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[RP]Chez la Fleur et le Loup : chronique d'un nouveau départ

Azylys
Vannes, 21 Mai 1463

    Nathanael était arrivé la veille au coucher du soleil, comme les oiseaux de mauvaise augure, les mains dans les poches et quelques écus pour tout bagage. Il avait trainé, ça et là, errant dans les ruelles vannetaises à la recherche de qui saurait lui dire où résidait l'Azylys. Au détour d'une taverne, de quelques rencontres, il avait été assez habile pour soutirer l'information qu'il cherchait à un breton loquace. C'est ainsi que le géant prit le chemin de la forêt jusqu'à apercevoir la maisonnée à l'écart, loin du monde et de ses affres. Il était arrivé.


Le jour se levait sur la Bretagne et sur une petite maison à l'écart de l'agitation vannetaise. Alors qu'un enfant reposait encore au creux des bras de Morphée, sa jeune mère s'affairait dans la maison, triant des paperasses qu'elle avait ramenées la veille de la mairie, en guise de surplus de travail à abattre en cas d'insomnie. Depuis ses derniers voyages, le calme était revenu dans le foyer, au point de se faire si habituel que les trois lourds coups heurtant soudainement la porte d'entrée firent sursauter la brune qui manquait bien de sommeil ce jour, compte tenu de l'affreuse fin de soirée qu'elle avait passée tantôt. Quelqu'un ? A cette heure-ci ? La curiosité l'emporta sur les interrogations et le battant s'ouvrit bientôt, sur un colosse aux cheveux de nuit dont la présence intrigua d'autant plus la Capitaine aux traits tirés.

- Toi ici ?

Un fin sourire naquit sur le visage de l'homme qui ne lui était pas inconnu. La demi-bretonne avait peu côtoyé Nathanael, suffisamment toutefois pour le savoir attaché au service d'un poitevin qu'elle n'avait pas visité depuis l'automne. Elle avait avec ce géant quelques points communs, dont un certain talent pour lire dans les regards et les gestes ce que la voix se plaisait parfois à dissimuler. Ainsi sut-il sans grand mal les questions qu'elle se refusait à poser.

- J'erre quelque peu, vois-tu. Depuis la naissance de Miloh, Zach est davantage en famille, ça me laisse le temps de courir les routes. Alors je me suis dit que tu me ferais peut-être visiter ton bout du monde.

    Il fut prompt à se rendre compte que ces mots en apparence d'une banalité affligeante avaient eu sur la vannetaise l'effet d'un poignard bien lancé. Quelque chose dans la crispation d'une main sur le bois de la porte, dans un hoquet réprimé, dans un regard qui s'assombrit, comme une flamme qu'on éteint. L'intention par contre n'y était pas, et c'est bien penaud que Nath s'empressa de poser une main sur le bras de la brune comme pour réparer l'erreur qu'il venait de commettre sans savoir laquelle. Mais la jeune femme se dégagea vivement, relevant le menton avec la fierté d'un animal blessé, tentant de réajuster sur l'instant une armure intérieure branlante avant de se faire entendre d'une voix plus mal assurée qu'elle ne l'aurait souhaité.

- Tu..pourrais veiller sur Kilian aujourd'hui ? Tu dois bien avoir une chambre à l'auberge, quelque chose. Je passerai le chercher demain matin. Sans faute.

    Nathanael resta interdit quelques secondes, connaissant l'attachement viscéral qu'avait l'Azylys pour l'Enfant et sa méfiance envers quiconque cherchait à s'en approcher. Aussi acquiesça-t-il en silence, totalement déstabilisé par la tournure des évènements. Bientôt il fut autorisé à entrer dans la demeure, se voyant remettre un petit poids plume de deux ans avec une hâte inhabituelle. Alors que la Capitaine le raccompagnait à la porte, lui confiant son fils tout juste gratifié d'un baiser, le colosse eut à peine le temps de s'inquiéter.

- Azylys, tu es sûre que ça va ?
- Je viendrai le chercher demain.


    Et la porte se referma sous son nez, le laissant pantois, les bras chargés d'un petit garçon qui n'était pas le sien. Allons bon, qu'avait-il dit ? Il n'eut pas tant le temps d'y songer, vite accaparé par le babillage du mini breton qui semblait l'avoir reconnu. Aussi décida-t-il de ne pas inquiéter le fils outre mesure et reprit-il le chemin de la ville, comptant sur la visite de la jeune mère le lendemain pour éclairer sa lanterne.



