Azylys
Vannes, 21 Mai 1463
Le jour se levait sur la Bretagne et sur une petite maison à l'écart de l'agitation vannetaise. Alors qu'un enfant reposait encore au creux des bras de Morphée, sa jeune mère s'affairait dans la maison, triant des paperasses qu'elle avait ramenées la veille de la mairie, en guise de surplus de travail à abattre en cas d'insomnie. Depuis ses derniers voyages, le calme était revenu dans le foyer, au point de se faire si habituel que les trois lourds coups heurtant soudainement la porte d'entrée firent sursauter la brune qui manquait bien de sommeil ce jour, compte tenu de l'affreuse fin de soirée qu'elle avait passée tantôt. Quelqu'un ? A cette heure-ci ? La curiosité l'emporta sur les interrogations et le battant s'ouvrit bientôt, sur un colosse aux cheveux de nuit dont la présence intrigua d'autant plus la Capitaine aux traits tirés.
- Toi ici ?
Un fin sourire naquit sur le visage de l'homme qui ne lui était pas inconnu. La demi-bretonne avait peu côtoyé Nathanael, suffisamment toutefois pour le savoir attaché au service d'un poitevin qu'elle n'avait pas visité depuis l'automne. Elle avait avec ce géant quelques points communs, dont un certain talent pour lire dans les regards et les gestes ce que la voix se plaisait parfois à dissimuler. Ainsi sut-il sans grand mal les questions qu'elle se refusait à poser.
- J'erre quelque peu, vois-tu. Depuis la naissance de Miloh, Zach est davantage en famille, ça me laisse le temps de courir les routes. Alors je me suis dit que tu me ferais peut-être visiter ton bout du monde.
- Tu..pourrais veiller sur Kilian aujourd'hui ? Tu dois bien avoir une chambre à l'auberge, quelque chose. Je passerai le chercher demain matin. Sans faute.
- Azylys, tu es sûre que ça va ?
- Je viendrai le chercher demain.
L'Azylys sortit moins d'une heure plus tard, fermant la porte à double tour pour s'enfoncer dans le sous-bois, l'âme en peine et l'armure trouée. Fâchée la veille au soir au point que L'ombre avait vainement tenté de la calmer, elle se montrait plus fragile dans ses mouvements d'humeur. Avec cette carapace bien trop molle, le poignard lancé par Nathanael venait de causer une plaie plus grande qu'il n'aurait dû. Du stress à la joie, à l'inquiétude, à la colère puis à la peine, c'en était trop pour la capitaine qui venait d'imploser, purement et simplement. Et pourtant, cette fois, elle l'avait senti venir.
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- Nathanael était arrivé la veille au coucher du soleil, comme les oiseaux de mauvaise augure, les mains dans les poches et quelques écus pour tout bagage. Il avait trainé, ça et là, errant dans les ruelles vannetaises à la recherche de qui saurait lui dire où résidait l'Azylys. Au détour d'une taverne, de quelques rencontres, il avait été assez habile pour soutirer l'information qu'il cherchait à un breton loquace. C'est ainsi que le géant prit le chemin de la forêt jusqu'à apercevoir la maisonnée à l'écart, loin du monde et de ses affres. Il était arrivé.
Le jour se levait sur la Bretagne et sur une petite maison à l'écart de l'agitation vannetaise. Alors qu'un enfant reposait encore au creux des bras de Morphée, sa jeune mère s'affairait dans la maison, triant des paperasses qu'elle avait ramenées la veille de la mairie, en guise de surplus de travail à abattre en cas d'insomnie. Depuis ses derniers voyages, le calme était revenu dans le foyer, au point de se faire si habituel que les trois lourds coups heurtant soudainement la porte d'entrée firent sursauter la brune qui manquait bien de sommeil ce jour, compte tenu de l'affreuse fin de soirée qu'elle avait passée tantôt. Quelqu'un ? A cette heure-ci ? La curiosité l'emporta sur les interrogations et le battant s'ouvrit bientôt, sur un colosse aux cheveux de nuit dont la présence intrigua d'autant plus la Capitaine aux traits tirés.
- Toi ici ?
Un fin sourire naquit sur le visage de l'homme qui ne lui était pas inconnu. La demi-bretonne avait peu côtoyé Nathanael, suffisamment toutefois pour le savoir attaché au service d'un poitevin qu'elle n'avait pas visité depuis l'automne. Elle avait avec ce géant quelques points communs, dont un certain talent pour lire dans les regards et les gestes ce que la voix se plaisait parfois à dissimuler. Ainsi sut-il sans grand mal les questions qu'elle se refusait à poser.
- J'erre quelque peu, vois-tu. Depuis la naissance de Miloh, Zach est davantage en famille, ça me laisse le temps de courir les routes. Alors je me suis dit que tu me ferais peut-être visiter ton bout du monde.
- Il fut prompt à se rendre compte que ces mots en apparence d'une banalité affligeante avaient eu sur la vannetaise l'effet d'un poignard bien lancé. Quelque chose dans la crispation d'une main sur le bois de la porte, dans un hoquet réprimé, dans un regard qui s'assombrit, comme une flamme qu'on éteint. L'intention par contre n'y était pas, et c'est bien penaud que Nath s'empressa de poser une main sur le bras de la brune comme pour réparer l'erreur qu'il venait de commettre sans savoir laquelle. Mais la jeune femme se dégagea vivement, relevant le menton avec la fierté d'un animal blessé, tentant de réajuster sur l'instant une armure intérieure branlante avant de se faire entendre d'une voix plus mal assurée qu'elle ne l'aurait souhaité.
- Tu..pourrais veiller sur Kilian aujourd'hui ? Tu dois bien avoir une chambre à l'auberge, quelque chose. Je passerai le chercher demain matin. Sans faute.
- Nathanael resta interdit quelques secondes, connaissant l'attachement viscéral qu'avait l'Azylys pour l'Enfant et sa méfiance envers quiconque cherchait à s'en approcher. Aussi acquiesça-t-il en silence, totalement déstabilisé par la tournure des évènements. Bientôt il fut autorisé à entrer dans la demeure, se voyant remettre un petit poids plume de deux ans avec une hâte inhabituelle. Alors que la Capitaine le raccompagnait à la porte, lui confiant son fils tout juste gratifié d'un baiser, le colosse eut à peine le temps de s'inquiéter.
- Azylys, tu es sûre que ça va ?
- Je viendrai le chercher demain.
- Et la porte se referma sous son nez, le laissant pantois, les bras chargés d'un petit garçon qui n'était pas le sien. Allons bon, qu'avait-il dit ? Il n'eut pas tant le temps d'y songer, vite accaparé par le babillage du mini breton qui semblait l'avoir reconnu. Aussi décida-t-il de ne pas inquiéter le fils outre mesure et reprit-il le chemin de la ville, comptant sur la visite de la jeune mère le lendemain pour éclairer sa lanterne.
L'Azylys sortit moins d'une heure plus tard, fermant la porte à double tour pour s'enfoncer dans le sous-bois, l'âme en peine et l'armure trouée. Fâchée la veille au soir au point que L'ombre avait vainement tenté de la calmer, elle se montrait plus fragile dans ses mouvements d'humeur. Avec cette carapace bien trop molle, le poignard lancé par Nathanael venait de causer une plaie plus grande qu'il n'aurait dû. Du stress à la joie, à l'inquiétude, à la colère puis à la peine, c'en était trop pour la capitaine qui venait d'imploser, purement et simplement. Et pourtant, cette fois, elle l'avait senti venir.
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