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Je savoure un tailleur et je rencontre un gâteau

Elias_romanov
Elias finit par sentir Eliance se détendre dans ses bras et elle soupira. Il ne savait pas trop quoi penser de tout cela, mais il était certain que la jeune femme n’avait pas appris à vivre autant qu’elle le voulait. Ou plutôt, comme elle le voulait. Le tailleur lissa les mèches de cheveux folles qui encadraient le visage de la jeune femme. Elle demanda alors pardon, à voix basse, l’étreignant contre elle. Il s’écoula un bref instant, avant qu’il ne réponde avec une parfaite sincérité.

Ce n’est rien.

Elias dramatisait rarement les choses. C’est d’ailleurs ce trait de caractère qui lui fit avoir ce trait d’humour totalement déplacé en la circonstance, mais qui lui paraissait l’évidence même à formuler pour détendre l’atmosphère. Et ce fut dit avec ce ton tout à fait sérieux dont il était coutumier.

Généralement, les dames prennent peur un peu plus tard avec moi.

Il était inutile d’être plus précis, la plaisanterie était odieusement salace après tout. Après, il y avait toujours le risque que la jeune femme ne comprenne pas celle-ci. Néanmoins il ne put s’empêcher d’avoir ce sourire fin, qui démentait le sérieux de la chose.
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Eliance
Les gestes doux du tailleur, cette main qui vient effleurer les mèches ambrées, la voix posée et grave qui sort de la gorge eliascesque... Cette présence, simple et sans complexe qu'il lui offre, est des plus agréables. Eliance a fermé les yeux, épuisée par la journée, par la soirée, par la crise. Elle les a fermé pour mieux apprécier le silence. Pour mieux l'entendre, aussi. Mieux écouter la respiration du jeune homme, le timbre de sa voix, le crépitement des braises. Le silence s'écoute, oui. Voilà une des rares compétences acquises dans son enfance solitaire. Eliance sait écouter le silence. Elle le chérie parfois. La voix d'Elias ne brise pas cette tranquillité. Elle s'y fond de manière naturelle. Le coin de ses lèvres s'étire alors que ses pommettes mettent du rouge au visage devenu livide par la crise. Doucement. Discrètement.

Eliance ne perçoit pas la phrase suivante comme son créateur. Eliance est naïve. Eliance entend seulement par là qu'il est beau. Que moult femmes lui tombent dans les bras. Et que, sans doute, sont-elles toutes effrayées par quelque trait de caractère encore inconnu à la Meringue qui se révèle au petit matin, avec le nouveau jour. Si Eliance avait compris le sens initial, nul doute qu'elle aurait rougi, bafouillé, eu affreusement honte. Mais si elle avait compris, elle ne serait pas Eliance. Elle ne serait plus la Meringue manquant de cuisson.

La jeune femme ouvre les yeux, finalement. Juste assez pour apercevoir le sourire russe qu'elle juge empreint de satisfaction. Juste assez pour s'imaginer le succès du tailleur amené à fréquenter les dames de la noblesse. Juste assez pour avoir la très nette impression de n'être qu'une de plus tombée dans ses filets. Juste assez pour se sentir la pire des cruches. Alors son sourire s'estompe. Alors, elle s'extirpe de ses bras et se redresse, le visage crispé pour éviter toute preuve de cette souffrance musculaire. Et assise, là, le dos ne se tient pas beaucoup. Il se fait bombé. Le regard fuyant est accueilli par le lit de couvertures.


J'te fais perdre ton temps.
J'vais partir.


Mots aussitôt dits, aussitôt regrettés. Eliance le sait. Elle n'est pas en état de marcher. Mais qu'importe. Elle l'a dit. Elle se tiendra aux murs s'il le faut, finira sous le porche d'une maison ou se traînant dans les ruelles. Mais elle ne supporte pas cette sensation qui l'envahi et la fait devenir comme ces femmes qu'elle déteste. Ces femmes à la morale et au jupon légers. Elle finit par lever lentement son regard marron et mélancolique sur Elias. Elle l'a déçue. Elle en est sûre. Il aurait préférer passer la soirée avec une vraie femme. Et cette déception commence à inonder ses pupilles alors que chaque battement de cils tente de la faire disparaître.
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Elias_romanov
La plaisanterie tomba à plat. Ce n'était pas inhabituel pour Elias, mais il fut contrarié de constater que cela avait blessé la jeune femme. Une brève expression d'incompréhension passa dans son regard quand Eliance dit qu'elle lui faisait perdre son temps. Il secoua la tête, avec un sourire bienveillant.

