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Info:
RP qui retrace l'histoire fusionnelle de deux jumeaux. Les faits se déroulent aux alentours de 1455 à l'aube de leurs 15 ans.

[RP] La Solitudine

Alaynna
[It's by your side, I make my home]
- Laura Pausini - La Solitudine -

Flashback, quelque part sur un noeud entre Tarbes et Pau - Béarn - En attendant les combats de la nuit.





1450 - Canton du Valais -

"- Si seulement il pouvait disparaitre !"

Alaynna venait de murmurer son désir secret à l'oreille de Furio, le chiot saupacker que leur père lui avait offert juste après le départ de son double. De Julian. Qui avait été envoyé au loin d'elle par ce paternel à qui elle ne pardonnerait jamais ce geste. Juste après la mort de leur mère. Morte en couches en donnant naissance à des soeurs jumelles. La petite Alaynna ne voulait pas voir ses petites soeurs, elle ne voulait pas jouer avec elles. C'était leur faute si leur si belle madre dont ils tenaient les gênes italiens n'était plus. Et son père avait commis le crime d'envoyer Julian dans de la famille lointaine. Parce que le frère et la soeur étaient bien trop proches à ses yeux et qu'il voulait préserver la réputation de ce qu'il restait de la famille.

Sans l'ombre d'une hésitation, la gamine de dix ans souhaitait que leur père disparaisse. Elle pouvait parler à Furio à coeur ouvert. Les mots qu'elle venait de prononcer étaient terribles, elle en avait parfaitement conscience. Ils faisaient d'elle une personne bien peu recommandable...A dix ans à peine, elle avait déjà l'âme d'une criminelle. Pis encore, la seule chose qui la troublait réellement, c'était l'idée du châtiment divin qui l'attendait s'il disparaissait pour de bon.

Son coeur saignait du manque de son frère, de son jumeau, de son Sien, dans sa petite poitrine opressée. La force des sentiments qui unissaient le frère et la soeur étaient une évidence. Les yeux secs et le coeur douloureux, c'était devenu pour elle un rituel de venir se réfugier dans sa cachette préférée pour pouvoir y réfléchir au calme.
Quelques heures plus tard, elle ne s'était toujours pas résigné. Mais qu'elle le veuille ou non, elle n'avait pas le choix. Aussi, il ne lui restait qu'une seule chose à faire.
Attendre.
Attendre le bon moment. Un jour, elle le savait, elle retrouverait Julian.
Elle était encore jeune, elle pouvait attendre. Et haïr le responsable de leur douloureuse séparation.
Sa mère n'était plus, elle la porterait aux nues. Son père lui, ne deviendrait plus que son logeur, l'homme sous le toit duquel elle vit.

Attente et haine.

Elle allait commencer dès aujourd'hui.

....

(1)C'est auprès de toi que je serais chez moi.


[Retrait de l'image qui ne respecte pas les régles des arpenteurs : "Les images ne doivent pas dépasser la taille de 250 x 250 pixels et pas plus de 200 Ko" ! Merci de redimensionner votre image.
Modo Eden]

_________________
Alaynna
[Hey, brother ! ]
- Avicii



1456 - Canton du Valais


"- Amor vincit omnia, je me moque de ce que vous direz, mais je retrouverais Julian ! " (1)

Le front buté et le regard effronté, voilà comment elle venait d'adresser la parole à leur père. A 17 ans, Alaynna faisait tout ce qu'il était en son possible pour le contrarier. Elle le détestait. Lui vouait une haine inavouable.

Elle adorait le latin et elle avait plutôt un bon niveau. C'était une provocation de plus.
Et elle s'était trouvé confinée dans sa chambre. Enfermée à clef par le paternel, furieux.

- Si vous avez froid, signorina Alaynna, je peux demander à un valet d'allumer le feu.

Alaynna Valassi résista à l'envie de serrer plus étroitement son châle autour d'elle.

"- Grazie Meg, ça va. Je n'ai pas besoin d'un feu, ni de rien d'autre en fait. Tout va bien."

La servante continua à s'agiter autour de la pièce, remettant en place des objets qui n'avaient nullement été dérangés.

- Vous êtes sûre signorina ? Parce que je trouve que vous avez l'air frigorifiée..

"- Non vraiment. Je vais bien. Je vais lire un peu."

Alaynna essayait d'adopter un ton naturellement ferme, sans aucun excès qui aurait pu attirer un peu trop l'attention de la servante.
Meg était-elle seulement soucieuse de son bien-être ou bien la surveillait-elle ? Il était difficile de le savoir exactement. La domestique était à son service depuis peu et déjà entièrement dévouée au maître de maison. Il faut dire que leur père était un riche bourgeois et avait de l'influence. Il n'était pas raisonnable d'essayer de s'en faire une alliée, mais peut-être au moins n'était-elle pas une ennemie...De toute façon, si le paternel avait placé la servante là pour qu'elle espionne sa fille, mieux valait faire profil bas.
Alaynna alla s'asseoir sur le sofa et prit son livre.

Meg hésita un instant, puis déclara :

- Bon, si c'est tout ce que vous voulez très bien. Mais je trouve qu'il fait tout de même froid.

La Valassi tente alors de prendre un ton supérieur et aussi détaché que possible.

"- Je trouve cela revigorant et économique. Je suis sûre que mon père n'approuverait pas un gaspillage de bois dans la matinée, alors que les après-midi sont encore doux."

Meg opina du bonnet, prête à approuver toutes les opinions émanant de son maître, même les plus anodines.

- Si c'est ce que souhaite votre père, alors bien sûr signorina. Mais surtout sonnez si...

"- Si j'ai besoin de quelque chose ? Certainement. Tu peux me laisser Meg."

La servante quitta la pièce et Alaynna poussa un soupir de soulagement avant de se précipiter vers la cheminée. Meg exerçait ses fonctions avec un peu trop de zèle. Tout était bien mieux lorsque c'était Bess, sa gouvernante qui le faisait. Mais la gouvernante avait été bien trop proche d'Alaynna aux yeux du paternel, au point de désobéir à celui-ci pour complaire à la jeune fille, ce qui avait signé sa fin.
Et pour la remplacer, le père Valassi avait fait appel à la très complaisante Meg, qui voulait faire du feu quand il n'en était nul besoin.

