Wallerand
Il arrive parfois que la confrontation homme-habit féminin soit inévitable. Quelques fois, plus particulièrement au temps où il a fait une gaffe colossale, l'envie de se racheter se fait irrésistible. L'homme prend alors son courage et le mannequin hostile à deux mains. Il est seul, il est nu, il est grand (comme Wallerand, NdlR). Son maintien est digne face au combat qu'il sait maintenant inéluctable. Son buste est droit (une fois Bella reposée à terre). Ses jambes, légèrement arquées. Ses pieds nus, arc-boutés au sol. Le mannequin est là, nimbé de la lumière dun jour déclinant. On dirait un spectre affublé des atours dune belle vivante, dans lattente silencieuse de lamant au cur troublé vers lequel il se précipitera pour enfouir ses griffes et instiller un doux-amer parfum de mélancolie face à labsence de la bien-aimée. Cest un mannequin particulièrement dangereux. Sournois. Oh, il ne paie pas de mine. En bois clair, les épaules redressées, il accuse son état. Mais regardez ces épingles dont il sest doté
Il ne lâchera pas sa proie. Lhomme bande. Surtout ses muscles.*
Muscles qui se révélèrent dailleurs fort inutiles quand le combat contre le mannequin commença. Telle était la douleur du Beauharnais : la conscience terrible de ce décalage entre ses goûts et ses compétences. Facile de regarder une couturière apprêter une commande sur un mannequin, ça, il n'y avait pas à dire... Mais quand il fallait mettre en pratique, c'était vraiment tout autre chose. Un instant, il se demanda sil avait bien fait de se réjouir de navoir pas à contribuer à lessayage dune robe par le Grand Chambellan de France, qui aurait constitué un honnête préambule à lexercice auquel il se livrait. Alors que portée par le mannequin létoffe semblait parfaitement pliée à la volonté humaine, sous les doigts de Wallerand elle se rebiffait. Et, tout en prenant garde à ne pas causer de nouvelle douleur à sa maîtresse, le Beauharnais grommelait tout ce quil savait, avant de finir par lancer, dans un sourire empreint dautodérision :
Vous savez, je crois que je comprends pourquoi on n'admet pas les hommes aux essayages des femmes.
Ah oui ?
C'est fichtrement compliqué à ajuster, ces choses-là ! Il n'y a que des femmes pour pouvoir s'y retrouver...
Et là, c'est le drame : un commentaire imprévu passa les lèvres du Beauharnais, qui ne put qu'esquisser un sourire amusé après coup.
Et puis, c'est beaucoup plus facile à enlever qu'à mettre !
La remarque tira un éclat de rire argentin, tandis qu'elle se prêtait de bonne grâce à la tentative d'habillage. Après un regard tendre au Beauharnais, la jeune femme sourit. La robe était assez lourde, la faute au velours précieux et bien épais, agrémentée de fil d'or et de perles roses, et bien ajustée. Comme à son habitude, Valeryane avait fait merveille.
Vous vous en sortez très bien. Je pensais que le maître de la garde-robe royale ne serait pas décontenancé par une innocente robe! Vous n'aidiez jamais vos maîtresses à se rhabiller?
Rarement. Souvent, cétaient des robes toutes simples, pas le temps de dire ouf. Et puis Vous savez, quand il y a des essayages à la Maison royale, je ne suis en général pas dans la pièce. Je donne mon avis après coup. Vous mimaginez dans la même pièce que le Grand Chambellan en chainse ? Ce serait Gênant.
Allez avouer à votre maîtresse que parmi les femmes que vous avez connues - au sens charnel du terme -, il y en a eu assez peu que vous fréquentiez régulièrement, encore moins que vous aviez loccasion de rhabiller, et quen prime votre ancienne compagne était pratiquement la seule femme qui partageait le goût de sa future fiancée pour les mises soignées Et correspondant aux moyens de la noblesse. Voilà. Pas facile. Aussi se contenta-t-il de la version édulcorée de lhistoire. Elle pouffa de rire, avant de se tourner vers l'homme dans toute sa splendeur - entendez par là : nu - et l'embrasser, avant de tourner doucement sur elle-même, soulevant les pans de sa robe qui se soulevait gracieusement.
