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[RP] Recherche Eloanne Désespérément.

Eloanne
Pour le moment, elle n'a volontairement pas encore recroisé son regard. Elle le sait, elle peut s'y perdre et par la même, oublier toute sa volonté et sa sage décision à vouloir le voir partir.

Ce qu'il pense, ce à quoi il croit, ses pensées immédiates ou celles, plus anciennes qui pourraient remonter à la surface, de tout ça, elle ne sait rien. Elle qui a déjà bien à faire avec ses propres sentiments ne peut se permettre en l'instant de devoir emmagasiner ceux de Jules.

D'autant plus que oui, le voir, nu devant ses yeux, à portée de main même, ça n'aidera en rien. Vraiment en rien.

La demoiselle entend bien le remous de l'eau derrière elle quand elle évoque un environnement familier, mais le déclic ne se fait pas encore. Il lui faut attendre d'aborder Paris et le Boudoir, mais surtout l'eau qui se déverse partout pour manquer de présence d'esprit et lui faire non seulement pleinement face, mais relever le nez.

Mâle lui en a pris. Elle le découvre dans toute sa splendeur. Comme si dans l'imaginaire, alors qu'elle même a relevé les frusques juste avant, l'homme prenait son bain habillé. Il est nu. Bien sûr. Ruisselant.

Nu, ruisselant et plus rien ne vient dissimuler la réaction physique typiquement masculine.

Evidement….

Ses joues s'enflamment alors qu'elle se mordille la lèvre inférieure. Par chance, elle parvient à retenir le grognement qui monte dans sa gorge à le voir ainsi.

Il ne sait peut être plus qui elle est, son visage ne lui rappelle rien, mais il ne reste pas de marbre devant elle pour autant. Dans sa poitrine, c'est l'explosion. Tout n'est peut être pas perdu alors. Celle qui, toujours, a douté d'elle, aussi et surtout devant Jules, veut entrevoir là un signe qui confirme ce qu'il lui disait, avant. Il l'a trouve attirante. Cette idée lui plait outre mesure. Elle sent dans son ventre le vrombissement significatif du désir presque animal. Ca suffit, pour l'instant, à enfouir loin toute idée de rancœur, de colère ou même de jalousie. Ce que la tête ne sait plus, le corps en témoigne. Voilà. Elle s'accrochera à cette idée, jusqu'à temps qu'il lui prouve le contraire.

Eloanne prend son temps pour laisser ses prunelles remonter sur lui. Le bas-ventre, les cuisses, les mains pendantes à leurs cotés, puis encore plus haut, le torse, la gorge avec la barbe devenue un peu trop longue. Elle se surprend même à penser que ses joues ne doivent plus avoir ce petit quelque chose de rugueux qui procurait en elle tant de frissons quand Jules les glissait à sa peau. La bouche maintenant, contre laquelle elle se revoit frôler la sienne.

Et enfin ses yeux. Ce qu'elle y prend pour de la joie peut être a disparu comme une étoile filante pour laisser la place à de la peine. Ca elle peut le jurer, sans pour autant se l'expliquer.

Quel spectacle… ? Et bien, si on fait le point, celui d'un homme pour qui elle ne devrait pas avoir de sentiment. Celui d'être en colère contre la vie d'avoir rendue celle de Jules certainement plus dure qu'à l'accoutumé depuis des mois. Celui d'avoir la chance de revoir Jules, nu et dans de bonnes dispositions si l'on ne s'en tient qu'à l'aspect corporel.

… Pour la Baronne ? Le spectacle de toutes ses tentations, de ses frustrations aussi. Quelle cruelle ironie tout de même. Elle qui l'a embauchée pour apprendre à "être une autre" voilà qu'elle en rêve encore plus maintenant. Ne pas être cette Baronne qui se doit de tenir son rang, mais une femme, comme une autre, qu'il aurait pu croiser dans une taverne.

C'est alors que ses lèvres s'étirent sur un sourire timide. Et si elle tenait là une chance ? La chance de pouvoir tester ses anciennes leçons. Saurait-elle s'oublier pour le séduire, un peu. Quelques heures. Une dernière nuit peut être, avant de le rendre à sa vie Parisienne. Parce qu'il le faut. Elle l'a compris en entrant dans la grange. Elle ne peut se permettre d'avoir près d'elle, jeune noble, orpheline et sous la tutelle d'un oncle aux idées bien rangées, un courtisan encore en activité ou non. Elle risquerait la colère de son parent, Jules lui, bien plus encore.


Paris oui.


Oui Eloanne sait tout ça et malgré tout elle tend le bras. Sa main reprend la serviette et le geste s'arrête. Elle ne pense plus à respirer, pas à faire un pas en avant, pas plus en arrière. Elle n'entend même pas sa propre voix, devenue rauque. Toute son attention est fixée sur les prunelles sombres.

Mais, peut être pourrions nous en parler…. Plus tard ?

Hum oui bon, le temps des leçons est loin hein. Elle a perdu en assurance la petite. Et puis sans doute se garde t-elle aussi une petite porte de sortie, juste au cas ou la perche ne soit pas attrapée au vol, et qu'il prenne le "plus tard" pour un simple recul, le temps de revêtir quelque chose de plus convenable.

Une sortie pour sauver le peu d'orgueil qu'il lui restera…

_________________
Jules.
Il est perdu dans ses interrogations, mais il n'est pas aveugle non plus. Et même s'il met un certain temps avant de vraiment voir la jeune femme, le regard de celle-ci est si lent, si... appliqué à se promener sur son corps, qu'il eut fallu le vouloir pour le manquer.
Bizarrement, Jules ne cherche pas à se couvrir. Il ne se rue pas sur une serviette. Vraiment, c'est bizarre. Ce qui n'est pas bizarre, en revanche... c'est l'effet de ces joues rosies, de cette lèvre mordillée. Nul besoin de baisser à nouveau les yeux, Baronne, vous ne trouveriez plus rien d'approximatif dans l'effet que vous faites à Julot.
L'espace d'un instant suspendu, Paris est oublié. Seuls comptent les yeux de cette baronne qui se comporte tout autrement. Le contraste affolant de son sourire timide et de ses yeux effrontés.

Paris oui.

Il l'entend, oui. Mais comme dans du coton. Les yeux bruns ne le quittent pas. Elle est figée, et il n'ose pas bouger non plus.

Mais, peut être pourrions nous en parler…. Plus tard ?

Courtisan entraîné, soldat, amnésique... boulanger, péquenot, noble... Cherchez pas, il n'existe pas d'homme qui raterait l'invitation du ton rauque, des yeux plongés dans les siens. A moins d’être aveugle ou l'idiot du village... Il a compris. Et enfin, enfin, il obtient la petite satisfaction de savoir que cette fois, après toute une soirée d'esquives et de mauvaise foi, elle ne ment pas.
Alors tout d'abord, il ne réfléchit pas. Comme disent les femmes pour se moquer de nous, tout le sang dédié à son cerveau est occupé ailleurs. Sans un mot, l'homme trempé sort du bain et avance vers la baronne. Il avance, les yeux brûlants d'envie, et ses intentions sont très claires.
Mais. La narratrice d'Eloanne aime le mais, et je lui pique. Mais.
Arrivé à un demi pas d'elle, alors que son souffle peut presque carresser sa joue.. Jules se retrouve avec une pensée interlope dans le ciboulot. Une pensée qui le fige.
Eloanne.
Oui, l'ironie du sort est cruelle, je sais. Le voilà qui cligne des yeux, et s'arrête net. Avant de prendre sa chemise des mains de la jeune noble et de la placer entre elle est son érection, comme pour la protéger elle de son désir à lui. Et d'annoncer d'une voix tout aussi rauque, sinon plus...


Damoiselle.. Vous me tournez les sangs. Je n'aurais pas pu vous le cacher même si je l'avais voulu.... Je...

De sa main libre, il ne peut s'empêcher de prendre une de ses mains. Comme pour s'excuser, peut-être...?

Mais j'ai ce nom dans le crâne. Comprenez ? Je ne la connais pas mais c'est comme si j'étais amoureux... Et si c'était mon épouse ?

Secouant la tête, Jules s'humecte les lèvres, puis vient à nouveau planter son regard triste et inquiet dans le sien.

Je dois aller à Paris. Mais... avec votre permission, je veux revenir ici. Revenir vite. Parce que, soyons francs... Vous me cachez ce qu'il y a entre nous. Et il y a quelque chose entre nous.

Oublié le respect du à la noblesse, elle a clairement renoncé à ce droit en lui proposant son lit, même à demi-mots. Levant la menotte à ses lèvres, il en embrasse le dos doucement et trop longtemps, tant resister à cette femme lui est difficile. Sans la quitter des yeux, et sans même battre une fois des cils.

A Paris j'en aurai le coeur net. Et si je n'ai pas d'épouse...