La jeune fille étendit son châle devant la cheminée et s'agenouilla dessus, en remerciant mentalement le personnel pour la propreté des parquets, encore que les cendres eussent été difficiles à discerner sur un châle chiné de laine anthracite.
Elle se pencha et tendit l'oreille aussi près du conduit que possible.

Des voix montaient faiblement de l'étage en dessous. Visiblement son père avait lui aussi refusé de faire du feu. Il devait faire aussi froid dans son cabinet de travail que dans la chambre d'Alaynna. Cela arrangeait bien cette dernière qui pouvait ainsi écouter la conversation de son père et de son invité grâce au conduit.


...d'être revenu aujourd'hui. Je suis sûr que nous pourrons trouver un arrangement qui nous conviendra à tous deux.

C'était le paternel qui parlait.

Quoi, sans même organiser une rencontre, vous en êtes sûr ?

La voix du visiteur baissa d'intensité, comme s'il s'éloignait de la cheminée. Alaynna poussa un soupir de frustation. S'ils ne se tenaient pas tranquilles, comment allait-elle entendre ?

Une rencontre n'est absolument pas nécessaire...

Elle pouvait presque voir son père balayer l'objection de son interlocuteur d'un revers de la main.

Elle fera tout ce que je lui dirai de faire et puis, vous avez vu le portrait, n'est-ce pas ? Je vous assure qu'il est très ressemblant...

La jeune fille se toucha machinalement les cheveux. Le portrait en question, une miniature, la représentait et il avait été exécuté deux ans auparavant.

Très jolie. Vraiment très jolie.

L'homme semblait se rapprocher de la cheminée car on l'entendait mieux.

Tout à fait à mon goût. Et elle acceptera, vous en êtes bien sûr ?

Il n'est pas question de cela, je vous répète qu'elle fera ce que je lui dirai de faire. Si elle refuse de se plier à ma volonté, elle devra faire face aux conséquences. Comme ce sera vous, et nul autre, il faudra bien qu'elle se montre coopérative. Il s'agit d'une proposition qui nous honore beaucoup milord. Ma fille serait folle d'espérer mieux.

Les voix baissèrent de nouveau. Les lèvres d'Alaynna se pincèrent jusqu'à n'être plus qu'une étroite ligne blanche. Ainsi elle ne pouvait espérer mieux ? Jamais elle n'assisterait à ces bals qu'elle méprisait. Elle passait toutes ses soirées enfermées dans sa chambre, surtout après chaque nouvelle dispute avec son père au sujet de Julian. Et tous les amis de son père étaient aussi âgés que lui. Certainement pas des prétendants acceptables. Et puis de toute façon, elle n'épouserait qu'un italien ! Quelqu'un du pays de leur défunte mère ! Un transalpin. Et elle se considérait encore bien trop jeune pour épouser qui que ce soit. Elle voulait retrouver son Sien avant toute autre chose.

Je serais bien aise d'avoir une épouse aussi jeune et jolie que votre fille !

Jeune. Il avait dit jeune. Cela ne promettait rien de bon. La jeune fille tendait l'oreille, tentant de deviner à quoi pouvait bien ressembler l'homme qui conversait avec le paternel. L'écho de sa voix, dans le conduit de briques, ne lui disait rien et ne lui était pas particulièrement agréable. On n'y sentait ni passion, ni chaleur. Il se choisissait une épouse, comme il choisirait un meuble.

Elle sera très honorée de vos intentions baron.

Un noble ? Evidemment. Le paternel souhaitait un mariage qui puisse faire progresser la famille dans l'échelle sociale. Mais le rang de son futur mari désigné ne prouvait nullement qu'elle le trouverait à son goût.

Et vous dites qu'elle est obéissante ? C'est une bonne chose. Les jeunes femmes de nos jours, sont bien trop indépendantes et ce n'est certes pas ce que je recherche chez une future épouse.

Vous n'aurez aucun problème de ce genre, elle connait ses devoirs.

Et si elle ne les connait pas, elle les apprendra bien vite.

La Ritale s'était redressée, le coeur battant. Ainsi c'était décidé, inévitable. Son père lui avait trouvé un mari et répondait de son obéissance. Il avait, comme de juste, déniché quelqu'un de son goût et qui lui ressemblait : un homme qui se servait de ses poings serrés pour obtenir l'obéissance de celle qui dépendait de lui. Quelqu'un qui professait que rien ne ramenait plus vite à la raison une fille ou une femme désobéissante qu'une main lourde.

Elle agrippa le manteau de la cheminée. Il était sans doute déraisonnable de tirer trop de conclusions d'une simple conversation écoutée dans un conduit de cheminée.

Les deux hommes semblaient avoir conclu un accord, car ils quittèrent ensuite la pièce. Elle se rua sur le balcon de sa chambre en prenant bien soin de rester dans l'ombre afin qu'on ne puisse pas la voir de la rue. D'un instant à l'autre le visiteur allait récupérer sa canne et son chapeau et passer juste en dessous d'elle.
Alors, elle allait enfin pouvoir apercevoir l'homme que son père voulait qu'elle épouse. Sa voiture l'attendait dans la rue et elle admira au passage les deux beaux chevaux bais et leur harnais garnis d'argent. La berline resplendissait et elle pouvait presque sentir la riche odeur des sièges capitonnés de cuir. Ainsi l'homme qu'il voulait lui faire épouser avait l'air d'être fort riche.
A cet instant, elle vit l'homme monter sur le marchepied de la voiture et se pencha en avant pour mieux le voir.

Il était âgé, elle pouvait le voir à la ligne voûtée de ses épaules. Son pas était régulier, mais raide et mesuré. Sa taille haute et sa silhouette exagérément mince, voire frêle, comme s'il était affecté par quelque maladie. Les doigts qu'elle lui vit poser sur le montant de la portière étaient noueux et décharnés, comme des griffes.

Alaynna soupira de découragement. Elle frissonna de dégoût en pensant qu'il la rejoindrait la nuit et qu'elle serait bientôt veuve. C'était mal de penser et d'espérer cela. Peut-être qu'elle était vraiment mauvaise et que son père avait raison de vouloir la punir ainsi. Mais une petite voix, tout au fond d'elle-même, refusait de se taire et lui enjoignait de prendre la poudre d'escampette au plus vite afin de s'en aller retrouver son frère. Même si elle ignorait où se trouvait son corps perdu, la chair de sa chair.