Voilà! Qu'en pensez-vous?
Vous êtes superbe. Comme toujours, et peut-être même plus.
Maintenant, à vous!
Ce fut plus rapide, les tenues masculines étant plus simples, parce que Wallerand l'aidait, qu'elle faisait attention à son épaule, mais surtout qu'elle ponctuait ses gestes de caresses appuyées, sensuelles. Elle ne pouvait s'en empêcher, sous prétexte de lisser le velours damassé et brodé, ici, une poussière imaginaire là... Histoire de le plaquer au plus près du corps. Elle tourna autour de son amant, appréciant le travail de Valeryane, avant de le regarder tendrement alors quil lattirait à lui pour nicher un baiser au creux de son cou. Cette fois, ils étaient parfaitement assortis, comme en un prélude à ce qui arriverait. Comme sil avait eu une chance de rester de marbre face à ces mains qui lexploraient sous de fallacieux (ou presque) prétextes
Très seyant... Pensez-vous qu'il soit plus rapide de vous dévêtir, que de vous vêtir ?
En fait, il serait plus simple de ne pas shabiller. Ca nous faciliterait la vie dans certaines Circonstances !
Son rire résonna de nouveau à l'allusion à peine masquée de l'amant. Elle avait presque oublié sa mésaventure. Son bras était entravé solidement, elle avait une gêne pour le mouvoir, mais pouvait néanmoins s'en servir.
Vous êtes le premier homme à entrer ici, vous le savez? Toute ma garde-robe trône ici.
Men feriez-vous les honneurs ?
Lentement, elle promena son regard sur l'ensemble de la garde-robe, dont certaines pièces étaient des reliques. Elle passa la main dans les tissus, tirant à eux une tenue au hasard. Tissu simple, noir, robe quasi monacale, à la coupe stricte, au tissu simple, un peu raide, assortie d'une guimpe noir et blanc, dont elle saffubla rapidement avec un sourire amusé. Une coiffe portée habituellement par des femmes bien plus âgées, mais qui mettait en valeur la forme de son visage et son regard pétillant. Lil rieur, son amant la regardait faire, haussant un sourcil surpris à la vue de cette coiffure inhabituelle, vestige inattendu de temps anciens. Et, sans un mot, il écouta lexplication qui vint sans tarder.
Ma tenue de sur cistercienne, que j'ai longtemps portée. J'étais assez timide, et je concevais cette tenue comme une protection. Lorsque Milandor m'a retrouvée, je portais... Celle-ci. Le même exemplaire, mais qui a vu bien des aventures... Je l'ai gardée, même si Imoen voulait en faire des chiffons pour les vitres. Numquam obliviscar...
Elle montra l'exemplaire en question d'une robe cistercienne, usée, déchirée par endroit, maladroitement reprisée à d'autres, tachée à d'autres. Un vague sourire en coin, tandis qu'elle observait le tissu rêche, usé à certains endroits jusqu'à la trame.
Voyez qu'une telle tenue me permettait de me rendre invisible, je n'attirais pas l'attention de la gent masculine pour un sou. Nombre de surs bien plus jolies étaient importunées. Pour celui qui m'importait, j'étais invisible, une roturière aux attraits bien quelconques. Humm Et celle-là
Il devait être aveugle alors Si je peux me permettre.
Elle lui montra une robe bleue alors, au tissu riche et aux manches ornée de dentelle un peu jaunie, d'une coupe ancienne.
Lorsque Milandor m'a retrouvée, en attendant d'appeler une couturière, j'ai porté celle-ci. Celle de Kenny, feue son épouse. Il était veuf, un mariage secret... Lorsqu'il était bien jeune.
Puis, sur un air de confidence...
