paraissait si simple de refermer les livres limmergeant, de poser la plume gorgée dencre et de se lever, de quitter cet univers sans cesse soumis aux tempêtes pour vivre quelques instants, les poumons plein, le cur sautorisant enfin à battre au-delà de la douleur quotidienne, mais à chaque fois que le rêve léveillait, il se découvrait fait de plomb, incapable de sextirper de son fauteuil, ses désirs immédiatement vaincus par les obligations et la peur, idiomes perpétuels qui se partageaient lâme tout autant que la réflexion.
La peur tenait en quelques mots, un bruissement de sensations, lélectrique étincelle qui ne cesserait jamais de le tourmenter La liberté était un fardeau à sa conscience dès lors quelle ne sattachait plus à le soustraire épisodiquement à ses impératifs. Né esclave, éduqué tel quel, le chat ne savait que faire dun horizon vierge, trop longtemps habitué à serpenter aux ruelles de ses devoirs, à escalader un mur dobligations pour nen rejoindre la pierre quau fil de quelques heures salvatrices, et même encore maintenant, quand sa fortune le lui permettait et que sa dette était depuis si longtemps payée à cet amant mort au travers de lopulence du lupanar, il se retrouvait incapable, rigide créature, de la savourer dans son entièreté. Lâme malformée, trop longtemps soumise au joug dune éducation métallique, boitait irrémédiablement malgré les baumes que dautres y posaient, rares brises auxquelles il avait consenti à accorder le courant dair, lui qui, résolu, restait craintif tout autant que rigoureux à ne plus se laisser enferrer à laddiction.
Sil sétait épargné aux premiers jours de lannée la vision de chacun des membres du bordel, emmuré dans ses livres, les factures avaient fini par le mener à lexact endroit quil redoutait, cailloux semés le long des pages noircies qui noffraient plus aucune alternative autre que la confrontation.
Les Hommes mentaient. Les chiffres, plus rarement.
Depuis deux semaines déjà, les livraisons réservées à la Maison Haute hoquetaient, et les millésimes que lon trouvait habituellement en nombre sur le comptoir du bordel sétaient raréfiés. Les stocks avaient été vidés pour répondre aux besoins de la clientèle et faute davoir pu être remplis dans un laps de temps raisonnable, attendaient, toujours, ventre béants, que lon les fournisse pour retrouver le faste habituel des commandes.
De tous, Adryan était certainement celui quil avait le moins envie de voir, Parasite que la douleur et la rage avaient mené si loin à la fin du bal quil redoutait lui-même de savoir dans quelles conditions le nobliau avait survécu au premier mois de lannée, à ce magma informe et cruel de vérités qui sétaient répandus ce soir-là sans aucune retenue, écho insupportable le ramenant fatalement à ses propres démons. Pourtant, ce soir-là, cétait bien le Castillon quAlphonse attendait, la mine sombre, lil rivé sur limprobable inattention du nobliau à sacquitter de sa tache quand il navait pourtant jamais failli jusque-là, entêté tout autant lun que lautre, à servir en priorité les exigences que lon attendait deux, trop fier pour supporter la critique, et linexactitude relative au travail fourni.
La main fit jouer lambre au fond du verre tandis que loreille se tendait, écoutant les pas menant à son bureau, reconnaissant sans mal les appuis du jeune homme, chat maitre en son royaume qui savait déceler chacun de ceux vivant à ses côtés par la simple pression accueillie au sol, accordant dun ton plat, la permission dentrer dès lors que lon toqua à sa porte.
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