L'Azylys sortit moins d'une heure plus tard, fermant la porte à double tour pour s'enfoncer dans le sous-bois, l'âme en peine et l'armure trouée. Fâchée la veille au soir au point que L'ombre avait vainement tenté de la calmer, elle se montrait plus fragile dans ses mouvements d'humeur. Avec cette carapace bien trop molle, le poignard lancé par Nathanael venait de causer une plaie plus grande qu'il n'aurait dû. Du stress à la joie, à l'inquiétude, à la colère puis à la peine, c'en était trop pour la capitaine qui venait d'imploser, purement et simplement. Et pourtant, cette fois, elle l'avait senti venir.
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Azylys
Vannes, 07 Juin 1463

Assise sur un fauteuil devant l'âtre, la brune veillait encore à une heure fort avancée de la nuit. Ses bras oscillaient lentement de gauche à droite, dans un doux balancement qui berçait contre son sein l'Enfant endormi. Les yeux clos, le petit de bientôt trois ans dormait à poings fermés, offrant à sa jeune mère le spectacle rassurant d'une petite poitrine animée par une régulière impulsion de vie. Azylys fredonnait un air incompréhensible, probablement fruit de son imagination, ce genre d'airs qu'on murmure à peine du bout des lèvres, de peur de réveiller l'Enfant. Le calme avant la tempête, sans doute. Le sommeil fuyait la capitaine du bout du monde, la poussant instinctivement à faire ce à quoi elle avait dédié ses jours : protéger une vie qui n'était pas la sienne. Elle se vidait ainsi l'esprit, toute entière consacrée à sa tâche.

Le colosse dormait du sommeil du juste dans une chambre attenante, insensible aux tourments et aux inquiétudes de la mairesse. Il n'avait pas élu domicile sous son toit mais y était convié de temps en temps, lorsque la brunette craignait un danger ou demandait un coup de pouce pour occuper son garçon turbulent quand elle se chargeait des directives municipales. L'Enfant avait désormais pris l'habitude de côtoyer Nathanael et était ravi d'inclure ainsi parfois un autre camarade dans ses jeux. Il ne savait pas que le géant faisait office de second garde du corps quand le temps était à l'orage. Azylys aimait tout garder sous contrôle, et son fugueur de fils ne lui facilitait pas les choses, aussi avait elle recruté ce rempart supplémentaire.

Sans doute avant le petit jour la fatigue finit-elle par vaincre la brune, qui s'endormit peu à peu dans son fauteuil, serrant Kilian tout contre elle. Il est des trésors parfois mille fois plus précieux que de l'or.

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Guigoux
Un autre jour

Gui avait préparé les jumeaux et leur avait expliqué qu'ils allaient passer quelques jours chez la vieille mamie Azylys. Il n'était pas question pour lui de les abandonner, loin de là. Juste de les laisser quelques jours avec Azylys, dont l'enfant avait plus ou moins leur âge. Gui allait en profiter pour se reposer un peu, et profiter du soleil pour se poser et travailler sur l'avenir de ses terres, et son avenir. Il prépara une petite malle qui contenait de quoi changer les enfants pendant quelques jours, ainsi que des jeux. Cette malle prête, il la fit porter jusqu'à chez Azylys. Lui et les enfants étaient devant les porteurs. Enola et Dilwen étaient, comme à leur habitude, silencieux.

Lorsque le groupe arriva devant chez la jeune femme, Enola esquissa une moue et saisit la main de son père.


- Mais tu vas pas nous laisser pour toujours, hein?

Le vicomte sourit à sa fille et à son fils qui avait froncé les sourcils en entendant sa soeur.

- Non, ma chérie. Vous resterez avec Azylys quelques jours, et je ne suis pas loin, vous savez. Elle a un petit garçon qui s'appelle Kilian. Je pense que vous pourrez lui apprendre à être sage, mais pensez à vous amuser, d'accord?

Gui s'approcha de la porte et toqua. Enola vint alors se cacher derrière les jambes de son père tandis que Dilwen regardait fixement la porte, comme si il s'attendait à voir sortir un dragon.

- Vous verrez, elle est plus gentille que la duchesse chez qui vous dormiez.

Il sourit. Le vicomte appréciait la duchesse, sauf quand elle diffusait des rumeurs infondées à son sujet. Les enfants, comme de nombreuses personnes, avaient du mal à s'habituer à la distance que le duchesse mettait avec eux.
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Azylys
La vieille-mamie(qui-n'en-est-pas-une)-plus-gentille-que-la-Kerdragon avait en effet, dans un excès de son immense bonté -qui la tuera un jour- accepté de tripler provisoirement le nombre de mômes à surveiller sous son toit. Primo, parce qu'elle avait répété douze fois au vicomte à la mort de sa femme que s'il pouvait plus voir ses cinq mioches en gravure à force de les avoir sur le dos, il pouvait toujours lui en refiler quelques-uns le temps de pouvoir respirer à peu près normalement. Deuzio, parce que Kilian était un fils unique surprotégé et que ça lui ferait du bien de pouvoir jouer avec des petits monstres de son âge -notez au passage que l'Azylys espèrait ainsi ne plus avoir son fils dans les pattes toute la journée-. Tertio, parce que la brune s'ennuyait à mourir en attendant son prochain voyage. Et Dieu sait qu'avec trois gosses sous le même toit, ça fait de l'animation.

