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Tu brises un rêve, en miettes tranchantes

Eliance
    Quelques jours avant la casse
    dans la maison Corellio

Elle est là, un coude appuyé sur la table, les yeux errants sur des papiers étalés. Ses dernières lettres. Et pas une ne comporte une mention particulière. De simples formules de politesse. Pas un seul « mon ange », ni autre trace d'affection quelconque. Les mots sont là, écrits avec froideur et banalité. Ces mots ont blessé la Meringue. L'éloignement et l'isolement que leur inflige Diego la fait souffrir. Mais après tout, s'il est là, il doit l'aimer. Il va seulement mal. Elle l'aidera. Elle l'aide déjà, de son mieux. En taisant les reproches.

Les griffures. À quoi bon en parler ? Le verdict d'Atro et Mike est sans appel : un propriétaire de cheval blanc ne griffe pas quand il se bat. Une femme en plein ébat, si. Et après ? Eliance n'est pas femme à satisfaire son homme. Elle le sait. Il l'aime quand même. Il l'a épousé, quand même. Alors elle ne dit rien. Elle encaisse. Silencieusement. Pourquoi faire un esclandre alors qu'elle est la première fautive ? Il est là. Il ira mieux.

Les lettres sont rangées. Avec celles d'avant. Les belles. Celles qui parlaient de son âme. La plus belle restant celle écrite un mois après leur mariage. Celle-là est lu, souvent. D'ailleurs, avant de refermer la boîte en bois, c'est celle-là qu'Eliance relit. À force, le papier est devenu souple. Les pliures s'abîment.


Citation:
... Un mois déjà que nous avons lié nos destins pour le meilleur et pour le pire.
Le pire est déjà arrivé, il ne nous reste donc que le meilleur.

Vous êtes et vous serez ma femme, aussi longtemps que vous voudrez de moi, que ce soit sur la terre ou aux cieux.
A cette heure précisément l'Ange est le Démon unis à jamais dans la tourmente et l'amour.
Un amour pur sincère et sans oubli.

Je vous aimes, comme jamais je n'ai aimé auparavant, la seule et l'unique qui occupe mes pensées.
Parfois auteur de mes tourments vous êtes ce qui m'est arrivé de mieux, et l'Ange déchu des cieux est descendu de ses nuages pour poser sa blanche main sur la joue d'une vil créature.

L'Ange a dompté le Démon.
Vous êtes mienne, je suis votre.
Ma femme.

L'Italien.

PS : Je ne suis pas bourré, je suis sobre et je vais bien...

_________________
Eliance
    Lendemain de la casse
    dans la maison de Mike et Atro

Son fillot est contre elle. Là, dans ses bras. Il bave. Atro a raison. Mais la marraine s'en contrefiche de ce qui goûte sur ses frusques. Elle se trempe toute seule de ces larmes qui coulent sans interruption ou presque depuis la veille. L'enfant est serré. Fort. Elle le regarde dormir. Comme elle l'a regardé toute la nuit, l'imaginant de par son souffle lourd d'enfant, faute d'avoir pu détailler son visage angélique à travers ses yeux noyés et flous.

Eliance pourrait remercier le froid qui règne encore en maître, laissant les nuits bien fraîches grâce aux dernières gelées. Si Diego était parti en été, si elle avait eu son chagrin en pleine canicule, l'enfant l'aurait repoussé, aurait râlé d'avoir trop chaud dans cette étreinte étouffante. Là, il est lové comme un chaton dans ses bras. Lucie dort dans son dos. Elle aussi a eu droit à sa dose d'étreinte nocturne. Mais, plus grande, elle a bougé davantage et Eliance a craint de la réveiller. Alors l'Abîmée s'est rabattue sur Louis. Son presque-fils.

Les secousses des sanglots se sont espacées. Jusqu'à s'estomper peu à peu. La fatigue aidant, la roussi-blonde a fini par fermer l’œil, alors que le jour se lève. Quelques minutes, peut-être quelques heures de répit, si les cauchemars daignent l'épargner. Entre ses souvenirs et son présent sombre, la Meringue se noie. Elle suffoque.


« Ça va aller, mon ange... »

Elle s'endort alors que ces quelques mots, ses derniers mots, résonnent en elle.
Paradoxe... il aura fallu que l'ange se brise pour que le dracou redevienne tendre.

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Eliance
    Une nuit
    une rue sombre


Assise à même les pavés de bois, camouflée sous sa lourde cape de laine, Eliance se fond avec la pénombre alentour. Son capuchon éteint les flammes qui égaient ses cheveux. Seule sa peau pâle dénote dans cette ambiance sombre. Elle est plus pâle que d'ordinaire. La vie est un peu sortie d'elle. Plus de rêve. Plus de but. Plus de nom. Elle se sent vide. Elle se sent personne.

