Eliance
- Ton image me hante, je te parle tout bas...
Une mèche. Nouée par un lien de cuir en son milieu, une épaisse boucle roussi-blonde se dessine, lisse, flamboyante, ondulée, longue. Très longue. Elle est déposée sur la table devant une Eliance au regard flou, à la mine livide, aux cheveux coupés très court à la manière d'un homme, qui tente d'entrapercevoir ce qu'elle couche sur le papier, entre deux flots de larmes.
Eliance a brûlé sa robe d'ange. Atro dit que le passé doit rester dans le passé. Alors elle l'a enlevée et l'a brûlée. Sensation douloureuse qui a étreint ses entrailles en voyant partir en fumée ce qu'elle était pour son Dracou, un ange. Elle a aussi confié ses anneaux à Atro. Les deux. Celui offert juste après leur mariage par un Diego toujours en retard d'une charrette et celui révélé lors du premier départ avec la Traîtresse, celui que l'Italien voulait lui offrir pour leur remariage. Remariage qui n'aura jamais lieu, terrassé par une armée de soldats italiens désœuvrés.
Une vie ratée. Ils ont toujours tout rater. Les cadeaux évanouis dans les bras de brigands, les retrouvailles dans les mauvaises villes, les pardon douloureux, l'amour tendre mais si contraignant pour lui, la passion physique si contraignante pour elle. Mais malgré tout, Eliance pleure cette vie-là. Elle l'aimait. Elle l'aime, son Dracou. Pas un jour ne se passe sans qu'elle ne le pleure. Sans qu'elle ne l'imagine dans les bras de l'autre. Sans qu'elle entende les bruits entendus à Annecy, à travers le mur, les bruits des griffures qu'elle a tenté d'ignorer.
Elle l'a laissé partir. Elle n'a pas crié. Elle n'a pas essayé de le retenir. Elle a su que cette fois, c'était la fin. La fin d'un ange et de son Dracou. La fin de leur rêve. Ça aurait été la fin de sa vie, sans Atro et sa promesse. Eliance a simplement décidé que ce serait la fin de sa beauté, la fin des regards masculin sur elle. Nonne et moche. Voilà sa résolution.
Mike a accepté de lui coupé les cheveux. De faire tomber la cascade flamboyante en sol. D'égorger ces mèches dansantes. Les coups de dague ont été douloureux. Mais pas une grimace n'est survenue sur le visage ravagé de tristesse. La douleur physique est un soulagement, pour la jeune femme qui ne se sent plus vivre. Là voilà donc moche. Horrible, selon les mots de Lucie. Mike a fait ça bien. Coupées n'importe comment, de manière irrégulière, les mèches sont plus courtes à certains endroits, plus longues à d'autres, offrant un rendu peu harmonieux.
Ses cheveux, c'étaient ceux que caressait son Italien. Elle ne veut pas que quelqu'un y touche encore. Ainsi coupés, personne n'y songera plus. Tous ces actes s'efforcent de détruire la Eliance d'avant, tout en conservant son âme de femme mariée intacte. Elle restera Corellio, même sans plus jamais prononcer ce nom. Elle restera sa femme, même sans plus jamais partager sa couche. Elle restera son ange. Elle veillera pour lui. Elle lui avait promis.
Elle ne sait pas bien comment s'y prendre. Peut-être se mettra-t-elle à prier. Peut-être...
Elle ne sait pas vraiment. Mais si elle le laisse partir, c'est dans l'espoir de le voir heureux, un jour.
Citation:
Mon Diego, mon Dracou,
Permettez-moi de vous appeler comme ça. Ne serait-ce qu'une dernière fois.
Les jours passent et je ne sais plus vraiment si je vis ou je me meurs.
Je ne sens plus rien que la douleur. Je ne sens plus rien que le vide.
J'ai été idiote de croire que vous aviez le même rêve que moi.
J'ai été idiote de croire que vous aviez pu changer assez pour être heureux, avec moi. Rien qu'avec moi.
J'ai été idiote de croire qu'une femme de temps en temps satisferait ce dont je suis incapable.
J'ai été idiote de vous vouloir comme mari.
J'ai brûlé ma robe blanche. Je n'aurais jamais été un ange dedans.
J'ai coupé mes cheveux, aussi. Je n'enverrais pas chier un Roy.
J'ai mal. Et je ne sais même pas pourquoi je vous écris.
Vous êtes probablement le seul à pouvoir atténuer le feu qui me ravage. Ce n'est pas le feu que vous attendiez de moi, que vous espériez.
Celui-là est dévastateur et si peu jouissif.
Je crois que j'ai besoin de savoir comment vous allez. Je crois que j'ai besoin de savoir si vous êtes heureux. Je veux que vous soyez heureux.
Vous avez toujours eu peur que je vous abandonne. Pourtant, c'est vous qui m'abandonnez toujours. Je crois que je ne vous en veux pas. Il paraît qu'on n'a que ce qu'on mérite. Vous aviez dit que je serais votre femme aussi longtemps que je voudrais de vous.
Je veux de vous.
Même si c'est seulement dans ma tête, vous serez toujours mon mari. Le seul.
Vous trouverez des cheveux, de moi, avec cette lettre. Je crois que c'est notre mariage, qui réside en cette mèche. Ne la perdez pas. Je n'en possède plus aucune. Elle vous appartient.
Eliance
_________________
