Azylys
RP fermé, pour les besoins de l'histoire, mais ne vous privez pas de le lire pour autant !
Forêt vannetaise, 31 Mai 1461
- "C'est toujours par hasard qu'on accomplit son destin" Marcel Achard
Une silhouette entre les arbres, des formes féminines, et pourtant un accoutrement presque masculin : des braies, des bottes, une chemise, et même une épée à la ceinture. Des boucles brunes avec lesquelles le vent joue sans cesse, de grands yeux bleus, bleus comme la glace qui commence à fondre, bleus comme l'infini du ciel, bleus comme les petits ruisseaux les jours d'été. Pas bien vieille, la vingtaine passée pourtant, et tout contre elle, un bébé joueur au sourire espiègle, les mêmes yeux, les cheveux un peu plus clairs. C'est tout ce que l'on pouvait distinguer d'eux, et pourtant, c'était déjà beaucoup...
Azylys était pensive, déambulant sans grand but en plein milieu de la forêt vannetaise, revoyant sans cesse toujours les mêmes scènes. Elle jouait sans s'en rendre compte avec un énième pendentif qui était venu se rajouter à son cou, dernière trouvaille de la nourrice qui l'avait élevée. A côté de l'onyx qui datait de Foix, à côté de son anneau de fiançailles ratées qui datait de Toulouse, à côté de la chaîne de son ancien fiancé qui datait de Vannes, il y en avait maintenant un autre, signe d'une nouvelle ère ? Avait-il appartenu à ses parents ? Probable. Et cette petite miette de son passé relançait tout le reste, et voilà que la brune recommençait de nouveau à se poser toutes les questions du monde sur ses origines. Elle ne les avait pas connus, pas vus, jamais. Et ils ne lui avaient jamais manqué, elle ne savait pas ce que c'était, être "fille de". Pourtant elle cherchait encore, des traces, un chemin, une famille. Parce que surtout en Bretagne, c'était pesant, c'était se mettre à la marge des autres, que de n'avoir aucun lien de sang, que de n'avoir personne. Elle avait de l'attention et de l'amour à revendre, et elle ne cessait jamais de tisser des liens du coeur, à défaut de pouvoir en tisser d'autre sorte.
Son fils, Kilian, jouait avec les boucles brunes de sa mère, s'amusant comme il pouvait du haut de ses presque dix mois, attendant sans doute que sa maman daigne de nouveau porter son regard de glace sur lui, lui qui devait être le centre de son monde. Parce que c'était lui, la seule famille de sang qu'elle avait. Parce que c'était lui, le dernier vestige du semblant de famille qu'elle avait naïvement cru former un jour. Parce qu'à défaut d'être fille, parce qu'à défaut d'être femme, elle s'était concentrée sur le fait d'être mère. Alors Kilian avait pris la place, toute la place, et maintenant qu'il commençait à partir à l'aventure de temps en temps, et même s'il restait toujours près de sa mère, il y avait de nouveau un vide désormais. Et une peur viscérale, celle d'être de nouveau seule, face au monde et à ses dangers, seule face à l'avenir. Azylys voulait bâtir, elle était douée pour cela. Bâtir des relations, des projets, avec le sourire comme toujours. Mais aujourd'hui elle ne faisait que penser, remuer le passé et ses ténèbres, peu attentive au monde extérieur.
La vannetaise pensait vraiment ne croiser personne, seule dans ses pensées comme elle l'était trop souvent. Pourtant le destin avait d'autres projets pour elle, auxquels elle ne s'attendait pas, vraiment, vraiment pas...
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