Autour d'elle, les gens éprouvent compassion, peine, donnent de bons conseils, mais aucun ne semble s'apercevoir qu'elle se vide. Que son souffle se glace. Seule Atro a idée de ça. Mais Atro s'énerve facilement. Atro n'accepte pas que la Meringue puisse être aussi mal. Atro est là. Elle la surveille, sans doute. Elle la veille, certainement. Alors Eliance tait ce qu'elle ressent. À quoi bon paniquer la Teigne ?

Elle s'est confiée un peu à Mike. Mais le blond n'a pas réagi. C'est peut-être mieux, après tout. Elle ne suivra pas tous ses conseils. Elle jongle entre ceux portés par Atro, qu'elle tente de suivre à la lettre, et ceux de Mike, qui lui semblent bien meilleurs, malgré le désaccord d'Atro. Écrire au Jok'. Elle l'a fait. Se couper les cheveux, se les raser. Elle ne le fera pas. Pourtant, la lame démange.

Dans l'après-midi, elle est allée se réfugié dans la cave de l'auberge de Bart. Le géant était en forêt. Eliance le savait. Elle est simplement allée s'allonger en boule, dans le trou de terre du semi-sanglier. Elle n'avait pas envie de parler. Pas envie de faire semblant. Elle voulait juste s'éteindre, un moment. Dans ce trou, lové comme un enfant, elle a pleuré, elle acfrissonné, elle a tremblé, elle a fait une crise. Et puis, avant de partir, elle a fouillé. Elle ne cherchait rien de spécial. Sa curiosité s'est seulement réveillée à cet instant. Sous un torchon, derrière un seau, sur une étagère, la Meringue a mis la main sur un couteau. Un petit couteau. Très petit. Bon à couper des cornichons, simplement. La lame est un peu émoussée. Pourtant, ce couteau-là, Eliance l'a gardé en main. Et puis elle l'a caché dans sa bourse.

Et là, assise sur les pavés de bois, enroulée dans sa cape, elle l'a en main. Elle le regarde. Un si petit couteau. Pourtant, elle voudrait qu'il puisse avoir un tel pouvoir. Le métal luit dans la nuit. Les yeux marron en sont comme ensorcelés, appatés. Sans même clore ses paupières, elle se remémore la lame du Jok' qui a glissé sur sa peau, quelques jours avant. Elle ressent la pointe, elle ressent cette peur, comme elle l'a ressentie ce jour-là. Le froid sur la peau de sa joue est encore présent. Tout lui revient.

Et un instant, elle se sent vivante. Effrayée.

_________________
Eliance
    Un après-midi
    un champ


Échapper à la surveillance assidue d'une Teigne n'est pas chose aisée. Mais la Meringue y parvient, parfois. À coups d'excuses bidon de type « je vais travailler », « prendre un bain », « j'emmène Louis dans les champs ». Bien sûr, pour que la Teigne lâche l'affaire, il faut de grands renforts de sourires forcés, de trognes faussement sereines et de tourments tus. Bref, il faut faire illusion : je vais bien, tout va bien.

Atro n'est certainement pas dupe de la manipulation de bas ouvrage et Eliance s'en doute bien. En gros, l'une fait semblant de faire croire à l'autre, quand l'autre fait semblant de croire les trucs que l'autre fait semblant de lui faire croire. Un joyeux bordel ménudié-atropien. Mais la machine semble bien huilée autour de l'unique promesse de ne rien faire de stupide qui puisse éradiquer la Meringue de la surface du globe.

Ainsi, ont été éliminés successivement de l'esprit embrouillé sous la masse capillaire roussi-blonde : les sauts de falaise, les mouises cherchées auprès de molosses, se faire démolir le portrait, le coupage de cheveux en vue de devenir nonne et moche, devenir nonne... Les solutions s'amenuisent comme peau de chagrin à un rythme effreiné, ne laissant aucun échappatoire à la Désespérée.

Atro est là. Et la presque-soeur s'y accroche comme une tique sur le dos d'un canidé. Elle s'abreuve de ses conseils, de son énergie, ne vit plus que parce que la Teigne est là et le lui ordonne. Eliance parvient à parler, à sourire, à presque rire. Mais ce n'est que chimère. Dès que la solitude l'enveloppe, elle s'enfonce dans une léthargie et un désarroi sans pareil. Si auparavant, dans les brisures passées, l'espoir de voir son Dracou revenir auprès d'elle la maintenait, elle sait cette aspiration vaine à présent. Avant, il l'aimait. Avant, il fuyait car il suffoquait uniquement. Avant... il n'y avait pas la Tarte. Il n'y avait pas de Tarte épousée en secret et enceinte.



