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[RP] Petite balade en eau trouble

Cymoril
Perplexe par la suite la Fourmi. Se demandant soudainement lequel des dangers était le pire pour son intégrité physique : une éventuelle attaque ou une Harlem armée d'une épée et prise d'une frénétique envie d'en découdre avec l'air ambiant.
Optant pour la prudence, une fois n'est pas coutume, elle attend que l'épée cesse de fendre le vide.


Ahem...

Tu t'en es déjà servi avant aujourd'hui ?


Au juger, certainement pas. On peut pas être dotée d'un détecteur d'emmerdements et avoir tâté du combat armé sur champ de bataille. Et pis connaissant la demoiselle, sûr qu'elle aurait laminé tout le monde à la première tâche.

Un sourire compatissant en direction des couettes tout de même. Bien la première fois qu'elle la voit secouée à ce point. Et pourtant dans le genre secoué elle en connait un rayon la Fourmi.


Harlem... on est bien vivantes... Sinon t'aurais au moins un accroc ou deux sur ta robe hein !

Rhâ... Faut pas t'mettre dans des états pareils, ton nez va bien. Par contre t'es toute décoiffée maintenant !^^

On devrait peut-être regarder dehors si tout le monde va bien ?


Et pis ça rassurerait définitivement Harlem sur la situation.
Elle s'extrait du pouf, attentive aux réactions du vis à vis, jetant un regard appuyé sur l'épée toujours dégainée.


Range ça... tu vas finir par blesser quelqu'un sinon !

...

Et vu qu'y a pas grand monde, de grandes chances que le quelqu'un ce soit ma pomme...

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Drannoc
[A peu près dans le même coin]

Rien. C'est l'astuce totale, celle derrière laquelle il s'est réfugié. Il n'a rien à faire, il suit, éveillé d'un contrat moral. Phase d'aucun intérêt à laquelle il survit toujours, bête adaptée à tout et l'improbable. Parfois il se redresse et tend l'oreille à ces quelques phénomènes inhérents au groupe. Parfois même il sort et s'enquiert de ces choses liquides qui savent l'entourer au cœur du néant, plutôt sous une lune argentée, quand le surnombre laisse place aux murs et à l'improvisation.

Jusque là il se tient mais se laisse fatalement envahir alors que la lune est pleine comme le foie. Il s'agite un peu, délivrant sa science de l'inutile et de l'oisiveté disséquée, derrière quelques vitres crasses de bouges désertés. Et quand le petit jour étend ses premiers rayons de vie et de chaleur, lui s'éteint à nouveau jusqu'à l'improbable sursaut suivant.

Il a abandonné un peu de consistance matérialisée par une femme mariée trop rapidement ou une vache étonnamment carnivore, ne restant plus qu'avec lui même à mesure du temps écoulé jusque là. Alors il n'en fait pas trop, se gausse parfois, joue de quelques bribes de phrases lancées dans la troupe, réajuste son casque et reprend le fil du voyage discrètement planté sur sa monture, évasive elle aussi. Parmi le convoi et dans la fumée de la terre foulée il aime à se rappeler qu'il est bel et bien vivant. Sans plus et sans rallonge, évitant les échanges trop longs, un léger sourire au coin des lèvres. L'Hydre reprend inéluctablement la route avec parfois quelques roulottes un peu vides...

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Hydrae
Cymoril
Les jours, les nuits se suivent… Après le bombardement lunaire de volatile frit.


Ce fut une nuit comme tant d’autres auparavant. Sans sommeil. Les premières lueurs de l’aube la trouvèrent allongée toute habillée sur son lit de fortune. Les traits tirés, le regard vague, et un léger sourire flottant. Non loin, le bruit ténu de la respiration régulière d’Harlem, dont rien ne semblait perturber le sommeil, pas même les cahots de la route.
Au dehors de la roulotte la lumière antique de constellations millénaires s’effaçait lentement, faisant place à un soleil hésitant, le bruit des sabots claquait sur le pavé de la route, cliquetis des harnais et conversations étouffées d’une fin de nuit. D’une normalité et d’une banalité routinière.

Une nuit entière à songer à ses doutes, ses craintes qu’elle voudrait effacer, pour acquérir cette certitude sereine qu’affichaient certains, que malgré tout, la vie n’était pas que chaos et qu’il y avait un sens à tout ça autre que d’être simplement des animaux un peu plus doués que les autres pour laisser derrière eux un semblant de trace de leur misérable existence. Se remémorant non sans un cynisme certain ancienne conversation avec le spadassin à ce même sujet, dont la réponse à ce même questionnement avait été d’une limpidité effrayante. « Nous sommes là parce que nos parents ont eu la bonne idée de s’envoyer en l’air… » Sans appel. Et elle est toujours là, des années plus tard, aussi désorientée par son besoin aigu d’espoir, de réponse.

Alors elle attend patiemment, que le convoi fasse halte et que miss Couettes s’éveille. Sans bouger, laissant encore son esprit s’égarer, luttant contre le sommeil de peur de laisser ses rêves revenir la hanter. Certaine de faire tâche si elle se laissait aller, s’éveillant en criant. Au mieux elle prendra quelques heures de repos lors d’une pause, au détour d’un bosquet. C’est encore entre les racines noueuses d’un arbre centenaire qu’elle dort le mieux.

Etrange pour elle de se laisser mener de la sorte. Ne rien contrôler à un côté effrayant qu’elle tente de refouler. Se faire discrète dans le nombre, présenter visage affable, composer le masque d’ici à l’arrivée. Apprendre le rôle et oublier d’être elle. Aller à contre nature pour mieux se fondre et s’intégrer. Vaste programme auquel elle n’avait su se tenir en Franche Comté, où sans créer de liens elle avait réussi à se faire détester de certains. Pas qu’elle s’en préoccupe, l’opinion des autres l’avait toujours profondément indifféré tant elle était loin d’elle la plupart du temps ; mais certains projets nécessitent qu’on y sacrifie une part de soi, au moins en public. Comme un mal nécessaire.

