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[RP] Les limites de la terre sont bleues

Umbra
[Quelques notes sur une page
le long de l'eau
Laissés derrière moi]*


Elles sont Azur, Turquoise ou Cyan. Nuance de Nuit ou couleur de Roi. Elles sont vastes et immuables, nous rappelant comme nous sommes petits et insignifiants. Elles teintent l'horizon jusqu'à perte de vue, rendant les murs de notre Prison plus agréable. Le Bleu est rêveur, les barrières sont imaginaires.

Si l'Homme n'a pas encore conquis le Ciel, il tente de dompter la Mer comme un condamné creuser la terre pour fuir son cachot. L'éternelle question demeure: En ressortira-il vivant? La liberté, réfléchit l'Ombre devant un vélin fraichement décacheté, est comme le vent. Invisible et pourtant présent, à portée de main mais inaccessible. Libre comme l'air? Celui qui vous glace les os et porte la maladie? Umbra tend à penser que l'Homme est plutôt libre comme l'eau dans un verre**.

A son tour, la Bâtarde prend la plume, la trempe dans un liquide brun et songeuse, griffe un parchemin pour en ancrer ses nouvelles.




Le Bonjour, Messire Mandrain,

Les beaux jours arrivant et le timide soleil aidant, votre dernier pli m'a effectivement trouvé en bonne santé. Je profite même de ce temps clément pour reprendre la route vers de nouvelles affaires pareillement.

Vous me voyez ravie et soulagée de vous savoir en partance pour la petite Bretagne plutôt que la Grande. Bien que je n'ai rien de personnel contre les celtes d'Irlande, je préfère que vous soyez chez ceux des côtes de notre royaume (au besoin, ils sont plus proche de mon poing).


La plume pique le papier aussi caustique que le sourire étirant ses lippes mauves. Celle-ci reposée au bord de l'encrier, l'Oiseau profite de sa patte libre pour se replonger sur les écrits de son correspondant. A en lire les propos, ce dernier est, au moins, aussi sournois qu'elle. Au fur et à mesure que ses iris de jais parcourent les lignes, le rictus moqueur s'affermit sur ses traits. Il lui est divinement plaisant de converser avec Mandrain. Il est, comme elle se plait à le songer intérieurement, son Bout d'Anjou. Où qu'elle soit, il est là pour lui rappeler sa Terre de coeur. Quand le mal du pays vient lui saisir les tripes, elle se conte les nouvelles qu'il lui envoie de là-bas.

Citation:
Donc, pour revenir au fil de mes moutons, une fois sur St Brieuc, nous descendons sur Bayonne, une escale prévue pour et débarquer quelques passagers, quelques transactions en perspective, puis retour jusqu’à Saumur, ou sa proche possibilité, fonction des disponibilités d’amarrage.

Je vais vous le proposer, ne sachant vos intentions de rester ou non sur Marseille, mais vous pourriez profiter de notre venue sur Bayonne pour éventuellement remonter en terres natales.


Silence. Un long frisson lui électrise l'échine à cette idée. Comment refuser sans paraître cachotière voire mensongère? Certes, il lui reste réellement quelques contrats à régler dans le Sud mais pas au point de louper le départ du bateau tout de même. Lui expliquer que son compagnon a le mal de mer même en rivière? La belle excuse, d'autant plus qu'elle passerait pour une femme soumise et ça...Bref.

Rien que d'y songer, la Noiraude tire à nouveau à la tronche. Désirant passer à autre chose, elle s'applique à reproduire ce qu'elle fait à chaque fois pour se changer les idées soit, elle achève sa lecture mais d'un oeil plus sombre qu'au départ. Des nouvelles de l'Archiduché et des mauvaises, histoire d'enfoncer le couteau dans la plaie. Dieu que sa Terre des Fous lui manque atrocement!


En bateau, tu y serais bien plus rapidement qu'à cheval, lui susurre sa mauvaise conscience.
Tu veux ma mort, lui répond à haute voix l'intéressée.
Poule mouillée!

Vrai qu'elle n'a pas toujours tort celle-là. Surtout que la mercenaire doit se rendre sur Paris prochainement. Peut-être pourrait-il les mener jusqu'aux...Quais de Seine? La voilà repartant en déprime à cette énième pensée. Les souvenirs la brassent comme les flots en barbouille d'autres. La plume reprend son envol et poursuit sa rédaction.