Cet après-midi-là, Eliance a convaincu Atro. Cet après-midi-là, elle a marché. Longtemps. Seule. Sans surveillance. Sa course l'a arrêtée dans un champ. La neige à peine fondue a détrempé les sols qui en deviennent bouillasseux. Aux semelles de ses bottes s'accrochent des épaisseurs de terre qui rendent les pas lourds et pénibles. Au bout du champ, un petit monticule vient accueillir la pause ménudiérienne. Silencieusement, elle contremple ce qui l'entoure, sans vraiment le voir, sans vraiment en profiter. Elle est éteinte et seules les coulures sans cesse abreuvées au coin de ses yeux confèrent un peu de vie à son visage impassible.

Une main dans sa bourse a sorti le petit couteau et la contemplation se porte vers lui. Un long moment à faire briller la lame dans différents sens pour jouer avec la lumière qui s'y reflète. Si un endroit de la lame est émoussée, la pointe reste pointue et affûtée. Et c'est cette pointe qui vient entailler l'avant-bras d'Eliance. Posée d'abord sur le poignet, elle s'enfonce petit à petit dans la chair blanchâtre pour glisser vers le coude. Une seconde entaille identique à la précédente s'invite à ses côtés, parallèle. La peau est striée lentement, sans grimace. Aucune raison évidente. Aucune préméditation. Aucun but. Si ce n'est l'espoir que ce mal en camoufle un autre. Que ce mal fasse palpiter la vie en elle.

Avec la même léthargie, la manche est rabaissée sur l'avant-bras mutilé, épongeant le rouge suintant, le couteau rangé dans la bourse. Et la promenade reprise.
Elle devra se refaire un sourire. Elle devra changer de chemise. Elle devra faire illusion. Encore.

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Elias_romanov
Le tailleur s'apprêtait à partir pour la capitale de la Savoie. Il avait besoin de tissu, pour coudre une tenue de cérémonie, et il ne pouvait pas les trouver à Belley. Quelques affaires dans un sac de voyage, les mesures nécéssaires et sa liste de courses, et le jeune russe avait quitté la maisonnette louée.

Il aperçut alors la silhouette de la journaliste, qui ne semblait guère vivante.

Ils devaient aller ensemble à Chambery, au départ, mais Elias avait pressenti que cela ne devait pas être le bon moment, surtout après avoir assisté à la rupture du couple en taverne. Il n'avait pas dit grand chose suite à cela, et s'était fait discret.

Il avait laissé Atropine jouer les consoleuses, elle était d'ailleurs assez douée pour cela, et l'opinion d'Elias à son sujet s'était radicalement améliorée suite à cela.

Pourtant, en voyant la silhouette menue errer dans les rues de Belley, Elias décida de tenter la chance. Quelques grandes enjambées, et il se retrouva face à la jeune femme.


Eliance.

Ca, c'était pour être sur qu'elle relève la tête vers lui.

Je pars pour Chambéry.

Hésitation, cela ne se faisait pas vraiment. Mais après tout, il était du genre à oser.

Tu viens ?

Genre "oui tu n'es pas prête, tu n'as pas de valise, mais après tout c'est a quelques heures de marche et on arrivera bien à se débrouiller."
Eliance
La déambulation est stoppée nette quand les yeux ménudiériens se posent sur Elias. Un sourire tente de se faire une place sur les lèvres de la jeune femme. Simple réflexe pour repousser les inquiétudes diverses et variées des autres. Et puis les bras sont rangés lentement et discrètement sous la cape, croisés dans le dos, éloignant ainsi des yeux gris la mutilation imprimée sur la chemise.

À la demande formulée, Eliance ne sait pas quoi répondre. Elle reste silencieuse un moment, simplement à le regarder de ses deux grands yeux marron. Chambéry... ils en ont parlé, une fois. Avant. Elle avait dit l'accompagner, dans ses achats. Mais maintenant... Les paupières clignent, lentement, comme au ralenti. Elle ne parvient pas à réfléchir. Un autre jour d'avant, elle aurait dit oui. Peu lui importent les préparatifs d'un voyage. Elle n'a besoin de rien et n'emporte de toute manière quasiment rien, ne possède quasiment rien.