Il ne finit pas sa phrase, mais la promesse est claire. Si je n'ai pas d'épouse, ça va être ta fête, ma jolie.
_________________
Eloanne
Il semblerait que, finalement, la jeunette ait retenu assez des enseignements qu'il lui avait prodigué. Quelque chose dans sa posture, le timbre de sa voix ou peut être est-ce la proposition à peine déguisée ? Elle ne saurait pointer directement LA raison qui fait réagir le brun, mais toujours est-il que sa tentative pour l'attirer à elle fasse écho.

Même si Jules devait ne jamais retrouver ses souvenirs, ils vont se dire adieu dans une danse charnelle qui leur ressemble. Et ensuite, oui, elle se le promet, elle le laissera reprendre sa route.

Furtivement, la question de l'honnêteté de sa conduite vient frapper aux portes du cerveau de la jeune fille. Rapidement balayée par ce trop plein de manque, d'envie de lui, de non-dits aussi. Il est bien trop tard maintenant pour elle de se présenter.
Dans un silence lourd de sens, elle le regarde sortir de l'eau et venir jusqu'à presque l'atteindre. Puis stopper tous mouvements, sauf celui de se retrancher derrière sa chemise.


Damoiselle..
Là, déjà, elle sait. Vous me tournez les sangs. Je n'aurais pas pu vous le cacher même si je l'avais voulu.... Je...
Et tout pourrait s'arrêter là s'il ne parlait, lui qu'elle pensait avare de mot.
Elle lui laisse sa main dans la sienne, s'en rend-elle compte d'ailleurs ? Il ne lui reste donc plus qu'à boire ses paroles.


Mais j'ai ce nom dans le crâne. Comprenez ? Je ne la connais pas mais c'est comme si j'étais amoureux... Et si c'était mon épouse ?

Oh oui elle est bien cruelle cette ironie. Elle se fait griller…. Par elle-même. A qui d'autre une mésaventure pareille est-elle déjà arrivée, franchement ?

Ses épaules s'affaissent doucement et le sourire perd juste un peu d'intensité. Elle tente de faire disparaître la boule venue se loger dans sa gorge en toussotant et secouant doucement la tête.

Cet homme c'est l'ascenseur émotionnel incarné. Dans la même phrase il est capable de repousser ses avances, tout en avouant des sentiments qu'elle lui ignorait. Il imagine même être éventuellement marié. Avec Eloanne. Avec elle. Elle ne sait même pas si elle doit gronder de frustration, pleurer de joie, de peur, ou encore de tristesse en songeant que son réveil sera rude. Avec le métier du courtisan, rêver à un mariage serait entretenir un fantasme.

Et puis non mais ho, stop Elo là. Il faut se calmer deux secondes. Des fantasmes, oui. Avec Jules, oh que oui. Uniquement avec lui d'ailleurs. Mais... Mais ! Ca suffit oui! Un mariage, ce n'est pas… ça. Un mariage, c'est quand on est deux à s'aimer. Point.

Elle ouvre la bouche, la referme, recommence. Cherche quelque chose à répondre.
D'intelligent, si possible. Et par chance, il ne lui en laisse pas le temps.


Je dois aller à Paris. Mais... avec votre permission, je veux revenir ici. Revenir vite. Parce que, soyons francs... Vous me cachez ce qu'il y a entre nous. Et il y a quelque chose entre nous.

C'est elle qui bât des cils, lentement. Pour se remettre, une dernière fois, dans la peau de l'anonyme nobliotte. Quand le baisemain s'éternise, elle recule son bras, doucement en revenant soutenir son regard. Et contre toute attente, le sourire qu'elle lui offre est sincère.

Qu'il en soit ainsi alors. Je vous l'ai dit, mon intendant part demain à l'aube. Une place dans le coche vous sera réservée si vous souhaitez en profiter. Et vous avez ma permission… pour revenir, une fois vos souvenirs revenus. En attendant, vous pouvez passer la nuit ici si vous voulez.

Quant à moi, je vous laisse… terminer votre toilette et vous reposer. Il est grand temps que je me retire.


A Paris j'en aurai le coeur net. Et si je n'ai pas d'épouse...

Elle recule jusqu'au paravent et s'y attarde un dernier instant, puis gagne la porte pour sortir de cette chambre. Ce n'est qu'une fois dans le couloir, heureusement déserté, que son sourire gagne en malice. Il veut revenir. Certes il a parlé de revenir savoir ce qu'elle lui cache. Mais il a aussi dit qu'il y a quelque chose entre eux. Il a senti quelque chose entre eux, en seulement quelques heures.

Comme une gamine devant un cadeau tant attendu à Noël, la jeune femme sautille dans le couloir, à mi-voix elle chantonne même
"Il va revenir ! Il veut revenir ! Il veut revenir viteuuuu !"

"Et si je n'ai pas d'épouse...", qu'il a dit.

D'épouse, Eloanne le sait, il n'en a pas. Il n'a pas parlé des amis qui pourraient le retenir. Donc, oui, il va revenir. Mais là, elle s'arrête de sautiller devant la porte de sa propre chambre et le dernier mot s'éteint contre ses lèvres.

S'il n'a pas d'épouse… La phrase inachevée, maintenant, lui saute au neurone. S'il veut revenir, et vite en plus, c'est parce que quelque chose s'est passé. Entre eux. Ce soir.
Elle, elle le voit tel qu'elle le connait. Mais lui, il n'a regardé que la Baronne. Et cette Baronne lui a fait de l'effet. Et il veut revenir la voir.

Ses pensées tournent en boucle.

Revenir pour… terminer ce qu'ils ont à peine eu le temps d'envisager quelques minutes plus tôt.

Elle a soudain besoin de se cacher, vite, dans sa chambre. Ses joues sont en feu, sa poitrine gonfle à mesure que sa respiration se saccade, son ventre se contracte. La brune se jette sur son lit et enfouit la tête dans l'oreiller de plume pour y étouffer un long gémissement frustré.

Et d'un bond se redresse alors qu'enfin elle comprend.


Il pense être amoureux d'Eloanne et malgré tout… il veut revenir me voir. MOI.

La nuit va être longue et blanche. Elle n'a pas fini de s'imaginer tous les suites possibles et inavouables, surtout celles là, qui découleront du retour du brun.

Plus tard, demain, elle commencera à paniquer en imaginant déjà le retour d'un Jules en pleine possession de sa tête. Comment alors expliquer ce soir ?..

_________________
Jules.
Jules voit les épaules s'affaisser légèrement, le sourire changer, oh, si peu... Si elle est déçue, cela se sent tout juste, et si elle est vexée, elle le cache à merveille. Un petit toussotement et un mouvement de tête lui laissent juste à penser qu'elle est peut-être un peu gênée. Il semble à Jules, l'espace d'une seconde, qu'une myriade d'émotions contradictoires passent par les yeux expressifs de la jeune baronne, mais il n'en tire rien. A peine semble-t-elle hésiter sur la phrase suivante. Des yeux, il dévore la petite bouche qui s'ouvre et se ferme lorsqu'elle cherche ses mots, et l'ombre d'un souvenir semble se profiler dans son cerveau meurtri. Comme s'il avait déjà vu.... Trop tard, le moment est passé. La jeune fille retire sa main, mais avec douceur.

"Qu'il en soit ainsi alors. Je vous l'ai dit, mon intendant part demain à l'aube. Une place dans le coche vous sera réservée si vous souhaitez en profiter. Et vous avez ma permission… pour revenir, une fois vos souvenirs revenus. En attendant, vous pouvez passer la nuit ici si vous voulez. Quant à moi, je vous laisse… terminer votre toilette et vous reposer. Il est grand temps que je me retire."

Dans cette façon de réagir, de lui répondre, là, pas de doute, elle se comporte en femme noble de A à Z. La jeune femme qui ramassait ses frusques a disparu. Elle ne tique pas une seconde à son accusation de lui avoir menti, et son flegme est impressionnant. Son sourire semble même... sincère. Quel mystère, cette femme... Il y a une seconde il aurait juré l'avoir profondément troublée, et qu'elle lui offrait son corps. Maintenant il n'en est plus si certain. A la promesse à peine voilée qu'il lui a faite, elle n'offre qu'un pas en arrière, comme pour se réfugier dans le paravent. Ah, s'il écoutait sa fierté, son ego de mâle, il l'attraperait là de suite, et se prouverait à lui même qu'il n'a pas rêvé.
Mais ce fichu prénom qui ne veut pas le lâcher d'une semelle l'en empêche. D'abord, trouver qui est Eloanne. Ensuite, céder à ses bas instincts. Pourquoi diable a-t-il l'impression que la droiture fait partie de ses attributs ?

Foutue droiture de mes deux.

Il ouvre la bouche pour lui faire ses adieux, mais elle a déjà disparu. Cette nuit là, le sommeil de Jules sera encore plus agité que les nuits précédentes, et le visage de la baronne viendra danser dans ses rêves avec celui de la rouquine et le nom à la fois chéri et craint... d'Eloanne.


