Elias_romanov Le soleil était bas dans le ciel, quand Elias lut la réponse. Les jours sécoulaient imperturbablement, et le tailleur avait réussi à avoir quelques commandes pour gagner quoi payer lauberge et mettre de côté pour repartir et rejoindre sa sur. Il avait envisagé un instant de se rendre en Savoie, avant de se dire que cétait idiot. Elle était là-bas, avec son mari, ses amis, et peut-être se faisait-il des idées, après tout.
Alors quaurait-il fait, après être arrivé là-bas, et sêtre rendu compte quil sétait fourvoyé, quelle nétait peut-être pas si engeôlée que cela, et que ses amis étaient juste des agitateurs irresponsables ? Ridicule, cela aurait été ridicule.
La Baba Yaga en lui murmura quelle était comme toutes les autres, à chercher le frisson avant de rentrer sagement auprès de sa famille, laissant le tailleur russe à ses rubans et ses tissus.
La lettre fut plus longue, il mit longtemps à lécrire, sappliquant pour écrire correctement.
Citation:Eliance,
Voici un conte, peut-être le liras-tu au coin dun feu, avec un gâteau, en pensant à ce soir-là.
Un jour, la Baba Yaga captura une grenouille, cétait un mets délicieux, mais les grenouilles naimaient pas quon les plonge dans leau bouillante, puisquelles sautaient aussitôt du chaudron. La Baba Yaga décida de tester autre chose, et mit la grenouille dans de leau fraiche. « Tu seras bien là, petite grenouille. » La grenouille ne se sentant pas en danger, elle resta là. Puis la Baba Yaga mit le chaudron sur le feu, et leau commença à monter en température. La grenouille était bien, leau était agréable, et elle se détendit. Puis leau devint de plus en plus chaude, cela devenait inconfortable, mais vivable.
Finalement, leau fut presque bouillante. Lorsque la grenouille voulut sauter hors du chaudron, il était déjà trop tard, et elle fut ébouillantée. Et la Baba Yaga la mangea.
Je ny étais pas, mais on ma raconté.
Concernant le gâteau parisien, la seule chose qui minquiète, cest quil ne veuille pas que je le mange. Il agit parfois très bizarrement. Peut-être veut-il simplement dun prince qui lui raconte des histoires, quand le Drac nest pas là. Peut-être que cest pour cela quil ne lutte pas contre le vent.
Et peut-être que le prince imagine finalement lui-même un conte, pour changer la réalité.
Elias
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Eliance - M'dame Corellio ?
Le jeune homme a laissé la porte de l'auberge ouverte et vient tendre un pli à la roussi-blonde qui s'est retournée à l'appel. Le froid s'engouffre sans vergogne dans la pièce quasiment vide de clients. Sans un mot de plus, la lettre est donnée en échange de quelques piécettes. Eliance est pressée qu'il reparte. Qu'il referme la porte. Qu'elle puisse lire en paix. Lui aussi est pressé. Sitôt fini la distribution, il peut vaquer à ses occupations favorites. Soit traîner avec ses postes autour d'une bouteille pour aller ensuite draguer de la donzelle au marché. La porte est à peine claquée que Eliance a déjà déplié le papier.
Les lettres sont peu nombreuses. Alors, sans même en avoir la certitude, elle imagine qui en est l'auteur. Le sourire lui monte aux lèvres quand elle découvre l'écriture inimitable. Au dernier mot lu, les yeux ménudiériens remontent sur le premier et la lecture recommence ainsi plusieurs fois. Le plaisir doit prendre son temps. Et puis, elle doit s'imprégner de chaque mot, de chaque sens, de chaque silence.
Citation:
Elias,
Le conte de la grenouille est joli. La grenouille a su insuffler un souffle de compassion à la Baba Yaga et elle est morte presque sans avoir peur et sans souffrir. Je sais que la plupart des gens doivent trouver la grenouille idiote. Je vois seulement qu'elle a su tirer d'une méchante femme le meilleur qu'elle ait eu en elle. C'est une belle mort. Une mort utile. La Baba Yaga sera peut-être moins cruelle, après ça, avec les autres grenouilles. Je crois que la grenouille doit être contente d'avoir servi à ça.
