Aryanha
Le Bélier, la Veuve Noire et le curé
Maître Bélier marchant en tête de son troupeau
Porte sonnailles à son cou bien haut
La Veuve Noire sur son fil de soie
Le voit ainsi passer et par choix
Lui tient à peu près ce langage :
Sans mentir, si votre lainage
Est aussi doux que votre cur
Je veux bien en être le cueilleur
Délaissant ses joutes bien souvent violentes
Maître Bélier opte pour le baiser qui le tente
Séduite par son audace
La Veuve noire mit son venin en disgrâce
Le curé passant par là est fort étonné
Dans une prière leur suggère de s'unir et ne plus pécher
Le Bélier...évidemment c'était Trixolas toujours à foncer droit devant lui dans d'interminables joutes verbales.
La Veuve Noirs...évidemment c'était Aryanha, ne l'avait-on pas dans le passé surnommée ainsi après la mort subite et mystérieuse de son époux. D'ailleurs c'est ainsi qu'elle avait baptisé son armée.
Et le curé me diriez-vous ? Son Eminence Arnault d'Azayes évidemment ! Qui d'autre que lui aurait-pu se charger d'une telle besogne ? Ils se connaissaient maintenant depuis pas mal de temps, il avait suivi son chemin de repentance, sa présence même lointaine lui avait paru toujours proche.
Aryanha referma le recueil et son sourire épanoui fit soupirer son intendante, Zuana.
Ma robe est prête ?
A-t-elle bien le nombre de pierreries demandées ?
Oui Baronne, je les ai comptées.
84 !
Pas plus ?
Non mais pas moins.
[Quelques semaines plutôt]
Ils auraient aimé s'épouser sur un champs de bataille, l'épée en main...au cas où l'un ou l'autre prononce le non fatidique. Mais cet événement n'eut point lieu, ils furent condamnés à choisir un mariage purement traditionnel. Pour le lieu, une cathédrale. Désarmés et agenouillés devant un autel. La cotte de maille prévue fut remplacée par une commande de précieux tissus provenant de Venise.
Ca va encore nous coûter les yeux de la tête ! Ronchonnait Zuana, la zinguara intendante-gouvernante-dame de compagnie
Qu'importe, je vendrai mes vieilles robes !
Et puis Trixolas nous aidera, je crois savoir qu'il fait de bonnes affaires avec ses étoffes.
Le Bélier ? Ce grippe-sou ?
Il n'est pas avare, il fait juste attention.
Donner est un mot pour qui il a tant daversion , quil ne dit jamais : je vous donne , mais : je vous prête le bon jour *
Sans prêter attention aux critiques récurrentes de Zuana, Aryanha ajoutait :
Je veux des pierres précieuses ! Partout !
Fantastico ! Mi ci voleva proprio una come lei. Ben voyons, il manquait plus que ça !
Zuana leva les bras en l'air implorant le ciel de leur venir en aide.
Capricieuse la Vénitienne ? Son père aurait pu répondre que oui, il l'avait sûrement trop gâtée parce que trop aimée, à vouloir la protéger de tout et tout lui donner. L'avait-il rendue impulsive ? Était-ce pour ses raisons qu'elle comprenait son Bélier ? Lui qui connaissait si bien son tempérament trop souvent volcanique. Lui qui aimait tant les joutes verbales, ces mêmes joutes qui les ont fait se connaître dans une salle de tribunal ?
Le jour J approchant, Aryanha se sentait de plus en plus agitée. Milles questions sévissaient son esprit.
Lana, son témoin, réussirait-elle à rentrer à temps ? Alexandrie, c'était loin non ? Et si le bateau coulait ou était abordé par quelques pirates sillonnants les mers ?
Et si sa robe n'était pas prête ? Si elle n'avait pas été réalisée à la bonne taille ?
Si le vin tournait en vinaigre ? Et si la cathédrale prenait la foudre ?
Et si Trixolas oubliait de venir ?
Et si...
Arrêtes donc avec tes questions !
Le pire qu'il puisse t'arriver c'est qu'il te dise : oui !
La coupelle de dragées aux amandes vola et traversa la pièce en direction de l'intendante. Cette dernière l'évita de peu en ronchonnant. Les dragées s'éparpillèrent et la coupelle tomba sur le sol.
Quel gâchis !
[le 14 novembre, à Bellegarde, Bayonne]
Basta, il giorno uno parte ora. Aujourd'hui, c'est le jour J.
Elle aurait pu chantonner cette petite phrase toute la journée.
Aryanha était rassurée...à moitié.
Sa robe fut livrée en temps et en heure.
Le vin, celui de Soave, qu'elle savourait n'avait pas tourné à l'aigre.
La cathédrale était toujours debout.
Elle avait rappelé à Trixolas que c'était le Grand Jour.
Il ne manquait plus qu'à prier pour que son témoin arrive à temps.
L'heure tournait et même si elle avait encore le temps, il lui fallait se préparer. Aelyia, son amie de toujours, la seule qui connaissait son passé à Venise, alors qu'elles avaient quinze ans et qu'elles arpentaient déjà les chancelleries vénitienne et bretonne, ne devait plus tarder.
Le regard posé sur sa robe...Le tissus soyeux venant tout droit de Venise, les fines petites pierres qu'elle effleurait délicatement, décidément cette robe lui plaisait.
Zuana, viens m'aider à m'habiller !