Non elle n'était pas mauvaise et elle le savait. L'homme que son père avait choisi était un vieillard et elle n'était encore qu'une jeune fille. Son père cherchait tout simplement à l'empêcher de profiter de sa jeunesse, à l'éloigner un peu plus encore de Julian qu'il ne l'avait déjà fait avec toute sa cruauté.

Une fois l'homme parti, elle s'adossa contre la façade pour lutter contre la vague de nausée qui venait de la saisir et avala plusieurs grandes goulées d'air. Ce n'était pas possible, tout simplement pas possible. Son père pour une fois devrait l'écouter et se rendre à la raison. Peut-être en échange de son renoncement, devrait-elle lui promettre de toujours être obéissante, de ne plus le mettre en colère et de cesser de parler de Julian. Leur père disait aussi qu'elle ressemblait à leur mère et qu'il ne ferait pas deux fois la même erreur et qu'il la corrigeait pour son bien. Elle était marqué dans la punition dans sa chair et dans son âme.

Et le seul moyen d'en finir avec ce père qu'elle haïssait était de s'enfuir et de retrouver Julian.

Au petit matin, il y avait déjà des heures qu'elle galopait en direction de l'Ouest. Dans ses sacoches, les économies qu'elle avait faites, quelque nourriture qu'elle avait dérobé dans la cuisine une fois qu'elle s'était éclipsée de sa chambre par le balcon. Et Aodh, l'hongre qu'elle avait fait sortir en douce des écuries, filait comme le vent.

La recherche de son Autre, pouvait commencer. Elle venait de s'enfuir du domicile familial.

...



Hey mon frère !
(1) L'amour triomphe de tout
signorina : demoiselle
grazie : merci

_________________
Alaynna
[J'ai pas choisi ni le noir, ni le gris, j'ai pas le choix, je suis là]
- Je suis là - Louis Delort & The Sheperds


Comme la terre s'accouple avec le ciel, ainsi doivent s'unir les jumeaux.

Depuis leur plus tendre enfance, ils avaient toujours été très proches. Ils se tenaient la main, ils se cajolaient souvent, ils dormaient ensemble. Personne n'arrivait à les séparer, dès que l'un était éloigné de l'autre, les deux faisaient des crises. Si l'un était malade, l'autre refusait de quitter son chevet.

Ils savaient toujours ce que l'un ou l'autre avait envie, sans même avoir à le lui demander.Cryptophasie. Stupéfiante intuition de l'autre. Leur mère ne les avait jamais bridés, encourageant même leurs liens. Après tout ils étaient gémellaires, et des vrais jumeau-jumelle. Mais leur père eux, voyait la situation tout autrement et avait honte. Pensant à préserver la réputation bourgeoise de leur famille.

Depuis leur séparation, Alaynna n'a jamais cessé de parler à Julian. Dans sa tête. Certaines personnes la regardait bizarrement à l'église le dimanche, quand elle prenait un malin plaisir à le faire. D'autres pensait qu'elle avait tout simplement un ami imaginaire dans sa tête. Liens invisibles entre eux, empathie résistante même à l'éloignement. Conscience aigüe de ce qu'ils peuvent ressentir. Et elle le sait en vie, quelque part. S'il était mort, elle l'aurait senti dans ses tripes.

C'est ainsi. Leur relation avait toujours été fusionnelle, jusqu'à donner l'illusion de former un petit couple. En fait c'est un peu comme Narcisse qui tombe amoureux dans la rivière de son propre reflet (mais si, mais si, l'histoire est connue !). Cela veut dire qu'ils s'aiment assez eux-mêmes pour tomber amoureux de leur reflet. Et oui, ils sont jumeau-jumelle, ils voient forcément leur reflet en regardant l'autre.

Julian, quand tu me caresses, c'est toi que tu caresses. Quand je te cajôle, c'est moi que je cajôle. Toi et moi nous sommes nés mariés. Toi, moi, c'est Narcisse épris de lui-même. J'ai tout fait pour t'arracher de moi. Sans résultat. Il y a toi, toi et toi. Et loin derrière, le reste du monde.(1)

Voilà sans doute pourquoi leur père avait tenté d'envisager de marier de force Alaynna. Sans doute n'eut-elle pas découvert ce qu'il perpétrait, aurait-elle encore eu le courage de rester quelque temps au sein du domaine familial. Puisqu'elle était loin d'être idiote, elle savait bien que si son frère la recherchait tout comme elle le recherchait aujourd'hui, c'est en premier lieu chez leur père qu'il se rendrait.
Et voila. Elle avait sans doute agi comme une idiote en quittant le toit paternel, réduisant à néant les chances certaines qu'il la retrouve aisément. Mais elle n'aurait toléré d'être ainsi mariée de force. Et c'est bien pour cela qu'elle ne laisserait aucun homme l'approcher tant qu'elle n'aurait pas retrouvé son corps perdu. Lui seul avait un droit de regard dessus. Lui seul donnerait assentiment le jour où elle envisagerait d'avoir une relation avec un homme. Jour qui n'était pas près d'arriver.

J'ai juste oublié de t'oublier.

Elle ne cessera pas de le chercher tant qu'ils ne se seront pas retrouvés.


(1)Jumeau, jumelle - Elie-George Berreby revisité par moi.
_________________
Alaynna
[Je veux d'l'amour, 
d'la joie, de la bonne humeur, 
ce n'est pas votre argent 
qui fera mon bonheur 
moi, j'veux crever la main sur le coeur...  ]

- Zaz - mi va(1)


L'homme Italien. L'uomo !Dans toute son unique splendeur.

Alaynna ne s'est pas mis cette idée en tronche d'épouser un Rital de son sang uniquement pour contredire son paternel. Non. La jeune femme se souvient qu'enfant, sa mère aimait à lui parler des hommes de sa patrie. Et cela faisait alors rêver la gamine qu'elle était.
Sa mère n'avait de cesse de lui raconter que chez elle, de l'autre côté des Alpes, sur le versant Italien, les hommes sont bruns, très beaux, et surtout virils. Voire un brin macho si ce n'est terriblement macho ! Cela en était devenu un véritable mythe pour Alaynna qui enfant, rêvait alors de cet homme italien tout en tchatche et qui n'aurait pas froid aux yeux. Car ce qui caractérise l'italien, outre son côté ténébreux au sang chaud, c'est sa manière d'aborder une femme. Sa mère était très catégorique sur un sujet qu'à ce jour encore, la Madone ignorait totalement.

