Maryah
Tout s'était passé très vite. Paris, la rencontre avec le Cosaque, l'Avocate et ses idées, le parrainage prévu, l'adoption signée, les retrouvailles avec Percy et la nounou émue au bord des larmes. L'enfant ravi, ses questions sur un futur mariage, ses doutes sur son premier papa ... Et puis les explications concises de Torvar à l'enfant.
Le repas avait été pris rapidement dans la bonne ambiance, les bagages faits, la route prise. Tout cela avait pris du temps, laissant à une bridée silencieuse tout le temps qu'il fallait pour se faire des nuds au cerveau;
Enfin, ils étaient arrivés à Cheny. Torvar ... noble, y avait quelque chose qui bouillait chez l'Epicée. Elle avait vu de loin le château de Seignelay, et maintenant se posait devant son regard la Seigneurie. Plus humble, mais emprunte des marques de noblesse.
Après ce long voyage, un bain et un repas furent nécessaire au petit Percy, fin excité d'avoir chevauché aux côtés du Seigneur Torvar, et Maryah tint à aller le coucher elle-même, malgré les propositions de la Nounou qui sentait bien qu'un long débat allait arriver entre l'homme du froid et la femme du chaud.
L'enfant au lit, la nourrice veillant sur lui, Maryah avait désormais toute marge de manuvre. Elle avait tenté d'être à la hauteur du lieu, remettant suite au bain le précieux corsage et l'austère robe noirs. Elle attendait ce moment d'explications depuis si longtemps qu'elle finissait par l'appréhender.
C'est pourtant d'un pas déterminé qu'elle redescendit au salon. Elle porta son regard sur Torvar, le feu l'agitant intérieurement et chercha du regard de quoi calmer son esprit qui s'emberlificotait dans mille questions, penchant tour à tour entre reconnaissance et doute, se demandant constamment si elle avait bien fait, ce qu'il en attendait, comment elle pourrait un jour le remercier à la juste valeur de ses actes, et la méconnaissance des risques encourus par Percy quant aux droits de succession. Elle avait cru défaillir quand il avait cité les autres noms d'enfants. Elle avait même voulu tout annuler, s'imaginant que ce pourrait être prétexte à s'en prendre à son fils ... leur fils. Mais le poids de la sécurité ... Imaginer son fils à l'abri du besoin, en toute circonstance ... hum ...
Se sentant du coup doublement mal à l'aise, elle remplit les deux coupes de Gorsalka, telle une servante du lieu, et en porta une à Torvar, avant de s'appuyer contre le mur attenant à l'âtre. Un il sur le feu qui l'empêchait de trembler, un il sur le Cosaque qui lui semblait bien calme, aux vues des circonstances. Elle commença alors à parler :
Nous voilà seuls pour discuter de ... l'Affaire.
Le cosaque était déjà impressionnant, le lieu en rajoutait une couche et le contexte n'en parlons même pas ... . Elle ignorait par où commencer, elle avait tant de choses à dire ! Elle but une longue gorgée de Gorsalka, ne pouvant s'empêcher de grimacer un peu, puis nerveusement, elle posa sa coupe et attrapa le tisonnier, remuant les braises et flammes, pour faire grandir le feu dans l'âtre, à l'image de ce qu'il était en elle.
Torvar ... je te remercie infiniment ... pour ce que tu viens de faire. Offrir une famille et un nom à mon fils, la sécurité et une éducation, c'est bien plus que ce que je pouvais attendre de la vie.
Mais ...
Les mouvements sur le tisonnier se faisaient plus chaotiques, plus secs quand elle se décida enfin à le poser, la pluie d'étincelles retombant dans les flammes. Il fallait qu'elle se calme et qu'elle organise ses pensées .... en fait il fallait tout un tas de choses qu'elle n'était pas en mesure de faire.
Mais je sais pas si tu attends quelque chose en retour ... et si oui, faut me le dire. Et si non, je sais pas comment te remercier. C'est ... c'est tellement inespéré, inattendu et ... conséquent.