Bref, le vicomte du fief dont-on-ne-retient-jamais-le-nom toqua à la porte, tentant dans le même temps de rassurer ses jumeaux qui s'attendaient à voir débarquer une ogresse ou un truc bien moche et bien méchant du même genre. Faut dire qu'en logeant chez la Kerdragon, ils avaient dû se faire une image légèrement péjorative de ce à quoi ressemblaient les potes vannetais de leur père. Mais l'ogresse en question était déjà plus ou moins occupée dans ses pensées, à tenter de se remémorer les prénoms des charmants petits qu'elle s'apprêtait à accueillir. C'est que c'était une manie fort bretonne de pondre entre cinq et neuf mômes. Manque de pot, notre brunette connaissait mieux les petits Kerdragons que les petits de Guennec, à l'exception des trois plus grands dont évidemment il n'était pas question ici, ç'aurait été trop facile.
Elwen et Doran. N'était-ce pas plutôt un truc comme Enora ? Enora et Delwen. Du moins ça devait ressembler à ça. A peu près. Suffisait de les appeler "les jumeaux" ou "minis Guennec" et tout le monde n'y verrait que du feu. L'inventivité résout tous les problèmes, assurément.

Du moins le pensait-elle quand son fils l'arracha brutalement à ses réflexions en l'escaladant littéralement pour venir planter son regard de glace dans celui de sa mère. Le nez froncé, les yeux plissés, une moue boudeuse sur les lèvres, l'image parfaite du môme qui pense inteeeensément à un truc très sérieux, et qui va forcément dire une ineptie.


- Dis Ama, on vend la maison ?
- Pas que je sache, tu l'as vendue, toi ?
- Na. Alors c'est qu'ils viennent l'acheter. J'vais les chasser !


Et l'Enfant de détaler au pas de course vers la porte tel un chevalier prêt à protéger son territoire envahi.
De l'autre côté de la porte, on put entendre, après quelques secondes d'attente interminables, des pas de course version minimoys, suivis d'un prénom breton gueulé à travers la baraque et de pas de course sacrément moins minimoys. Pour sûr que y'avait là-dedans un tas de dragons, ou un régiment d'ogresses coursant une armée de gnomes affreux. Et sur ce boucan effroyable, atténué bien sûr par l'épaisseur du bois de la porte, le-dit bout de bois s'ouvrit à la volée, dévoilant une brunette un brin plus petite que le vicomte qui tenait à la main le col d'une tunique dans laquelle s'agitait un mioche de presque trois ans à la tignasse brune en désordre.

Kilian s'arrêta instantanément en trouvant deux autres paires de petits yeux en face des siens. Kaoc'h, ils les avaient pas vus les deux là lorsqu'il espionnait par la fenêtre. Un coup d'oeil un mètre et quelques plus haut lui suffit à vérifier que cette invasion soudaine n'était pas à considérer comme hostile. Alors il se redressa le plus droit possible, époussetant sa tunique, avant de faire les présentations dans un franc sourire.


- Ki'yan. Et elle c'est Ama. Z'êtes venus chasser des dragons dans la forêt ? Moi j'ai trouvé que des lutins.

Le ton se doubla d'une moue déçue sur la fin, c'est bien chouette les lutins, mais on peut pas se battre avec.
Azylys enchaîna, passant sur les délires de son fils turbulent en s'adressant directement au vicomte qu'a plus ni dalles ni eau.


- Demat Gui ! Prêt à passer quelques jours de liberté ? C'est pas Limoges ici mais ils auront de quoi se défouler tout de même.

Et de regarder plus attentivement les deux petiots qui paraissaient bien sages en comparaison de sa petite tornade. Faut dire que ni le vicomte ni feue sa femme n'étaient des gens particulièrement turbulents. Exception faite des soirs de beuveries à grignoter des charançons.
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Guigoux
Après un semblant de remue ménage, la porte s'ouvrit. Si il était accommodé à très légèrement baisser la tête pour salue Zizi, il l'était moins pour Kilian.

- Salut petit homme. Je suis Gui et je t'amène des copains. Je voudrais que tu me les rendes en bon état, quand même, quand je viendrais les chercher...

Ce disant, il sentit que sa fille serrait les braies de son père avec force tandis que son fils jaugeait le jeune garçon. Gui les laissa se regarder en chien de faïence pendant un moment.

- Tu verras Azylys, Enola est toujours gaie, mais facilement impressionnable. Elle craint les gens qu'elle ne connait pas. Dilwen ne parle pas beaucoup, mais il retient beaucoup. Ils sont très calmes. Par contre, si Dilwen ne veut pas manger, tu peux le forcer un peu. Enola a besoin de boire beaucoup d'eau, sinon elle a mal au dos.

Ce disant, il plaça ses mains sur ses reins, pour lui montrer où Enola souffrait lorsqu'elle ne buvait pas assez. Dilwen ouvrit la bouche et fini par parler.

- D'abord, les dragons, faut les chasser la nuit. Mais tu peux pas les tuer. Ils sont fort très beaucoup.

Enola regarda Azylys et lâcha les bas de son père pour aller se fourrer dans ceux d'Azylys sans dire un mot.

- Je t'ai amené une malle de change, au cas où... Il y a un jeu de quille et une batterie de jeux de dés.

Il surveilla que Dilwen ne fasse pas de bêtise.

- J'ai confiance en toi Azylys. Je sais que tu t'occuperas bien d'eux.