L'homme italien aime les femmes. Toutes les femmes.

Ceci, c'était la phrase incontournable qui revenait dans la bouche de sa mère.

Avec un petit penchant pour les femmes nordiques aux cheveux blonds.Les filles du Nord aiment à descendre de leur château de neige pour venir sur les plages italiennes fondre entre les bras musclés de nos hommes.

Et ça, c'était la phrase choc. M-ier-da !! Celle qui faisait rêver un peu plus encore la Transalpine qui n'avait absolument rien d'une blonde ni d'une femme des neiges. Ce qui n'empêchait pas Alaynna d'adorer ses sommets enneigés. Mais voilà, la précision de sa mère n'avait fait que renforcer les rêves de la petite Alaynna qu'elle était alors.
Elle en serait presque venu à se demander pourquoi sa mère avait finalement épousé un blond tout aussi nordique que ces femmes dont elle parlait. Leur père était costaud, blond aux yeux azurés, ces mêmes yeux qu'elle portait et il était germanique.
Elle en croirait presque que sa mère a commis une erreur en épousant leur père.

Aujourd'hui, la jeune femme révoltée qu'est devenue la transalpine se demande bien ce que leur mère a pu trouver chez leur paternel qui l'ait décidé à l'épouser. Malheureusement, il est trop tard pour obtenir une réponse à cette question qui demeurera éternelle.

Dangereux, séduisant, coureur, menteur, concupiscent.Un égoïste, un égocentrique, une sorte d'aimable ordure sans respect ni parole.

La Madone, grâce aux récits entendus de sa mère, a donc décidé qu'elle ferait un jour sa vie avec un salopard sans scrupules. Parce que c'est la définition exacte que sa mère lui en a faite. Elle est pas belle la vie ? Aujourd'hui, elle commence peut-être à mieux comprendre ce que finalement leur mère fichait avec leur père. Peut-être qu'un italien lui a brisé le cœur et qu'elle s'est consolée dans les bras de leur père. Qui pour Alaynna est encore la pire ordure qui soit, devant toute une horde d'italiens assoiffés.

Il a eu le malheur de la séparer de son Autre, de son jumeau. Il a fait l'erreur de vouloir la marchander à un vieux baron. Comme si elle n'était rien d'autre que l'un de ses produits de négoce ! Elle le hait. D'une haine viscérale.

Jusqu'à présent, la brune dans ses voyages à la recherche de son frère, a toujours su se défendre et garder les hommes à l'écart. Elle se sait dotée de certains charmes certes, mais elle n'en use pas.

Premièrement parce qu'elle est totalement ignare en la matière. Et deuxio, si l'homme n'est pas italien il va direct dans le bouillon. Tertio. La Madone a horreur de ces péronelles qui se la jouent sainte-nitouche et se jettent à la tête du (voire des) premiers hommes venus. Et elle plaint ces femmes qui usent de leurs charmes et écartent les cuisses au moindre coup de vent. L'usure arrive vite dans ces cas là. Bien sûr, allez savoir le pourquoi du comment, celles qui vivent de leurs charmes ont peut-être plus de respect dans la caboche italienne que les autres. Celles qui se la jouent prudes, voire quasi saintes et dès qu'un mâle passe à leur portée et qu'il est plutôt pas mal, n'hésitent nullement à les attirer entre leurs griffes et leurs entrejambes.

Et enfin parce qu'il y a la condition sine qua none. Celle qui veut qu'elle retrouve son frère et que seul lui aura son mot à dire sur un éventuel choix de sa jumelle. C'est ainsi et ce n'est pas autrement.
Alors, elle a encore bien le temps de rêver la Madone, ce jour lointain n'est pas près d'arriver.

Il faudrait déjà pour cela qu'elle retrouve son frère. Et depuis des mois qu'elle sillonne les routes, elle est toujours sans aucunes nouvelles de Julian. Et elle est bien loin de s'imaginer que son corps perdu, ait pu, pour des raisons inconnues, changer de nom.


(1) Je veux
_________________
Alaynna
[Je me suis fait du mal, Frère]
- Mano Solo-



La liberté est l'oxygène de l'âme 
Moshe Dayan

La quête continuait. Cette quête de son Corps perdu.

La Madone avait bien des fois eu cette idée qui lui traversait l'esprit. Et qui s'en prenait place, s'en revenait toujours s'ancrer, de plus en plus souvent. Mais si l'acte en lui-même revêtait toute une signification, cela ferait d'elle quelque part une paria. De toute manière. Elle l'était déjà. Amputée de son jumeau. Puis l'idée qu'elle serait marquée d'une manière indélébile ne la dérangeait pas plus que cela. Ainsi on la reconnaitrait toujours et partout et l'empreinte d'un tatouage ça reste. Et si elle disparaissait un jour, nul doute que son frère saurait l'identifier. Quelque chose d'à la fois assez discret et avide de sens uniquement pour ces deux membres de la Famiglia.

Le goudron, le vent, le hâle...l'eau de vie. Une chambre où sur les meubles il y a des coquillages avec de la poussière et des bouteilles pêle-mêle avec des chinoiseries.
Une chambre comme tant d'autres dans lesquelles elle s'arrête lorsqu'elle ne dort pas à la belle étoile. Et grâce à l'alcool, cette eau-de-vie achetée au tavernier du coin de la rue, elle trouvera l'oubli de cette séparation cruelle d'avec son jumeau.
L'avantage c'est qu'elle est jeune, et que pas habituée à boire, l'oubli arrive vite, la bouteille est tout juste vidée aux trois-quart.