Par moment, une main fine passe sur un pli de sa bure, la défroisse dans un geste machinal. Tandis que l’autre replace une mèche rebelle derrière l’oreille. Les yeux fixes sur le plafond boisé de la roulotte qui n’en finit d’avancer, elle regarde le miroitement mordoré des couleurs du vitrail qui danse et diffuse une lumière presque irréelle.

En attente...

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Cymoril
Jusqu'ici ça va...


Ce qui résumait assez bien la pensée sur le vif de la demoiselle.

Deux jours plus tôt elle avait quitté Bordeaux et ses faubourgs pour s'élancer dans un périple commercial comme tant d'autres. Tonneaux de Bourgogne, Bordeaux, Champagne soigneusement arrimés, jambons goûtus enveloppés loin de la commande de braies, le tout pour une rondelette somme.
N'est pas marchand de luxe qui veut.

Ceci dit, cela n'excluait pas de faire de mauvaise rencontre en route. Elle était bien placée pour le savoir. Pas que ça l'inquiète plus que ça, mais ça l'agacerait de voir s'envoler sa précieuse cargaison et les profits qui allaient avec.

Antennes dressées et attention accrue, Fourmi allait à train d'enfer sur la route, soulevant pas mal de poussière il est vrai, ce qui n'est pas forcément très discret. Z'ont qu'à la paver c'te fichue route aussi... Certes, elle aurait pu se faire escorter, mais l'idée d'attendre, de devoir gérer quelqu'un d'autre, et surtout de devoir faire la discussion pendant des jours et jours... avait eu raison d'une éventuelle notion de prudence. D'ailleurs, le déplacement en solitaire lui avait toujours réussi, jamais croisé qui que ce soit qui nécessite un arrêt intempestif et un bottage de train.

Allez...
Jusqu'ici ça va, et pas de raison que ce ne soit pas la même chose pour la suite.
Et puis elle sait se défendre, surtout quand c'est un bout d'avenir qui se trouve dans la charrette.
En attendant, elle marque une pause, le temps de croquer un peu de ce raisin, le temps d'un vélin à grattouiller.


Citation:
Le Bonjour Messire Dran,

Comment vous portez vous depuis le temps ?

J'ai attendu quelques temps de vous voir passer les murailles de Bordeaux, histoire de nous arranger second rendez-vous, que vous puissiez tenter de récupérer votre bouclier de façon honorable.
Puis lasse d'immobilisme stérile, j'ai pris la route pour un rendez-vous ducal que je me dois d'honorer pour diverses raisons.

Je vais finir par penser que je vous fais peur Messire Dran, vous qui semblez vous éloigner de plus en plus de cette éventuelle rencontre.

A moins que vous ne fussiez trop occupé à vous faire dorloter par quelque ribaude accommodante, ce dont je ne saurai vous blâmer bien évidemment. Ma façon à moi étant bien plus... ou moins, enfin, différente !

Néanmoins il me tarde d'avoir de vos nouvelles, sans doute est-ce cela qui fait que je vous titille de la sorte, espérant piquer un peu d'orgueil chez vous et vous faire réagir, agir...
Et ainsi qui sait, peut-être qu'à mon retour en terre de Guyenne.

Je vous abandonne à vos contemplations, que je sais Ô combien profondes.

A tantôt, et gardez vous de vous faire rosser par quelqu'un d'autre que moi.


Fourmi...



Le pli est roulé avec soin, ceint d'un ruban puis posé sur ses genoux. Un soupir lui échappe avant qu'elle ne siffle doucement, rappel d'un planeur jamais très loin. Compagnon ailé qui s'amuse à tarder et à la faire languir, jusqu'à ce qu'elle tire un morceau de viande du fatras de ses affaires, et qu'il vienne se poser sur la main gantée.

Foutu feignasse...

Le ton est plus amusé que râleur tandis qu'il se repaît, majestueux d'indifférence. Et lorsqu'il revient vers elle son en-cas achevé, une caresse l'accueille comme celle faite à un vieil ami, le plus vieux, le seul qui reste finalement. Un baiser léger se pose sur sa tête avant que l'obscurité ne retombe sur lui avec le capuchon qui vient le couvrir.

Râle pas...

C'est pas pour longtemps...


Précaution prise du silence, des fois qu'il ne comprenne ce qu'elle pourrait dire par la suite, à savoir qu'il ne doit voir ce qu'elle sort d'un panier accroché à l'assise de la charrette.

Banal ramier, comme des milliers d'autres, se retrouve avec la missive accrochée à la patte, avant de prendre son envol. Elle le suit vaguement du regard, s'assurant qu'il prenne au moins la bonne direction...


Tu me l'aurais bouffé comme à chaque fois...
Et je ne sais pas encore si je peux t'envoyer toi, tu comprends fichu bestiau ?


Non elle n'est pas folle d'abord.
Précautionneuse peut-être, mais folle... enfin si, mais pas là.
Avant de reprendre sa place, les rênes, la route.

Jusqu'ici ça va...

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Drannoc
[Au sud]

Il avait passé l'après midi sur un trône de sable fin à observer les vagues éternelles échouer à ses pieds. Chaque jour depuis quelques temps il ne se lassait d'apprécier le parfum à la fois iodé et printanier du bord de la France.
Il avait foutu ses braies et bottes en vrac mais pas trop loin, obsessionnel. Épée et bouclier en sommeil au campement de l'Hydre il avait convenu avec lui même qu'il se défendrait avec ses dents -évidemment blanches et fraiches- en cas de besoin même si l'hystérie toute languedocienne avait du depuis le temps réfréner les pulsions malsaines de la majorité du troupeau.

Il triturait machinalement le nécessaire d'écriture, sachant que les mots jailliraient tôt ou tard en saccades prolongées...