Voilà, de bien mauvaises nouvelles à mon goût. Serait-il réellement temps de rentrer au bercail? Le projet semble de plus en plus judicieux en tout cas. Dans combien de temps pensez-vous amarrer à Bayonne? Je suis actuellement occupée à Nîmes, j'espère seulement que ça ne s'éternisera pas.

Faites-moi part de vos sentiments quand à votre nouvelle acquisition et tenter d'apaiser mes craintes sur les trajets navals. Les volatiles sont fougueux sur terre, heureux dans les airs mais...peureux en mer.

Dans l'espoir de vous lire prochainement,
Corneille.


Sans mauvais jeux de mots, la Mauvaise Augure vient de se jeter à l'eau en avouant la stricte vérité. Bien sûr, nous parlons d'Umbra donc c'est forcément plus tortueux et torturé qu'une simple phobie. Non, c'est un pêle-mêle de désagréables souvenirs, d'effrayantes superstitions et de jugements hâtifs. Pourvu que le S.O.S ne soit pas vain et comme une bouteille à la mer, le message est finalement lancé.

[Des sentiments qui dérivent
Et qui volent sous le vent
Le long de l'eau
Des oiseaux sauvages]*


* Paroles de la chanson "Le long de l'eau" de Cécile Corbel.
** Titre d'une chanson de Ina Ich.

_________________

Mandrain
Par longitude et latitude, il avait exploré bien des endroits terrestres, sur les quatre cardinaux, il avait tracé bien des routes et vu bien des endroits, mais le chemin qui s’annonçait, comme la sombre noirceur des Abymes, il n’en avait qu’entendu parlé.

Il parait aisé de remplacer des mots par d’autres, pour se rassurer sûrement, mais rien ne pourrait dissiper l’appréhension, dès que, vers une voie inconnue, nous nous orientons.
Des mots, rien que de nouveaux mots, alors comment se les approprier, comment s’en faire des alliés ?

Un cheval ne sera jamais un chenal, la misère ne sera jamais pas matée comme la misaine, les mousses n’auront rien du houblon ni de la bière. Il faudra donc s’y habituer, car d’un autre jargon il faudra user.

Mers et Océans possèdent leurs propres règles, et les gens qui gravitent autour, leurs propres codes, il suffira donc de bien s’immerger, comme l’humidité qui jusqu’aux os s’imprègne lorsque sur Mer vous voguez.

En s’engageant ainsi, ce n’est pas un pas de géant qui lui faudrait faire, mais attraper un autre pas, un pied en fait, le pied marin, car d’ancien Capitaine Angevin, il allait devenir Capitaine au long cours.
Certains auraient sûrement renoncé mais il n’était pas de ceux à mettre les voiles des les premiers grains qui s’annoncent.

Les préparatifs étaient déjà forts engagés.
L’intendance suivrait durant le déplacement jusqu’à quai, où la vue des gréements signifierait leur arrivée proche.
La première étape était donc la petite Bretagne, et chose étrange, le lieu d’amarrage du bateau n’était autre que la ville qui le vit naître.
Serait ce là un présage de bon augure ?
Mandrain se plaisait à le croire, puisque ces deux éléments n’étaient pas de son fait.

C’est au milieu d’un amas de cartes, d’un compas et d’un sextant qu’il avait déposé le vélin fraîchement arrivé. Il prit la peine de l’observer, regardant sa couleur, celle du cachet de cire, l’absence de sceau.
Il le prit en mains puis en faisant claquer la cire sous une pression sèche, se mis à le dérouler.

L’écriture lui était familière, le style et les tournures quoi que parfois changeantes, lui permirent de reconnaître d’un coup d’œil qui en était l’auteur. Il prit le temps de le lire une première fois, puis pour certains passages, d’avantages.
Un sourire naissait parfois au fil de sa lecture, puis à d’autres moments, une concentration plus importante pouvait se lire sur son visage.

Une fois achevé, il le posa de tel sorte qu’il puisse l’avoir sous les yeux pour relecture si besoin et se munit d’une plume, d’encre de d’un vélin.




Dame Corneille,

Je suis toujours en Anjou, et notre départ ne se fera qu’en début de semaine.

Et pour être tout à fait franc, je m’en réjouis, car ici, les choses ont tendances à tourner vinaigre. Rien à voir avec les habitués, disons que de jeunes coquelets ont la fâcheuse tendance à croire que tout leur est du, et que de sciences infuses ils sont les dépositaires.

