Soren
- « La morale de l'histoire, voulez-ti la savoir ?
C'est qu'on dénonce seulement ceux qui sont pas épeurants
Attache ta tuque avec d'la broche
Ton père est un croche»*
Oui...mais peut-être pas toujours!
La lourde clé tourne dans la serrure. Le bruit du métal grinçant se répercute en échos dans le couloir qui se dévoile devant moi. Une odeur fétide vient m'assaillir alors que dans l'ombre, des mouvements suspects se devinent. Des petits cris aiguës...La vermine n'aime jamais être exposée aux rayons du soleil. Pas de doute, les geôles du Périgord-Angoumois viennent de présenter leurs plus beaux atours. Derrière moi, ils sont deux. Juste deux. Aujourd'hui, il n'y aurait pas de confrontation direct mais de simples présentations. Une prise de contact quoi! Je veux savoir à quoi j'ai à faire. Je veux voir leurs visages, les affronter une première fois.
C'est au Poitou qu'ils ont été capturé. Lorsque cette nouvelle parvint à mes oreilles, j'ai aussitôt pris contact avec les autorités judiciaires voisines. De un, je voulais m'assurer qu'ils n'allaient pas être jugé là-bas pour le pillage d'Angoulême. De deux, et cela aussi j'y tenais, il me fallait impérativement les ramener en sol périgourdin pour qu'ils soient jugé sur les lieux de leurs méfaits. Au conseil comtal, certains m'avaient traité de fou : "Pourquoi les ramener chez nous? La seule chose qu'il y a à faire, c'est de s'en débarrasser!". S'en débarrasser? Bien sur! Ce sont sans doute les mêmes personnes qui diront ensuite que notre justice ne fait pas son travail. En réalité, ces personnes-là veulent une justice injuste: celle qui s'attaque aux faibles parce qu'ils sont faibles et qui laissent les forts commettre des méfaits parce qu'ils sont dangereux. Drôle de logique. Une logique de faible...à laquelle je n'adhère pas. Si le Périgord-Angoumois n'est pas capable de juger quiconque commet un crime sur ses terres par peur de représailles, alors le comté n'a plus aucune souveraineté, plus d'orgueil ni aucune fierté. Ouais...Remarquez il n'y a rien d'étonnant là quand on sait que ces positions sont celles d'une personne qui, il y a quelques semaines encore, aurait été classé parmi les indépendantistes castillonnais les plus féroces. Enfin, ce n'est pas un crime de retourner sa veste...même si on le fait deux fois par semaine.
Je me trouve ici dans un coin particulier des geôles comtales. C'est là que l'on enferme les prisonniers les plus dangereux. Les mesures de sécurité y sont renforcé, les rayons du soleil moins présents et la moisissure y règne en maître aux côtés des déjections humaines. Le sol est glissant et les pas résonnent lourdement dans cet espace confiné. Sans doute savent-ils que quelqu'un vient. Ils étaient arrivés ici less pieds et les mains entravés dans de lourdes chaînes, escortés par des mercenaires payés pour l'occasion. "Ils" c'est la Spiritu Sanguis. l'une des bandes d'ordures parmi les plus célèbres du royaume. Dangereux, violents, arrogants, sanguinaires et sans pitié. Avant de franchir la dernière porte qui me dévoilera le couloir des cellules, je m'adresse une dernière fois aux gardes.
- Une fois que j'aurais fait les présentations, je veux que leurs effets soient fouillés. Tous. A tous! Sans exception! J'ai besoin de preuves pour les inculper. J'ai déjà certaines idées de ce que je recherche. Trouvez-les moi! Fouillez-les à nu s'il le faut mais je vous conseille de laisser les femmes tranquilles. De toute façons, il parait qu'elles sont fades et froides au lit!
Un garde, c'est mal payé. D'aucun prétendent que c'est à la mesure du sale travail qu'ils fournissent. Ils ont tort. Les personnes mal payés sont corruptibles...ou dangereuses. Elles cherchent toujours une contrepartie pour rehausser leur "salaire". Quelle qu'elle soit! La seule chose qui sépare souvent un garde de prison d'un brigand, c'est le gout du risque. Pour le reste... La porte s'ouvre. Devant moi le fameux couloir. De part et d'autres, des cellules fermées par une lourde porte de chêne. ils doivent se retrouver à 3 ou 4 là dedans. A chaque porte, les huis sont fermés pour l'instant. Seules nos torches amènent un semblant de lueur vacillante dans ce bouge infâme.
- Debout les dedans!
Silence. Puis, je reprends d'une voix haute et claire afin que chacun dans sa cellule puisse m'entendre!
- Soyez les bienvenus dans les geôles du Périgord-Angoumois! J'imagine que vous savez pourquoi vous vous trouvez ici n'est-ce pas. Le sang versé à Angoulême vous dit quelque chose? Je vois que je manque à tous mes devoirs! Je vous rappelle de mauvais souvenirs alors que je ne me suis pas présenté! Je suis Seurn MacFadyen Eriksen, procureur du Périgord-Angoumois! C'est moi qui mène l'enquête sur le pillage d'Angoulême. Collaborez avec moi à faire la lumière sur cette sombre affaire et je vous promets de plaider pour une peine juste! Moquez-vous de moi et je serais votre pire tourment! Certains d'entre vous me connaissent. Pour les autres, sachez que je n'ai aucune foi dans la justice des provinces françoyses. Elle est faite par des avocats pour que des personnes comme vous échappent à la justice...Moi, je serais plutôt du genre à appliquer la loi du talion : oeil pour oeil, dent pour dent! Vous comprenez ce que cela veut dire? Les maréchaux qui sont ici vont procéder à votre interrogatoire sous ma supervision. Je veux des aveux pour le pillage d'Angoulême. Je veux des détails, le nom de vos complices, ce que vous avez pillé ...et Il serait dommage que je doive à venir à des méthodes plus radicales. Comprenez-vous? Pour ceux qui ne comprennent pas ce que je veux dire, imaginez-vous être un rat dans seau plaqué à un abdomen...et imaginez que ce-dit commence à être chauffé à blanc. Vous n'auriez pas le choix n'est-ce pas? Un seul moyen de sortie...
J'en ai fini de ce premier discours. Il est temps pour moi de remonter prendre une bouffée d'air frais! Enfin...presque! Dans les marches, je me retourne une dernière fois vers le couloir...
- Ah! Et il parait qu'il y a parmi vous une reyne sans couronne?
Un geste de dédain...une couronne d'aubépines vient atterrir au milieu du couloir.
- Enjoy Corleone! Cadeau pour toi!
Ton père est un croche - Mes aïeux.
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