[Quelques jours plus tard]

A cheval plutôt qu'à pied, mais le principe est le même : faire la liste, plus longue cette fois, de ce qu'il sait. Plus longue, plus complexe, plus folle aussi.
Il sait qu'il s'appelle Jules, qu'il a été frappé à la tête et qu'une femme rousse est morte dans ses bras.
Il sait qu'en Touraine, une baronne le connaît mieux qu'elle ne devrait.
Il sait qu'en cheminant vers Paris, quelques images floues de deux amis blonds se sont frayés un chemin dans sa conscience.
Il sait qu'à Paris, dans un bordel appelé le Boudoir des Sens, un jeune homme dont il ne se souvient pas le connaît aussi, et a confirmé l'identité de ces blonds. Et de la rousse.
Et là, vient la liste de ce qu'on lui a rapporté. Et les choses se compliquent. Faire une confiance aveugle sur ces informations lui paraît d'autant plus difficile qu'elles sont... perturbantes. Si perturbantes qu'il n'arrive pas toujours à y penser. Dans sa poche, un morceau de vélin malmené porte les informations que Jules voudrait ignorer ; et avec lesquelles il s'en vient confronter la Baronne. Parce qu'il a beau essayer de nier sa nouvelle identité... tout colle. Y compris cette phrase d'Artur qui lui donne le tournis à force de danser la gigue dans sa tête.

"Tu n'étais pas client, tu étais catin, enfin, courtisan."

Arrivé chez elle, il est vite reçu. On le laisse se débarbouiller de la poussière de la route, puis on l'installe dans une petite pièce ronde, sûrement une tour du bâtiment. Salon, chambrée, il ne sait trop. Il y a là une couche, des sièges, un âtre. Trop tendu pour s'asseoir, le courtisan fait les cent-pas en tripotant sa barbe un peu mieux taillée grâce à son passage au Boudoir. Et chaque fois qu'il pense à revoir la baronne, ses mâchoires se serrent. Elle lui a menti, soit. Mais ne peut-il pas le comprendre ? Quand on est noble - et femme qui plus est- n'a-t-on pas trop de pudeur, de bienséance, pour révéler à un homme qu'il a été votre catin ? Bien sûr qu'elle a menti.
Mais alors pourquoi diantre cette colère envers elle ? Il se sent comme... trahi. Comme si elle aurait du, elle aurait du le préparer au choc de Paris, du lui dire pourquoi son toucher était si normal sur sa peau, du ... Julot, pourquoi aurait-elle du ? Etes vous donc si proches qu'elle te doit quelque chose ? Avec un petit rire amer, le barbu d'un coup se souvient que la première fois qu'il la vue dans la grange, elle aussi semblait penser qu'il lui devait quelque chose...

"J'attendais, j'espérais mieux de vous... "

Donc. Il se "doivent" des choses, hein ? Sont-ils plus que cliente et... Jules ne peut se débarrasser d'une pensée qui le tourmente encore plus que toutes les autres. La cliente régulière... cette brune ! Celle pour qui, selon Artur, il aurait voulu quitter le Boudoir. Ne serait-il pas logique que ce soit elle ? Avait elle... réclamé son exclusivité ou...? La porte qui s'ouvre le surprend en pleine torture mentale. Sans la regarder d'abord, de peur peut-être que sa beauté ne le distraie de sa colère, il enfreint le protocole et parle en premier.


Je vous ai désobéi, Baronne. Je suis revenu sans avoir recouvré ma mémoire. Serrant les mâchoires, il ajoute en levant enfin les yeux sur elle : Mais on m'a dit ce que je suis, et en quoi j'étais votre....

Un sursaut de respect pour elle l'empêche de cracher le mot "catin" comme l'a fait Artur au Boudoir. "Homme de main" semble également trop cru.

... professeur.

Dans sa voix, le sentiment de trahison, la colère, la peine va s'entendre, il le craint. Déglutissant, il se tait. Il peut bien se l'avouer, en apprenant qu'il n'était pas marié il avait senti comme une joie de pouvoir revenir finir ici ce qu'il avait commencé au bain, et maintenant... Maintenant qu'il sait que c'est elle qui mène la danse, elle qui paie... S'avouera-t-il qu'il est dégouté de ne pouvoir juste avancer, la prendre dans ses bras et la jeter sur cette couche non loin ? A la fin, qu'espère-t-il ? Des excuses ? Des mots rassurants ? Des explications ? Un gros câlin pour les consoler de tous ces gros malheurs ? Julot, redresse les épaules, mon gars. Tu es pathétique, là.
_________________
Eloanne
Pendant les quelques jours de son absence, Eloanne n'a fait que tourner et retourner. Chez elle, errant d'une pièce à une autre, d'une fenêtre à une porte, du jardin à la grange. Dans son lit chaque nuit, à se recroqueviller pour étreindre l'édredon en revoyant le torse, la bouche, les mains…

Dans sa tête aussi, ça rumine, à tel point que le tournis la gagne.
Que va-t-il apprendre à Paris ?
Que va-t-il apprendre au Boudoir ? Qui va-t-il y retrouver ?
Voudra t-il toujours revenir, maintenant qu'il doit savoir qu'elle la payé ?
Combien de temps restera t-il ?
Aura-t-il tout retrouvé de sa mémoire?
Et si oui, sait-il qui elle est ? Et que faire de ce qu'il lui a révélé sans le savoir ?

Même si toutes ces questions l'angoissent, il va être temps que Jules revienne apporter des réponses. Cette pensée la fait sourire. C'est lui l'amnésique et pourtant, c'est sur lui qu'elle compte pour éclaircir nombre de zones d'ombre. Ironique situation.


[Jour J. Enfin.]

Même si elle n'avait surveillé les allées et venues dans la grande allée, les consignes avaient été données pour que, dès la grille passée, elle soit avertie du retour du courtisan. Du soldat. Du voyageur. De Jules. Du retour de Jules…

Elle sait qu'après avoir pu se rafraichir, il va être conduit au salon. Avant elle l'appelait le boudoir, mais depuis, elle ne peut plus.

Eloanne ne veut pas se précipiter, elle n'y arriverait pas même si elle le voulait. Son cerveau refuse de donner l'injonction nécessaire à ses jambes pour se mouvoir.
Mais elle ne veut pas non plus le faire attendre plus que de raison. Et puis, elle se l'avoue, elle veut déjà le voir. Essayer de glaner quelques indices à ses prunelles. Il sait, au moins, qu'il n'est pas marié. Ils peuvent reprendre déjà ce qu'il avait laissé en plan entre eux. Ou… elle peut se jeter dans ses bras et ne pas lui laisser le temps de dire un mot.

Elle doit entrer pour le voir. Et savoir.


[Au salon donc.]

La porte est lentement poussée et la Baronne avance de quelques pas. Assez pour que le battant se referme et leur offre le calme dont ils vont avoir besoin.

Elle sait qu'il est grand, mais en cet instant, elle se sent encore plus petite que d'ordinaire devant Jules.

La jeunette ne sait que dire, par quoi commencer. Si elle n'était aussi tendue, elle sourirait, nostalgique, du souvenir qui vient de lui revenir en mémoire. Celui de la toute première fois qu'elle avait vu. Ils savaient, tous les deux, ce jour là, pourquoi il était là. Il savait, alors, qu'il serait rémunéré pour ses… services. Elle savait qu'elle n'avait rien d'autre à attendre d'un courtisan. Elle ne savait pas encore combien les heures passées en sa compagnie lui deviendraient aussi … délicieuses. La jeune fille si innocente ignorait alors à quel point cet homme allait marquer sa vie et faire naître en elle des sentiments insensés.

Au final, même si ouvrir la porte se jour là avait été un cap difficile à franchir, il n'était rien comparé au mur invisible qui semblait les séparer aujourd'hui.

Le premier contact visuel ne lui permet pas d'apprendre grand-chose. Les vêtements qu'il porte sont moins usés, la barbe est plus entretenue. Il émane de lui pourtant toujours ce subtil mélange de force et … ce trouble, qu'il vient rapidement confirmer.


Je vous ai désobéi, Baronne. Je suis revenu sans avoir recouvré ma mémoire. Mais on m'a dit ce que je suis, et en quoi j'étais votre....

Par surprise, c'est Jules qui prend la parole en premier. Loin de prendre ombrage de l'entorse au protocole, elle se trouve même soulagée qu'il le fasse. Jusqu'à la fin de sa phrase.

... professeur.

Jusqu'à ce mot. Judicieux. Est-ce un choix délibéré de sa part pour qu'elle comprenne déjà qu'elle est démasquée ? Ou reprend-il simplement l'expression qu'elle lui avait elle-même donné, sans avoir conscience de son importance?

Aussitôt, la brune oublie la stature de la noble. Les mains qu'elle tenait, serrées l'une dans l'autre devant elle, se séparent et, nerveusement, comme lorsqu'elle est seule et perdue dans ses pensées, elle en porte une à ses lèvres. L'ongle du pouce est mordillé. Elle ose croiser son regard de brefs instants. Le temps de démêler le fil des intonations captées.