J’aimerai bien les voir à l’heure du thé, à défaut d’infusion, leur servir une bonne leçon de courtoisie…. Ou pourquoi pas, les jeter par-dessus bord en pleine Mer.

Comme quoi les choses ne sont pas figées et que la nature humaine réserve toujours quelques surprises, pas nécessairement des plus agréable.
L’Anjou change, mais je ne sais pas pour quel enjeu.



Mandrain pris le temps de relire la fin de la missive…

Citation:


…… et tenter d'apaiser mes craintes sur les trajets navals. Les volatiles sont fougueux sur terre, heureux dans les airs mais...peureux en mer.




Je ne pourrais anticiper le temps nécessaire à se rendre sur Bayonne, mais si je devais m’avancer, je pencherais pour une bonne vingtaine de jours.

J’ai relu avec attention vos mots enchaînés, et ai cru en déceler par moment quelques appréhensions. Aussi, vais-je essayer de répondre à vos questions dans la mesure de mes connaissances, qui j’espère apaiseront vos craintes.

N’ayant pas encore pu apprécier toutes les capacités et le comportement de la Nef, je pense brûler un cierge avant de brûler les étapes. Ce délai vous permettra peut être de pouvoir finaliser vos affaires courantes au besoin, et vous donne une petite idée de l’Océan d’incertitudes dans lequel je vais me plonger…. Mais je m’en remets à ma bonne étoile, en me disant qu’à Cheval ou en Navire, la route reste pleine d’incertitudes et de contretemps.
Umbra
[Chaque jour
Elle navigue entre les mots
Les mauvais présages]*


Adossée contre la tête du lit, l'Ombre, jambes croisées sur les draps éparses, se passe la dextre sur son visage contrarié. A portée de bras git, dans le creux des étoffes, une missive reçue le matin même. Le papier froissé en son côté droit porte encore les stigmates de ses phalanges crispées. La journée avait pourtant bien débutée. La Corneille avait chassé le Loup hors du nid, le pressant d'aller signer le contrat qui la maintenait encore à Nîmes. Impuissante de son côté, elle avait préféré garder le lit au lieu d'aller faire ses conneries au risque de perdre l'affaire en cours. Tournant et retournant au fond de la couche, Umbra attendait donc avec impatience que le temps passe et que revienne son amant chargé de bonnes nouvelles.

Hélas, lorsqu'elle ouvrit la porte, ce n'était pas son brun mais une lettre qui vint la débusquer. Quelle idée de demander à faire livrer son courrier à sa chambre, pense l'Oiseau maintenant qu'ouvert, il lui a pourri la matinée. Pourtant, le cachet singulier était souvent signe de bonne augure. Ne sachant où son émetteur pouvait se trouver, la Noiraude avait cessé d'attendre le lendemain de son expédition au risque d'être déçue si rien ne lui parvenait. Elle prenait son mal en patience, parfois plusieurs semaines s'écoulaient dans le silence le plus total. Ce n'est pas la Solitaire qui allait lui jeter la pierre.

A aucun moment, d’ailleurs, elle ne songeait à ce qu'il lui soit arrivé quelconque malheur. C'est une idée dont elle se garde pour divers raisons, la taisant même à son for intérieur. D'un tranchant de lame, la cire se fendit et les iris de jais, avide de nouvelles, se pressèrent à décrypter les pleins et les déliés de cette écriture devenue presque familière avec le temps. La première lecture la laissa pantoise, la seconde amère et la dernière la plongea dans une colère noire. Les mots s'imprimèrent dans sa mémoire tandis que son poing tordit le parchemin.


Citation:
L’Anjou change, mais je ne sais pas pour quel enjeu.


C'est définitif, il lui faut rentrer en Anjou, remettre les points sur les "i" à certains avortons qui se croient tout permis. L'Archiduché est aux Fous, pas aux inconscients. Il est aux canards, pas aux pigeons! Voilà, la Mauvaise Augure fulminant dans son cocon de fortune. Étrangement, jamais la mercenaire n'a douté des propos de son correspondant, pourtant ce dernier est de la même branche. Qui lui gage de ses bonnes intentions? Rien ni personne si ce n'est lui-même et ses propres agissements. Cependant, ses propos transpiraient la fierté angevine, une corde commune de plus à leurs arcs.