Citation:
Bonsoir chère Fourmi,

Me voilà ravi de recevoir un pli de votre sceau et de vous savoir vivante quelque part, toutes mandibules acérées.
Depuis, rien a changé et ma "fuite" ne tient qu'à ma fidélité pour mes compagnons et cette passion du désordre, au gré de nos pas qui aléatoires, viennent fouler les terres du royaume. Vous me connaissez fiable et disposé à vous retrouver au détour d'un chemin perdu même si nos routes semblent prendre des directions opposées. 1458, 1459 ? je ne suis pas encore mort ni englouti par la terre, il me reste encore du sang à laisser couler et des tripes à offrir aux corbeaux.

Alors que je suis moi même listé en des pays que je n'ai jamais foulé d'un orteil (les nouvelles semblent glisser plus vite que le vent à travers nos campagnes) l'hydre campe ici en ces terres du sud, au milieu des armées languedociennes et de quelques autres de nos éphémères alliés désordonnés.

Je crois que vous me savez étranger à la peur, ne prêtant foi qu'aux heures suivantes et immédiates, tout furieusement tourné vers les remparts d'un château, l'écume aux lèvres et une lame entre les dents.

Il vous faudra un jour me conter vos frasques et affaires du "nord", de ces situations dans lesquelles je vous vois subtilement persécuter le commun des mortels, quelque pauvre hère croupissant lamentablement aux carrefours de nos contrées.

Prenez soin de vous, créature, dans l'attente de vous revoir et de vos nouvelles. Merci pour le volatile vieillissant.

Monsieur D.


Satisfait, il fourre la lettre dans sa chemise et songe à l'envoyer dès que possible. Reportant son attention à son environnement immédiat, il ramasse et porte à sa bouche un pigeon déjà froid et gris. Plus tard il se relèvera et, un pied devant l'autre, se rapprochera lentement des lumières de la cité.
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Hydrae
Cymoril
[Entre Anjou et Sud...]


D'une route à l'autre, d'un chargement précieux cédé à prix d'or à l'Impérator angevin à un procès inquisitorial taille XXL en passant par une studieuse salle de classe, elle mène sa barque, tranquillement, à défaut d'un bateau qui sera prêt sous peu.

Solitaire.
Taisant la douleur de l'inquiétante disparition d'Harlem.
Laissant le poison continuer de gagner peu à peu. Sans même chercher à lutter contre.

Les fesses soigneusement calées entre les racines noueuses d'un chêne centenaire, la Créature relit avec un certain amusement le courrier de Drannoc. Il a voulu lui rendre la pareille sans nul doute, lui chatouiller les antennes et voir si elle réagissait.
Soit.

Nécessaire d'écriture sur les genoux, minois concentré, enfin l'air concentré dirons-nous, la plume commence à glisser, légère, sur le vélin.


Citation:
Messire Drannoc,

J'admire votre ostentatoire fidélité à vos compagnons d'armes. Cette abnégation qui vous pousse à faire passer votre bien être et vos désirs au second plan, afin vous mettre entièrement au service de votre si "noble" cause...

J'attendrai donc pour satisfaire le mien de vous voir à genoux encore une fois. Comment ne pas savourer encore et encore pareil instant d'ailleurs ? C'est si délicieux, bien plus que de vous imaginer bave aux lèvres, écumant d'une rage soudaine à l'assaut d'un château sans intérêt.

Sinon, mes mandibules se portent aussi bien qu'elles le peuvent. Non que l'appétit manque, mais il semble qu'il ne reste pas grand chose d'intéressant à mordre. Et sachez que je ne suis pas du genre à persécuter le commun... Je laisse ça aux prétentieuses coureuses de trône et autres malades de la surveillance de ce qui n'est plus.

Je souhaite grande réussite dans vos entreprises et expérimentations en tous genres...
Et désolée pour votre pigeon, il n'a survécu aux serres de mon compagnon. Pour la peine, je vous fais don de ce jeune ramier dodu !

A la revoyure messire Drannoc.

Foumi.



Même si elle a l'étrange sentiment qu'une rencontre future tient de plus en plus de l'improbable, elle laisse le temps... au temps.
Avant d'attacher avec soin le vélin roulé à la patte du volatile chipé à Bordeaux.

Toujours installée au pied de l'arbre, Fourmi regarde l'oiseau s'éloigner à tire d'ailes jusqu'à ce qu'il disparaisse à l'horizon.
Puis elle se concentre sur la carte qu'elle vient de sortir. Des lieues à avaler, encore et toujours. Juste que maintenant elle se demande de plus en plus souvent pourquoi en fin de compte.

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Cymoril
Mein Ruh ist Hin, Meine Herz ist Schwer...


Quelque part, à l'écart de la route, après avoir fui les lumières de la ville voisine et loin de ses congénères...

La forêt avait une beauté et une magie intrinsèques qui chaque fois opéraient leur oeuvre sur la jeune femme. D'aussi loin qu'elle se souvienne, ces espaces sauvages l'avaient toujours rassurée, bien plus qu'une foule assemblée. Très peu de choses produisaient cet effet sur elle. Et en y repensant de façon plus incisive, plus rien à ce jour n'y arrivait.

Elle s'ébroue, comme un jeune chiot, s'efforçant de chasser les idées sombres qui s'entremêlent dans sa tête, préférant reporter son attention sur les chênes noueux dressés là, pareils à de majestueuses sentinelles silencieuses et imperturbables sous les reflets argentés. Une brise légère faisait bruisser les branches entrelacées, les racines semblaient courir sur le sol moussu, formes éthérées sous le clair de lune.

Un peu plus loin, la course d'un renard vient interrompre celle, audacieuse, d'un intrépide rongeur, sous l'oeil courroucé d'une chouette effraie qui d'un battement d'ailes furieux montre toute son indignation de s'être fait subtiliser sa proie. Là, un blaireau traverse la lumière opalescente et se retrouve surpris face à la petite forme tassée qu'elle représente, au pied d'un de ces énormes arbres avant de s'en retourner dans l'obscurité du sous bois.

Tête calée contre le tronc, les yeux mi clos, l'esprit se laisse aller à vagabonder. Loin.. Très loin... Fourmiesque...