Laisse-moi juge de cela.
Et tu te trompes.


Elle formula alors l'envie de partir, mais la nuit était bien avancée déjà, et une femme seule dans les rues de Paris, c'était un appel au crime. Tout en contemplant brièvement le noir à travers la vitre, il répondit :

Hmm...
Je te raccompagne alors.


La formulation était subtile, il ne laissait pas vraiment le choix à la jeune femme. Il reporta de nouveau son regard vers Eliance, qui ne semblait pas vraiment dans son assiette. Après une brève réflexion, il ajouta :

Il y a un lit en haut, tu peux l'utiliser. Les choses sont mieux au matin.

Il ne prit pas la peine de préciser que lui resterait ici, et qu'il passerait un arrangement avec les couvertures, les coussins, et la bouteille de mirabelle.
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Eliance
Les paroles sont rassurantes. Il sait causer aux femmes. Forcément, si il a l'habitude d'en changer tous les soirs ! Eliance est en boucle sur cette idée fixe. Elle imagine Elias en homme à femmes, comme son Diego, mais en pire – si on peut faire pire que coucher avec sa sœur, sa meilleure amie et les amies de sa femme... Elle voit dans son sourire discret une preuve du mystère qui fait craquer les donzelles. Dans ses gestes la douceur qui les séduit. Dans sa bonne humeur ce qui les endort et les fiche dans son lit. Son Colin, coureur de jupons... c'est juste catastrophique.

Mais... ça raccompagne, les coureurs de jupons ? Non... sérieusement... Eliance s'interroge réellement sur le sujet. Est-ce qu'un type amoureux du corps des femmes irait se cailler les miches à traverser tout Paris pour en raccompagner une chez elle qu'il aurait même pas touché ? Peu probable. À la rigueur, un coureur propose vaguement de raccompagner, mais il impose pas. Si ? Non ? Voilà. C'est le bordel dans la caboche ménudiérienne. Coureur ? pas coureur ? Colin ? pas Colin ? La fatigue n'aide certainement pas à ce que les idées d'Eliance s'éclaircissent de manière logique.

La proposition d'Elias la sort de ses tortueux doutes. Dormir ici... Elle est là, la solution. Cet homme est une merveille. Et peut-être un peu coureur. Mais rien à faire. L'idée de ne pas avoir à se tenir aux murs pour rentrer ou à s'accrocher à un tailleur est un réel soulagement. Eliance accueille l'idée d'un sourire discret mais rassuré. Ses traits se sont un peu détendus. Elle ne songe plus à l'Elias dragueur de ses dames. En un dixième de seconde, elle ne voit plus que le gentil Elias.


J'veux bien, oui... dormir ici... s'tu veux bien.

L’œil marron a effleuré les couvertures alentour. Ça ne sera pas la dernière fois qu'elle dort par terre et sans doute pas la dernière. D'ailleurs, elle réclamera autant de coussins à Atro, la prochaine fois qu'elle s'invite à son coin de cheminée pour déserter le domicile conjugal. Ça a l'air bien plus confortable que seulement la couverture que la Teigne lui fournit.

Garde le lit pour toi. J's'rais bien, ici, moi.

Refuser que quelqu'un cède son lit pour lui laisser la place est quelque chose d'inconditionnel pour Eliance. Mais le second motif est la distance avec le lit... l'étage... Bien trop loin pour ses jambes affaiblies par la crise. Près du feu, elle y est déjà. Elle n'aura pas à bouger. Un nouveau sourire est adressé au jeune russe. Un plus grand, plus franc, plus sincère. Elle aimerait sentir ses bras encore autour d'elle. Mais à présent, la chose lui semble si complexe, si lointaine. Elle n'ose pas.

Merci, Elias.
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Elias_romanov
Elias fut rassuré de ne pas avoir à traverser Paris. Parfois certaines de ses affaires l'amenaient à s'aventurer dans des quartiers peu accueillants, mais il prenait toujours garde dans ces moments-là à ne pas paraitre comme une proie.

Et trimballer une Eliance épuisée et dans tous ses états ne rentrait pas dans ses critères de promenade nocturne.


Je préfère aussi.

Quand Eliance refusa de prendre son lit, le russe ne sut pas vraiment l'interpreter. Il se contenta de l'un de ses sempiternels :

Hmm...

... qui signifiait probablement qu'il cédait au caprice de la journaliste. Finalement elle sembla plus sereine, plus souriante. La soirée avait été bien chaotique, même pour Elias et il n'était pas contre un peu de repos non plus de son côté. Et pourtant il regrettait de la quitter, cette demoiselle aux fleurs en tissu vraiment déroutante.

