Eliance Un mensonge, une blague, qui tourne au mauvais. C'était envisageable, bien sûr. Eliance avait surtout envie de rire et de faire rire, avec ses idées débiles de farces. Elle aurait dû mettre un terme rapidement aux mensonges, mais plus ça durait et plus les farces se multipliaient, rendant l'ambiance gaie. Le rire et la bonne humeur étaient là. Jusqu'à ce que... un mensonge ressorte. Et pas des moindres. Et pas devant n'importe qui. Ajoutez à ça une lettre qui vous dégoûterait même un tyran de par les cruautés édictées et vous avez une Eliance perturbée. Et avide de rétablir la vérité.
Alors, après avoir pleuré à chaudes larmes devant ses amis, la Meringue s'est isolée pour écrire au russe. Ils ont échangé peu de courrier, jusqu'à présent, préférant de loin se côtoyer. Si les débuts parisiens ont été passionnés et passionnant, la suite s'est avérée plus complexe, bien plus complexe, avec une Eliance au bout du rouleau devant affronter le départ d'un mari, la trahison d'une amie et une décision stupide mais réfléchie : devenir nonne. Décision prise pour survivre. Pour continuer à avoir envie de respirer. Pour ne pas en avoir trop peur. Mais avec la lettre de Torvar, avec les reproches sanglants, Eliance craint d'avoir blessé le russe. Elle craint qu'il ne la juge de la même manière que le Cosaque.
Elle voudrait lui dire qu'elle n'est pas de celles qui s'offrent à qui mieux mieux. Elle voudrait lui dire qu'il la connaît. Qu'elle ne lui a jamais menti. Qu'il doit la croire. Elle voudrait qu'il sache...
Citation:
Elias,
T'écrire me semble si étrange. Et pourtant, j'en ressens comme la nécessité.
Je crois que j'ai mal agi, avec toi. Je crois que j'agis mal avec pas mal de gens.
Je crois que je te dois des excuses. À toi, surtout.
Il faut que tu saches : je sais pas quoi faire. Je sais pas qui être. Je sais pas comment faire. Je sais pas comment vivre.
Je sais que je te fuis, un peu. Je sais que... je sais pas. Tu es tellement gentil. Tout le temps. Je suis pas courageuse.
Aujourd'hui, j'ai reçu une lettre qui me dit égoïste, peste, allumeuse, entre autres choses sympathiques. Atro et Mike disent que je suis pas comme ça. Mais j'ai peur que tu sois d'accord avec cette lettre. J'ai peur que tu penses ces choses-là.
Paris, c'était... je sais pas comment dire... c'était comme un rêve, Elias. Tu paraissais si irréel. Tout était si parfait. Ou presque. J'y pense. Souvent.
Moi, je l'étais pas, parfaite. J'avais peur. Mais c'était rien comparé à maintenant.
J'ai peur de mettre la robe. J'ai peur que mes cheveux repoussent. J'ai peur que tu me trouves belle à nouveau. J'ai peur que tu souffres. J'ai peur que tu t'éloignes. J'ai peur que tu me touches. J'ai peur de te décevoir. J'ai peur que tu me haïsses. J'ai peur que tu partes.
Eliance
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Elias_romanov Comme rarement, le jeune russe avait perdu son calme. Ainsi il avait préféré quitter la taverne, n'ayant su réagir de façon détachée au mensonge d'Eliance, suivie de ses excuses, et de... il ne savait pas vraiment quoi.
"Tu as été le dernier".
Mais le dernier quoi ? Il s'était fait des idées, finalement, avait espéré, en vain. Il fallait bien se rendre compte de l'évidence, il s'était fourvoyé comme rarement.
Le présent n'était jamais à la hauteur des souvenirs et des chimères enfantines, au moins il avait appris cette leçon là, de façon un peu amère et douloureuse.
Tout cela avait-il un sens, au fond ? une importance ? Il fallait tourner la page, Paris lui tendait les bras, et il était peut-être temps de voir ce que la Maison Royale pouvait lui réserver.