Le printemps cessera d'entendre résonner les chants gracieux des oiseaux, l'été celui des cigales, l'ombre étendra son bras...
Pourtant dans les prairies molles la génisse mugit encore d'amour pour le taureau, dispute ses caresses et regarde d'un oeil jaloux celles des autres génisses qui lui sembleraient plus belles. Bondissant dans l'herbe tendre pour lui plaire, semblant courber la tête sous le joug d'un faux sacrifice, avant de toucher avec joie les entrailles d'une rivale, déchirant son poitrail d'un unique coup de corne effilée.
La cavale hennit à l'approche de l'étalon, annonçant triomphante, d'une course effrénée la conquête certaine du roi des coursiers.
L'oiseau aux ailes engluées ne peut voler plus loin, le sanglier en vain se débat, frénétique, dans les filets qui le retiennent, le poisson ne peut se défaire une fois l'hameçon en bouche...

L'imagerie bucolique de son esprit tortueux lui tire un sourire cynique. Et repart vers une destination nouvelle... Change de registre sinon d'imagerie. S'assombrit en pensées encore plus vaines et inutiles...

Le taureau sauvage qui finit par s'accommoder au joug avec le temps, le coursier rétif qui apprend à obéir au frein... A quel moment la volonté avait-elle cédé ? La contrainte broie-t-elle forcément tout espace de liberté ? Mais qu'en est-il du roc le plus dur qui lui aussi cède à l'usure de l'eau ? Peut-on encore parler de volonté et d'espoir ?...
L'espoir, divinité trompeuse, permet au temps de s'écouler plus vite...
Telle Pénélope, elle esquive, élude sans rien donner, rythmant ses journées au fil d'une trame dont les entrelacs ne sont qu'illusion. Alors qu'en son coeur chaque nouvelle journée s'ouvre sur l'espérance renouvelée d'un "Aujourd'hui peut-être..." et se referme silencieusement sur un "Demain, qui sait..."

Pire que la mort de la chair est la mort de l'espoir, du rêve.
Et lorsque arrive l'heure du loup, au plus sombre de la nuit et qu'elle ressasse tout ce qui obscurcit son âme, que la crainte grandit en elle de devenir comme tous ces gens que tout effraie au point d'en devenir les figurants de leur propre existence, quand l'univers lui même semble retenir son souffle, que la volonté frémit à force de s'étirer, si ténue qu'un souffle d'ange suffirait à en briser le fil, ses yeux se ferment au monde, à sa laideur. En quête jusqu'à ce que cette étincelle à l'éclat hésitant apparaisse derrière ses paupières closes, grandissant à enfin redevenir la Lumière radieuse d'un astre fulgurant, l'inondant d'une chaleur à nulle autre pareille.

De là...
Qu'importe qu'elle ne soit qu'un bateau sans compas ni boussole, dérivant sans cap sur un océan infini.
Qu'importe l'odieux Carmin et ses rumeurs vipérines.

Tant que le feu brûle en elle...

A nouveau les arbres se nimbent de brume scintillante diffusée en lambeaux de clair d'étoiles. La forêt frémit, palpitante de vie, renvoyant les échos lointains d'une meute en chasse.
Et elle sourit, apaisée, en regagnant la voie de pierre qui s'étire en formes sinueuses sous la lune. Contente de n'être ni tendre et blanche génisse, ni jument à monter. Juste...
Fourmi.^^

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Drannoc
[D'un Sud embourbé]

Il passait par la fenêtre pour la vingtième fois peut-être. Le verre acéré raclait sa peau et fouillait la chair de son bras, de son visage, mais surtout de son esprit déjà torturé. A la vingt et unième fois il pensait anticiper lentement, au ralenti et peut-être encore avant, retenir son geste fatal. Encore trop juste, le visage bleu en décomposition venait le frôler... il s'éveille, le cœur trop bas, la respiration lourde et la bouche pâteuse. Vas crever, pour une dernière fois.

Les traits d'une journée chaude dessinaient ses premiers rayons, éveillant progressivement un campement bientôt en ébullition. Un œil par la lucarne il contemple ses pairs en arme vadrouiller et sous certaines formes laisser paraitre quelques déviances. Feux de joie et gencives caressées d'une vieille pelle salement ébréchée.
Une majorité fuit peu à peu à l'eau se rafraichir alors qu'il ajuste lentement sa plume.


Citation:
Fourmi chère Fourmi,

Parfois amères et plus souvent sarcastiques j'apprécie toujours autant les courbes de vos lettres, et de mes genoux je l'espère ne verrez à l'avenir que leur pouvoir dissuasif sur le cou d'une fière prétentieuse, par exemple.

Un jour une jeune inconsciente franchissait le seuil d'un campement barbare déserté et il me fallait vous remercier, vraiment.
D'une journée magnifique nous avons consommé le sel et le soir aux chandelles nous avons ripaillé, pleinement. Courbes généreuses, langue savoureuse et chevelure cuivrée vous saviez la ribaude me plaire sans doute parce que je ne vous laisse plus insensible. Il ne tiendra qu'à vous je crois désormais, de laisser vos envies toucher ce qui vous entoure. Maîtresse ?

Quoiqu'il en soit je me suis permis d'offrir à notre amie commune un juste voyage en de plus verts pâturages, à Florence où si je ne m'abuse la peste a laissé place depuis quelques années aux magnificences d'une cité d'empire. Et là bas pourra-t-elle peut-être jouir d'une existence un peu plus agréable. Elle paraissait ravie et vous témoigne sa gratitude de l'avoir envoyé à moi.

A mon quotidien et au sud règne l'incertitude depuis des jours et l'Hydre se repait tranquillement de ses graines semées, profite chaque instant de la folie et des plaisirs du temps. Je repense souvent aux corps tombés en route, aux autres qui ont choisi l'ailleurs, à ceux qui ont accompagné mes pas en quelque château inutile.

Prenez soin de vous encore, affectueusement.
D.