Aux aurores le lendemain matin, le jour n'est pas encore levé et la Madone a déjà repris sa route. Une masse noire ayant forme humaine dans un ruisseau. Au bord d'une espèce de rue déserte, surplombée par des remparts. Encore l'obscurité. La pluie. Fine et froide.
C'était au pied des grands murs, à cet endroit ou traînent d'habitude les marins sans gites, ivres morts, qui ont une intention vague de retourner vers leurs navires et sont tombés en route.
Alaynna a une passion pour la mer. Passion pour son sang italien dont elle porte haut les couleurs et les courbures.
Déjà une demi-lueur dans l'air. Un jour qui s'annonçait terne. Blâfard. L'eau ruisselait sur cette forme humaine qui était à terre. C'était un matelot couché à même le sol que la ritale enjamba sans plus y prêter attention.

Et elle, elle avait froid.

Froid jusqu'au cœur de ses membres, de cette absence qui la rongeait. Et de cette quête qui n'en finissait pas.

Les azuréens, dans leur atonie fatigué de cette recherche qu'elle n'abandonnerait pas jusqu'à avoir mis la main sur Julian, gardaient une fixité farouche et exprimaient ce défi sauvage. Oh oui. Elle retrouverait son Autre.
Sa tête fourmillait de projets pour leurs retrouvailles. Des idées conçues déjà dans le passé enfantin durant ses longues heures de rébellion. C'était dans son sang. C'était de famille.
Naviguer, commercer ici ou à l'étranger, partager leurs projets, leur donner vie. C'était devenu l'un des rêves obsédants de la gamine qu'elle était alors.

Son âme débordait de désespoirs amers, d'envie de vengeances sur leur père, de rage d'être libre mais toujours sans nouvelles de cette partie amputée d'elle-même.

Incorrigible. Indisciplinée. Indomptable.

C'est tout ce qu'elle était pour leur père.

Aux heures où se couchait le soleil, il y avait en l’air des espèces de voûtes formées par des successions de tout petits nuages d’or ; leurs perspectives fuyantes s’en allaient, en diminuant se perdre dans les lointains du vide ; on les suivait jusqu’au vertige ; c’étaient comme des nefs de temples apocalyptiques n’ayant pas de fin.

Et tout était si pur, qu’il fallait l’horizon de la mer pour arrêter la vue de ces grandes profondeurs du ciel ; les derniers petits nuages d’or venaient tangenter la ligne des eaux et semblaient, dans l’éloignement, aussi minces que des hachures.
La mer prenait là-dessous une certaine nuance bleu paon avec des reflets de métal chaud.

Et bien qu'elle aime la mer, elle avançait sur ces routes, toujours plus vers le sud. Sans bien même savoir pourquoi elle-même.

Guidée peut-être par son instinct.

« - Ovunque sia, ti ritroverò Julian. »(1)

(1) Où que tu sois, je te retrouverai Julian.

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Gyllaume
Une Larme sur mon visage *
*una lacrima sul viso

1455

Une séparation, c’est comme une plait. Elle ne s’efface jamais. Et si vous ne la soignez pas, alors elle s’enflamme.

Envoyé chez son Oncle au cours de sa neuvième année il avait dû apprendre à vivre sans elle. La vie en Bourgogne était agréable, il ne manquait de rien, habits, soupé, instruction. Son oncle lui prêtait une attention toute particulière, julien était pour lui le fils qu’il n’avait pas eu.
Celui qui porterait le nom de la famille De Vellini et qui le lèguerait.

Mais Julian n’avait que faire de cette considération que lui portait son oncle. Les longues leçons qu’il recevait sur l’histoire de la famille et le grand monde qu’est celui de la noblesse lui était d’un ennui considérable.
Et il préférait encore y échapper en allant rejoindre ses cousines et ce n’est pas ce qui lui manquait fort heureusement !

Julien passait ainsi ses journées avec ses deux cousines Rosa et Anaïs, et un peu comme on se dispute un jouet celles-ci, se le disputaient.
Il était en fait inenvisageable de faire jouer les deux Vellini ensemble. Quand l’une voulait jouer aux princes et princesse l’autre se voyait déjà soldate à combattre le vils brigand.
Le brun s’amusait des petites disputes de ses cousines et pouvait même s’en jouer certains jours !

Le tempérament tempérée, voir idéaliste de l’une dénotait fortement avec celui de l’autre : téméraire et …insociable. Vous aurez reconnu Rosa pour la première et Anaïs pour la seconde.


Le brun n’avait jamais compris ce qui avait bien pu leur arriver : traumatisme d’enfance pour l’une ? L’apparition d’un ange pour l’autre ? Pourquoi ces deux corps semblables avaient-ils deux âmes si différentes ? Est-ce qu’on pouvait réparer ce que le brun considérait comme un « accident » ?

Deux jumeaux : c’est un corps divisé en deux, et une âme qui se ballade librement. ‘fin c’est comme ça qu’il voyait les chose !

En fait le brun même s’il n’arrivait pas à comprendre ses deux cousines, il appréciait leurs disputes.


Et c’est au contraire lorsqu’elles arrivaient à se retrouver que Julian plongeait alors dans une profonde lassitude, une sorte de déprime et de sentiment d’abandon qui amenaient des larmes sur son visage.

Les mots résonnaient, comme un écho qui ne rencontrait aucun obstacle dans la tête du brun

« Che te, che te, che te, che te … »

*que toi,que toi,que toi, que toi ...
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Gyllaume
Tu pleures, tu chantes en moi
*Se Piange, Se Ridi

Septembre 1456


La vie est plus courte qu’on ne peut le penser. Et lorsqu’il fallut la mettre en jeu pour retrouver sa sœur il n’hésita pas.
C’était une nuit comme une autre, à la différence que le brun avait fait venir quelques acteurs jouer au château. Il s’était réservé le rôle principal, et la pièce se devait d’avoir une fin tragique.

Ne voulant pas me lancer dans une mise en scène je me contenterai de-vous conter le dénouement.
La troupe de mercenaires arrivée à la demeure se laissa repoussée hors du château, incendiant les appartements où Julien devait loger.
On laissa quelques morceaux de porcs dans ce qui adviendra des décombres. L’odeur semblable à celle de la chair humaine envahit les lieux et il put ressentir le désespoir qui émanait des lieux.


A Quinze ans il était enfin libre. Libre de s’en aller. Libre de penser. Libre d’écouter son cœur. Libre de suivre le son de sa voie.