Les incertitudes suivantes qui, tantôt l'aurait alarmée ou emmurée dans sa réticence fondée sur de fébriles "on-dit", étaient devenues le cadet de ces soucis. Quand bien même les abysses sont cruels, sauraient-ils vaincre la détermination de Sainte Thérèse au col vert?! Le temps de se vêtir convenablement, la pression finit par retomber. Le calme avant la tempête ou vice-versa. Un verre non loin du bec malgré l’heure encore naissante, l’Ombre aiguisa sa plume et la plongea dans l’encre brun.




Mandrain, fidèle angevin,

Vos propos me glacent le sang ou plutôt me le font bouillir. Donnez-moi donc des noms que je puisse me renseigner sur les prochaines mises à prix. J’enrage tel un oiseau en cage ! Je fulmine de ne pouvoir vous prêter main forte pour les bouter hors de nos frontières dès à présent. Il me tarde plus que jamais de retourner au pays pour voir de mes propres yeux de quoi il en retourne. J’ai bien peur que cela soit encore pire que ce que j’imagine.

Messire, puis-je vous demander une faveur ? Je vous en serai bien évidemment redevable à son équivalence en temps et en heure souhaitée :

Lorsque vous serez sur le point d’embarquer, sommez donc ces troubles fêtes de partir avant votre retour. Si leur inconscience dépasse leur insolence alors je me ferai une joie de vous convier à un petit nettoyage saumurois. Aucune vermine ne peut gangrener nos chères terres sans en payer le prix mais je suis certaine que vous le savez déjà ex-Capitaine des armées de l’Archiduché...


Un fin sourire étira ses lèvres et la plume souffla un instant sur le rebord de l’encrier. D’un œil satisfait, Umbra jauge le venin séchant sur son vélin. Décidément, cet homme monte grandement dans son estime. Gardant ses pensées secrètes, l’Oiseau se ressource de quelques lampées d’infâme piquette. Le vin d’Anjou lui manque terriblement aussi, note-elle dans un coin de sa tête. D’une écriture plus sereine et moins marquée, la voici qui reprend sa rédaction.



Je ne sais quel danger vous braverez au large de nos côtes mais je prierai les étoiles pour qu’elles vous guident et vous protègent. Malheureusement, je ne suis point mouette ou albatros, je préfère les endroits sombres et lugubres aux immensités bleues. Vous savez, j’ai entendu beaucoup de choses aux sujets des marins et de leur dévouement pour la Mer. Certains même me contaient que son nom n’est pas anodin. Pensez-vous aussi qu’il est une métaphore ? Croyez-vous que les orphelins ont-ils une place privilégiée en son sein ?


La ponctuation marque une courte hésitation avant de reprendre d’une pointe encore plus légère, pratiquement effacée.



Et au creux de ses vagues, les illégitimes survivent-ils mieux qu'à l'air libre ?


Bâtarde d’un armateur voulant sa mort, amante négligée d’un capitaine raté, sans compter les colporteurs semant que les femmes portent malheur. A quai, la mercenaire n’a pas sa place mais juchée dans les cordages, trouverait-elle un nid plus confortable ? Elle aurait soudainement tant à raconter, tant à échanger et plus encore à explorer mais le parchemin est déjà bien noir alors l’eau à la bouche, la Noiraude restreint son flot d’encre aux sincères politesses avant d’expédier le tout. Et comme pour les femmes de marin au pied des ports, elle se languit déjà.



Que les bons vents vous mènent à Bayonne, nous rentrerons aussi bien chez nous toutes voiles sorties.

A vous et gloire à l’Anjou,
Corneille.


[Comme un fou va jeter la mer
Des bouteilles vides et puis espère
Qu'on pourra lire à travers
S.O.S. écrit avec de l'air
Pour te dire que je me sens seul
Je dessine à l'encre vide une mère]**


* Paroles de la chanson "le long de l'eau" de Cécile Corbel.
** Paroles modifiées de la chanson "Tous les cris, les S.O.S"de Daniel Balavoine.

_________________

Mandrain
La nuit ne l’avait pas enfermé en son sein, car de préparatifs ne s’étant qu’occupés, c’est au levé du jour qu’un pli lui fut apporté.
Il n’en était pas inondé, puisque beaucoup de ses proches étaient rassemblés à ses côtés.
Aussi, en le regardant, de cire sans sceau, de la couleur du vélin enroulé, des marques visibles au dos de celui-ci, laissées par la plume venue le piqueter, il aurait pu parier sans se tromper qui en était l’auteur.

