Erwann_de_naueriels
- FLANDRES - ALOST- mars 1463
- Il n'avait aucunement conscience de ressembler trait pour trait à son père. Erwann tenait de sa mère une peau un peu plus hâlée que la majorité des germains, et le regard de l'italienne lui semblait être son reflet.
Lorsqu'elle lui assène qu'aucune femme ne peut vouloir la mort d'un enfant, il reste de marbre, songeant qu'il est une épine dans le pied de cette femme, et qu'il est vraiment temps pour lui de prendre congé.
Apprendre la vie ? Elle s'est chargée de m'éduquer. Votre présence ne me manque pas, Vicomtesse. Ce que vous prenez pour un manque d'éducation n'est sans doute que le reflet de vos souhaits maternels. Ils n'ont pas lieu d'être, et vous le savez. Quant à mon expérience, elle a fait de moi ce que vous découvrez.
Il l'observe, un faible sourire sur les lèvres, complètement indifférent à la douleur que sa génitrice peut ressentir.
C'est un peu tard pour vos regrets, même si vous prétendez ne pas en avoir.
Intuitif, et surtout très observateur, parce que dans le monde où il a été éduqué, il le fallait bien, il remarque les yeux humides. Ses camarades n'étaient pas des tendres et lui non plus, par la force des choses, il a acquis une froideur qui lui sert de carapace en cet instant, et dans laquelle il se mure, comme l'on enfile un vêtement confortable qu'on apprécie.
Cependant, il faut croire que sa génitrice n'est pas disposée à le laisser partir. Restant de marbre, il l'écoute, et la regarde sortir, se retrouvant seul dans le bureau, avec des mots qui raisonnent dans sa tête : " Demain au déjeuné, nous reparlerons et je vous donnerai ce que vous voudrez." La nuit était loin de tomber à ce qu'il constatait par la fenêtre, mais sans doute voulait-elle s'isoler. Il incline courtoisement la tête, et va vers la fenêtre, debout, les mains dans le dos, observant le jardin.
Lorsque le domestique revient, il se tourne, le regard un peu perdu, dans ses pensées, et le suit.
Je vous remercie Etienne. Pourriez-vous me faire porter une collation ? Je ne resterai que peu. Demain, après mon entrevue avec la Vicomtesse, je prendrai la route.
Posant son maigre baluchon qu'il traine partout avec lui, il le dépose sur un coffre, et se défait de son épée qui le rejoint.
Avant de partir, Etienne, sauriez-vous me dire où se trouve la chapelle ? J'imagine que le Domaine en est pourvu. J'aimerais me recueillir.
Se retrouvant dans une salle petite, sombre, ne contenant qu'un Prie-Dieu, il fronce les sourcils, et se retourne vers le domestique, il faut croire qu'il abuse un peu.
Je retournerai à la chambre que vous avez fait préparer. J'y prendrai ma collation s'il vous plait.
Puis il s'agenouille, joignant les mains, regardant ce qui sert d'autel surmonté d'une croix, priant à mi-voix, récitant ses prières, avant de remercier le Très-Haut, toujours murmurant.
Dieu Très-Haut, merci d'avoir conduit mes pas jusqu'ici. Pardonnez ma fougue et donnez-moi la patience. Cette femme détient mon avenir entre ses mains... Aidez-moi à lui pardonner. Je n'y arrive pas, Très-Haut. Vous qui savez tout, je vous en supplie, aidez-moi.
De nouveau, il récite une prière, puis se signe et se relève et regagne la chambre qui lui a été désignée. La collation est imposante, bien trop pour ce qu'il voudrait. Il n'a pas vraiment d'appétit après cette première entrevue avec sa génitrice. Après un signe de croix et avoir grignoté un peu, il se dirige vers la fenêtre, l'ouvre et posant ses avant-bras sur le rebord, regarde l'extérieur. Les jardins sont beaux, et les membres de la maisonnée semblent plutôt bien traités se dit-il en entendant des rires. Regardant d'où ils proviennent, il découvre deux jeunes filles qui gloussent en le regardant. Soupirant, il se redresse, et les chasse de son esprit. Son éducation fait qu'il craint plus ce genre de rencontres que la mort. Se redressant, il ferme la fenêtre, et va s'allonger sur le lit.
Son esprit vagabonde. Il revoit la commanderie, les visages de ses compagnons, et celui du Chevalier Fagnard. Le regard perçu est le même que lorsqu'il osait sortir en cachette, et qu'il se faisait attrapé. Sans doute sa conscience qui parle. Se relevant, il se met dans le bout du lit, et s'agenouille, bras le long du corps, fermant les yeux. Sans doute qu'il ne devrait pas parler ainsi à celle qui l'a mis au monde. Pourtant, c'est plus fort que lui... Il n'arrive pas à lui pardonner. De nouveau, il adresse une prière in peto, une supplique au Très-Haut. Demain, il ne refera pas l'erreur, il se montrera plus courtois. Cette décision prise, il se relève, et retire ses vêtements pour se mettre au lit. La route a été longue, et cette rencontre fut intense. Bien qu'il semble être sûr de lui-même, il y a laissé des forces, certes pas physiquement, mais mentalement.
Le Lendemain matin, il se lève de bonne heure, mâtines sonnent à peine que déjà, il s'habille. La maisonnée se réveille en douceur. Seuls quelques bruits à peine perceptibles se font entendre lorsqu'il ouvre la porte. Se dirigeant au son, il débouche sur les communs, et salue d'un signe de tête.
Bonjour. Etienne, pourriez-vous me dire vers quelle heure, la maîtresse de maison prend son déjeuner, et me faire porter de quoi me sustenter d'ici-là ? Je serai dans la chambre où j'ai séjourné.
Retournant sur ses pas, il retourne à sa chambre, où il rédige une lettre pour le Ritter Fagnard. La relisant, il soupire. Certes, sa mère ne lui a rien donné pour le moment, mais dans cette lettre, il laisse transparaître de l'espoir qu'il est loin d'éprouver. Il se demande bien ce qu'il fera si sa génitrice ne lui donne pas au moins un indice pour trouver celui qui l'a engendré. Lorsqu'on frappe à sa porte, il répond d'un simple mot : Entrez. et plie prestement la lettre, avant de sourire, se doutant que l'homme ne parle sans doute pourtant pas un traitre mot d'allemand. Rapidement, il y écrit le nom du Ritter et celui de la commanderie de Lörrach, puis il le remercie de la collation matinale et lui tend le document. Pourriez-vous faire parvenir ceci à la commanderie Teutonique la plus proche ? Ils sauront faire suivre à qui de droit. L'écoutant ensuite vanter les qualités du domaine, d'où le pain provient, le moulin et les autres possessions de la Vicomtesse, le jeune Erwann réalise que l'homme n'a pas la moindre idée de qui il est. Les simples mots de "commanderie" et l'évocation de l'Ordre semble avoir suffit à lui délier la langue. Tout en l'écoutant, Erwann grignote de nouveau après s'être signé. L'appétit n'est pas revenu, et il est anxieux. Pourtant il lui faut manger. Reposant son bol de tisane, il regarde Etienne.
Merci Etienne. Veuillez me conduire près de la Vicomtesse je vous prie.
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