Devant ses yeux clairs et gris reviennent flotter les hanches savoureuses de Bethsabee, les assauts sauvages et pleins, jouissifs, cette figure perdue et décomposée à jamais. Cadavre minuscule abandonné dans une vieille et chaude roulotte pourrie sous un soleil accablant. Florence ou les vers...
Quelques bruits du dehors finissent d'achever ce qui ne devient pour lui qu'un rêve au demeurant parfait. C'est vrai que je bois trop. La ferme.
Il se redresse lentement et vient ouvrir la porte vers sa réalité du jour, qu'il franchit d'un pas décidé.

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Hydrae
Cymoril
Toulouse...




C'est aux abords de la Garonne qu'elle a élu domicile pour quelques jours. Arrivée deux jours plus tôt, renseignements pris pour la sage étudiante et l'emploi du temps qui se voit complété. Une semaine d'ermitage studieux en perspective. Rien de nouveau sous le soleil. Seuls les murs changent. La veille, elle a joué de rapidité et de discrétion pour entrer en cours, coiffant au poteau quelques vieux croûtons locaux. C'est dans ces moments rares qu'elle se réjouit de sa petite taille.

Pour l'heure, au lever du jour sur la cité toulousaine, l'appel irrésistible de l'eau... Après la nuit glissée dans la chaleur boisée de son tonneau, l'habitude vite prise de se baigner à l'envie. Un oeil scrutateur cherche alentour la moindre trace de présence, avant de se défaire de ses habits. Seule la chemise de lin fin restera, ultime rempart entre les regards et sa petite carcasse. Un pied après l'autre, et la fraîcheur de l'eau lui tire frisson, jusqu'à ce qu'arrivée à mi-cuisses elle plonge. Le contact sur sa peau... Electrisant, milliers de petits dards aiguillonnant sa chair, ses sens, délicieuse sensation, caresse vivifiante alors qu'elle rejaillit une quinzaine de mètres plus loin. Elle se laisse porter sur l'onde, regard porté sur les premiers rayons du jour qui rasent timidement la cime des arbres. Chaque remous de l'eau fait remonter le frisson, lui parcourant l'échine, aussi léger et furtif que l'effleurement d'une plume, l'instant plaisant laisse dériver sa pensée sur les courriers auxquels elle se doit d'apporter réponse.

Celui de l'Ysengrin...
Elle est encore bien trop remontée pour lui répondre. Il attendra. Le courrier annoncerait certainement sa venue au pays des druides, et l'expression de sa pensée en invitation à régler leur léger différent dans le sable chaud d'une arène.
Celui de l'hydreux Dran...
Lui tire sourire en y repensant. Qu'il ait osé poser par écrit certaine volonté de l'avoir... N'engage évidemment pas à grand chose, les lieues entre eux étant en elles mêmes suffisantes à repousser rencontre au caractère encore trop imprévisible. Il ignore tant de choses. Comme beaucoup. Enfin, il avait consommé le présent, et nul ne saurait dire ce qu'elle pouvait en penser. Excepté que l'évocation de verts pâturages lui avait fait penser aux Champs Elysées... Allez savoir pourquoi.^^

De longues minutes plus tard, une chemise détrempée atterrit sur la berge, une main attrape prestement un pain de savon soigneusement dissimulé dans le creux d'un rocher. S'en suit l'apparition des bulles sur lesquelles elle souffle en riant, alors que le savon poursuit sa course sur sa silhouette a demi dégagée de l'eau. Entre deux éclats de rire alors qu'elle boit la tasse, en contorsions aquatiques, tantôt pour atteindre endroit charnu presque inaccessible, tantôt pour retrouver le glissant échappé de la main.
Jusqu'à une dernière immersion, longue coulée qui la rapproche définitivement des rochers, abri précaire pour une fourmi dénudée, qui bien vite se jette sur sa cape, s'enroule dedans tout en allant farfouiller dans ses sacoches à la recherche d'une chemise propre et sèche. Vite enfilée, elle laisse le reste sécher, grain de peau encore tout émoustillé de sa rencontre avec la fraîcheur aqueuse. Chevelure en bataille, gouttant sur son dos, balayée par une brise légère alors qu'elle se tient là, debout, le regard rêveur sur les reflets du soleil dans l'eau. Jusqu'à ce qu'elle s'ébroue, envoyant une myriade de perles translucides tout autour d'elle. Enfantine, elle sourit encore. Avant de grimacer en passant une main dans la tignasse, et d'y rester coincée.


Groumpfff... J'vais m'amuser encore à démêler tout ça...

Certes, elle parle seule. Mine déconfite à l'idée de la longue séance de jeu de peigne qui allait en découler.Qu'elle reporte à après.

Chemise recouvrant la moitié de ses fines cuisses, elle trouve assise sur un rocher ensoleillé, se laissant réchauffer par ce soleil encore timide de début de matinée, écritoire posé sur les genoux, encrier posé à ses pieds, laissant courir la plume au fil de sa pensée.


Citation:
Messire Drannoc,

C'est toujours avec un plaisir certain que j'accueille de vos nouvelles.

Vous me trouvez ravie que mon cadeau vous ait plu, et que vous en ayez fait bon usage. Toutefois, si j'avais voulu savourer les détails de votre rencontre, je serai venue en personne m'assurer de la qualité de la prestation fournie, en spectatrice.. Qui sait, une prochaine fois peut-être ?

En ce qui concerne vos genoux... Vous pouvez les mettre sur toutes les gorges qu'il vous siéra, même si cela ne semble pas être la meilleure des places. Mais à chacun ses goûts en matière de corps à corps n'est-ce pas ? Je tâcherai toutefois de m'en souvenir dans l'éventualité d'une rencontre fortuite au détour d'un chemin, protégeant cette partie si fine, si fragile de mon anatomie d'un gorgerin solide orné de piques... Au cas où...

A moins que ce ne fut une façon assez cavalière qui ne rejoigne votre questionnement... Maîtresse ? Ne suis-je donc parfaite ainsi ? Conciliante à vous envoyer de quoi soulager vos envies ?

Les miennes me portent à toucher de vieux parchemins en de grandes pièces sombres, en caresses de cuir relié, d'enluminures dorées... Profitant des bienfaits d'un savoir accumulé avant de larguer les amarres.
Toulouse hors des murs de l'enceinte universitaire est d'un ennui... Auquel je commence à me faire malgré tout. D'une route choisie en pleine connaissance de cause.