Parmi les gâteaux, il y en a de très différents, tu sais. Il y a ceux qui ne paient pas de mine mais qui sont exquis en bouche, et ceux qui paraissent délicieux mais qui laissent un goût âpre et désagréable sur la langue. Ceux-là ne se révèlent pas si goûteux que ça. Ils sont fades, insipides. Certains se savent ainsi, à l'apparence trompeuse. C'est peut-être pour ça que le gâteau parisien se retient avec le petit prince. Il ne veut pas voir la déception sur son visage. Il se sait anodin et incapable de combler les papilles d'un petit prince. Il sait que le petit prince mérite un gâteau bien meilleur.
Le gâteau parisien a lutté, contre le vent, tu sais. Bien des fois. Mais le vent est toujours plus fort. Il le rattrape et le rejette en arrière. Et le goût pas terrible du gâteau reste inchangé. Alors le gâteau sait pas très bien ce qu'il doit faire. Il rêve de choses mais sait que la réalité est tout autre. Quand il a vu le petit prince pour la première fois à la boulangerie, il s'est senti tout bizarre. C'est comme si le petit prince était déjà venu. De nombreuses fois. Mais d'un autre côté, il y a le boulanger. Celui qui l'a moulé et fait gonfler dans le four. Il a pris soin du gâteau, l'a mis en avant sur la plus belle étagère. Et maintenant que le boulanger est malade, le gâteau doit être là.
Le gâteau voudrait bien des choses. Il ne sait seulement pas comment faire.
Le gâteau voudrait tellement être un autre. Et puis oublier.
Eliance
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Eliance Comment ne pas douter de tout et de rien quand on ne se connaît pas soi-même ?
Plusieurs jours sans Diego. Plusieurs jours sans les jumeaux. Plusieurs jours à se peler les arpions dans la cambrousse encore enneigée savoyarde. Plusieurs jours à réfléchir, à avoir peur de n'importe quel bruit de feuilles foulées par la moindre bestiole environnante. Plusieurs jours où tout se bouscule dans la caboche ménudiérienne. Où tout devient un vrai bordel.
La question de ses propres envies est remise sur le tapis. Persuadée de n'avoir aucun rêve, Eliance avait vu, il y a plusieurs semaines, se lever le flou de ses quelques désirs grâce à une Atro acharnée. Elle avait donc pu identifier quelques souhaits, dont envoyer chier un roy, castrer un goujat et récupérer Diego. Mais depuis, la réflexion s'était refermée, comme si l'action faite une fois pouvait se suffire à elle-même. Elias qui reparle de rêves, d'envies réouvre la porte à tout ça. Les questions sont là, elles affluent en tout sens. Mais pas une ne trouve de réponse. Tout est trop compliqué. Eliance s'y perd. Eliance se perd. Son équilibre, elle l'a toujours imaginé avec Diego. Avec Atro. Elle n'imagine pas que l'un ou l'autre disparaisse. C'est impossible. Pourtant, Elias lui demande de réfléchir indépendamment de ses piliers-là.
Alors, depuis qu'un volatile non identifié a largué la lettre sur une Meringue endormie sous une couverture, rien ne va plus. D'ordinaire joyeuse et bavarde, la roussi-blonde s'est renfermée sur elle-même et ne cause guère. Elle devient taciturne devant son incapacité à formuler ses souhaits, à envisager quoique ce soit. Elle en pleure, le soir venu, à l'abri des regards de ses compagnons de route. Chaque réflexion sur elle-même la renvoie automatiquement à son sentiment de n'être rien, de ne pas exister. La douleur est là. Elle voudrait juste une chaleur qui lui fasse oublier ça. Elle n'existe que par les autres. Annuler ces personnes-là de sa vie pour penser à elle-même lui semble impossible. Tellement douloureux.
Elle s'est isolée, a prétexté une recherche de bois pour le feu et est allé se poser contre un arbre. Elle finit par prendre son crayon et à répondre au tailleur. Chaque mot est difficile à écrire. Inhabituellement difficile. Comme si le mine de plomb refusait d'écrire ces choses-là.