Il décida de se permettre une chose, avant de la quitter pour la laisser dormir. Parce qu'il en avait envie, et qu'il espérait ne pas être repoussé. Il se pencha ainsi vers Eliance et déposa un baiser sur sa joue.
Disons plutôt sa joue et le coin de sa bouche. Un baiser un peu chaste, mais qui ne l'était pas tant que cela. Un peu insaisissable finalement, comme pouvait l'être le tailleur.

Mais surtout, il ne s'autorisa rien de plus, pour ne pas effrayer la jeune femme. Une fois, ceci fait, son visage encore près de celui d'Eliance, il murmura quelques mots :


Bonne nuit Eliance.
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Eliance
C'est avec soulagement que Eliance se voit accorder l'autorisation de ne pas bouger son séant et de dormir, là, dans les couvertures installées devant l'âtre encore chaud et fumant. Si la chose n'est pas exprimée de manière claire et précise, le tailleur n'a pas dit non. Et c'est connu, qui ne dit mot consent. Ce sera donc un oui.

Alors que la Meringue débute sa précaire installation en tirant une couverture sur ses jambes, le drame se produit. Elias se penche, dépose un baiser mi-figue mi-raisin à son coin de bouche et lui susurre un « bonne nuit » des plus déstabilisant. Drame pour ses joues qui rougissent atrocement. Drame pour ce sourire niais et gêné qui viole ses lèvres. Drame pour la conscience qui, à cet instant précis, se rend compte de la mouise noire dans laquelle elle vient de s'engouffrer. Drame pour ces instants bien trop agréables.

Elle a clos ses paupières. Seulement le temps de sentir les lèvres à peine effleurer sa peau, seulement le temps de le sentir tout près d'elle, le temps d'emmagasiner cette proximité pour la nuit. Quand elle les rouvre, c'est parce que sa bouche s'est mise en tête de parler.


Elias... tu veux pas...

Le jeune homme n'est plus tout contre elle. Il s'est relevé. Il s'est écarté. Les mots étaient un murmure. Peut-être n'entendra-t-il pas. Peut-être fera-t-il mine de ne pas entendre. Peut-être est-ce mieux ainsi. Toujours est-il que les yeux marrons glissent sur le dos du russe, se posant mille et une questions.

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Elias_romanov
Alors qu'il allait la laisser pour dormir, il entendit le murmure d'Eliance. Elias avait espéré qu'elle le retienne. Ce n'était pas très raisonnable, il le savait, tout comme elle. Mais cette soirée l'avait-elle été finalement ?

Il se retourna vers elle, pour avoir l'esquisse d'un sourire. Finalement, il répondit :


Pourquoi pas.

Ainsi le tailleur s'allongea, à côté de la jeune femme. Il aurait aimé la prendre dans ses bras, mais il préférait qu'elle ait l'initiative de ce genre de rapprochement.
Elias prit une couverture, et la rabattit sur eux.

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Eliance
Mais sors de ma tête ! Eliance pourrait penser ça, alors que le russe dépiaute sa cervelle allègrement. Ces deux-là se comprennent mieux dans les silences que dans les mots. Ça étonne encore la Meringue qui regarde le russe se coucher à ses côtés avec un air tout autant surpris que discrètement satisfait. Finalement, cette compréhension étrange est appréciable. Disons que Eliance aime ne pas avoir à prononcer certaines choses à haute voix. Celles qui la gêneraient dans les mots, de par sa pudeur extrême. Alors non, elle ne souhaite pas que la tailleur arrête de triturer son cervelas. Elle veut qu'il sache tout d'elle.

Et comme pour facilité son farfouillage de caboche, elle se tourne sur le côté, vers lui, et vient glisser son visage tout contre son épaule, blottie en boule à la manière d'un chat, le nez appuyé contre la chemise russe, les jambes recroquevillée contre son ventre. Là, elle peut fermer les yeux. Elle peut le laisser entrer dans ses rêves. Elle peut être bien.

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Elias_romanov
Eliance se rapprocha, se blottissant contre lui. Le tailleur se positionna pour être le plus confortable possible, et son bras vint enlacer les épaules d'Eliance, pour la garder contre lui.

Le jeune homme ne savait plus vraiment quoi penser, certaines choses étaient évidentes avec elle, et l'instant d'après il ne comprenait plus rien.
Il finit par se détendre, après avoir lissé quelques mèches de la jeune femme qui s'obstinaient à vouloir lui chatouiller le nez, et regarda le plafond, cherchant le sommeil.

Mais non, il n'y avait pas autant d'araignées que cela à son plafond !

