Wallerand
- En Espagne...
... Deux frères vêtus de noir de pied en cape menaient leurs montures, moroses. Orphelins de père désormais, puisqu'Eugène de Beauharnais avait rejoint le Créateur, Wallerand et Acrisius ne parlaient guère. Ces deux silhouettes, semblables et pourtant nettement distinctes, cheinaient côte à côte sous un ciel lourd d'orage. L'été avait ravivé la goutte de leur père, quelque fièvre maligne du Sud avait fait le reste. Et ils menaient à bien la dernière mission confiée par leur géniteur avant qu'il ne passe.
Les affaires devaient primer. Alors il avait été enterré en Espagne, dans le petit village qui avait vu son agonie, et les deux frères avaient repris la route de la France. Les clients voulaient du jambon de Bayonne ? On leur en apporterait. Ils devaient passer encore quelques cols avant darriver à destination. Ils chevauchaient. Les jours natténuaient pas la douleur. Ils voyageaient léger, ils sarrêtaient pour manger et dormir.
Mais le naturel, chassé par la tristesse, affleurait encore parfois chez Wallerand. Il avait fini, un soir, à la frontière de la Gascogne, par sympathiser avec une jeune et affriolante Espagnole. Trop affriolante, sans doute. Galant homme, Wallerand avait sans doute commis lerreur de laisser entendre qui ils étaient. Ils avaient fait connaissance au-delà du raisonnable, et il avait la tête enfin légère quand il avait quitté lauberge.
Pour peu de temps.
- L'embuscade
Combien étaient-ils ? Wallerand neut pas le temps de les compter. Dun coup, au détour dune sente rocheuse, ils furent sur les deux frères. Les coups plurent, ils vidèrent les étriers, lair semplit de lodeur métallique du sang et de cris dun quelconque dialecte ibérique. Bientôt, les cordons de laumônière de laîné des frères quitta sa ceinture, ses cordons sectionnés échevelés glissèrent dans les mains de son ravisseur alors quil comptait cette partie de son butin. Wallerand perdit connaissance. Il avait perdu Acrisius de vue depuis un moment. Il neut pas même la force de prier pour leur survie à tous deux.
Quand il rouvrit les yeux, le soleil tombait. Le regard sombre du commerçant balaya le paysage, un éclair de douleur stria son flanc et il renonça à se soulever plus longtemps sur un coude. Il nétait que souffrance. Il ny avait plus un bruit. Les chevaux avaient dû faire partie du butin. Ils auraient dû prendre un guide, et lui aurait dû éviter cette garce dEspagnole ! Mais cela navait plus dimportance. Ce qui comptait, cétait son frère. A voix basse, puis un peu plus haute, suppliant intérieurement le Créateur davoir conservé la vie de son frère au même titre que la sienne, il articula :
Acrisius ? Tu es là ?
[Edition du message pour ajout de la balise]