Passant d’une auberge à une autre, dormant parfois dans une simple grange avec des chevaux, le brun s’en retournait dans son Helvétie Natale.
Et peu lui importait alors de se faire détrousser, de devoir voler le lendemain une miche de pain sur le marché, puis de se retrouver à la maréchaussée. Chaque pas le rapprochait de sa chair et la douleur du moment lui semblait insignifiante.


De la Bourgogne à l’Helvétie le brun se dessinait les traits de sa sœur. Lorsqu'il marchait il essayait d’imaginer ce qu’elle avait pu devenir, de ressentir la sensation ses doigts parcourant son corps comme ils le faisaient il y a six années.
Et chaque nuit elle lui apparaissait en songe, ses paroles venaient apaiser son cœur :


    « Tu pleures, tu chantes, tes joies , tes peines sont là, pour seul espoir, c’est mon amour que tu auras.
    Tu pleures, tu chantes, dans ma vie tu fais la loi, tu fais partie de moi. »


L'Helvétie ... Sion... et enfin... Sierre.

C’est un homme mal habillé, aux cheveux gras qui se présenta au Manoir.
Les choses n’avaient pas changés, les marchands entraient et sortaient, et tandis qu’il avançait il apercevait déjà tonneaux, caisses de vins et tapisseries flamandes dans la cour. Mais toutes ces choses n’avaient que peu de valeurs pour le brun. Fatigué son regard se déporta sur le sol, lorsqu’il se fracassa la tête.

Une genre de grosse masse lui barrait le passage
. « Who bist du ? »
Là franchement, même si vous parlez allemand, vous n’avez pas envie de décocher un mot. Vous êtes exténué. Il reste juste quelques mètres entre vous et votre moitié.
Sauf qu’en Six années vous avez changé et puis …

« Basta !» Pour rien arrangé, Il n’avait vraiment pas le physique du mec honnête avec ses habits déchirés.

« Mi chiamo … Gyllaume, Lavoro per un commerciante italiano. »*

Sur ces mots la masse se dégagea. D’un pas pas souple, il franchit la porte.

Une sensation excitante le saisi tout à coût. Son regard scruta les coursives, sa sœur serait là. C’est finalement sur son père qu’il tomba. Alors que celui-ci le regarda comme on pouvait voir une âme revenir des morts gyllaume s’en approcha. Un seul nom lui vient :

« Alaynna ? »

« Julian »

Et plutôt que de lui répondre, cet homme se contenta de serrer ce fils dont il s’était débarrassé quelques années plus tôt.
L’odeur qui émanait de ce spectacle paternel le répugna, et il le poussa si fort que le père échoua sur le sol.

Courir encore, et comme s’il n’avait pas vu l’expression de son père, Julian se jeta dans sa chambre.

Le grincement de la porte ne précéda que de quelque instant le bruit fracassant des os sur le sol…


« Mio corpo ... » **



*je me nomme gyllaume, un commercant italien
** mon corps

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Alaynna
[Puisque les destins sont les mêmes
Que tous les chemins nous ramènent
A l'aube d'un nouveau départ ]




Ce matin là, Alaynna qui avait pris une chambre dans la capitale où elle se trouvait, éprouvait un étrange sentiment de mal-être et se remémorait cette discussion sans appel alors qu'elle réclamait à corps perdu ce frère chéri auprès de son père.

Ce jour-là, elle était allé jusqu'à le supplier de tout mettre en oeuvre pour le laisser revenir auprès d'elle. Mais rien n'y avait fait. Leur père était resté de marbre face au désespoir de sa fille.

- C'est absurde ma chérie ! Il n' y a aucune raison de s'alarmer. Ton frère aime partir en quête d'aventure, il va bien là où il se trouve tu te fais du souçi bien inutilement crois moi. Et je t'ai déjà dit que je ne veux plus t'entendre me parler de Julian. Il rentrera à la maison quand je l'ordonnerai. Pas avant que tu ne sois mariée...

Et leur père s'était remis au travail comme si de rien n'était. Se penchant sur ses livres de compte, toussottant deux ou trois fois pour faire comprendre à Alaynna qu'il entendait ainsi mettre un terme définitif à leur conversation.

Postée devant la fenêtre, elle regarda quelques instants le manège d'un valet de pied dans la rue qui se pavanait sur le trottoir dans l'espoir d'attirer l'attention de la bonne aux cheveux roux qui frottait consciencieusement le seuil de la maison d'en face. Puis elle revint d'un pas nerveux dans la pièce, se laissant tomber dans un fauteuil avec un grand soupir, en proie à des sentiments contradictoires.
Voilà cinq jours maintenant qu'elle se sentait mal. Vraiment mal. Avec cette angoisse qui l'étreignait, comme si elle avait le pressentiment qu'il s'était passé quelque chose, qu'il était arrivé malheur à Julian.

Julian et Alaynna. Un seul corps androgyne, pourvu des deux sexes et fonctionnant en masculin par les copulations du pôle nord, et en féminin par celles du pôle sud.

Et cette sensation ne disparaissait pas, bien au contraire, elle ne faisait que s'amplifier. Ouvrant la porte de la chambre, elle descendit les marches à la volée, se précipitant vers l'aubergiste.
Sa décision était prise.

" - Débrouillez-vous pour me trouver un cheval frais et dispo. Tout de suite !"

Passé le premier instant de stupeur, l'homme regarda l'Italienne s'éloigner à grandes enjambées, traverser le hall en un éclair et remonter les marches de l'escalier deux par deux. Eberlué par l'attitude de la jeune femme, il ne put que s'empresser d'exécuter son ordre.

En quelques minutes seulement, Alaynna était de retour près du comptoir, les poches de son manteau lestée d'une lame bien effilée, tranchante comme un rasoir. C'est qu'elle était en train d'élaborer un véritable plan d'attaque. Elle allait remonter par le Nord et se diriger droit sur Genève avant d'aller épier le domicile familial.
Une fois qu'elle serait assurée de ne point trouver trace de son jumeau là-bas, elle aviserait.

Quoi qu'il en soit, elle devait rester optimiste et forte pour retrouver son corps perdu. Parce qu'elle allait le retrouver, c'était certain. Ils seraient réunis à nouveau.