Elle porte la robe blanche. Celle qui devait la faire ressembler à un ange aux yeux de son Dracou. Celle qui ne lui va pas, selon Elias. Celle qui la rattache à ce rêve, celle qui est imbibée de ce rêve, celle qui en a l'odeur. Par dessus, une cape épaisse. Aux pieds, des bottes. Elle pourrait marcher, comme ça. Partir.

Je sais pas.

Les mots sont sortis brutalement, choquant même les oreilles sous les boucles roussi-blondes. La voix est trop forte, mal assurée, non maîtrisée. En réalité, elle ne sait pas si elle pourrait tenir sa promesse, loin d'Atro. Elle ne sait pas si elle peut y aller. Ne sait pas de quoi elle a envie. Tout s'est éteint, depuis ce soir-là. Elias n'est plus dans sa tête le Elias de Paris, le Colin de son enfance et de ses rêves, l'homme au regard perçant. Il n'est plus qu'un homme parmi les autres. Gentil. Mais un homme. Alors elle le regarde, embêtée, tout de même de sa non-réponse. Elle la répète, même. Plus doucement.

Je sais pas...
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Elias_romanov
La première réponse d’Eliance fit hausser les sourcils au tailleur, peu habitué à ses éclats de voix. La journaliste était plutôt du genre à se faire toute petite, à ne pas bousculer les choses, ainsi le déraillement vocal contrastait avec violence avec le reste.

Elle reprit, d’un ton plus calme, disant à nouveau qu’elle ne savait pas ce qu’elle voulait. Elias lui adressa un sourire doux, alors que l’accent russe bousculait les « r » de sa réponse.


Ce n’est pas grave, tu sais.

Pour lui en tout cas, cela ne l’était pas. Cette fois-ci, il n’osa pas porter la main aux joues d’Eliance pour effacer les traces des larmes qui avaient coulé. Il pressentait confusément que cela lui aurait déplu, et qu’elle préférerait certainement éviter tout contact de ce genre avec lui.

Tu veux que je te ramène quelque chose ?

Après tout, puisqu’il y allait, autant jouer les coursiers. Mais il se doutait qu’elle lui dirait qu’elle n’avait besoin de rien, avant de prendre la poudre d’escampette.
Eliance
Elle réfléchit. Si la question des envies a toujours été complexe dans l'esprit ménudiérien, elles sont à l'état de momies à présent, après avoir été éviscérées et embaumées sauvagement par l'Italien. Elle réfléchit mais ne trouve en elle que du vide, de l'air, du rien. Elle ne peut donc être que rassurée par le ton apaisant du jeune tailleur.

Quand la nouvelle question tombe, la même problématique s'impose. « Tu veux... » Elle ne veut rien. Au lieu de turbiner longuement, elle dit finalement quelques mots sur un ton monocorde. Comme une évidence.


Ramène-toi toi.
Sain et sauf.


Et comme un rituel inexorable, elle vient poser ses lèvres sur la joue russe... Sois prudent... avant de reprendre sa lente errance sans but dans les rues de la ville, le regard dans le vague et les pieds traînant.
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Elias_romanov
La réponse d'Eliance arracha un sourire au tailleur. C'était un peu mignon, tout de même.

Ne t'inquiète pas.

Après tout, c'était plutôt eux qui s'inquiétaient pour elle. Il fut presque étonné du baiser chaste qu'elle posa sur sa joue, alors qu'elle avait toujours soigneusement évité toute manifestation de ce genre.

Finalement, elle reprit sa marche.

Même si il ne reformula pas le contexte, il ne put s’empêcher de lui demander, alors qu'elle lui tournait déjà le dos pour reprendre sa marche errante.


Même pour quelques contes et du gâteau ?

C'était toujours mieux que de rester à Belley, à voguer sans but.
Eliance
Quand la voix du tailleur parvient à nouveau aux oreilles ménudiériennes, ses pas lents s'interrompent. Elle s'immobilise, un temps, dos à lui. Les contes, le gâteau... Tout ça résonne en elle comme un moment agréable. Le demi-tour s'opère si lentement qu'il semble que ses pieds n'ont pas bougé d'un centimètre. Que la jeune femme a glissé sur les pavés comme sur la glace d'un lac gelé.

D'accord. Mais faut que je passe chez Atro pour me changer de... de ch'mise.
Et puis p't-être Mike voudra m'confier des choses à ach'ter là-bas.


Elle a toujours ses bras cachés sous sa cape, anxieuse que ses mutilations gratuites soient découvertes. Elle ira. Ailleurs. Le temps de quelques jours. Même si s'éloigner d'Atro l'angoisse.