Il sourit.
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Azylys
Allô, allô, ici la Lune, vous m'entendez ? Terre, répondez ! Je répète, ici la Lune. J'vous cause jeune homme !
Sauf que le jeune homme en question n'atteignait pas le mètre, et qu'en conséquence il eut quelques petites secondes de flottement avant de comprendre que le vicomte s'adressait à lui. Question d'habitude, les petiots causaient aux petiots, et les adultes aux adultes, histoire de respecter les stratosphères, tout ça.
En vrai, l'attention du minimoys avait été captée par un nom de code bien connu de tous les minimoys : "copains". En langage Kilianesque ça se disait "coupin" et si ça pouvait -à la limite- se prêter, ça ne se rendait pas. Ou alors fallait les enlever d'abord. Le vicomte voulait jouer, c'est ça ? Fallait faire semblant de kidnapper les deux petiots, les planquer dans la forêt et attendre qu'il demande une rançon ? Faciiiiile. Et pas les torturer, il avait dit "bon état", fallait faire gaffe. Encore un qu'aimait pas qu'on touche à ses affaires. Alors Kilian acquiesça, très fier d'avoir compris mot pour mot ce qu'on lui demandait. Promis, quand le vicomte viendrait les chercher, il rendrait les petiots en bon état. Au prix d'une jolie rançon. Parce que quand on se paye le luxe d'avoir un nom de famille eeeet une particule, on a forcément de quoi payer une jolie rançon.


- On s'arrangera pour le prix, t'en fais pas, j'vais les protéger. Avec la mine sérieuse et le ton assuré qui va avec, évidemment.

Peut-être qu'il ne se rendait pas compte qu'en étant le seul de la bande à ne pas avoir soufflé ses trois bougies, il était le plus jeune. Or d'habitude, c'était le plus jeune qu'on devait protéger. Ou les filles, mais quand on a une Azylys pour mère, le concept de protéger les filles devient un peu plus compliqué à appréhender. Pour l'Enfant trublion, une fille ça savait se battre -avec une épée s'il vous plait-, ça mordait quand on l'embêtait de trop, ça buvait de l'alcool qui empestait à dix mètres, ça grimpait aux arbres et c'était bardé de fer et de lames. Tendance glamour 1463.

Et les deux dernières filles d'à peu près son âge qu'il avait rencontrées l'avaient embarqué dans une chasse aux dragons et aux lutins dans les forêts bretonnes. Ainsi la gamine de Guennec lui paraissait un peu bizarre, planquée dans les jupons invisibles de son père. C'était une fille version contes pour enfants, le genre qu'il fallait sauver, protéger, appeler princesse et je t'en passerai des meilleures. Rien de bien grave au fond, Kilian avait le sens des responsabilités, et décida sur le champ de faire de sa nouvelle protégée une vraie fille. Rendre service, il avait ça dans le sang. Les azurites se parèrent donc d'une lueur malicieuse, celle d'une mini tornade aussi impétueuse que délurée dont l'imagination débordante se mettait en route à toute vitesse.

Azylys ne savait pas lire dans les pensées de son fils, aussi les recommandations du vicomte la firent sourire, évidemment qu'il les récupérerait en bon état. Elle enregistrait minutieusement ce que Gui lui disait, comme si on pouvait apprendre à connaître les enfants d'autrui en deux minutes. Enola et Dilwen donc, presque ce qu'elle avait deviné. Restait à graver les prénoms bien comme il faut sous son crâne pour ne pas les oublier. Une craintive qui devait boire et un observateur qui devait manger. En apparence, c'était presque trop simple. Kilian mangeait comme quatre, buvait comme trois, comme si pour se dépenser autant toute la journée il lui fallait ingurgiter tout ce qui passait à portée. Un instant la jeune femme s'imagina la situation inverse, tentant de trouver ce qu'elle aurait pu dire à de Guennec en lui confiant son fils. "Il est adorable, il grimpe partout, surtout aux arbres, il est profondément attiré par tout ce qui est dangereux pour lui et il a une tendance naturelle à la fugue" ? Ou alors la même chose que ce qu'elle avait dit à Nathanael en septembre : "S'il lui arrive quelque chose, je te retrouverai et je te le ferai payer au centuple". Non vraiment, les enfants n'étaient pas tous les mêmes, et les parents non plus.


- Entendu, ils mangeront et boiront comme il faut, y'a pas d'soucis.

Quant à Kilian, il était en train de décider du sort de Dilwen le silencieux quand celui-ci osa douter de ses capacités. Genre on peut pas tuer les dragons quoi. Non mais allô, tous les chevaliers ils le font ! Et le minimoys était forcément chevalier. Puisque sa mère l'était. Elle avait un cheval, une épée, elle protégeait des gens et elle avait une armée sous ses ordres. Bon une garde ducale, mais ça revenait au même. Ceci dit, il avait l'esprit pragmatique de sa mère, alors il retint ce qui lui faisait plaisir, et seulement cela.

- Faut les chasser la nuit ? On ira la nuit alors. Et si on en trouve un on l'grille au p'tit dej' !

Parce que la viande c'était la voie royale pour avoir des muscles de chevalier tueur de dragons. Alors la viande de dragon c'était celle qui devait rendre le plus fort du monde. Et maman disait toujours que la viande fallait pas la manger crue. Donc tranche de dragon grillé au feu de bois, ça c'était du petit dej' royal !