Son enthousiasme remonta en flèche à cette pensée mais le doux répit ne dura guère, car alors qu'elle chevauchait, elle ne pouvait empêcher une petite voix de lui susurrer " - Et s'il lui arrive quelque chose ? Et si tu ne parviens pas à le retrouver ? ".

Elle entrevit encore une possibilité. Et c'était la pire de toutes...

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Alaynna
Le rêve est une seconde vie. Je n'ai pu percer sans frémir ces portes d'ivoire ou de corne qui me sépare du monde invisible. Celui de Julian.


Alaynna avait ce sentiment que depuis la séparation d'avec son frère, elle traversait comme une longue maladie. Qui se serait déroulé toute entière dans son esprit. Et pourtant, ça n'en était pas vraiment une. C'était la douleur de cette perte de son miroir, de son Autre. C'était un souterrain vague qui s'éclaire peu à peu, où se dégagent de l'ombre et une silhouette indistincte qu'elle tente désespérément de retrouver, de rattrapper.
Pâle figure toujours enfantine fraternelle, gravement immobile qui habite le monde de ses limbes.

La vita nuova.(1) Son imagination lui apportait des délices infinis, surtout lorsqu'elle parlait à son frère, comme s'il était là. Auprès d'elle. Et elle n'avait cure des regards appuyés de ces adultes qui alors, la pensait soit possédée, soit atteinte d'irraison. Et pourtant, elle était bien portante. Mais portait dans ses souvenirs l'émotion la plus navrante, celle de la séparation de ce qui formait leur unique corps en deux. Cette cassure nette et sans précédent que leur père avait causé en les séparant. Le coup le plus terrible frappé sur son âme par celui qu'elle hait désormais.

Alaynna affectait la joie et l'insouciance, courrait les routes, follement éprise de la liberté, de la variété et de son seul caprice. Celui de retrouver son Corps Perdu. Douceur de cet amour profane entre son Sien et elle. Leurs deux entités qui n'en font qu'une, l'un est le miroir de l'autre. Ces gémellités qui restent éternelles.

Superstitieuse Madone qui s'en retourne vers le seul lieu où elle sait que Julian viendra la chercher. Cet endroit qu'elle a quitté pour aller le chercher lui. Alors qu'elle remontait un faubourg dans l'une de ces villes qui la rapprochait de cette demeure qu'elle avait quitté quelques temps plus tôt, elle remarqua le numéro d'une maison éclairée par un réverbère. Ce nombre était celui de leur âge.
En baissant les yeux, elle vit devant elle un homme au teint blême et aux yeux caves qui lui semblait avoir les traits de Julian.

Elle se dit simplement que c'était sa mort ou la sienne qui lui était alors annoncé. Cette vision étrange où elle voit cette silhouette qu'elle prend pour celle de son frère qui semble voltiger péniblement et se débattre parmi des nuages épais.
Manquant d'haleine et de force, il tombe.

La Madone lève les yeux vers le ciel et se met à chercher une étoile qu'elle croyait connaitre. Comme si elle avait une quelconque influence sur leur destinée à tous deux.

A partir de ce moment, tout venait de prendre un aspect double. Et cela sans que jamais le raisonnement d'Alaynna ne manque de logique. Sans que sa mémoire ne perdit les plus légers détails de ce qui lui arrivait.
Elle pâlit alors comme jamais en se souvenant de cette histoire traditionnelle que son précepteur germain - forcément, leur père avait bien fait les choses pour lui pourrir un peu plus la vie-, lui narrait comme quoi lorsqu'on voit son double, la mort est proche.

Et c'est son jumeau qu'elle venait de voir...



(1) La nouvelle vie

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Gyllaume
[ Je jette genou à terre pour toi ]


Le manoir lui paraissait bien plus grand que dans ses souvenirs. Il y avait bien ses sœurs et frères... mais le vide était toujours là immense.
Seul, coupé, le cœur arraché de son corps restait souffrant.

Le poids du silence se faisait toujours plus fort. Et nul ne souhaitait répondre de l'abscence de son corps perdu. Le silence indiquait pourtant le responsable ,mais personne ne serait venu contrarier le padre(1).

Comment pourraient ils comprendre ? Ils n'ont jamais été comme lui,comme elle. Et ils ne le seront jamais. Les pensées du brun se fesaient sombres tout à coup.
Cette haine pour ces deux jumelles meurtrières ... grandissante ... immense !

C'est tout juste s'il pouvait savourer, ne serais-ce que ressentir une once de joie dans ces retrouvailles.
Puis essayer de sourire, de profiter à son tour , comme eux de ces retrouvailles.... Ne pas y arriver puis partir.


Le coeur lourd, l’âme en peine.

Reclu dans la chambre le brun guéttait la rue. Quand son corps lui reviendra-t-il ?
L'attente encore longue , une déception qui grandit.

Une bougie éclairait simplement la pièce, la silhouette pale et les traits tirés du brun venaient frapper les carreaux. Le bruit sourd du chuchotis de ses sœurs qui commentait le retour de l'ainé se faufilait entre les murs.

Le bruit d'un cheval perceptible à quelques rues se fit entendre. Sierre n'était pas très vaste non plus . Il ressentais tout à coup sa présence ...
La main cherra sur la table. La cape saisit, le pas pressé, il sorti de la chambre.

Courir, taper dans le mur de Claudiana en virant, frapper les marches en descendant. Entendre la chaise du padre grincer au fond du couloir.

Sortir, le vent qui vous attaque sans relâche, avancer, chercher au loin celle qu'on aime plus que tout .



(1) père
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Alaynna
Je te retrouverai mieux qu'avant, même si c'est loin, même si c'est demain
Je te retrouverai autrement, c'est gravé dans le creux de nos mains...


Elle souffrait tant qu'elle avait l'impression d'être déchirée en deux. Plus tard, elle ne se souviendrait même pas de cette soirée. Même l'air frais ne lui faisait aucun bien. Cette terreur qui l'avait envahi, elle avait les muscles du visage fatigué et les larmes qui coulaient, qu'elle ne sentait pas plus qu'elle n'avait conscience de la course effrennée qu'elle avait entamée au milieu des ruelles de Sierre.

Elle se sentait comme morte au fond d'elle. Il était arrivé malheur à Julian !

La lune, qui brillait dans un ciel étoilé enveloppait les ruelles d'une lueur diaphane alors que la lueur des lampions dessinaient l'ombre des branches au sol.