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Elias_romanov
Elias fut heureusement surpris de la décision de la jeune femme. Il avait pensé qu'elle refuserait, et il lui aurait alors proposé ce genre de choses à son retour.

Il lui sourit doucement.


D'accord, j'ai un peu de temps, je t'attends.

Elias accompagnerait Eliance jusqu'à la maison du couple infernal, pour la laisser préparer son baluchon.
Eliance
    Une semaine après la casse
    derrière le four banal


Elle est revenue, de son voyage vers l'infini. L'infini ? C'est Annecy la Terrible. La ville de toutes les falaises, de tous les mauvais souvenirs, de toutes les souffrances. Revoir ces auberges, encore, revoir CETTE auberge, avec la même douleur dans la poitrine qui l'étreint. Comment oublier ? Comment ignorer ce souffle au cœur qui survient dès quelle foule ces pavés, dès qu'elle pense à son Diego ? L'espoir et la légèreté semblent avoir abandonné la Meringue en même temps. Simultanément. Elle ne sait plus oublier, comme elle le faisait des incartades de son mari. Elle ne sait plus espérer, comme elle le faisait avec leur rêve commun. Elle redevient Eliance la Ménudière, encore une fois, cette fille de rien, vide pour elle, vide pour les autres.

Le déroulement du voyage s'est fait dans la douleur et l'isolement. Sans doute son humeur maussade n'aura pas encouragé ses compagnons de voyage à la parlotte. Mais voilà. Le géant a couru les sanglier, le Jok' a plongé le nez dans ses fameux bouquins, regardant à peine où il mettait les pieds et la Nounou s'est occupé d'un Louis agité. Résultat, Eliance s'est renfermée sur ses tourments, les a ruminé, sans pouvoir les évacuer.

Le retour à Belley devait être beau. Comme toujours. Mais comme toujours, les retrouvailles foirent. Et tout ça, à cause d'un Jok' qui se fout d'elle à lui faire croire qu'il se repent de ses péchés, qu'il renonce à la violence et devient si pieu que ça effrayerait un épouvantail planté au milieu d'un champ de betteraves. Juste ce qu'il faut pour paniquer Eliance, pour qu'elle croit dur comme fer à la transformation étrange de l'homme, pour qu'elle s'en inquiète, pensant à une maladie de cerveau ou quelque mal incurable. Le retour brutal de la réalité pique. Le Jok' est encore plus véhément que d'ordinaire. Il attaque, elle tente de riposter. Mais les mots rudes l'atteignent malgré son air détaché. Les assauts sont ceux de trop. Alors, après avoir tenu, affronté les amis, le diable, elle s'en va se réfugier derrière le four banal. Là, personne ne la voit, personne ne viendra la chercher.

Ses pensées moroses se tournent vers Diego. malgré tous les défauts qu'on lui porte, il n'aurait jamais laissé le Jok' l'insulter de la sorte. Il avait les bras réconfortants d'un homme qui sait quand ça ne va pas. Cette solitude pèse sur la Meringue. Pourtant, elle s'enferme dedans, avec sa promesse d'être une nonne d'âme, faute de pouvoir être une nonne de fait sans les foudres de sa presque-sœur. Assise à même le sol, les jambes repliées contre son ventre, la tête enfouie dans ses bras reposant sur ses genoux, elle pleure tout ce qu'elle n'a pas pleuré pendant quatre jours.

La falaise est loin, restée sagement à Annecy. Les amis sont là, pas loin. Elle craque. Parce qu'elle le peut. Parce que ce soir-là, elle partagera la table d'Atro et de Mike. Elle se laissera emporter par la légèreté de leur humeur, par la chaleur de leur foyer, de leur famille. Eux lui feront retrouver un semblant de sourire. En attendant, elle pleure, maudissant sa vie, maudissant son incapacité à rebondir.

Et puis... le besoin étrange la reprend. Souffrir pour se sentir vivre. Souffrir pour se faire revivre. Souffrir pour mourir un petit peu, malgré les interdits. Le couteau est saisi, une jambe s'allonge, se voyant retroussé de ses jupons jusqu'en haut de la cuisse. La lame vient glisser sur la peau pâle. D'abord doucement comme une caresse, avant de s'enfoncer dans la chaire plus profondément et de tutoyer les muscles de sa pointe. Les yeux sont clos, les lèvres serrés, le visage tourné vers le ciel. C'est étrange, mais ce trait, ce sillon en elle-même la fait frissonner davantage que souffrir. Comme si à chaque entaille, c'est son mal qui sortait de son corps meurtri, profitant d'une sortie pour aller voir un peu plus loin une autre âme à tourmenter.

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