Citation:
Elias,
C'est comme ça que je vois la grenouille et la Baba Yaga. Je n'y peux rien. C'est comme ça que j'aime voir les choses. Tu ne penses pas qu'il y ait un soupçon de beau en chaque chose, chaque personne ?
Le gâteau est naïf, stupide aussi. On lui dit, souvent. Mais il voit le prince (qui n'est certes pas petit) comme il l'a rencontré, ce soir-là. Il aimerait le connaître davantage pour pouvoir affirmer qu'il n'est pas fait d'étoffes riches et de couronnes clinquantes comme tous les autres.
Si le gâteau devait évoquer ses envies, il dirait qu'il veut encore discuter avec le prince, entendre d'autres contes. Le gâteau connaît pas vraiment les regrets, tu sais. La souffrance, oui. Mais pas les regrets.
Mais si le prince fuit les tissus d'autrefois, le gâteau fera avec.
Eliance
Ces mots ne conviennent pas à Eliance. Elle voudrait que le russe ne les lise pas. Mais le papier manque. Elle se réserve une feuille pour elle-même. Si l'angoisse ne disparaît pas, elle devra écrire. Pour personne en particulier. Seulement pour sortir ses tracas envahissants. Ou peut-être glissera-t-elle une lettre dans la poche d'Atro, au détour d'une pause dans leur voyage. Cette dernière feuille est une question de survie. Alors Eliance retourne sa propre lettre et inscrit au dos quelques lignes, toutes petites, minuscules. Des nouvelles, où elle abandonne subitement les histoires de gâteau et de prince. Où elle couche, simplement un bout de son âme.
Citation:
Elias,
Je ne sais pas faire ça. Penser à moi, sans les autres.
J'ai envie de te voir. Je sais pas pourquoi. Je sais pas comment.
Eliance
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Elias_romanov La réponse arriva à Elias quelques jours plus tard. Louvrage fut abandonné, au profit de la lecture, et les sourcils dElias se froncèrent légèrement. Du dépit, de la lassitude peut-être. Elle restait sur son étagère, et finalement ne semblait guère chagrinée par la décision du tailleur. Ils étaient bien loin en cet instant des élans ressentis quelques semaines plus tôt, à Paris.
Sur linstant, le russe décida de ne pas répondre. Il ressentait un mélange de sentiments confus, de la déception peut-être, surtout vis-à-vis de lui-même. Il nétait pas du genre à se faire des idées pourtant.
Puis il vit les mots écrits derrière, cachés comme pour ne pas être lu. Il avait dailleurs failli ne pas les voir, si il navait pas replié la lettre pour vouloir la ranger. Et ces mots là changèrent tout le reste, rendant la précédente prose inutile et verbeuse. Mensongère presque. On ne parlait plus de métaphores et de gâteaux et quelque part, cétait un soulagement.
Citation:Eliance
Dire « jai envie », cela commence ainsi.
Pas à Belley. Juste toi et moi, à Annecy, dans quelques jours.
Elias
Pas de nougat ou de jonquilles pour compter les points. Ou de mari._________________
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Eliance Les pieds sont encore dans la neige. La caboche encore en vrac. Et le tout encore au bord d'un chemin lorsque Eliance reçoit la dernière lettre russe. Inconditionnellement, ce sont les seuls rares instants où un sourire inonde sa trogne. Le reste des journées reste morne et rempli simplement d'une anxiété à toute épreuve. Cette fois, elle ne se cache pas. Ils sont tous là, autour du feu. Elle ne cache pas ce sourire-là. Atro sait de toute manière ce qui lui donne cet éclat depuis quelques semaines. Eithann a aussi perçu la chose, il est plus jaloux encore que d'ordinaire. Quant à Lucy... elle ne la connaît pas assez pour savoir.
Alors elle reste assise, là, avec tous ces compagnons de chemins. Elle se contente de retourner le bout de papier et de tracer quelques lignes au dos. Les mots du jeune homme résonnent en elle d'une manière étrange... « juste toi et moi »...
Citation:
Elias,
J'y serais. Il me faudra seulement quelques jours.
Je ne suis pas tout près.
Eliance
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