La crispation de la mâchoire témoigne, au minima, de la colère. Mais le timbre de la voix, lui, laisse entendre bien plus. Ce qu'elle y devine provoque un soupir triste. Elle lui a fait de la peine en se taisant. Elle va devoir se dévoiler si elle veut, ne serait-ce qu'espérer, avoir une seconde chance.

La voix est faible, basse mais douce, quand enfin elle se lance
.

Oui.

De la main gauche elle montre les fauteuils non loin de l'âtre. La droite vient chercher l'avant bras masculin quand elle avance.

Venez. Nous avons à parler je crois.


A parler et à boire. Pendant qu'il s'assied, elle va servir deux verres sur la table dans le dos du brun.
En revenant derrière lui, elle avance le bras pour lui tendre l'alcool et laisse sa main se poser sur son épaule. Pour débuter, rester à l'abri de son regard lui semble judicieux. Ne pas risquer d'y voir la déception, ou pire, le dégout.


Vous avez été mon professeur. Ici, à Tours. A Paris aussi.

Boire une gorgée pour se délier la langue et lui laisser, à lui, le temps déjà d'appréhender cette amorce de franchise.

Mais… Que vous a-t-on appris ?


Le laisser questionner pour ne pas en dire trop. Pour gagner du temps aussi ? Peut être, oui.
_________________
Jules.
La toute première image d'elle est celle d'une noble dame, inatteignable, mains sagement tenues devant le buste. Mais à peine a-t-il fini sa phrase que sous ses yeux ébahis, l'attitude entière de la jeune femme change. Une jeune fille timide, nerveuse, se mordillant l'ongle du pouce, la remplace. Elle le regarde, et soupire.
S'accrocher à sa colère, coûte que coûte. La colère donne de la force. La colère l'aidera à obtenir des réponses de cette femme qui lui a menti. La colère l'aidera à ne pas penser aux deuils...

Oui.
Jules cligne des yeux. Elle a parlé si... doucement... gentiment ? Il est si sonné par le changement de ton qu'il se laisse mener comme un agneau jusqu'au siège qu'elle lui désigne.
Venez. Nous avons à parler je crois.
Et elle ne refuse pas de parler. Qui est cette femme, soudain ? Où sont la colère et l'indignation de la première rencontre, l'effronterie du bain, la politesse froide des adieux...?
Assis, les yeux dans le feu qui crépite, Jules l'entend approcher dans son dos. Prenant le verre qu'elle lui offre, il déglutit lorsqu'elle pose sa main fraîchement libérée sur son épaule. Ta colère, Julot, accroche-toi...Mais d'un coup, au contact de cette main, toute sa colère semble évanouie, et il se sent fatigué... fatigué. Plus de vent dans les voiles. Calme plat....

Vous avez été mon professeur. Ici, à Tours. A Paris aussi.
Elle ne nie pas ! Elle n'esquive pas... "Professeur"... quelle gentille façon de décrire... Et puis elle est trop jeune pour...non ? Va-t-elle enfin lui raconter? Vite, vider le verre d'un trait pour s'armer de courage face à la vérité. Si celle-ci ressemble à celle qu'il vient d'entendre à Paris, il va en avoir besoin.
Mais… Que vous a-t-on appris ?

La voix douce, la main sur son épaule... Et maintenant... Lui porte-elle de l'intérêt ? Sûrement pas, mais il veut y croire. Sans réfléchir, Jules pose sa grosse paluche droite sur son épaule gauche, y emprisonnant la noble menotte. Depuis qu'il s'est réveillé dans ce cauchemar, la tête en sang, personne ne s'est donné la peine de lui offrir quelconque réconfort physique.
Pas même Artur. Et le barbu de prendre conscience qu'il a vraiment besoin d'une oreille amie, d'une main secourable. Alors celle-ci, il ne la lâchera pas de sitôt. Si la Baronne fatigue, elle n'aura qu'à s'asseoir sur l'accoudoir du fauteuil. Et si elle essaie de retirer sa main, il agrippera plus fort, quitte à la basculer sur ses genoux. Il se fiche des conséquences. Si elle veut qu'il puisse prononcer les mots douloureux... il faudra qu'il sente sa main. Point.


Ils. Ahem. Sont tous morts. Mes amis. Morts.
Les yeux toujours ancrés dans le feu, Jules déballe tout. Ou presque. D'abord ce qui pèse le plus.
Rouquine. Morte dans mes bras. Assasinée... Ils... m'ont juste dit qui elle était, mais... je me souviens de son visage. Je ne me souviens... que de son visage.
La lourde main exerce une pression plus forte sur la main qui le touche. Comme pour dire "ne t'avise pas de bouger".
Et...Désirée. J'ai l'image de ses cheveux... Dans mes bras, comme une soeur. Morte. La grippe. Marceau aussi. Le blond..
Il sent une larme lui dévaler la joue et s'en fiche. Trop de deuils. Trop d'un coup. Il sait que ce n'est pas sa place d'être ici à se vider de sa douleur auprès d'une.. cliente. Une noble. Mais le barrage devait céder, et la main sur l'épaule fut la dernière goutte d'eau.
J'ai pas de souvenir d'eux. Juste une ou deux images. Mais.. mon corps souffre comme si je m'en souvenais... Voyez ? Vous les connaissiez, peut-être....
Ce n'est pas une question, du moins pas tout de suite. Jules n'a pas encore fini de vider son sac. Levant son visage déformé par la peine vers elle, il parle d'une voix morte.
Mon passé est mort... Tous morts, Damoiselle. Et moi... Moi je suis une catin, paraît-il.

Un sourire triste, presque un rire silencieux et surtout très très amer, éclaire tristement son visage baigné de larmes et secoue, juste une fois, ses épaules. Les yeux perdus dans les siens, comme un noyé cherchant une planche de salut, il la regarde.
Plus tard, viendra la myriade de questions. Mais ce gros sac lourd, il fallait bien qu'il le pose.

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Eloanne
Jules ne proteste pas, n'exige pas d'explications sur-le-champ. Non, il se laisse guider, comme si, soudain toute la misère du monde lui était tombée sur les épaules. Et c'est certainement vrai. Il ne proteste pas non plus qu'elle reste dans son dos. Peut être est-ce ainsi autant facile pour lui que pour elle de ne pas chercher à croiser leurs regards.

Il ne refuse pas le verre, pas plus qu'il ne cherche à échapper à son contact. Bien au contraire. De sa main il recouvre entièrement la sienne. Dans l'instant, elle n'avait pas attendu d'avoir son approbation, lui montrer par ce simple geste qu'elle était là, pour lui, pour l'écouter, pour éponger ce trop plein qui menaçait de déborder, à sa réaction c'était apparu comme une évidence. Elle avait bien fait. Maintenant que la parole est libérée, elle n'a en aucun moment l'envie de rompre le lien.

Alors ils sont morts. Tous. Rouquine. Desirée. Marceau. Eloanne ne les a pas connus. Elle a été présenté aux deux femmes lors de sa première visite au Boudoir, mais soyons honnête, elle n'y allait pas pour faire la conversation avec les gérants. Malgré tout, apprendre leurs décès, ça la bouleverse. Pour Lui. Elle n'ose imaginer le choc brutal pour Jules qui s'accrochait si fort à eux pour remettre en ordre le puzzle de sa mémoire défaillante…

Elle ne l'interrompt pas. Même quand il questionne. La digue est rompue et ce n'est pas le moment. Il doit aller au bout avant et si elle parle, elle le sent, quelque chose va se briser.

Et il relève la tête vers elle. Et elle voit. La peine qui lui mange le visage, le sillon de la larme de la pommette à la barbe.

Sur l'épaule, les doigts féminins exercent une pression plus marquée encore. Continue Jules, laisse sortir ce qui doit l'être, on s'en fout des larmes. A part elle, personne ne les voit. Personne ne les saura. Jamais. Il n'y a plus de Baronne, d'ex soldat ou de courtisan. Tout de suite, il n'y a que deux êtres humains.

Quand le lent va-et-vient de son pouce sur la main a-t-il commencé ? Elle ne s'en est pas aperçu, elle a du le faire instinctivement.


Mon passé est mort... Tous morts, Damoiselle.

Dieu que cette voix lui fait mal. Le voir ainsi lui fait mal. Ca lui tord le bide d'entendre à quel point il est torturé. Elle voudrait pouvoir le consoler. Effacer d'un revers de la main les stigmates de son passé à peine retrouvé que déjà envolé.

Elle n'aurait pas du lui parler de Paris. C'est de sa faute s'il est dévasté. Elle l'a envoyé droit dans le mur que la vie avait monté devant lui. Entre ne rien savoir et savoir… ça. Quel choix aurait-il fait ?

C'est elle, cette fois, qui ne cille pas une fois. S'il peut trouver au fond de ses prunelles, ne serait-ce qu'une once de réconfort, elle est toute disposée à le lui offrir.


Et moi... Moi je suis une catin, paraît-il.