*Molière-L'avare
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Maître Bélier marchant en tête de son troupeau
Porte sonnailles à son cou bien haut
La Veuve Noire sur son fil de soie
Le voit ainsi passer et par choix
Lui tient à peu près ce langage :
Sans mentir, si votre lainage
Est aussi doux que votre cur
Je veux bien en être le cueilleur
Délaissant ses joutes bien souvent violentes
Maître Bélier opte pour le baiser qui le tente
Séduite par son audace
La Veuve noire mit son venin en disgrâce
Le curé passant par là est fort étonné
Dans une prière leur suggère de s'unir et ne plus pécher
Le Bélier...évidemment c'était Trixolas toujours à foncer droit devant lui dans d'interminables joutes verbales.
La Veuve Noirs...évidemment c'était Aryanha, ne l'avait-on pas dans le passé surnommée ainsi après la mort subite et mystérieuse de son époux. D'ailleurs c'est ainsi qu'elle avait baptisé son armée.
Et le curé me diriez-vous ? Son Eminence Arnault d'Azayes évidemment ! Qui d'autre que lui aurait-pu se charger d'une telle besogne ? Ils se connaissaient maintenant depuis pas mal de temps, il avait suivi son chemin de repentance, sa présence même lointaine lui avait paru toujours proche.
Aryanha referma le recueil et son sourire épanoui fit soupirer son intendante, Zuana.
Ma robe est prête ?
A-t-elle bien le nombre de pierreries demandées ?
Oui Baronne, je les ai comptées.
84 !
Pas plus ?
Non mais pas moins.
[Quelques semaines plutôt]
Ils auraient aimé s'épouser sur un champs de bataille, l'épée en main...au cas où l'un ou l'autre prononce le non fatidique. Mais cet événement n'eut point lieu, ils furent condamnés à choisir un mariage purement traditionnel. Pour le lieu, une cathédrale. Désarmés et agenouillés devant un autel. La cotte de maille prévue fut remplacée par une commande de précieux tissus provenant de Venise.
Ca va encore nous coûter les yeux de la tête ! Ronchonnait Zuana, la zinguara intendante-gouvernante-dame de compagnie
Qu'importe, je vendrai mes vieilles robes !
Et puis Trixolas nous aidera, je crois savoir qu'il fait de bonnes affaires avec ses étoffes.
Le Bélier ? Ce grippe-sou ?
Il n'est pas avare, il fait juste attention.
Donner est un mot pour qui il a tant daversion , quil ne dit jamais : je vous donne , mais : je vous prête le bon jour *
Sans prêter attention aux critiques récurrentes de Zuana, Aryanha ajoutait :
Je veux des pierres précieuses ! Partout !
Fantastico ! Mi ci voleva proprio una come lei. Ben voyons, il manquait plus que ça !
Zuana leva les bras en l'air implorant le ciel de leur venir en aide.
Capricieuse la Vénitienne ? Son père aurait pu répondre que oui, il l'avait sûrement trop gâtée parce que trop aimée, à vouloir la protéger de tout et tout lui donner. L'avait-il rendue impulsive ? Était-ce pour ses raisons qu'elle comprenait son Bélier ? Lui qui connaissait si bien son tempérament trop souvent volcanique. Lui qui aimait tant les joutes verbales, ces mêmes joutes qui les ont fait se connaître dans une salle de tribunal ?
Le jour J approchant, Aryanha se sentait de plus en plus agitée. Milles questions sévissaient son esprit.
Lana, son témoin, réussirait-elle à rentrer à temps ? Alexandrie, c'était loin non ? Et si le bateau coulait ou était abordé par quelques pirates sillonnants les mers ?
Et si sa robe n'était pas prête ? Si elle n'avait pas été réalisée à la bonne taille ?
Si le vin tournait en vinaigre ? Et si la cathédrale prenait la foudre ?
Et si Trixolas oubliait de venir ?
Et si...
Arrêtes donc avec tes questions !
Le pire qu'il puisse t'arriver c'est qu'il te dise : oui !
La coupelle de dragées aux amandes vola et traversa la pièce en direction de l'intendante. Cette dernière l'évita de peu en ronchonnant. Les dragées s'éparpillèrent et la coupelle tomba sur le sol.
Quel gâchis !
[le 14 novembre, à Bellegarde, Bayonne]
Basta, il giorno uno parte ora. Aujourd'hui, c'est le jour J.
Elle aurait pu chantonner cette petite phrase toute la journée.
Aryanha était rassurée...à moitié.
Sa robe fut livrée en temps et en heure.
Le vin, celui de Soave, qu'elle savourait n'avait pas tourné à l'aigre.
La cathédrale était toujours debout.
Elle avait rappelé à Trixolas que c'était le Grand Jour.
Il ne manquait plus qu'à prier pour que son témoin arrive à temps.
L'heure tournait et même si elle avait encore le temps, il lui fallait se préparer. Aelyia, son amie de toujours, la seule qui connaissait son passé à Venise, alors qu'elles avaient quinze ans et qu'elles arpentaient déjà les chancelleries vénitienne et bretonne, ne devait plus tarder.
Le regard posé sur sa robe...Le tissus soyeux venant tout droit de Venise, les fines petites pierres qu'elle effleurait délicatement, décidément cette robe lui plaisait.
Zuana, viens m'aider à m'habiller !
*Molière-L'avare
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