Erwann_de_naueriels
D'Italie à la Bretagne, en passant par les Flandres, l'Empire, le Royaume de France... et le Très-Haut sait où.
- BADEN - LÖRRACH - mars 1463
- D'aussi loin qu'il se souvenait, il n'avait jamais connu sa véritable mère. Il se souvenait vaguement d'une ferme, d'une femme à forte poitrine, sa nourrice, à qui il avait été confié nourrisson, mais jamais il n'avait rencontré celle qui l'avait mise au monde, et il ne savait rien de sa naissance.
Jusque là, il n'avait été qu'Erwann, et n'avait eu de nom de famille. Il était tel un orphelin, parmi tant d'autres, même s'il avait pu constater tout de même, qu'il avait une chance assez incroyable d'être sous la protection du Chevalier. Quand il sortait, rarement cela dit, et qu'il croisait dans les rues de jeunes garçons de son âge, il rencontrait parfois d'autres garçons du même âge que lui, sans parent, qui mendiaient pour survivre. Lui n'avait jamais eu à mendier ni à voler pour manger, avait toujours eu des vêtements corrects, et une éducation qui faisait qu'à son âge, il savait lire, écrire, compter, et ce dans plusieurs langues. Jamais il ne s'était posé la question de savoir qui avait pu l'envoyer où il se trouvait, ni qui pouvaient être ses parents. Sans doute qu'il avait posé la question, mais la question était demeurée sans réponse, et élevé à la dure, il n'avait plus cherché depuis bien longtemps.
Parfois, il avait rêvé que le Chevalier était son père. Cela aurait pu être plausible, du moins pour le jeune garçon qu'il était à six ans. Mais en grandissant, il avait pu constater quelques différences. Déjà, son prénom n'était pas germain, ce qui était étrange. Ensuite, lorsqu'il eu sept ans, et qu'il put commencer son apprentissage, il avait découvert que l'usage de la main gauche lui venait plus naturellement, et il avait fallu toute la patience du Chevalier, et quelques fois, des punitions bien senties, pour qu'il utilisa sa main droite. A douze ans, il maitrisait, et pouvait s'entraîner des heures à l'épée, qui lui plaisait bien plus que la plume. Guerrier dans l'âme, il soupirait à l'approche des heures de prières, pas vraiment un contemplatif, il fourmillait d'idées plus stupides les unes que les autres, telles que de s'échapper juste avant une leçon de latin ou de françois, voire d'anglois pour aller siester dans le verger, ou encore de prétendre que le cheval avait mangé son devoir... Pourtant, Fagnard avait fini par réussir à lui inculquer ce qui lui paraissait être le minimum, et qui pour le jeune Erwann était des informations inutiles. Savoir se servir d'une épée oui, apprendre le latin non.
Mais ce matin-là donc, ce fut LA révélation.
Le nom de sa mère, chez qui le Chevalier Teuton l'envoyait :
- Niwiel de Castel Volturno,
Vicomtesse d'Alost,
Dame de Zoutenaaie,
Chancelière des Flandres.
Et voilà... Il était l'heure pour lui de quitter son protecteur. Depuis toujours ou presque, il vivait dans l'ombre des Teutoniques. Son protecteur, ancien Ritter de l'Ordre, l'avait recueilli, formé, et ce jour, alors qu'il avait atteint ses quatorze printemps, il devait regagner la demeure matriarcale. Rapidement, il lui avait exposé d'où il venait. Pas vraiment besoin d'imaginer de grandes envolées lyriques, ou une prose dithyrambique ! Les paroles de l'ancien Ritter étaient chiches.
Cela avait été bref, un coup de massue n'aurait pas fait un plus gros choc.
Mais du Markgrafschaft de Baden à Tournai dans les Flandres, cela faisait tout de même une petite trotte. Le jeune homme reste coi, sous le choc de la révélation. Cependant, alors qu'habituellement, son caractère bien trempé faisait qu'il rechignait à obéïr, il s'inclina dans un salut militaire parfait. Pas d'accolade, pas de chaleur humaine, mais un respect pour cet homme, qu'il ne connait que peu et qui a été son précepteur jusqu'alors.
Quelques jours plus tard, il prenait la route, pour aller rencontrer sa mère, cette femme qui l'avait mis au monde...