Eloanne voudrait avoir le pouvoir de remonter le temps, pour quelques secondes au moins. Faire taire, avant qu'il ne naisse, le rire qui vient d'ébranler ses épaules. Un rire d'ailleurs, ça ? Un rictus, une réaction nerveuse, un soubresaut, tout ce que l'on veut, mais d'un rire il n'en est rien.

Sans se soulever, sa main imprime un mouvement pour pivoter sur l'épaule. Dans le même temps, Eloanne contourne le fauteuil et vient maintenant s'accroupir devant lui. Elle pose son verre au sol et avance la tête jusqu'à ce que son front touche celui de Jules, alors que la seconde main, désormais libre, se pose à l'arrière de la tête masculine.
C'est presque un murmure qui lui répond.


Vous aviez vos raisons….


S'il questionne, évidement, elle répondra, mais elle se doute que le flot de parole ne s'est arrêté que pour laisser passer la première vague.
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Jules.
Il la regarde sans trop la voir. Les larmes, ça a tendance à brouiller. Mais s'il ne voit pas sa peine reflétée dans les yeux de la jeune femme, il sent sa main se crisper sur son épaule, comme pour lui confirmer qu'il n'a pas rêvé sa tendresse envers lui. Lentement, graduellement, son cerveau accepte de nouvelles informations. Comme ce pouce qui lui caresse doucement la tranche de la paume. Et là, dans ses yeux qui ne cillent pas, est-ce... de la culpabilité...? Il ne sait pas, il ne sait plus. Il est trop fatigué.

Des yeux, il la suit en silence alors qu'elle le contourne, sans jamais briser le contact de leurs mains. Elle n'a pas tiqué au mot vulgaire, ou il ne l'a pas vue. Sans qu'il sache vraiment comment, il a une baronne accroupie devant lui, son front contre le sien, une main sur son épaule, et l'autre dans ses cheveux. D'abord, il n'est capable que d'apprécier le contact, la commisération et la chaleur humaine. La tendresse. Ensuite, la pensée revient. Une baronne, toute proche. Une baronne qui lui murmure quelque chose. Quoi ? Cervelle, hé. On sait que tu es dépassée par l'idée même qu'une baronne soit accroupie là, tout près mais... elle dit quoi ?


Vous aviez vos raisons….

Jules s'humecte les lèvres. "Vous aviez vos raisons...." Donc il n'est pas fou. Il n'invente rien. Cette baronne, non seulement savait ce qu'il était, mais le connaît assez bien pour connaître ses motivations !? Le puzzle commence à prendre forme, des pièces s'enclenchent, lentement. "J'attendais, j'espérais mieux de vous". La main sur son torse nu. "Vous aviez vos raisons"... Elle le connaît bien. Vraiment... bien. Sinon pourquoi un courtisan irait il raconter à une baronne son choix de vie?

Là, tout contre son front, Jules laisse échapper un soupir. Soulagement ? Il n'en sait rien. Mais ses mains à lui ont décidé, pendant qu'il assemblait peu à peu ses informations, de venir se loger dans ses cheveux à elle vers la nuque, derrière l'oreille. De chaque coté de son visage. Et elles la maintiennent là, front collé au sien, comme si elles craignaient de la laisser s'enfuir. C'est tout contre sa bouche qu'il murmure.


Vous me connaissez bien mieux qu'une simple... cliente, n'est-ce pas ?

La réponse, il la veut, n'allez pas croire. Mais son corps agit sans lui, et ne laisse pas à la jeune baronne le loisir de répondre. Appelez cela de la mémoire musculaire, appelez cela l'instinct de survie qui vous donne l'envie inconsciente de procréer quand la mort vous entoure de toutes parts. Appelez cela comme vous voudrez.

Les mains se sont faites maîtresses et inclinent le petit visage vers le sien. Le baiser est léger, juste une lèvre contre une lèvre. Lent, doux. Et alors qu'il voudrait s'éloigner un peu, la regarder, la laisser répondre à cette question si importante, encore une fois ses gestes ne répondent pas à ses intentions. Le voilà qui trace de ses lèvres la mâchoire féminine et va loger sa barbe dans le cou gracile de la jeune fille. S'y enfouir, plus exactement. S'y fondre, s'il pouvait.


Hmmm, votre odeur, Douce....votre peau... Comme l'odeur de ta peau m'a manqué, Eloa....

Statue de sel. Méduse l'aurait regardé qu'il ne serait pas plus immobile. Il ne bouge plus, il ne respire plus. Il panique, figé dans son cou. Il a parlé, là, il ne rêve pas. Qu'est ce qu'il vient de dire ? Va-t-elle le repousser, le gifler d'avoir osé non seulement l'embrasser sans permission, mais de l'avoir appelée par un autre prénom...Et de l'avoir tutoyée !!!? Ou... ou alors...

Lentement, très, très lentement, il dégage son visage du petit cou qui sent si bon. Toujours sans dire un mot, il ose enfin la regarder, et dans ses yeux elle pourra lire la totale confusion, le doute, l'espoir, la peur et l'incompréhension. Parce que ça ne peut pas être Eloanne. Ca ne peut pas, elle a dit "vous la retrouverez CETTE Eloanne". Et elle est noble...ça ne peut pas... ?


... nne ?

Et... Et il la fixe, cette femme affolante, tendre et gentille. Celle qui a toutes les réponses, peut-être. Et il n'ose plus respirer.

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Eloanne
La première réaction de Jules est de soupirer. Celle qui suit, presque simultanément est de venir encadrer son visage de ses mains. Et ce geste, cette manière de conserver le lien physique… elle lui semble si naturelle. Evidente. Aussitôt, le corps d'Eloanne réagit, avant même que son cerveau n'enclenche la moindre amorce de cascade émotionnelle. Même les questions, sur le sens de ce soupir, sont relayées à plus tard. Bien plus tard. Sous les phalanges, le frisson est palpable. Elle le sent courir, partir de la nuque, glisser aux épaules, se répandre le long de sa colonne vertébrale. Elle baisse un instant les paupières et égoïstement, savoure la caresse.

Et sa bouche, qu'il vient d'humidifier, si proche de la sienne. C'est presque une torture. Il est là, si près. Elle n'aurait qu'un tout petit mouvement à faire. A peine avancer les lèvres pour qu'elles viennent effleurer leurs jumelles.

Il parle ? Qu'est ce qu'il a dit ? Eloanne réveille ta conscience. Ce n'est pas le moment de flancher ! Jules a besoin de toi, pas d'une midinette en pâmoison. Il est en perdition et, surtout, en quête de réponse. La question est directe. La réponse devrait l'être tout autant, sans faux semblant. Oui, elle le connait un peu plus qu'une simple cliente.
Sauf qu'en fait, il ne parle pas, il murmure. Et que son souffle vient mourir à son épiderme. Et quand elle sent son visage se pencher sous la consigne de ses mains, Eloanne ne fait rien pour l'en empêcher.

Le contraste est saisissant. La force qui la maintient, l'emprise opposée à la délicatesse du baiser. Comme un voile de soie qui vient frôler une lèvre. Comme une bulle qui éclate et pétille dans son crâne.

Avant qu'elle ne puisse envisager de répondre, il s'égare jusque son cou. Et ça la perd.
Ca et…


Hmmm, votre odeur, Douce....votre peau... Comme l'odeur de ta peau m'a manqué, Eloa....


Mentalement elle perd pied. C'est son esprit qui chavire. Parce qu'elle entend Douce. Parce qu'il l'a tutoie. Parce que, le sait-il réellement, un souvenir vient de lui revenir, et quel souvenir. Ce n'aura pas été son visage, son corps, sa voix… le déclencheur était finalement l'odeur de sa peau. L'ancien Jules, celui du Boudoir, celui qui savait parfaitement qui était Eloanne, il lui avait déjà dit qu'elle lui avait manqué. Dieu, est-ce qu'elle peut lui dire, elle aussi combien sentir ses mains et ses lèvres sur elle lui a manqué…

Et ça là, la fin de sa phrase, elle ne l'a pas rêvé, c'est bien le début de son prénom qu'il vient de prononcer.


... nne ?

SON prénom. Là il ne réclame plus le mirage d'un souvenir oublié.

Ses doigts fins emprisonnent une mèche masculine quand ils se crispent. A son tour, elle refuse qu'il s'enfuie. Elle aurait voulu qu'il ne bouge pas, qu'il reste niché, joue contre son épaule, nez à son cou, lèvres à sa peau. Qu'elle puisse parler et confesser ce qu'il doit désormais entendre sans sentir le poids de son regard.

Lentement, la jeune fille hoche la tête et comme précédemment, elle répond par un simple "
Oui".
Alors elle lui retourne le regard. Sa paume se pose sur la joue, le pouce non loin de la commissure de ses lèvres.

Jules… Vous l'avez retrouvé Eloanne. Elle est là… devant vous.

Prise d'un courage jusque là insoupçonné, elle ne cherche pas à se cacher, ou à se dérober à ses pupilles. La voix est peut être juste un peu plus basse quand elle poursuit.


