Azylys
Journal de voyage, jour 46 : Grand Duché de Bretagne, Rohan
Azylys sadosse à un arbre, songeuse, comme souvent la main posée sur son ventre rond.
Thais avait raison, non seulement maintenant elle ne voit plus ses pieds mais il pourrait yen avoir dautres devant les siens, elle ne les verrait pas non plus.
Elle fait jouer les pendentifs sur les chainettes autour de son cou en regardant les étoiles.
Elle sinquiétait hier soir, après ce rêve qui lui semblait bien trop parfait.
Elle craignait le retour à la réalité et sa fâcheuse tendance à être brutal.
Elle aurait pourtant tant aimé que tout ce passe comme dans ce rêve
La brune prend la plume et son carnet, aujourdhui comme toujours, elle écrit, elle ancre le présent pour lempêcher de sétioler, et pour un jour, peut-être, se souvenir
24 Juin 1460, toujours à lautre bout du royaume, en Bretagne, toujours Rohan, cité éternelle.
Hier soir je ne trouvais vraiment pas le sommeil. Jai eu beau tout essayer, je ny parvenais pas.
Le manque était plus fort, aussi fort que la peur que javais de ce retour à la réalité, quil se passe tout linverse de ce que javais pu rêver.
Je tournais en rond comme trop souvent, javais froid.
Et jai senti une main prendre la mienne et jai faillit sursauter tellement je ne my attendais pas.
En toute réponse à ma surprise, il a serré ma main dans les siennes, et il a rit. Javoue que pendant quelques secondes je me suis sentie stupidement ridicule.
Cétait un peu le chaos dans mon esprit, un espèce de chaos dhypothèses : et si et si et si .
Alors Illyan ma regardée, il a ancré son regard dazur dans le mien et il ma fixé.
Il a tout balayé, il a fait le vide, effacé ces hypothèses et ces questions stériles.
Et il a posé sa main sur mon ventre, comme la dernière fois.
Il a pris cet air sérieux, quil prend toujours quand il veut me dire quelque chose dimportant ou me persuader de quelque chose.
Et avec sa voix denfant, sa voix de sage, sa voix si sûre, il ma dit Tout ira bien, daccord ?.
Quatre mots, cest ce quil lui a fallu pour balayer tous mes doutes.
Et comme toujours, jai eu envie de le croire, tellement envie de le croire, de me dire que lui qui savait tout, sil me disait cela cest quil le savait.
Alors je lui ai fait confiance, encore, toujours, jai ancré en moi la certitude que tout irait bien.
Il sest évaporé comme la brume disparait avec le soleil, et je me suis couchée.
En me serrant dans mes couvertures jai repensé quil y a presque un an de cela, je faisais déjà ça chez les nonnes en pensant aux bras de lhomme que jaime.
La brune sourit, elle a besoin dancrer cette certitude dans le présent, de lui donner vie, avec un peu dencre et de papier.
Comme si elle lécrivait en elle-même, comme si en lécrivant elle en faisait une réalité, la vérité.
La vie est faite dillusions. Certaines réussissent, cest ce quon appelle la réalité.
En somme, en choisissant ses illusions, on choisit sa réalité.
Et ce soir, la brune a choisi de croire que pour une fois, envers et contre tout, même si ça peut paraître illusoire, utopique, ce soir elle a choisi de croire que tout ira bien.
Faites que cette illusion devienne une réalité.
_________________