Elle se tourna vers lui, ouvrant ses grands yeux noirs, et appuyant sur chaque mot, comme pour les ancrer dans sa petite tête et dans son cur fondant :
Tu ... tu viens de prendre mon fils pour fils ... Tu ...
Et le tumulte en elle prit le dessus, cette part qui ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter des conséquences de cet acte pour le Cosaque :
... tu te rappelles que je l'ai "conçu" dans un bordel ? Et si ça venait à se savoir ? Que dirait les gens ? Que tu engrosses les catins et répares tes fautes en offrant une place dans ta maisonnée ? Et ... et si ça jetait le déshonneur sur toi ? Et si ta comtesse, duchesse, suzeraine ou j'sais pas quoi décidait qu'c'était un acte déshonorant ? Et si elle te retirait ton titre, tes terres ? Et pis c'est doublement déshonorant ... il est étranger, c'est imparable ! Elle va le voir. Elle va s'demander c'que t'es allé faire dans les royaumes de l'Est ...
Et puis tu n'seras jamais plus un bon parti avec la Marmaille que tu te traines ?
Elle se donna un petit élan en se poussant contre le mur pour se redresser, et ponctua :
Dis-moi Torvar, est-ce que dans tout "ça", tu as pensé une seule fois à toi et à c'qui pourrait t'arriver ?
Ses yeux le scrutaient, partagé entre l'amour qu'elle avait pour lui et la colère qu'il faisait naitre en elle en prenant de tels risques. Alors qu'il allait enfin pouvoir prendre la parole, elle reprit :
Regarde autour de toi Torvar ! Tu es Seigneur, tu as ta seigneurie, des terres, et assez de responsabilités pour plusieurs vies ! Tu as ce que tu mérites, tu peux enfin te poser tout en faisant profiter de ta grande Expérience ... et tu as risqué de tout gâcher pour un petit Etranger ! Si ça tourne mal pour toi Cosaque, j'pourrais pas réparer ça ... C'est trop ... trop ... trop ...
Acte I de la petite boule de nerf. Gros soupir. ça faisait du bien de commencer à évacuer tout ce qui lui passait par la tête, et ce sentiment d'Impuissance énorme qui s'insinuait dans ses veines. Qu'elle rate sa vie certes, qu'elle gâche celle du Cosaque, impossible !
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Le repas avait été pris rapidement dans la bonne ambiance, les bagages faits, la route prise. Tout cela avait pris du temps, laissant à une bridée silencieuse tout le temps qu'il fallait pour se faire des nuds au cerveau;
Enfin, ils étaient arrivés à Cheny. Torvar ... noble, y avait quelque chose qui bouillait chez l'Epicée. Elle avait vu de loin le château de Seignelay, et maintenant se posait devant son regard la Seigneurie. Plus humble, mais emprunte des marques de noblesse.
Après ce long voyage, un bain et un repas furent nécessaire au petit Percy, fin excité d'avoir chevauché aux côtés du Seigneur Torvar, et Maryah tint à aller le coucher elle-même, malgré les propositions de la Nounou qui sentait bien qu'un long débat allait arriver entre l'homme du froid et la femme du chaud.
L'enfant au lit, la nourrice veillant sur lui, Maryah avait désormais toute marge de manuvre. Elle avait tenté d'être à la hauteur du lieu, remettant suite au bain le précieux corsage et l'austère robe noirs. Elle attendait ce moment d'explications depuis si longtemps qu'elle finissait par l'appréhender.
C'est pourtant d'un pas déterminé qu'elle redescendit au salon. Elle porta son regard sur Torvar, le feu l'agitant intérieurement et chercha du regard de quoi calmer son esprit qui s'emberlificotait dans mille questions, penchant tour à tour entre reconnaissance et doute, se demandant constamment si elle avait bien fait, ce qu'il en attendait, comment elle pourrait un jour le remercier à la juste valeur de ses actes, et la méconnaissance des risques encourus par Percy quant aux droits de succession. Elle avait cru défaillir quand il avait cité les autres noms d'enfants. Elle avait même voulu tout annuler, s'imaginant que ce pourrait être prétexte à s'en prendre à son fils ... leur fils. Mais le poids de la sécurité ... Imaginer son fils à l'abri du besoin, en toute circonstance ... hum ...