Je suis là…

Et c'est maintenant que tout se joue.
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Jules.
Dans la fraction de seconde qui s'écoule avant que la jeune femme ne parle, une multitude de pensées décousues lui parviennent, qu'il enregistrera plus tard... ou pas. La peau frissonnante sous ses doigts, les mains de la baronne se crispant dans ses cheveux, comme pour l'empêcher de reculer, la tête qui lentement entame ce "oui" universel...

Oui.

Si elle ne le retenait pas, le choc l'aurait littéralement jeté en arrière. Et voilà qu'elle lève les yeux et confirme qu'il n'a pas rêvé. Il cligne des yeux comme un ahuri, sursaute à la main sur sa joue.

Jules… Vous l'avez retrouvé Eloanne. Elle est là… devant vous.

Han.

Quel bruit sophistiqué et viril. Mais à quoi pouvait-on s'attendre de mieux ? C'est le bruit d'un homme qui reçoit un coup de poing au ventre, après tout. Ses mains sont retombées, lourdes comme des bûches, le long de son corps.

Je suis là…

Attendez... Attendez...

Bug, gros bug. Le cerveau n'allait pas très bien déjà, maintenant il est cassé. Et Jules de faire la seule chose qui lui vienne à l'esprit. Il revient aux besoins de base, à ce qui, dans son souvenir le plus récent, lui a fait du bien. Soulevant d'autorité la donzelle par la taille, il bascule en arrière dans son fauteuil, l’entraînant derechef sur ses genoux. Et il enfouit à nouveau son visage dans ... Eloanne. Il ne vise rien en particulier, là, ça tombera dans son giron.

Voilà... Là, il va peut-être pouvoir respirer.


Attendez... une... minute....

Nul moyen de savoir si elle a bien entendu, puisqu'il a prononcé ça dans ses seins. Les grands bras lui serrent la taille, comme si elle pouvait s'envoler. Espérons qu'elle puisse respirer, pauvrette.

Eloanne. Eloa...nne... Eloanne, Eloanne, Eloanne...

N'ayez pas peur, on a pas perdu Jules. Enfin pas totalement. Il est sous le choc et répète juste ce prénom comme à ses débuts sur les chemins, quand c'était la seule chose qui le faisait avancer. Ce prénom qui le berce depuis des mois. Ce port du marin perdu. Il tente de réconcilier la réalité avec cette obsession. Comment ce nom si important peut-il appartenir à une nobliote ? Pourquoi a-t-elle menti ? Toutes ces questions qui ne sont même pas encore totalement formées dans son esprit, et que le narrateur vous livre pour que vous puissiez suivre un minimum. En bref, Jules digère. Alors deux secondes, ok ?

Après un temps... certain, il réussit enfin à lever les yeux sur elle. La bouche s'ouvre une ou deux fois avant qu'enfin, un son n'en sorte. Et là, c'est le déluge.


Mais ! Mais... Mais vous êtes noble ! Comment... ? Mais vous aviez dit, pourtant......Mais, pourquoi ? Qui suis-je ?

Ou vais-je ? Dans quelle étagère ? Je me moque, je devrais pas...

Et je vous... ? et vous... m...?

Laissez moi traduire : Et je vous.. aime ? Et vous.... m'aimez ? Il n'a pas encore pris conscience, je pense, des implications. Ça lui reviendra plus tard.

Elo... Damoi... enfin je...

Enfin, au bout de plusieurs tentatives, Jules finit par prononcer une phrase compréhensible. Les yeux intensément fixés dans ceux du mystère féminin qu'il tient sur ses genoux, il lâche une ou deux bombes atomiques.

Je... ne comprends pas. Vous savez plus de choses sur moi qu'une cliente devrait.... Enfin, j'imagine. Et votre prénom, c'est le seul... Le seul dans ma tête.. Ca... ne colle pas !

Fronçant les sourcils comme si ça allait l'aider à comprendre l'incompréhensible, il finit par la cracher, sa Valda.

Pourquoi m'avez-vous caché votre identité ?
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Eloanne
Le sursaut, le "Han" qui lui échappe, les mains qui quittent la nuque de la jeune femme et Jules qui lui demande d'attendre. Le message semble clair. Elle est sûre que le choc de sa révélation n'est pas unique fautif. Pour elle il y n peut y avoir qu'une autre raison à son mouvement de recul. Elle n'est pas "celle" qu'il espérait. Celle dont il rêvait depuis ce fameux réveil. C'était le risque encouru pour avoir voulu jouer avec la vérité. Longtemps elle s'en voudra…

Se relever, ne pas le regarder, prendre congé et le laisser encaisser, lui laisser le temps de recoller, seul, quelques morceaux du tableau… Eloanne, même si elle l'avait envisagé, n'en aurait pas eu le temps. Avant qu'elle n'ait pu réagir, il a ses mains à ses hanches et la baronne est soulevée du sol et -basculée en avant. Sur lui. Par Aristote, mais qu'est ce qu'il fait. Pourquoi est ce qu'il la prend… dans ses bras. Pourquoi est ce qu'elle en perd instantanément toute raison. Le mot juste pour décrire le sentiment qui s'impose, là, tout de suite, serait… heureuse. Une joie presque primaire. Folle de joie. Elle vient de laisser sortir le plus dur des révélations et Jules est encore là. Et il l'attrape par la taille. Et oui, ça c'est du bonheur à l'état brut. Il ne l'a pas soulevée pour la jeter en dehors du salon, il l'a fait pour la loger sur lui.

C'était une image hein quand elle pensait perdre pied, elle se s'attendait pas à ce que ça devienne réalité… Instinctivement, elle s'agrippe aux épaules masculines et musclées juste avant de se retrouver sur ses genoux.

Une baronne ça porte une robe, une chainse et au moins un ou deux jupons, sans compter –évidement- les braies. Tout ça, ça encombre et limite les mouvements. Depuis toute petite, Eloanne n'a appris que les bonnes manières, les postures réglementaires. C'est cette éducation rigide qu'elle avait cherché à fuir en contactant Jules. C'est ce même savoir-vivre qui ressort à ce moment là quand elle se retrouve en amazone, genoux remontés et jambes pliées contre le fauteuil. Et puis bon, le moment n'est peut être pas le plus indiqué pour qu'elle vienne se placer à cheval face à l'ancien courtisan.

Avec toutes les peines du monde, elle résiste à l'envie pressante de se blottir à son torse, de venir à son tour, respirer l'odeur de sa peau, qui, longtemps à hanté ses rêves. Garder coûte que coûte les mains crispées, là où elles sont. Si elle relâche, un tant soi peu, son attention, elle craint que l'une d'elle s'égare. Elle l'imagine déjà, avançant jusqu'au buste –mis à nu providentiellement- pour chercher à sentir sous sa petite paume les battements de cœur de Jules.

Alors comment fait-elle pour résister ?... Tout simplement parce qu'encore une fois, il ne lui en laisse pas le temps. Il vient de plonger.



Il est vraiment tombé… là ? Le –presque-ancien amnésique réclame une minute… Eloanne aurait bien besoin de bien plus que ça pour reprendre ses esprits correctement. Et puis maintenant qu'il a trouvé son nid, il peut bien y rester des heures. Que les bras se soient logés à sa taille, ce n'est déjà pas rien, mais elle avait déjà pu ressentir à nouveau le touché viril de ses mains à sa nuque, à ses joues. Mais là…. Jules a vraiment son visage dans sa poitrine ?

Si lui peut respirer, elle, elle ne sait plus comment on fait. Le souffle devient erratique. Pour contenir un gémissement approbateur, l'intérieur de la joue féminine est mordu. Elle penche la tête, laissant tomber en cascade deux ou trois mèches brunes.


Eloanne. Eloa...nne...


Une fois. Deux fois, son prénom, encore. Sur l'épaule de Jules, l'étau d'une main se resserre plus encore.

Eloanne, Eloanne,

Trois fois. Quatre fois. La litanie continue et dans les veines, le sang pulse, bouillonne. En écho, chaque fois, une petite voix dans sa tête répond. "Jules. Jules. Jules, Jules…"

Eloanne...


Cinq fois. Oui, elle les compte. Comme si cela avait une quelconque importance. Comme si le premier n'avait pas suffit à ouvrir tout un monde de possible. De…. Compliqué, certes, mais de possible. Tant qu'il ne bougera pas, l'illusion de ce qu'ils auraient pu être, dans une autre vie, berce la jeune fille. Tant que le murmure étouffé contre sa peau lui parvient, elle encourage ses rêves de jeune folle.

Folle, oui. Il faut bien l'être pour laisser un homme, qui n'est pas votre époux, qui ne vous connait plus, qui loue son corps pour dizaines d'écus, se permettre tant de familiarités.

Folle, on confirme. D'aimer à ce point que ses mains l'emprisonnent, que sa barbe chatouille la peau là, juste au dessus du décolleté chaque fois qu'il murmure. Folle d'avoir envie de laisser éclater sa joie –sa fierté aussi- d'être…. Celle dont il se souvient. Combien de femmes ont croisé sa vie, sa route, sa couche ? Jules l'a dit, il a le souvenir d'un visage de l'une, des cheveux de l'autre. Mais d'elle….