C'est probablement en entendant le temps employé par son fils que la brune tiqua. "On ira la nuit" ? Mentalement elle compta ce qui lui restait à faire avant la tombée du jour : fermer les portes, verrouiller les fenêtres, écrire à Nathanael, veiller l'Enfant jusqu'à être certaine qu'il dorme profondément...
Heureusement les minimoys de Gui étaient plus sages, s'il suffisait de quilles et de dés pour les occuper. Aussi elle adressa au vicomte un sourire rassurant du type "t'inquièèètes, je gèèère". Elle était bonne mère, bonne doudou pour Eliotte, elle saurait être bonne nounou pour les jumeaux. Sentant l'étreinte de deux petits bras se resserrer sur ses jambes, la Capitaine plia instinctivement le genou, soulevant l'enfant de terre pour la porter sur la hanche, soustrayant de ce fait la petiote au duel des deux minimoys. Elle lui adressa un sourire tendre, de ceux qu'on peut faire quand on finit nounou d'une petite fille en ayant élevé que des petits mâles.


- Parfait, avec tout ça ils auront de quoi jouer, j'ai des osselets à la maison aussi. Va tranquille, il ne leur arrivera rien.

Et de jeter un regard glacial à son fils, dans le genre "si tu mouftes tu vas avoir affaire à moi".
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Guigoux
Le vicomte plissa les yeux aux paroles du gamin. Il ne comprenait pas vraiment de quoi il causait, mais soit, le Gui acceptait les conditions du gamin sans négocier. Après tout, pourquoi négocier quand il n'y a rien à négocier?

Il était "rassuré" de la réponse d'Azylys. Après tout, il savait que ce serait le cas. Il avait juste besoin d'en avoir la certitude. Qu'on ne vienne pas lui dire qu'il n'avait pas prévenu. Non, ça il n'appréciait pas. Le petit Dilwen dévisageait son homologue qui lui semblait être un peu plus turbulent que lui. Oh non, il ne pensait pas au mot turbulent, mais au mot "bête". D'ailleurs, il le fit entendre.


- Faut pas le tuer le dragon. Il protège le pays. T'es bête dans ta tête.

Ce à quoi Gui ne put s'empêcher de réagir.

- Dilwen? Veux-tu bien surveiller ta langue?

Et le petit de regarder ses pieds. Il le savait, le Dilwen, qu'il devait rester poli. Enola semblait contente de sa nouvelle position et surveillait son frère avec un air réprobateur. Gui lui esquissa un sourire satisfait. Ça s'annonçait bien.

- Tant qu'ils ne te mettent pas la maison à feu et à sang. Si c'est le cas, tu me le dis, on se débrouillera pour trouver de la chaume de meilleure qualité.

Il sourit à l'otage des trois marmots.
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Azylys
Vannes, 19 Septembre 1463

Alors que les premiers rayons de l'aube coloraient le ciel de la cité vénète de rose et d'or, le Grand Duc et son escorte avaient franchi les lourdes portes de la ville. Azylys en avait profité pour leur fausser compagnie sitôt qu'elle l'avait pu, pressant le pas dans les ruelles vannetaises, semblant les parcourir sans prêter attention aux badauds qui s'y trouvaient çà et là. A vrai dire elle n'avait qu'une idée en tête : retrouver les siens.
Lorsque se profila au détour d'un croisement la silhouette désormais familière de la maison de Nathanael, la Capitaine ralentit étrangement, montant les marches du perron presque sur la pointe des pieds pour coller son oreille contre la lourde porte de bois. Retenant son souffle, elle entendit bientôt le rire cristallin de son petit homme. Le palpitant bondit dans sa poitrine et le poing heurta le bois, deux fois, presque trop doucement.

La porte s'ouvrit à la volée sur la carrure du géant qui s'effaça pour la laisser entrer, consentant sans mot dire à se rendre comme invisible pour quelques minutes. La jeune femme n'eut que le temps de mettre un genou à terre et d'ouvrir les bras qu'un cri de joie résonna à l'autre bout de la pièce. L'Enfant se rua dans ses bras, presque un mois s'était écoulé depuis leurs au revoir.


- Amaaaaaaaa !

La brune pressa son petit contre elle, glissant le bout du nez au creux de son cou. Les battements de ce petit coeur qui résonnait contre le sien depuis plus de trois ans lui avaient manqué plus que tout au monde. Elle resta ainsi un long moment, les bras de son fils passés à son cou, jouant dans ses boucles brunes, puis elle s'en dégagea quelque peu pour déposer un tendre baiser sur son front et frotter son nez contre le sien.

- Ce que tu as grandi en si peu de temps...
- Nath a dit un jour je serai grand comme lui !
répondit Kilian en bombant le torse.
- Aussi grand et aussi fort que lui, c'est certain. Dis voir, qu'est-ce que tu penses d'aller faire un tour en forêt, de dormir ce soir tous les deux à la maison et de venir voyager avec moi quelques jours ?
- Juste Ama et Ki'yan ! Tu pars pu ?
- Plus sans toi, mon coeur. Ça te dirait de grimper sur un bateau ?
- Un gros ?
- Un énoooorme ! Avec plein de voiles ! Et même qu'on peut dormir dessus !
- Han ! Je veux le voir !
- On ira, amour. Promis.