Si d'aventure vous receviez un nouveau présent ces prochains jours, merci de ne pas en soudoyer le porteur, qu'il me revienne... me décrire vos impressions à chaud !

Voilà, messire Drannoc, les maigres nouvelles d'une routarde esseulée.
Portez vous bien, en vos hydriques entreprises.

Fourmi.



Un oeil inattentif relit à la va-vite les propos couchés sur le vélin. Sans même qu'elle se rende compte de leur double sens ou des réactions qu'ils pourront provoquer. En toute candeur. Fourmiesque.

Rapidement attaché à la patte d'un ramier dont elle suit l'envol, inquiète comme toujours qu'il ne croise la route d'un certain faucon. Puis elle achève de se vêtir, passant bas, braies et bottes, puis en touche finale sa bure, se transformant en forteresse sous les couches de vêtements. Un long démêlage, tout en Aïe ! Outch ! et autres gémissements et malédictions étouffés s'en suit, achevé par le tressage minutieux de sa trop longue chevelure encore mouillée.

La revoilà sage étudiante...Attentive à l'estuaire, alors qu'au loin une fois la brume dissipée se dessinent les hauteurs déchiquetées des lointaines Pyrénées.

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Cymoril
Villefranche... Même programme, mais en mieux !^^


D'un duché à un autre, elle poursuivait ses pérégrinations estudiantines. Au fil de journées qui n'en finissaient de s'allonger, trouvant un refuge salutaire dans les murs frais de l'université qui l'accueillait depuis plus de deux semaines. Comme une bénédiction.

La chaleur se faisait accablante au dehors, et les rumeurs n'en finissaient d'enfler.
A celle de l'hydreux blessé au combat avait succédé celle plus alarmante d'une prise de mairie rouergate.
Non qu'elle risque d'être inquiétée de quelque façon que ce soit.
Les registres universitaires pouvant attester de son assiduité. Et il serait mal venu de trahir ainsi le seul duché qui lui avait offert l'opportunité d'enseigner librement, sans passer par un obscur chemin. De cela elle rendrait éternellement grâce à la rectrice Harpège...

Toutefois, elle se demandait quand elle allait enfin pouvoir mettre son plan en branle, son petit messager n'étant toujours pas revenu du camp de l'Hydre. Pourvu qu'il n'ait croisé Bouba... Ou pire une édentée affamée.

Lors elle prenait son mal en patience, se plongeant toujours plus dans la recherche de la connaissance, tâches d'encre aux doigts qui ne partaient plus désormais, trahissant sa condition de scribouillarde.
Attentive à tous les bruits qui pouvaient parvenir jusqu'à elle, multipliant les courriers, elle n'en poursuivait pas moins ses recherches intensives de son associée. Ce qui la mènerait sous peu en terre bretonneuse, histoire de mettre à plat l'affaire qui l'opposait au frère de Couette-Couette.

Bientôt.

En attendant, elle se contente de flâner dans les sous bois alentour, en quête d'ombre et de fraîcheur avant l'heure du prochain cours...

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Cymoril
Sur un petit coin de route guyennois...


"Avance toujours, avance !" susurrait la petite voix à l'oreille de la jeune femme.
Concentrée sur la route, aux aguets depuis qu'elle avait quitté le Rouergue un peu précipitamment. Un pli soucieux barrait son front, alors qu'elle cogitait encore sur ce qu'elle avait fait.

A l'occasion de pauses sporadiques, elle posait son regard sur le corps de l'homme saucissonné dans la charrette. Puis elle se mettait à calculer les probabilités, les possibilités...
Au quatrième jour, alors qu'elle l'abreuvait d'un subtil mélange d'eau tiède infusée de feuilles de chanvre, elle en était encore à se demander ce qu'elle allait bien pouvoir faire de lui.
S'il apparaissait clairement que l'hydreux était un genre de star, tombeur de greluches au sein de son groupe et de là où il passait, il n'en était pas moins évident qu'elle n'envisageait pas d'en avoir cet usage là.

Fidélité chevillée au corps, si elle avait abandonné sa bure aux pieds d'une inquisitrice elle restait Fourmi, indécrottablement fourmi... Qui avait de plus en plus de mal à jongler entre la froideur et la distance qu'elle s'évertuait à mettre entre elle et le reste du monde, et son tempérament naturellement gentil. Ce qui donnait un résultat étrange, provoquait chez elle des réactions qu'elle regrettait souvent sous le masque de la Fourmi.

Elle savait que les risques étaient grands, et que chaque jour passé rajoutait au retour de manivelle. Elle l'avait humilié, même si personne d'autre qu'eux n'était là dans cette charrette au quotidien. Il planait au dessus d'eux comme un orage menaçant d'éclater à chaque instant. Comme plus tôt dans la journée lorsqu'il avait réussi à se redresser et à la projeter violemment contre les tonneaux, ou ensuite lorsqu'il l'avait giflé. Bien sûr, elle comprenait le ressenti... Ô combien elle comprenait cette impuissance, et la rage qu'il devait contenir.

Mais elle avait fait ce choix quelques temps auparavant, elle devait l'assumer. Même si cela voulait dire le soumettre à l'humiliation d'être attaché, de sentir le chanvre tressé lui mordre le cou alors qu'il allait se soulager à quelques mètres de là.

Pour elle il est l'heure des ablutions, et l'arrêt en ce coin de route n'est pas innocent. Pour l'avoir pratiquée, elle sait qu'au détour de ce bosquet passe l'un des nombreux cours qui traversent la Guyenne. A pied alors qu'elle mène le cheval et la charrette sur le bord, calculant la distance, évaluant la perspective, en lutte perpétuelle avec sa pudeur et son besoin irrépressible de se laver.