Comment... ? Mais vous aviez dit, pourtant......Mais, pourquoi ? Qui suis-je ?

Eloanne préfère éluder rapidement la question. Alors la folie, elle l'accepte, comme elle a accepté d'aimer cet homme. Parce que c'est ainsi, elle n'y peut rien et tenter de nier ce qu'elle ressent serait peine perdue.

Et de ne pas pouvoir s'en ouvrir à lui pour avouer ses pensées à présent qu'il relève les yeux vers les siens, rend d'autant plus délicat le flot de questions décousues que Jules ne retient plus.

Encaisser, le laisser tenter de démêler le fil de ses idées chaotiques, enregistrer les mots, les bribes de phrases, LA question inachevée… Son prénom une autre fois, attendre une pause de sa part, guetter les variations de son timbre. Tout ça sans aucun signe de recul. L'unique geste qu'elle s'est autorisé, c'est celui de laisser glisser sa seconde main à la nuque pour reprendre la lente caresse inconsciente de son pouce à la peau masculine.
Elle attend que le flot se tarisse et laisse la place à ce qu'il considérera comme prioritaire. L'urgent d'abord, les détails viendront plus tard.


Pourquoi m'avez-vous caché votre identité ?

Alors, toujours à voix basse, après une inspiration difficile, elle laisse son barrage à elle céder.

Parce que vous ne me l'avez pas demandé. Parce que j'ai eu peur. Parce que c'était compliqué. Parce que tout ce temps, je t'ai cru mort Sans le quitter du regard, elle secoue la tête négativement. ... Parce que j'ai eu honte, quand j'ai compris votre amnésie, de devoir me présenter et expliquer les raisons qui avaient fait que l'on se connaissait. Parce que je…
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Jules.
Un pouce lui caresse doucement la nuque. Il a une jeune femme encombrée de froufrous sur les genoux. Tout son corps lui dit "tu es bien, là, Julot, tu es à ta place". C'est d'autant plus bizarre que depuis des mois, bien des femmes lui ont fait des avances et l'ont laissé de marbre, mais cette femme respire différemment et il est tout chose !
Non, il devrait la reposer. S'éloigner. Ne pas la mettre en danger d'être vue ainsi par un domestique peu scrupuleux. Mais cette main dans sa nuque ! Ce sein tout proche qui se soulève difficilement ! Il fait de l'effet à cette femme... Et sans savoir pourquoi, l'effet qu'il lui fait à elle, ça lui fait tant d'effet à lui... que d'un coup il a envie de lui en faire plus, bien plus encore...de l'effet. Là tout de suite, les questions attendront... Merde, elle parle !

Parce que vous ne me l'avez pas demandé.

Non, songe-t-il, il ne lui a pas demandé. Mais c'est un peu injuste de dire ça, quel roturier irait demander son prénom à une baronne, sérieux...? Elle a eu peur... De quoi, il ne sait pas, mais au moins cela il peut le comprendre. Compliqué... Ah oui, ça... oui... Vu comment il a plus envie de la trousser que de lui parler... c'est compliqué, oui...

Parce que tout ce temps, je t'ai cru mort.

Un "tu" se glisse entre les vous. Un "tu", juste au moment où elle parle de l'avoir cru mort. Et l'ancien courtisan sait que ce n'est pas une coïncidence. Mais il sent aussi qu'il ne faut pas le relever.

... Parce que j'ai eu honte, quand j'ai compris votre amnésie, de devoir me présenter et expliquer les raisons qui avaient fait que l'on se connaissait. Parce que je…

Non, il ne faut pas le relever. Parce qu'elle a eu honte. De lui ? Peut-être. D'elle, certainement. Une noble faisant appel à un courtisan, c'est certainement plus courant qu'on ne croit, mais ça ne se crie pas sur les toits. Et alors... être affectée par sa mort... Avoir quelque tendresse pour lui ? Ca, c'est carrément interdit. Nan?
Elle n'a pas fini sa phrase. Parce qu'elle... quoi ? Elle quoi, bon sang ?
Il rêverait de pouvoir la presser, mais il sait qu'il n'en fera rien. Foutu non dit, foutue distance.... Scrutant son visage et n'y trouvant rien, il s'humecte à nouveau les lèvres, cherchant sa prochaine question. Il en a des tonnes, mais converser avec elle c'est comme marcher sur des oeufs. Il ne faut pas poser n'importe quelle question, ou elle prendra peur, se drapera dans sa noblesse et disparaîtra pour toujours, avec toutes ses réponses. Il va donc falloir la rassurer, et même peut-être l'amadouer un peu, pour qu'elle reste en confiance.. sur ses genoux.

_ Ben voyons. Oh Julot ! Psst... On me la fait pas à moi... Avoue, ça pèse beaucoup dans la balance, aussi, que tu veux la garder sur tes genoux le plus longtemps possible. Avoue.
_Voix intérieure ?
_Oui, Julot ?
_Ta gueule.
_Oui, Julot...


Damoiselle... C'est votre prénom que j'ai retenu, alors que... je n'en avais pas, ahem, vraiment le droit. Je vous suis infiniment reconnaissant d'accepter de me parler et du... réconfort que vous m'apportez...

Autrement dit, "n'enlevez surtout pas votre main..." Baissant les yeux parce que s'il continue à la regarder il va l'embrasser, Jules prend une profonde inspiration. Si seulement c'était elle qui... parce qu'elle a le droit, elle, non ?

Puis-je vous demander pourquoi vous m'aviez embauch..ahem, pourquoi j'étais votre professeur ? Et...

Mayday, mayday, on va perdre le contrôle.. Regardant à présent ses lèvres, Jules entend à nouveau la petite voix intérieure qui s’époumone : " Julot, non, vilain Julot ! Ne fais pas ça... Tu vas pas utiliser ton amnésie et la tendresse de cette pauvre femme à ton égard pour satisfaire tes bas instincts ? Vil faquin! Arrête ça tout de suite !" Mais bien sûr, il l'ignore royalement et poursuit d'une voix rauque, fixant toujours résolument ses lèvres, et même, comme pour défier la raison, s'approchant un peu :

... avions nous fini les leçons ?

"Oh l'audace ! L'enfoiré ! Oh l'égoïste ! Oh le con !"
Ca sert à rien, petite voix. Ca fait longtemps qu'il ne t'entend plus.

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Eloanne
Enlever sa main, n'y comptez même pas mon ami. Placée ainsi, elle est son amarre, le lien qui les unit avec leur passé… Commun. Alors non, pour rien au monde, là, elle ne l'ôterait de sa nuque. Si le Manoir brûlait maintenant, il faudrait que Jules sorte avec elle dans les bras. Parce qu'entre deux feux, elle a choisi le sien. Celui qui bout dans ses veines, qui éclate à ses pommettes sort victorieux. Largement.

Damoiselle... C'est votre prénom que j'ai retenu, alors que... je n'en avais pas, ahem, vraiment le droit. Je vous suis infiniment reconnaissant d'accepter de me parler et du... réconfort que vous m'apportez...


Eloanne ne prend toujours pas le risque de bouger. De peur qu'il s'échappe, on ne sait jamais. De peur, aussi, que n'importe quel mouvement à venir ne mette le feu aux poudres. Si ses jambes s'ankylosent, elle ne le ressent pas. Si son bassin se tord pour contrebalancer la position de coté, elle s'en fout.

Jules….

Elle se fout de tout et plus rien d'autre n'a d'importance que l'attitude corporelle, les gestes et les mots de Jules. Elle ne se soucie même plus des siens propres.

Elle devrait. Peut être. Qu'à t'elle failli laisser échapper juste avant ? "Parce que je… vous aime". T'as raison oui. Bien sûr. Ce n'est pas parce que tu l'as découvert récemment qu'il faut le crier sur tous les toits, jeune fille. Personne ne doit le savoir, elle a au moins encore conscience de ça, même pas le principal intéressé. Surtout pas lui.

Et il baisse les yeux et… la sauve de la parole de trop. Elle voudrait lui répondre que le réconfort ce n'est pas ça. Le réconfort c'est un "bisou magique" à un genou enfantin venant de subir une gamelle ; c'est une tape dans le dos à un ami qui passe une mauvaise journée, comme pour lui dire "ça ira mieux demain" ; c'est une épaule pour pleurer que l'on prête à une copine vivant un chagrin d'amour. Ce n'est pas ça. Même si elle ne regrette pas de savoir qu'il se sent, peut être, apaisé par sa main, ce n'est pas ce qu'elle souhaite qu'il comprenne dans tout ce qu'elle ne dit pas.


Puis-je vous demander pourquoi vous m'aviez embauch..ahem, pourquoi j'étais votre professeur ? Et...


Jules...