Kenny Beaupierre était la grande sur de ma mère, Elsianna. Bien peu sont au courant... Je ne l'ai su que fort tard. J'ai grandi sans connaître ma mère, ni mes tantes. Et quand Milou m'a vue dans cette robe, il a eu le coup de foudre. Est-ce la robe ou la femme, allez savoir ! Pour beaucoup, la beauté d'une femme vient de ses artifices... Je ne déroge pas à la règle.
Si. Même sans apprêt, vous êtes belle.
Là se rouvre léternel débat : la beauté est-elle dans lil de celui qui regarde ? Quelle quen soit la solution, le Beauharnais semblait bien sûr de lui et totalement convaincu.
[* Et jarrête là cette tentative de réécriture de Desproges...]
_________________
Muscles qui se révélèrent dailleurs fort inutiles quand le combat contre le mannequin commença. Telle était la douleur du Beauharnais : la conscience terrible de ce décalage entre ses goûts et ses compétences. Facile de regarder une couturière apprêter une commande sur un mannequin, ça, il n'y avait pas à dire... Mais quand il fallait mettre en pratique, c'était vraiment tout autre chose. Un instant, il se demanda sil avait bien fait de se réjouir de navoir pas à contribuer à lessayage dune robe par le Grand Chambellan de France, qui aurait constitué un honnête préambule à lexercice auquel il se livrait. Alors que portée par le mannequin létoffe semblait parfaitement pliée à la volonté humaine, sous les doigts de Wallerand elle se rebiffait. Et, tout en prenant garde à ne pas causer de nouvelle douleur à sa maîtresse, le Beauharnais grommelait tout ce quil savait, avant de finir par lancer, dans un sourire empreint dautodérision :
Vous savez, je crois que je comprends pourquoi on n'admet pas les hommes aux essayages des femmes.
Ah oui ?
C'est fichtrement compliqué à ajuster, ces choses-là ! Il n'y a que des femmes pour pouvoir s'y retrouver...
Et là, c'est le drame : un commentaire imprévu passa les lèvres du Beauharnais, qui ne put qu'esquisser un sourire amusé après coup.
Et puis, c'est beaucoup plus facile à enlever qu'à mettre !
La remarque tira un éclat de rire argentin, tandis qu'elle se prêtait de bonne grâce à la tentative d'habillage. Après un regard tendre au Beauharnais, la jeune femme sourit. La robe était assez lourde, la faute au velours précieux et bien épais, agrémentée de fil d'or et de perles roses, et bien ajustée. Comme à son habitude, Valeryane avait fait merveille.
Vous vous en sortez très bien. Je pensais que le maître de la garde-robe royale ne serait pas décontenancé par une innocente robe! Vous n'aidiez jamais vos maîtresses à se rhabiller?
Rarement. Souvent, cétaient des robes toutes simples, pas le temps de dire ouf. Et puis Vous savez, quand il y a des essayages à la Maison royale, je ne suis en général pas dans la pièce. Je donne mon avis après coup. Vous mimaginez dans la même pièce que le Grand Chambellan en chainse ? Ce serait Gênant.
Allez avouer à votre maîtresse que parmi les femmes que vous avez connues - au sens charnel du terme -, il y en a eu assez peu que vous fréquentiez régulièrement, encore moins que vous aviez loccasion de rhabiller, et quen prime votre ancienne compagne était pratiquement la seule femme qui partageait le goût de sa future fiancée pour les mises soignées Et correspondant aux moyens de la noblesse. Voilà. Pas facile. Aussi se contenta-t-il de la version édulcorée de lhistoire. Elle pouffa de rire, avant de se tourner vers l'homme dans toute sa splendeur - entendez par là : nu - et l'embrasser, avant de tourner doucement sur elle-même, soulevant les pans de sa robe qui se soulevait gracieusement.
Voilà! Qu'en pensez-vous?
Vous êtes superbe. Comme toujours, et peut-être même plus.
Maintenant, à vous!