Elle lui avait laissé la gourdasse à portée. S'il avait soif, il n'avait d'autre solution que de s'abrutir l'esprit.
Et elle part d'un pas moins léger que de coutume vers l'eau, laissant choir ses vêtements un à un jusqu'à n'être plus qu'en chemise. Bientôt l'eau n'est plus que mousse savonneuse, entre deux regards inquiets vers la charrette, elle frotte... A force de frotter un jour elle finira bien par s'user ou se dissoudre à son tour.

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Drannoc
Guyenne, nouvelle expérience.

Il l'observe par dessus les parois de la charrette alors qu'elle se fond au loin dans l'eau vive. Il tente de retrouver l'usage de ses membres engourdis par les liens trop serrés et la trouve belle. Il sait qu'un jour il perdra. Il perdra par confiance et aveuglement face au corps sublime et parfait d'une femme, de ce qu'il estime être désirable, sa consécration.
Il ne sait pas où ils vont mais reconnait ces terres déjà foulées et raisonnées de l'Hydre.
Il lui est redevable parce qu'il crevait le sang et le sourire aux lèvres, battu, dans la plaine brulante du Rouergue où elle l'a ramassé, inerte. Alors il a tenté quelques gestes vains comme pour marquer son caractère et sa prétention à l'accompagner libre. Elle reste inamovible, sauf quand elle se penche et qu'il parvient à partager avec elle un peu de magnétisme. Occasion rare et pleine, trop rapidement évaporée...

Mais il brûle encore sous cet éternel soleil apocalyptique de ce juillet infernal. Bordel, 'fait chaud...il a soif et observe la gourde échouée. Non...j'ai assez dormi...mais il boit encore et encore, fatalement desséché sous les rayons implacables...

Il veut courir, chevaucher, s'évader d'ici et...

Il coule, entouré d'eau fraiche, la chute d'eau disséminant son fracas et ses effluves idylliques. Il ouvre les yeux au cœur de ce bleu intense et a froid. Il dort, encore.

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Hydrae
Ny.x






Là.
Omnisciente.
Omniprésente.


Planant majestueuse par delà le visible, affleurant les âmes depuis l'aube des âges.
Elle se nourrit des chants mélodieux que certaines parviennent à livrer au sein de la cacophonie gémissante du commun, d'une humanité qui se cherche.

Du septentrional empereur, insolent hâbleur qui refuse avilissement et soumission sous les harangues en effluves sucrées, faisant ravaler morgue aux courtisans zélés, jusqu'à l'écarlate gascon, habile faiseur, araignée de l'ombre qui n'attend que l'instant de se fondre sur sa proie engluée dans la toile patiemment tissée...
Elle se repaît et savoure.

Intimant à Zéphir et aux séniles étoiles le retrait, le dégagement des Cieux au dessus du Marais, pour caresser d'une présence éthérée ses Enfants.
Figeant une fraction d'éternité sur cette emmurée prisonnière de son propre esprit, qui voudrait déchirer la trame du ciel de ses hurlements sans le pouvoir.
Ce n'est pas son heure. Elle a d'autres vergers à visiter, d'autres fruits à goûter, d'autres fils à trancher avant que de venir enfin se reposer.
Chronos reprend son cours.
Passant à l'autre de ses Filles, l'âme chagrine, qui ne sait ce qu'elle veut, s'agite puis se retrouve sans désir, se cherche un but pour pallier à tous ses idéaux qu'elle a vu bafoué. Si malade... Elle aussi prisonnière d'un horizon de solitude dont le poison a tracé la voie. Si silencieuse. Si apeurée.


Une palpitation, Univers qui s'agite et voudrait faire trembler les fondements de la Terre encore assoiffée. Hélios et Sélène, et leur course immuable, indifférents aux voix.

Lorsque le monde ne sera plus que cendres et poussière,
Que les chants ne seront plus qu'échos rebondissants sur d'autres mondes à l'agonie,
Ils prendront enfin acte.

Ils sont tous...


A elle.
Cymoril
Quelque part en Bretonnie profonde...


Un arrêt à l'écart de la route.
Simple campement de fortune pour un peu de repos. D'une affligeante banalité. Tout juste un feu pour se réchauffer et y cuire quelque viande pour l'écuyer. D'humeur égale, elle avait vaqué, de la charrette où place avait été faite pour le chargement à la rivière qui coulait doucement à quelques pas de là.

Sous les derniers reflets d'un soleil mourant, elle s'était baignée, loin d'éventuels regards. Et son geste avait perdu la nonchalance habituelle, l'esprit parasité par le chant sinistre des engoulevents, incessant, envahissant... Elle aurait voulu les chasser, les faire taire. Faire cesser la lugubre mélopée. Mais gesticulations et gerbes d'eau savonneuse n'y changeront rien.

Seule la tombée de la nuit ramènera un silence tranquille de bruits habituels, de courses de rongeurs, de ululements. Elle n'aura dit un mot au campement, enfermée dans un mutisme équivalent à la chape de plomb qui s'était abattue quelques heures plus tôt sur ses épaules.
D'un sommeil toujours trop long à venir, trop agité dans ce tonneau qui lui sert de couche, jusqu'à l'heure du loup, au plus noir de la nuit.



Hhhhhhhhhhiinnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnn !!!


D'un long râle expulsé alors qu'elle s'éveille en sursaut. Elle s'extrait à quatre pattes de sa couche boisée, se retouvant à genoux, une main sur la poitrine, comme si un poignard venait d'y être plongé et qu'elle essayait de contenir la vie qui s'en échappait malgré elle. Respiration au rythme endiablé, alors que la douleur l'étreint, qu'elle cherche son souffle entre deux sanglots naissants.

SCHLACKKKkkkkk !

Résonnait encore dans son esprit meurtri. D'un lien qui venait d'être tranché.Combien restait-il de fils à la trame de l'existence pour la rattacher encore à ce monde ? Si peu... Si fragiles...
L'Ananké jouait avec elle depuis si longtemps.


Castaña...

Simple nom, à peine audible entre ses lèvres tremblantes.Nul besoin de voir, d'être à ses côtés ou qu'on lui dise, elle l'avait sentie partir, comme un membre vous est arraché au cours d'une bataille.
Longtemps après, alors que les battements de son coeur se sont calmés, allongée sur le sol, bras derrière la tête et pif en l'air, les yeux encore ruisselants fixés sur la voûte céleste :


Bientôt ma Soeur...