Azylys sourit et se leva, emportant dans ses bras son fils unique qu'elle chatouilla un instant, rien que pour entendre une fois de plus ce rire cristallin qui égayait ses journées à longueur d'année. Elle adressa au colosse un "Merci pour tout" et gratifia sa joue d'un baiser. Elle eut un franc sourire en retour et un clin d'oeil complice. La Capitaine disparut bientôt dans les ruelles vannetaises avec son trésor dans les bras, se chamaillant tous deux comme ils l'avaient toujours fait.
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_azylys_
Vannes, 08 Octobre 1463

Des mois, des semaines, des jours entiers déjà que le petit cocon vannetais était en effervescence. Au long Tro avaient succédé les préparatifs de ce qui s'annonçait être une véritable expédition bien au delà des terres et des mers déjà parcourues par la jeune femme. Nathanael ne quittait que très rarement la petite maison en bordure de forêt ces derniers jours, épaulant Azylys dans le décompte des affaires à emporter, lui prêtant patiemment main forte, paquet après paquet. Aussi nerveuse qu'à l'accoutumée à la veille de longs voyages, la jeune mère s'inquiétait pour son fils, ne sachant trop s'il avait réellement compris leur destination ou s'il espérait encore que son père l'attendrait au bout du chemin. A-t-on seulement le droit d'éteindre d'un souffle les rêves les plus fous d'un enfant de trois ans ? Ainsi tournait-elle comme un fauve en cage, s'occupant les mains pour s'occuper l'esprit, tant et si bien que la charrette fut chargée bien des jours à l'avance. Désœuvrée, elle mit à profit ses derniers jours vannetais pour flâner sur le port avec Kilian, effleurer du bout des doigts les coques des bateaux amarrés qui étaient tout autant d'invitations au départ.

Elle reviendrait. Elle le sentait, le pressentait, comme la lueur d'une certitude qui brillait tout doucement en son for intérieur, chétive mais bien présente. Pour l'instant, seule l'envie mordante de fouler d'autres lieux, de changer d'horizon, de respirer un autre air palpitait assez fort pour être entendue. C'était tout ce qui comptait : s'évader, rien qu'un temps, l'espace de quelques semaines, de quelques mois, de cette atmosphère si lourde et si pesante qui s'abattait avec toujours plus de force sur ce bout du monde. Ce désir d'ailleurs qui la prenait aux tripes n'était pas bien neuf, intimement lié à l'insécurité croissante que suscitait cette ambiance à couteaux tirés. Intimement lié surtout à ce petit être haut comme trois pommes qu'elle voulait voir s'épanouir sur une terre de paix. Et puisque cette paix semblait si lointaine, elle irait la chercher elle-même, ailleurs s'il le fallait. Après tout elle connaissait quelques visages dispersés au gré des lieues qu'elle s'apprêtait à arpenter, quelques points de passage qu'elle tenterait de ne pas rater.
Sa sœur cadette d'une part, qui l'attendait en France depuis de trop longs mois déjà. Ses anciens compagnons d'armes peut-être, qui s'étaient établis au pied des Pyrénées. Rien que ce chemin là était déjà presque un pèlerinage en soi. Une longue route qu'elle n'avait pas empruntée depuis des années mais qu'elle s'apprêtait à fouler à nouveau. Pour le meilleur, et uniquement le meilleur. Car désormais il y avait Kilian, qui brillait comme un soleil, et Nathanael dont les larges épaules la rassuraient inconsciemment. Elle ne craignait plus rien à présent.


Le matin du huit octobre, Azylys ferma la porte à double tour une fois de plus, passant la clef à une chaînette qui ornait son cou. Le colosse veillait l'Enfant encore engourdi par le sommeil au creux de ses bras alors que la Capitaine vérifiait les sangles de la charrette et harnachait Brume qui piaffait d'impatience. Puis il se saisit des rênes et elle prit l'enfant sur sa hanche, fredonnant à son oreille une berceuse de son cru. Ils atteignirent le port alors que les premières lueurs de l'aube paraient la cité vénète de rose et d'or.


- Prêt pour l'aventure, chevalier ?
- Je ferai attention, Ama. T'inquiètes pas. Même que si on trouve des dragons, je sais te protéger !


La brune sourit, évitant sciemment de lancer un énième débat sur ces créatures mythiques que Kilian affectionnait tout particulièrement. Elle ne se souvenait que trop de la dernière interrogation qui les avaient amenés tous deux à se chamailler sur les dragons des mers. Allons bon, qu'en savait-elle après tout, de s'ils crachaient du feu eux aussi ou s'ils ne le pouvaient pas ? Mais l'Enfant était curieux et particulièrement têtu, il ne se contentait jamais d'un "je ne sais pas" et s'acharnait à questionner jusqu'à ce qu'on lui propose enfin une réponse tangible.