Et si la jeune femme ne se transformait pas en zébulon dans son sommeil, il s'endormirait, jusqu'au matin. La nuit serait courte.

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Eliance
Elle est bien, là, sous les épaisses couvertures, devant l'âtre encore chaud et dans les bras d'Elias. Si la fatigue n'était pas telle, elle n'aurait pas réussi à fermer un œil. Elle aurait cogité, culpabilisé, pensé à Diego, à son honneur. Mais tout dans cette pièce semble mis en oeuvre pour la bercer. Il faut peu de temps à Eliance pour s'endormir, ainsi rassurée. Peu de temps aussi pour qu'un délicieux mais non moins sonore petit ronflement rompe le silence nocturne.

Mais rien ne la réveille. Elle récupère enfin. La crise l'a fatiguée. Mais elle dort aussi très mal, seule. Ça a toujours été le cas. Depuis qu'elle a fui de chez son premier mari, la solitude nocturne lui pèse. Elle a besoin que quelqu'un surveille son sommeil pour que ce dernier soit réparateur. C'est ainsi qu'elle a dormi aux côtés de son frère. Ainsi qu'elle a dormi avec Louis, quand il était bébé et elle au bord de la falaise. Ainsi qu'elle dort profondément contre Elias, après plusieurs nuits solitaire dans sa chambre occupée près du journal.

Elle dort. Bien. Et quand elle se réveille, c'est parce que le petit jour lui lèche doucement la joue. Au premier coup d’œil, elle panique. Dans des bras, oui, mais pas ceux de Diego ! Rapidement, la réalité lui revient. Colin... Elias... la robe... la soirée... Elle observe le visage du tailleur dépourvu de la lueur grise. Elle l'observe un instant avant de se mettre à angoisser de l'instant où il va se réveiller. Quoi dire ? quoi faire ? Tout devient compliqué. Alors Eliance s'extirpe lentement des bras du russe, laisse la couverture à terre et se lève, non sans s'étirer de tout son long. Un dernier coup d’œil à l'homme et elle va chercher sa pèlerine accrochée à la patère qu'elle s'empresse de hisser sur ses épaules.

Son regard revient toujours à l'endormi. Partir comme une voleuse... ça lui ressemble, oui. Mais elle craint que Elias ne le prenne mal. Qu'il ne comprenne pas qu'elle ne sait pas dire au revoir. Alors elle griffonne sur un coin de papier avec son crayon à plomb qui ne quitte jamais sa bourse. Un mot. Un seul.


Citation:

    Merci


Elle vient poser le bout de papier sur la couverture, près du jeune homme. Un regard. Encore un sur lui. Et, cédant à une pulsion inconnue, elle se penche un peu plus pour venir effleurer la joue masculine de ses lèvres.
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Elias_romanov
Non Elias ne ronflait pas. Ceci était une odieuse tentative de décrédibilisation de notre héros, qui ne resterait probablement pas impunie dans l'avenir !

Par chance, ou malchance selon le point de vue, le tailleur ne se réveilla pas au baiser léger d'Eliance sur sa joue. Si le jeune homme avait toujours une mine sérieuse en journée, il semblait y avoir une certaine gravité dans son visage, révélée par le sommeil.

Plus tard, Elias se réveilla. Il lui fallut un moment pour comprendre aussi comment il s'était retrouvé à dormir là, et il constata alors que l'oiseau s'était envolé, non sans avoir laissé un mot. Bref d'ailleurs. Trop pour savoir quoi faire dans l'avenir la concernant.

Le tailleur pensa alors que son voyage en Franche Comté l'aiderait probablement à voir plus clair, et peut-être qu'aller en Savoie pourrait être aussi catastrophique que l'inverse. Mais seul l'avenir le lui dirait.

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Eliance
Non, Elias ne ronfle pas. Mais il aurait pu. Par contre, Eliance si. Et pas qu'un peu. Atro lui a bien balancé cette vérité, un jour, après que la roussi-blonde a dormi chez elle, mais il y a certaines réalités plus difficiles à entendre et à accepter que d'autres. N'allez pas imaginer non plus un ronflement du genre qui fasse trembler les murs et qui réveille les chauve-souris. Celui d'Eliance est proche du ronronnement félin, doux et légèrement sonore. On est d'accord, ça n'enlève rien à la notion insupportable de la chose. Ça l'atténue un poil, disons.