D'ici là...
Elle comptait déjà un rendez vous manqué, à croire que le Leu avait eu peur de se faire botter le cul. Pas ça qui allait donner à la Fourmi une meilleure opinion de l'hydreux Ysengrin.
Et l'écuyer tellement discret qu'elle en venait parfois à se demander s'il n'appartenait pas aux mondes des ombres.

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Cymoril
La route.
Encore.
Toujours.
Il lui semblait parfois qu'elle ne faisait plus que ça depuis si longtemps. Comme une longue fuite en avant. Ne restant que ce qu'il fallait, évitant avec soin de s'attarder où que ce fut, se contentant de ne faire qu'effleurer la surface des choses, sans se lier.

Cette route là elle pourrait la faire les yeux fermés. Chaque détour, chaque recoin lui était désormais familier. Les endroits risqués pour les fragiles essieux de la charrette, les meilleurs coins pour camper une fois la nuit venue.

C'est à l'orée d'une épaisse forêt qu'elle a décidé de faire halte ce soir là. L'appel de la forêt ou un truc du genre. Laissant soin à l'écuyer de... s'affairer silencieusement comme chaque soir. En tâches domestiques. Alors qu'elle irait s'efforcer de retrouver la paix.

Paix nécessaire et qu'il devenait urgent de restaurer.
Elle était lasse de ses regards béats d'admiration. Fatiguée de devoir le rassurer sans cesse sur le fait que son infirmité ne changeait rien à ses capacités. Il avait toujours été un infirme, même avant de perdre sa jambe. Toujours à chercher quelqu'un à servir, en bon chien qu'il était. Au point d'en oublier toutes ses aspirations et de la suivre à l'opposé de ce que sa volonté avait exprimé.
Elle avait eu beau lui dire tout ça, le blessant volontairement pour qu'il se détache d'elle, rien n'y avait fait. Il était là, lui imposant sa gentillesse mielleuse, lui imposant de se souvenir. Constamment.

C'est sans doute pour cela qu'elle sentait monter en elle cette envie croissante de le faire souffrir. De le voir mort.
Leurs dernières discussions s'étaient limitées aux informations basiques. Destination, durée du trajet. Elle s'était enquit de savoir s'il avait suffisamment de réserves de nourriture pour la route, en plus de son paiement pour l'escorte. Une autre façon pour elle de conserver la distance instaurée.

Alors qu'elle s'enfonçait plus avant dans la forêt, tirant pas une corde l'agneau acheté plus tôt au marché, elle essayait de chasser tout ça de son esprit.
Et déjà la magie opérait. Le vent mugissait dans les frondaisons, grondait puis s'apaisait ; le bruit des arbres et de leurs occupants, oiseaux et rongeurs, frénétiques, dans un concert incessant, berceuse sylvestre apaisante jouée à son intention.
La jeune femme avait trouvé un endroit qui semblait convenir. Une trouée d'arbres, laissant passer la lumière blafarde, de nombreuses traces alentour...
L'agneau avait été égorgé et abandonné là, alors qu'elle se mettait en retrait, à l'agachon, installée sur un rempart naturel de roche surplombant légèrement la petite clairière. Espérant que l'odeur du sang attirerait.
Puis elle était restée ainsi de longues heures. Retenant son souffle au moindre bruit. Jusqu'au moment où...
Elle s'aplatit contre la roche, main prête à se saisir de l'épée si besoin était.
Derrière la ligne d'arbres les buissons remuaient, puis, enfin il apparut. Magnifique seigneur des lieux, loup à la fourrure grise. Ou peut-être était-ce simplement le reflet de lumière argentée. Il resta figé un long moment, truffe alternativement au sol, s'imprégnant de l'odeur du sang à portée puis en l'air, cherchant l'origine, le responsable. Puis il se mit en mouvement, décrivant de larges cercles autour de la carcasse. Avançant prudemment. Silencieux.

Elle admirait l'animal de grande taille, l'évaluait, certaine que s'il ne l'était déjà il ne tarderait pas à devenir chef de meute. Son épais pelage luisant et ses yeux fauves semblaient transpercer la nuit. Elle s'imaginait plongeant les doigts dans la douce fourrure, comme elle le faisait avec Hawk. Comme cela devait être sensation délicieuse. De pouvoir le toucher.

Lorsque l'animal se sentit suffisamment en confiance il avança enfin jusqu'à l'offrande ensanglantée, dardant sans cesse les bois de regards acérés. Il approcha la truffe, lécha la gorge offerte. Un léger grognement de satisfaction rompit le silence avant qu'il ne donna le premier coup de dents.

Elle se délecta du spectacle alors qu'il déchirait la peau tendre et plongeait le museau à l'intérieur de l'agneau. Dévorant la proie méthodiquement. En artiste qu'il était. Sa tête était couverte de sang, son ventre tendu. Prédateur repu, en parfaite harmonie avec son environnement. Il se tenait là, splendide, se léchant encore les babines dévoilant ses canines luisantes, une noblesse innée dans l'attitude. Un ultime coup de patte sur la carcasse et il disparut dans l'obscurité.
Simple.
Sans ambiguïté.
Elle enviait tout cela.

Une chouette ulula dans le grand silence nocturne, elle s'étendit, le dos sur la roche, le regard plongé dans le ciel, constellé d'étoiles au scintillement parfois hésitant. Immense. Vertigineux.
Etrange que ce soit dans ces moments de solitude qu'elle se sente le plus vivante.


C'est presque l'aube déjà lorsqu'elle revient enfin au campement.
Demain, il lui faudra à nouveau subir la bêtise de ses contemporains, l'orgueil et les luttes absurdes que se menaient les dirigeants des contrées voisines.
A moins qu'elle ne passe pas la nuit. Ce qui en soit serait fort ennuyeux. Surtout pour ceux qui attendent la livraison. ^^

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