- J'espère qu'on ne croisera pas des dragons tous les jours quand même.
- Des lutins alors ?
répondit Kilian d'une moue boudeuse.
- Des lutins des forêts, si tu les cherches bien ! Et des fées aussi, sans doute.
- Y z'ont des fées les poissons ?
- Hmm...pourquoi pas. Mais j'en ai jamais vu. Tu crois que ça se pêche ?
- Naaa, Ama ! Les fées ça vole !
- Tu m'en attraperas une alors, pour me montrer à quoi ça ressemble !
- Seulement si t'es sage !


Un éclat de rire franc lui répondit avant qu'elle ne se venge d'une salve de chatouilles. La mine grave du colosse se fendit alors d'un fin sourire amusé. Décidément, il n'y avait de plus charmante femme qu'une mère.

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Azylys
Vannes, 21 Février 1464

Elle s'était dit qu'elle reviendrait, et elle était revenue. Quatre mois et demi, c'est là tout le temps qu'il lui avait fallu pour s'aérer l'esprit, loin, bien loin des conflits qui agitaient toujours le bout du monde. Elle avait navigué, remonté toute la Loire, lentement mais sûrement, tenu la barre aussi parfois, malgré son tout petit niveau de navigation. En retrouvant sa petite soeur à l'autre bout du fleuve, la brune avait presque cru remonter le temps. Qu'elle était loin l'époque où le virus du voyage ne l'étreignait pas encore ! Ce n'était pas tant la destination qui comptait, mais davantage les personnes choisies pour l'accompagner sur ce petit bout de route qui la mènerait jusqu'aux confins de l'Europe. Après des jours et des nuits de marche, elle avait découvert la Provence, dont le nom faisait encore briller ses yeux de glace chaque fois qu'elle l'entendait. Elle y avait rencontré des gens formidables, à tel point que ce lieu avait réussi à lui faire oublier Annaell, et Dieu qu'il était dur de tirer un trait sur une telle vicomtesse. Était venue ensuite l'heure de la traversée de la Méditerranée, vers l'Est, vers le faste d'Alexandrie et le désert du promontoire. Traversée ô combien pénible pour une petite Azylys soudain sujette au mal de mer, ou du moins ce qui y ressemblait à première vue. Ensuite il avait fallu se taper l'inverse, le retour vers l'Ouest, dont l'ennui avait été dissipé par les prises miraculeuses des filets de pêche tout neufs. Puis il y avait eu les côtes espagnoles, les dizaines de courriers échangés, l'exploration en solitaire du royaume de Valence, une soirée magique à Játiva. Puis de nouveau la mer, et l'océan, et les côtes bretonnes, qu'elle ne tenait déjà plus tant à revoir.
Curieusement pour une bretonne un mois de Février, la brunette avait le visage et les bras légèrement hâlés, de tant de soleil reflété sur les vagues durant ces longues heures de pêche. Kilian aussi avait pris des couleurs, et grandi d'autant, car les voyages forment la jeunesse, et ce gamin avait commencé les voyages avant même d'être né. Les routes c'était son terrain de jeu, le bateau son lieu de repos préféré. Aventurier bavard et intrépide, sur lequel veillait sans discontinuer un Nathanael encore plus basané qu'à l'ordinaire. Le trio devisait allègrement en quittant le port, lourdement chargé des victuailles qu'ils ramenaient avec eux. Étrangement, Azylys portait régulièrement une main à son bas-ventre, un peu plus proéminent qu'à l'accoutumée, mais qui restait cependant encore bien discret. Il lui avait suffit d'un voyage, semblait-il, pour surmonter ses incertitudes et ses peurs les plus profondes. Aussi avait-elle particulièrement envie d'aller de l'avant. Et si possible, loin de la Bretagne et de ses conflits. Si cette terre lui avait permis de se relever et de se reconstruire, au plus profond d'elle battait la conviction que l'avenir était ailleurs, sur d'autres terres, à explorer d'autres choses. Ainsi elle voulait se lancer dans des études de navigation et de médecine qui l'occuperaient le temps qu'elle devrait rester en Bretagne.


- Ama tu m'apprendras aussi ?
- T'apprendre quoi, mon coeur ?
- Beh ce que tu vas apprendre sur le bateau !
- La navigation ? Bien bien mini-capitaine, je te montrerai dès qu'on repartira.
- Bientôt ?
- Sitôt qu'on sera prêts.
- Mais je suis prêt !


Une main taquine vint décoiffer le petit homme impatient. Avec une bande d'aventuriers pareille, Azylys n'était pas prête de poser ses valises de sitôt. Il le faudrait bien pourtant si elle entreprenait des études, qui étaient toujours longues, chères mais qui à ses yeux en valaient la peine. Pour le moment c'était retour à Vannes, commerce, études, couvaison et repos !
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Azylys
Vannes, 24 Mai 1464

Les mois passaient, peu à peu, et le temps s'effilochait, linéaire et presque monotone. La vie suivait son cours dans la petite demeure bordée par la forêt, rythmée par les cris d'un enfant intrépide, par les silences des longues heures d'étude, par la voix grave d'un garde du corps désireux de remettre un peu d'ordre dans ce joyeux capharnaüm. Les jours se succédaient sans heurts, sans crises, sans peines. Non, décidément, rien ne semblait changer à Vannes.