Voilà tout ce qu'elle serait capable de répondre là. Elle est légitime sa question. Elle est même parfaitement légitime. Et elle se l'est promis, elle répondra à ses questions, toutes, à commencer par celle là. Pourtant… le cerveau reptilien de la baronne refuse de laisser la place à la raison. Une seule pensée revient en boucle.

Entre ses cils, elle le regarde sans discontinuer. Elle voit bien comme il fixe ses lèvres. Est-ce qu'elle joue avec ses nerfs quand elle passe la pointe de sa langue, faussement innocente, à la commissure de ces dernières ? Oui.
Est-ce volontaire de mordiller l'une d'elle en entendant le timbre de sa voix changer ? Oui … et non.
Est-ce qu'elle tente de contrôler l'onde électrique qui lui vrille les reins quand il approche ? Non.


... avions nous fini les leçons ?


Oh merde.
Cette fois, c'en est trop. Trop de… tout. De manque. D'envie. De Lui.
La main sur l'épaule glisse désormais sur l'omoplate, comme pour plaquer l'homme contre elle. Celle sur la nuque serpente et gagne la joue pour finir par venir s'arrêter sous le menton de son tourmenteur. De l'index elle lui fait relever le visage. Elle veut qu'il la regarde. Qu'il la voit, enfin.
Lentement avec un reste d' hésitation son buste se penche. Et à son tour, elle tend le cou pour avancer son visage. Quand ils sont si proches que leurs souffles ne font plus qu'un, il ne lui reste plus qu'un soupir pour se faire entendre.


Oh… Jules !


Et maintenant ? Elle s'empare des lèvres de son ancien professeur. Délicatement d'abord. Un baiser doux mais qui déjà en appelle un autre. Des autres. Plus gourmands, plus prononcés aussi.
Mais avant ça, elle a une question à laquelle elle doit répondre.


Non, nous n'avions pas totalement fini….

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Jules.
Pour toute réponse, les mains féminines se déplacent sur son corps. Il reste figé, concentré sur la sensation des mains d'Eloanne sur lui. Les mains. D'Eloanne. Sur lui ! La tête lui tourne à cette pensée. Il y a une heure encore, il croyait ne jamais trouver la détentrice du prénom et là... Jules cligne des yeux lorsqu'un petit index, tout fin, vient lui relever le menton. Quelque chose.... de familier, mais à l'envers. Il ne cherche pas à résister, peut-être parce qu'il n'a pas conscience des traces de sel sur ses joues, peut-être parce qu'il se fiche qu'elle les voit de près. Ses yeux viennent de rencontrer ceux de la baronne. L'intensité et la détermination du joli regard sont telles qu'il est sûr de s'y noyer. Fort heureusement pour ses poumons, le visage féminin s'approche, trop près pour que les regards se croisent, et il est sauvé.

Oh… Jules !

"Sauvé, tu t'es cru sauvé, pauvre bougre ! Mais alors qu'elle prend tes lèvres comme tu le voulais, alors qu'elle fait le premier pas et assouvit ton envie parce qu'elle, elle en a le droit, es-tu seulement encore assez conscient pour en profiter?" La petite voix intérieure, qu'il faudrait que nous pensions à trucider un de ces jours, n'a pas totalement tort. Elle ne l'a encore embrassé qu'une seule fois. Ce n'est pas ce premier baiser, doux, presque chaste, qui a perdu notre Julot. Non. C'est la ritournelle dans sa tête, la ritournelle sans fin, celle qui l'avait déjà torturé quelques jours plus tôt et qui tiraille sa cervelle dans tous les sens, comme si elle était la clé de sa mémoire et qu'il suffisait de la tourner pour retrouver tous ses souvenirs.

Damoiselle... Oh, Jules ! Oh, Jules.. Damoiselle.. oh, Jules...


Non, nous n'avions pas totalement fini….

Et tandis qu'elle reprend ses lèvres, un peu plus avidement, un peu plus .. tout... Jules perd la boule. M'est avis qu'un lecteur non averti pourrait se dire que nos deux tourtereaux passent bien facilement des larmes au désir, de la conversation aux baisers. Mais c'est là l'essence même de leur relation ; l'interdit, la tentation, les tentatives presque ridicules d'y résister, on cède, se confie, on se ment, et on recommence. Amnésique ou pas, la ritournelle est plus forte que lui, et elle tourne, encore. "Damoiselle.. Oh, Jules !" Il s'enivre à la fois de ces mots dans sa tête, des lèvres qui le goûtent, de la sensation si rare pour lui d'être en terrain connu. C'est sans hésiter ni même y penser qu'il se lève, une main sous son dos, l'autre sous ses genoux, et l'emporte sur la couche non loin.

Par Dieu, Damoiselle, vous allez finir de me rendre fou...

[plus tard]

Il est allongé, le petit corps chaud d'Eloanne lové contre le sien, minois enfoui contre torse velu. Son menton repose le plus naturellement du monde sur le sommet de son crâne. Les yeux fermés, n'osant dire un mot à cette inconnue qui d'amante va bientot redevenir baronne, il se laisse aller, comme bien des hommes, à cet état cotonneux qui le gagne. Ses pensées sont floues et libres de toute surveillance. Non, elle aura dit ça sous le coup de la passion, elle ne le pense pas.. Non, elle n'est pas à lui... c't'un jeu. Un jeu pour le.. oui. Mais quand même, il ne la mérite pas, non. Qu'est-ce qu'elle.... lui trouve au...

....Vicomte ?

Les yeux de Jules se rouvrent et il n'ose bouger. Sa propre voix vient de le sortir de sa torpeur. Et il n'a aucune idée de qui est ce foutu vicomte qui ne la mérite pas.
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Eloanne
La demoiselle est… satisfaite. Le ballet l'a laissée comblée et les amants peuvent reprendre lentement leurs esprits.

Sous sa joue, le torse qui a retrouvé un rythme régulier. Contre son ventre, le flanc masculin qui lui propage sa chaleur. Et sur sa tête, le menton de Jules qui a trouvé sa place. L'index féminin dessine des arabesques sur le torse, non loin de son propre visage. Elle a les paupières closes elle aussi. L'une de ses jambes est venue s'interposer entre les deux plus grandes, plus masculines surtout. Sans calculs prémédités, c'est comme si, déjà, son corps voulait le retenir.

Et le voilà. Le retour du doute et des questions. Ce qu'ils viennent de faire, de se dire… Est-ce que ça va avoir fait revenir quelques souvenirs ? Se souvient-il alors du rôle qu'il tenait auprès d'elle ? Est-ce qu'il va regretter de s'être laissé aller ? Ne va-t-il pas lui en vouloir d'avoir profité de l'absence de sa mémoire ? Jules va-t-il recommencer à la questionner ? Et si oui, comment lui répondre, sans lui mentir…


....Vicomte ?


…elle se l'est promis ?
L'index se fige, alors que la jeune femme sursaute. Une chape de plomb vient de s'abattre sur le cocon et le faire éclater en mile morceaux. En un mot, Jules vient de briser l'illusion dans laquelle la jeune Baronne s'était engouffrée. C'est comme s'il l'avait giflé.

C'est maintenant qu'il faut te souvenir du serment que tu t'es fait, Eloanne. Ne pas lui mentir. Jamais. De toutes les questions, de toutes les pièces de son puzzle qui lui manquent encore, Il fallait que ça soit… ça. De toutes les images mentales qui auraient pu renaître pendant leur étreinte, ce qui lui revient, c'est ce foutu Vicomte. Décidément, Aristote lui fait payer bien cher d'avoir perdu son honneur –et son cœur- pour les beaux yeux sombres du courtisan. Le retour à la réalité est pour le moins brutal.

Dans sa gorge le nœud ne se dissipe qu'après avoir déglutit deux ou trois fois. La salive lui manque autant que le souffle au moment de réussir à faire entendre un premier mot
.

Oui.

Fermer les yeux plus fort, parce que la honte la submerge, parce que le feu à ses joues n'a plus rien de sensuel… Parce que, pour elle, les souvenirs de ce Vicomte sont encore douloureux… Parce que si elle les ouvre, jamais elle n'arrivera à continuer. Par chance, il ne peut voir la larme qui perle à sa paupière et elle n'imagine même pas qu'il puisse pour autant la sentir rouler à son torse. Elle a l'esprit bien trop chahuté pour y réfléchir.

Il… Je… Mon Dieu ce que c'est difficile…

Ressaisis-toi jeune fille. Ce n'est pas en bredouillant comme ça qu'il va y comprendre quelque chose. Sans cet homme de malheur, tu ne serais pas là aujourd'hui. Jules ne serait pas là aujourd'hui. Et rien que pour ça, tu va devoir braver la suite, toute seule, comme une grande… C'était bien ce que tu voulais, au départ, non. Etre une grande.

C'est pour… à cause de lui, que vous êtes ici. J'ai fait appel à vos… connaissances.


Naturellement le "vous" s'est imposé. Elle n'a pas pu se résigner à parler de ses "services". Ne pas lui rappeler aussi directement son passé de catin. C'est bien comme ça qu'il avait dit ?
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