Se sentant du coup doublement mal à l'aise, elle remplit les deux coupes de Gorsalka, telle une servante du lieu, et en porta une à Torvar, avant de s'appuyer contre le mur attenant à l'âtre. Un il sur le feu qui l'empêchait de trembler, un il sur le Cosaque qui lui semblait bien calme, aux vues des circonstances. Elle commença alors à parler :
Nous voilà seuls pour discuter de ... l'Affaire.
Le cosaque était déjà impressionnant, le lieu en rajoutait une couche et le contexte n'en parlons même pas ... . Elle ignorait par où commencer, elle avait tant de choses à dire ! Elle but une longue gorgée de Gorsalka, ne pouvant s'empêcher de grimacer un peu, puis nerveusement, elle posa sa coupe et attrapa le tisonnier, remuant les braises et flammes, pour faire grandir le feu dans l'âtre, à l'image de ce qu'il était en elle.
Torvar ... je te remercie infiniment ... pour ce que tu viens de faire. Offrir une famille et un nom à mon fils, la sécurité et une éducation, c'est bien plus que ce que je pouvais attendre de la vie.
Mais ...
Les mouvements sur le tisonnier se faisaient plus chaotiques, plus secs quand elle se décida enfin à le poser, la pluie d'étincelles retombant dans les flammes. Il fallait qu'elle se calme et qu'elle organise ses pensées .... en fait il fallait tout un tas de choses qu'elle n'était pas en mesure de faire.
Mais je sais pas si tu attends quelque chose en retour ... et si oui, faut me le dire. Et si non, je sais pas comment te remercier. C'est ... c'est tellement inespéré, inattendu et ... conséquent.
Elle se tourna vers lui, ouvrant ses grands yeux noirs, et appuyant sur chaque mot, comme pour les ancrer dans sa petite tête et dans son cur fondant :
Tu ... tu viens de prendre mon fils pour fils ... Tu ...
Et le tumulte en elle prit le dessus, cette part qui ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter des conséquences de cet acte pour le Cosaque :
... tu te rappelles que je l'ai "conçu" dans un bordel ? Et si ça venait à se savoir ? Que dirait les gens ? Que tu engrosses les catins et répares tes fautes en offrant une place dans ta maisonnée ? Et ... et si ça jetait le déshonneur sur toi ? Et si ta comtesse, duchesse, suzeraine ou j'sais pas quoi décidait qu'c'était un acte déshonorant ? Et si elle te retirait ton titre, tes terres ? Et pis c'est doublement déshonorant ... il est étranger, c'est imparable ! Elle va le voir. Elle va s'demander c'que t'es allé faire dans les royaumes de l'Est ...
Et puis tu n'seras jamais plus un bon parti avec la Marmaille que tu te traines ?
Elle se donna un petit élan en se poussant contre le mur pour se redresser, et ponctua :
Dis-moi Torvar, est-ce que dans tout "ça", tu as pensé une seule fois à toi et à c'qui pourrait t'arriver ?
Ses yeux le scrutaient, partagé entre l'amour qu'elle avait pour lui et la colère qu'il faisait naitre en elle en prenant de tels risques. Alors qu'il allait enfin pouvoir prendre la parole, elle reprit :
Regarde autour de toi Torvar ! Tu es Seigneur, tu as ta seigneurie, des terres, et assez de responsabilités pour plusieurs vies ! Tu as ce que tu mérites, tu peux enfin te poser tout en faisant profiter de ta grande Expérience ... et tu as risqué de tout gâcher pour un petit Etranger ! Si ça tourne mal pour toi Cosaque, j'pourrais pas réparer ça ... C'est trop ... trop ... trop ...
Acte I de la petite boule de nerf. Gros soupir. ça faisait du bien de commencer à évacuer tout ce qui lui passait par la tête, et ce sentiment d'Impuissance énorme qui s'insinuait dans ses veines. Qu'elle rate sa vie certes, qu'elle gâche celle du Cosaque, impossible !
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