Ce fut plus rapide, les tenues masculines étant plus simples, parce que Wallerand l'aidait, qu'elle faisait attention à son épaule, mais surtout qu'elle ponctuait ses gestes de caresses appuyées, sensuelles. Elle ne pouvait s'en empêcher, sous prétexte de lisser le velours damassé et brodé, ici, une poussière imaginaire là... Histoire de le plaquer au plus près du corps. Elle tourna autour de son amant, appréciant le travail de Valeryane, avant de le regarder tendrement alors quil lattirait à lui pour nicher un baiser au creux de son cou. Cette fois, ils étaient parfaitement assortis, comme en un prélude à ce qui arriverait. Comme sil avait eu une chance de rester de marbre face à ces mains qui lexploraient sous de fallacieux (ou presque) prétextes
Très seyant... Pensez-vous qu'il soit plus rapide de vous dévêtir, que de vous vêtir ?
En fait, il serait plus simple de ne pas shabiller. Ca nous faciliterait la vie dans certaines Circonstances !
Son rire résonna de nouveau à l'allusion à peine masquée de l'amant. Elle avait presque oublié sa mésaventure. Son bras était entravé solidement, elle avait une gêne pour le mouvoir, mais pouvait néanmoins s'en servir.
Vous êtes le premier homme à entrer ici, vous le savez? Toute ma garde-robe trône ici.
Men feriez-vous les honneurs ?
Lentement, elle promena son regard sur l'ensemble de la garde-robe, dont certaines pièces étaient des reliques. Elle passa la main dans les tissus, tirant à eux une tenue au hasard. Tissu simple, noir, robe quasi monacale, à la coupe stricte, au tissu simple, un peu raide, assortie d'une guimpe noir et blanc, dont elle saffubla rapidement avec un sourire amusé. Une coiffe portée habituellement par des femmes bien plus âgées, mais qui mettait en valeur la forme de son visage et son regard pétillant. Lil rieur, son amant la regardait faire, haussant un sourcil surpris à la vue de cette coiffure inhabituelle, vestige inattendu de temps anciens. Et, sans un mot, il écouta lexplication qui vint sans tarder.
Ma tenue de sur cistercienne, que j'ai longtemps portée. J'étais assez timide, et je concevais cette tenue comme une protection. Lorsque Milandor m'a retrouvée, je portais... Celle-ci. Le même exemplaire, mais qui a vu bien des aventures... Je l'ai gardée, même si Imoen voulait en faire des chiffons pour les vitres. Numquam obliviscar...
Elle montra l'exemplaire en question d'une robe cistercienne, usée, déchirée par endroit, maladroitement reprisée à d'autres, tachée à d'autres. Un vague sourire en coin, tandis qu'elle observait le tissu rêche, usé à certains endroits jusqu'à la trame.
Voyez qu'une telle tenue me permettait de me rendre invisible, je n'attirais pas l'attention de la gent masculine pour un sou. Nombre de surs bien plus jolies étaient importunées. Pour celui qui m'importait, j'étais invisible, une roturière aux attraits bien quelconques. Humm Et celle-là
Il devait être aveugle alors Si je peux me permettre.
Elle lui montra une robe bleue alors, au tissu riche et aux manches ornée de dentelle un peu jaunie, d'une coupe ancienne.
Lorsque Milandor m'a retrouvée, en attendant d'appeler une couturière, j'ai porté celle-ci. Celle de Kenny, feue son épouse. Il était veuf, un mariage secret... Lorsqu'il était bien jeune.
Puis, sur un air de confidence...
Kenny Beaupierre était la grande sur de ma mère, Elsianna. Bien peu sont au courant... Je ne l'ai su que fort tard. J'ai grandi sans connaître ma mère, ni mes tantes. Et quand Milou m'a vue dans cette robe, il a eu le coup de foudre. Est-ce la robe ou la femme, allez savoir ! Pour beaucoup, la beauté d'une femme vient de ses artifices... Je ne déroge pas à la règle.
Si. Même sans apprêt, vous êtes belle.
Là se rouvre léternel débat : la beauté est-elle dans lil de celui qui regarde ? Quelle quen soit la solution, le Beauharnais semblait bien sûr de lui et totalement convaincu.
[* Et jarrête là cette tentative de réécriture de Desproges...]
_________________