Eliance marche. Elle a refermé la porte doucement derrière elle. Elle s'est enroulée comme il faut dans sa cape et elle s'est mise à marcher. La direction prise n'est pas franchement réfléchie. Il est tôt. Les rues sont calmes. Les soiffards endormis. Les travailleurs levés. Et elle, elle marche. Pour mieux réfléchir. Pour mieux digérer. C'est qu'il y a eu du lourd, en terme de trucs à digérer. Le gâteau n'est pas remis en cause. Il était délicieux. Mais le reste laisse un goût étrange à la Meringue. Elle regrette une chose. Le mot. Elle aurait dû écrire d'autres choses. Peut-être son nom. Peut-être un « à bientôt ». Peut-être...

Le froid emprisonne les morceaux de Meringue apparents. Ainsi, le nez se congèle, devient rosé. Ainsi, les doigts se voient contraints à s'engouffrer sous le tissu en laine. Et puis, elle a arrêté sa déambulation matinale, d'un coup. Son seul regret réside en ce bout de papier incomplet. Elle a fait demi-tour. Le pas se fait plus rapide. Les murs des maisons défilent à ses côtés et là où elle s'arrête est un endroit bien connu. Revenir sur ses pas peut sembler stupide. Être là lui semble stupide. Elle hésite. Seule la largeur de la rue la sépare de la porte. La sépare du tailleur. Elle hésite. Traversera la rue ? Traversera pas ? Frappera à la porte ? Frappera pas ?

Elle est là, appuyée contre le mur d'en face, à regarder fixement cette porte.

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Elias_romanov
Au bout d'un moment, Eliance constata qu'il y avait quelqu'un devant elle. Si elle mit un moment à le voir, c'est bien parce qu'il était petit.
C'était le garçon des rues de la veille, celui qui avait amené le paquet à l'AAP. Il désigna Eliance du doigt, même si c'était très malpoli.


Té, j'te reconnais toi !


Et le poulbot de beugler à travers la petite rue de paris, en direction de l'échoppe du tailleur :

Maitre Elias, ya vot' dame là !

Niveau discrétion, on repassera.

A l'intérieur du petit atelier, le jeune homme s'était préparé pour la nouvelle journée, et était en train de ranger coussins et couvertures, pour faire place nette.

Il entendit alors Bastien (puisque c'était le nom du garnement) hurler son nom et un truc incompréhensible ensuite. Le jeune homme se pinça l'arête du nez entre deux doigts, murmurant quelques mots en russe signifiant probablement tout le bien qu'il pensait du marmot.

Il finit par se diriger vers la porte, l'ouvrir, et ...

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Eliance
... vinguette...

Dans ses pensées, Eliance n'a pas vu le minuscule truc devant elle, non. Et quand il lui cause, elle ne percute pas plus. La technique est connue... Le garnement fait mine de connaître quelqu'un, cherche à l'embrouiller pendant qu'un autre lui fait la bourse. Celui-là est seul, certes, mais la Meringue prend pas franchement garde à la possibilité que ce morveux puisse être son livreur de robe empaquetée. Et puis, sa bourse est légère. Alors elle s'inquiète pas. Elle reste appuyée sur son mur, sa caboche envahie par mille questions.

C'est quand il se met à beugler en appelant Elias qu'elle comprend. On a jamais dit qu'elle a l'esprit vif, la Meringue et ça se confirme ce jour. Elle a à peine le temps de murmurer son traditionnel « vinguette », qu'elle voit apparaître Maître Elias sur le pas de sa porte perché. Qui de lui ou d'elle tire la meilleure tronche d'ahuri ? Le concours est ouvert. Eliance a les yeux écarquillés, les sourcils se haussent un peu, tandis que le cou avance. Elle n'en croit pas ses yeux. Ni ses oreilles. Se faire griller la discrétion par un morveux puant... la belle affaire... Elle ne bouge toujours pas de son mur, prise de cours, paralysée par la situation anodine et inédite. Seul l'air glacé et nuageux qui sort de sa bouche entrouverte prouve qu'elle n'est pas statue. Son nez rosé, aussi. C'est dur à faire, cette couleur, sur une statue.

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Elias_romanov
Elias eut un temps d'arrêt, sur le pas de sa porte, puis finalement il répondit au gamin, lui adressant un regard paternaliste.

Merci Bastien, file maintenant.

Le morveux demanda pas son reste et prit la poudre d'escampette. Elias regarda alors Eliance, restée immobile de l'autre côté de la rue, et finalement il franchit la distance entre eux, se retrouvant à quelques centimètres seulement de la jeune femme.

Il murmura quelques mots :


Eliance, soit tu rentres à l'intérieur, soit je te raccompagne.

Visiblement le tailleur voulait qu'elle fasse un choix.

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