La colère, quelle mauvaise conseillère. Et de mauvaise foi en plus.
Puis la lettre d'Eliance lui parvint. Il hésita avant de l'ouvrir, craignant de voir sa nouvelle résolution vaciller, mais la curiosité le fit céder et le parchemin fut lu. Puis il écrivit la réponse, colérique, ou les caractères cyrilliques se mêlaient aux lettres latines. Si il y eut des hésitations aux premières phrases, parce qu'il voulait encore la ménager, le reste fut écrit d'une traite.
Il était blessé dans son orgueil, sa fierté, ses sentiments, ainsi comment aurait-il pu retenir ces élans acerbes, qui lui ressemblaient si peu ?
Citation:Eliance,
Il n'y a rien que je puisse faire pour toi, pour ta peur.
Tu as passé ta vie à aimer des geoлiers, qu'iлs t'enferment dans un grenier ou qu'iлs t'enchainent à des sentiments.
Je ne suis pas un geôлier, alors tu ne peux pas m'aimer.
Tu veux être nonne, alors fais-le, mais ne me demande pas de te soutenir. Tu veux être лaide, tu ne veux pas que je t'aime, alors je ne t'aimerai plus.
Elias
Un des gamins du village serait embauché pour porter la lettre._________________
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Eliance Le dernier... la formule était maladroite. Certes. Le dernier à l'avoir embrassé. Le dernier à l'avoir fait rêvé. Le premier pour ça, aussi, sans doute. Le dernier... Un mot qui sous-entend aussi qu'il y en a eu d'autres. Alors qu'il y en a eu si peu. Eliance n'a pas la formule heureuse. Et la lettre qu'un gamin lui apporte confirme ses craintes. Elias est blessé. Elias croit aux mensonges. Elias a peut-être peur, finalement. Le gamin est retenu quelques minutes. Une pomme pour acheter sa patience et Eliance écrit. Vite. Sans doute trop vite. les idées ne sont pas claires. Tout est posé à la suite, sans logique.
Citation:
Elias,
L'histoire du Jok', c'était juste une blague. Comme on en a fait pleins la semaine dernière. C'était pour rire. Pour piéger Atro et Mike.
Crois pas que je sois ce que la lettre dit. S'il te plaît. Je te raconterai tout. Si tu veux. Depuis le début. Sans conte. Sans histoire. Sans mensonge.
Rien ne s'est posé sur moi depuis Paris. Pas même Diego. Tu es le dernier.
Tu n'es pas geôlier. Non. Pourtant, je n'ai pas dit que je ne voulais pas que tu m'aimes. Je n'ai pas dit que je ne t'aime pas. C'est plus compliqué. Tu sais comme je suis compliquée. Ou peut-être tu ne sais pas à quel point. Ni à quel point j'ai peur. À quel point j'ai du mal à me livrer. À quel point c'est dur de t'écrire.
Nonne... c'était pour y arriver. Elias. Pour pas sauter. Pour pouvoir te regarder sans avoir l'impression que je te déçois constamment.
Nonne... c'était pour plus qu'on pense que je puisse aguicher les hommes. C'était...
Si je te dis que je veux essayer de plus être nonne, tu seras là ?
Eliance
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Elias_romanov Eliance baissa les yeux, avant de dire à nouveau qu'elle était désolée. Elle le disait souvent, mais en cet instant, le jeune tailleur avait du mal à l'excuser, à se montrer compatissant.
Il estimait avoir été patient, prudent avec elle, à cause des circonstances, mais il n'avait récolté que froideur et camouflets de sa part. Les phrases lâchées comme sur un ton d'excuse "ce n'est qu'un ami", "il n'y a rien entre nous", alors que c'était le mensonge même, avaient lentement conduit le russe à un ressentiment, une déception vis à vis de la situation.
Et cette plaisanterie sur Boulvay n'avait été finalement que la goutte d'eau faisant déborder le vase des désillusions d'Elias. Le russe savait bien que ce n'était pas vrai, et pourtant il avait trouvé cela cruel, comprenant pleinement l'assertion "trop bon, trop con".