Rien, sauf un détail auquel le monde alentour faisait bien peu attention : le ventre de la capitaine s'arrondissait, encore et encore, enflant chaque jour davantage, gonflant comme un ballon. D'à peine visible à son retour de voyage, le bidon était devenu bien rond, proéminent, mouvant. Il y avait là dedans une petite lumière de vie qui prenait des forces en attendant le coeur de l'été. Serait-ce un petit provençal ? Ou la vie déciderait-elle de donner une petite soeur à Kilian ?

Nul ne pouvait le savoir pour l'instant, pas même la jeune mère qui s'assoupissait sur son livre de médecine, une main posée sur ce nombril cachottier. L'enfant semblait moins brutal que son aîné, mais que faire d'un tel indice. Toutefois le départ approchait dangereusement, aussi rapidement que la naissance de ce cadet, et cette perspective tracassait la brune. C'est ce qui lui fit prendre la plume quand elle rouvrit l'oeil, poussant ses livres et ses notes. Il y avait des précautions à prendre, et des risques à éviter.




Adishatz Nayelle,

Je me trouve toujours à ce jour en terre bretonne, avec le petit que tu as vu naître et qui ne l'est plus tant. Il a un homme d'arme désormais, pour lui interdire les fugues et le protéger s'il le faut. Mais cet enfant n'est pas la raison de ma missive.

Il se trouve que depuis mon dernier voyage en Provence je porte la vie de nouveau. Je ne le croyais pas possible et tu sais autant que moi que cela tient tout juste du miracle. L'enfant naîtra dans un peu plus de deux mois, si le Très-Haut veille sur lui. Cependant je m'apprête à entamer un long voyage, et il se peut que le bébé naisse en route, au mieux sur la terre ferme, au pire sur un bateau. Non ne dis rien, je me sais peu raisonnable.

Cet enfantement m'effraie autant que le premier, si ce n'est davantage, puisque cette fois j'en connais la teneur, et l'appréhende. J'aimerais que tu me rejoignes à Vannes si tu le peux, et que tu m'accompagnes jusqu'à la naissance du petit. Tu m'as déjà sauvé la vie une fois, je sais que tu peux le refaire une deuxième fois.

En attendant de tes nouvelles,
Azylys


La missive close partit pour le sud de la France, non loin des Pyrénées. Direction un couvent que notre capitaine avait beaucoup fréquenté, il y avait de cela presque quatre ans. Perdue dans ses pensées, la brune n'entendit pas les petits pas de son fils qui vint l'agripper par la manche, puis glisser sa main dans la sienne.

- Ama...dodo.
- Je viens, mon coeur, je viens.
- Vite alors, l'est tard.


La remarque suscita un sourire amusée chez la jeune femme qui se voyait réprimandée par l'Enfant. Les études prenaient du temps, beaucoup de temps, et cela ne plaisait pas toujours à son jeune fils. Elle le suivit donc sans un mot de plus, pour aller se blottir avec lui sous les couvertures et confier sa vie et celle de ses deux enfants aux bras de Morphée.
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Azylys
Vannes, 4 Septembre 1464

L'été s'était installé en Bretagne, et le ballon avait fini par dégonfler un certain 21 Juillet. Au grand étonnement général, tout s'était bien passé, et la petite famille coulait depuis lors des jours heureux. Rien n'avait vraiment changé dans cette petite demeure isolée du vannetais. Azylys passait toujours une grosse partie de son temps le nez dans les livres, et ses deux fils occupaient le reste. Toutefois, depuis quelques jours une agitation nerveuse s'était emparée de la maisonnée et ne semblait pas vouloir retomber. Comme à chaque naissance, et ce par un heureux hasard, la brune était sur le départ. Il semblait que chaque nouvelle étape de sa vie souhaitait être écrite sur une page vierge et en un autre lieu, comme si à chaque petit changement il fallait tout recommencer. En cet après-midi de septembre, la capitaine berçait son cadet, blotti tout contre elle dans un petit cocon de tissu, tandis que l'aîné secondé par son garde du corps finissait la préparations des paquets.

- Tout est prêt ?
- Je pense. Y reste pu rien là haut.
- Merci mon coeur.


Nathanael chargea les derniers effets dans la charrette, puis tout le monde sortit. Azylys ferma la lourde porte à clef et glissa celle-ci à une chaînette qui ornait son cou, l'ajoutant ainsi à la clef toulousaine. La petite main de son aîné glissée dans la sienne, elle mena toute sa petite famille jusqu'au port pour y embarquer les affaires. Elle profita d'un peu de répit avant le grand départ pour monter une dernière fois sur les remparts et contempler avec Kilian l'endroit qui les avait vu grandir tous les deux. Plus rien ne la retenait ici, une poignée de souvenirs qu'elle emportait avec elle, et le sentiment d'avoir vécu ici de bien belles années. Pour une fois, le départ n'était pas une fuite mais un pas vers l'avant, longuement désiré et planifié. Le sourire aux lèvres, Azylys fit ses au revoir au bout du monde. Elle qui était arrivée ici en miettes repartait plus forte que jamais, réparée jusqu'au bout des ongles. Qui sait à quel point ces terres de magie et de mystère avaient transformé sa vie...
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