Oppressée par la tristesse et l'angoisse, Alaynna reprit sa respiration en atteignant la rangée d'arbustes. Il fallait lutter contre la douleur qui la tenaillait, et la remettre à sa juste place.

Ce qui se passe fut alors plus qu'inattendu. Il y eut d'abord un bruit de pas derrière elle, et elle tourna la tête pour voir qui venait ainsi vers elle.
Elle ne pouvait distinguer son visage mais elle eut la certitude que c'était son frère.

Julian.

Sa vue se troubla et ses oreilles se mirent à bourdonner alors qu'elle murmurait telle une pantomine qu'elle allait tuer leur père. Oui, elle allait le tuer.

Elle perdit conscience.

Elle ne vit pas son frère s'agenouiller près d'elle et la soulever doucement dans ses bras, des larmes ruisselants sur son visage.

Serrant son précieux fardeau contre lui.

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Gyllaume
[ La Prima Cosa Bella * ]



La lumière se laissait désirer dans la cour, mais pas la femme qu'il tenait dans ses bras.



Che cosa accade?**


Ses cheveux ... cette odeur qui étaient leur. Aucun doute, Alaynna était là dans ses bras.
Mais la petite fille de ses souvenirs avait changée , grandie. De ses quinze années sa silhouette était devenue celle d'une femme.
A ce moment précis Julian aurait voulu entendre le son de sa voix, et se laisser à son tour emporter ! Fallait-il que le beau rôle soit toujours pour les femmes ?



Alors que l'esprit d'Alaynna semblait avoir quitté son corps, le cœur du brun se laissa emporter à son tour dans quelques envolées.
Ses bras se crispèrent au point de serrer sa sœur contre son torse.
Il n'y avait plus rien entre eux. Leur corps était enfin réuni, la souffrance terminée.
Le froid de la nuit venait envelopper l'étreinte fraternelle et cet échange chaleureux.


Cette sensation de ne faire qu'un se ressentait au contact de sa peau. C'était sans nul doute la plus belle chose qu'il soit arrivé aux jumeaux ces dernières années.
Une main délicate vint se glisser sur son front , dégageant l'écrin qui était venu couvrir les jades jumelles



Alaynna ... ma chair, reviens moi.



Sa main se pose sur son visage, le pouce essuie le bord de ses lèvres attentif au souffle qui s'y glisse,la main se pose dans son cou.



Ne me fais pas languir comme ca ... Laisses moi goutter à ta voix.



Le souffle tendu, le brun se releva. Sa metta soigneusement calée dans ses bras. Le regard ancré sur son visage.
Ses yeux prirent tout juste la peine de regarder ou il avançait. Il croisa sans doute le padre sur le parvis ... Mais rien ne l’intéressait plus qu'elle.
L'étage gravit, le brun s'engouffra dans la chambre gémellaire.
Le loquet chut à son tour. Les souvenirs d'enfance resurgissait.


Il déposa le colis sur le lit. Ses mains défirent les quelques liens avant de jeter le superflus au sol. Son corps se fesait déjà plus précis.
S’asseyant au bord du lit, les mains battantes des deux coté de son corps . Son visage s'approcha à nouveau du sien. L'odeur se sa chair vient frapper les sens du brun.


Et tel un instinct, ses lèvres se collèrent à ses lippes, un sentiment de bien être emplissant son corps.
Il sentait son esprit ...
il la réveillerait ...
comme il l'avait fait, et le feront encore.




* La plus belle des choses
** Que se passe-t-il ?

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Alaynna
Il y a des paradis qui n'ont rien d'artificiel. Tel que celui dans lequel elle venait de sombrer. De là où elle était, perdue dans les nimbes, elle voyait cet inconnu se pencher sur elle et l'entendait murmurer son prénom.

Mais qui était-il ?

Elle l'observe, la prendre entre ses bras et la porter comme si elle était une délicate porcelaine qu'il ne fallait surtout pas casser.

Elle aperçoit le visage grimaçant de son père au passage et elle n'a qu'une seule envie, celle de lui faire autant de mal qu'il ne lui en a fait, qu'il ne leur en a fait.

Julian. Mais où es-tu Julian ? J'ai pourtant senti la faucheuse de la mort se saisir de toi.

Incrédule, la Madone observe cet homme et son fardeau qui se dirige vers la chambre gémellaire.

Elle le voit déposer son bien sur la couche et lui ôter quelques tissus. Elle en a la chair de poule, elle ne sait pourquoi.

Et elle l'entend la supplier, elle voit les larmes dans ses yeux et elle sent alors la caresse des lèvres sur les siennes. En un fragment de seconde, elle vient de capter le regard de l'homme.

Regard vairon.

Regard de son unique.

Regard bel et bien en vie.

Les paupières clignent et juste un souffle s'échappe de ses lèvres.


" - Julian ? Sei tu ?"

Julian c'est toi ?
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Gyllaume
[ Mes Mains sur tes hanches ]

Son regard. là, porté sur lui. Elle s'éveille enfin.

Le reconnaît-elle ? Et son regard, quand même, elle ne peux pas l'avoir oublié. Des yeux vairons, ceux qui l'ont fait rêvée durant ces six années passée.

Ses paupières réagissent, rêve t'elle ?
Ce n'en n'est pas un pourtant.

C'est bien sa moitié qui se tient près d'elle. Comment peut elle être aussi .... abattue dans cette situation ?


Il se saisit de ses hanches lorsqu'alors elle retrouve le don de la paroles, comme pour se raccrocher à quelque chose. Peur de ce qu'elle allait lui dire ? Il n'en fut rien finalement.


Si ! Sono io !*

Elle ne l'écoutait donc pas.

Le voilà las.
Il pose sa tête sur son corps, regard porté vers son visage.

Hier encore il rêvait d'elle, de son corps, de ses lèvres. Et lorsqu'il ne la rêvait, il essayait de les trouver ailleurs. Sur une fille qu'il connaissait un peu ou qu'il pouvait rencontrer un soir.
Mais aucune ne savait retenir l'attention du brun aussi bien qu'elle.


Caresse délicates , doigts indiscrets qui se glissent entre les nœuds de son chemisier.



*oui ! C'est moi !
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