La journaliste poursuivit, le rassurant et le décevant à la fois. La voix d'Elias devint grondante, évoquant le roulement du tonnerre un soir d'été. Elle était pourtant calme, mais elle laissait entrevoir l'orage à venir.
Eliance...
Il y a le présent. Il y a moi, ici, face à toi. Et il y a l'avenir, dont personne sait comment il adviendra. Si nous serons heureux, ou malheureux.
Je ne t'ai jamais fait de mal, et je ne pense pas que... tu puisses douter de ce que je suis. Mais tu ne peux pas... non tu ne peux pas continuer à me repousser pour ce qui pourrait arriver.
Parce que dans ce cas, je retourne à Paris.
Car Paris était tellement grand qu'il ne risquait pas de la croiser à tout bout de champ, contrairement à Belley. Il savait qu'il pourrait s'enivrer de travail et d'alcool pour l'oublier, et que personne ne lui parlerait d'elle au détour d'une beuverie au comptoir d'une taverne. Du moins c'était ce qu'il espérait*.
Citation:* "Paris ? Non. Pas cette ville. Elle est trop réelle et trop belle pour vous faire oublier quoi que ce soit."
Du film : Un Américain à Paris
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Elias_romanov Ce n'était pas la première fois qu'ils étaient dans le registre de l'incompréhension, entre un russe qui prenait parfois tout au pied de la lettre, et une presque-rouquine dont les propos étaient parfois à côté de la plaque.
Pourtant, le tailleur estimait lui avoir répondu, à sa façon. Il regretta de manquer l'occasion de l'embrasser, alors qu'elle s'était rapprochée de lui pour effleurer sa joue d'un baiser, avant qu'elle ne s'écarte à nouveau, lui demandant de l'attendre.
Mais... ?
Il se demanda alors ce qu'elle faisait, alors qu'elle disparaissait derrière une tenture pour se changer. L'intention de la jeune femme échappait à Elias, il ne savait pas vraiment ce que cela signifiait, et il s'abstint de se déplacer pour l'observer. Il se souvenait de cette séance d'essayage ou elle s'était montrée si timide, et ou il n'avait pas insisté. Bien entendu, en lui demandant de servir de mannequin, il n'avait jamais eu dans l'idée d'en profiter pour la voir se déshabiller. Du moins pas trop.
En tout cas, il respecta son intimité, et la vit revenir quelques instants plus tard, vêtue d'une robe rouge qu'il n'avait encore jamais vu. C'était un rouge flamboyant, et Elias aurait même pu le qualifier de nuptial* si le coeur lui en avait dit sur le moment.
Le tailleur la dévisagea, alors qu'elle revenait vers lui et il ne put s'empêcher de laisser son regard la parcourir, l'envisageant brièvement, avant de revenir à un état d'esprit plus adapté à la situation. Il ne put répondre au sourire intimité d'Eliance, peut-être parce que tout était trop troublant pour cela.
Elle parla à nouveau, des mots qu'il avait longtemps attendu, sans plus chercher à les espérer ces derniers jours. Et pourtant... Il avait une échelle avec lui depuis des semaines métaphoriquement parlant, alors il trouvait étrange qu'elle hésite encore le concernant.
Ce fut à son tour de bouger, et le tailleur fit les deux pas qui les séparaient. Avec douceur, il saisit d'une main le menton d'Eliance, pour relever son visage vers lui et plonger son regard dans le sien. Avec un sérieux qu'elle lui connaissait un peu, il lui dit, avec cette gravité d'orage :
Ne doute jamais de ce que je veux.
Il joignit le geste à la parole, et l'embrassa. Il aurait voulu ne faire qu'effleurer ses lèvres, pour ne pas la brusquer, mais il en fut incapable. Ce fut un baiser déterminé qu'il lui offrit, de ceux qui scellent les destins.
Citation:Au Moyen-Age, on se mariait en rouge. Ou en rose. Enfin avec des couleurs vives quoi.
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