A quelques heures près, il aurait pu ne pas lui être remis, car cette nuit, la route et le départ il entamerait.
L’aventure ne lui était pas étrangère, intendance, ordres de mouvement, inventaires et préparatifs, étaient ancrés en lui, puisqu’il restait, en nom et en biens, le dépositaire de la Confrérie dont il fut, jadis, l’initiateur.

Des escapades, il en avait fait le siège à plus d’une reprise, mais là, en comptant le nombre de mules qui composaient cette caravane, ce voyage ressemblait plus à une croisade qu’à une simple et habituelle balade en rase campagne.
Un pèlerinage, un voyage en terre Sainte, c’était peut être cela en fait.
Prendre un recule qui devenait salutaire, car le monde qu’il connaissait était véritablement entrain de changer.

Ces derniers jours passés à Saumur lui avaient fait découvrir un aspect bien différent des réalités qu’il s’était attacher à défendre, et à croire.
Il n’était pas sot, il connaissait bien les aléas et les méandres dans cet univers de Nobliaux.
Cela n’entamait nullement ses convictions et sa personnalité, mais l’Anjou indépendante qu’il connaissait venait de lui servir quelques visions des plus sombres sur son réel fonctionnement.

L’arrivée de groupes et l’installation pour certains sonnerait il le glas de toutes initiatives si non jugées opportunes ? … ou validées par une sombre pieuvre qui manipule, de ses tentacules dans l’ombre, les siens, pour sa propre cause et sa seule fortune ?
A décharge que personne ne souhaitait s’occuper de rien, mais comment s’occuper de quoi que ce soit, quand comme une marionnette vous vous sentez manipulé.


Mandrain se mit à penser


L’indépendance s’est gagnée par le prix du sang et des souffrances, de sacrifices, aussi être gouverné par ceux, qui n’en veulent que d’avantage à leurs privilèges, n’est ce pas la une monarchie déguisée ?

Qui pourrait le contredire...


Quoi qu’il en soit, le départ était imminent, et depuis longtemps préparé.
Il ne pouvait rester plus, en savoir plus, mais se promis de garder une oreille attentive quant à une suite à donner. Les explications et les justifications pourront attendre, car l’heure de chacun sonnera quant il faudra rendre des comptes et se justifier, et comme la vengeance, tout n’est que repas qui se délecte à froid.

Mandrain fit place nette sur sa table de travail, cartes et nécessaire au trajet empaquetés comme objets de première nécessité, il ne restait plus qu’un encrier, une plume de paon, et quelques vélins vierges. L’endroit avait été soigneusement rangé, comme pour une absence prolongée ; Il en saisit un, puis se mis à rédiger.




Dame Corneille

Les préparatifs sont achevés, et à mon grand plaisir, la route sera prise ce soir.
Nous devrions cheminer en toute sécurité, le nombre étant en notre faveur, notre expérience, je l’espère, aidant.
Notre première étape nous conduira en Bretagne, dans la ville côtière de St Brieuc.
C’est pour moi un endroit assez spécial, puisque j’y suis natif, et n’ai pu y retourner depuis des années. Pour être tout à fait franc, c’est au pas de course que j’ai du quitter l’endroit, il y a bien des lustres déjà, et c’est de ces suites que je me suis installé à Saumur. Chose que je ne regrette nullement, puisque que j’y ai trouvé ma place et renforcé mes convictions.

Je n’ai pu aviser comme vous me le demandiez le groupe en question, mais n’ayez crainte, mon nom pour eux résonne comme celui de Damoclès, prêt à fendre au moindre faux pas. Vous en êtes donc quitte d’une faveur pour cette fois.


Esquisse un sourire en relisant ses derniers écrits.


Citation:
Vous savez, j’ai entendu beaucoup de choses aux sujets des marins et de leur dévouement pour la Mer. Certains même me contaient que son nom n’est pas anodin. Pensez-vous aussi qu’il est une métaphore ? Croyez-vous que les orphelins ont-ils une place privilégiée en son sein




Mer pour certains et en même temps Mère de ceux qui le souhaitent.
Je pense que cette métaphore est en effet une image juste.
Nous sommes tous orphelins de quelque chose, alors où trouver le réconfort de ce manque.

La Mer est un endroit qui en vaut bien un autre, et même s’il ne s’agit pas de l’apprivoiser, on peut, à juste titre, l’avoir comme puissante alliée, avec une certitude, c’est qu’elle ne vous trahira pas par cupidité.

Maintenant, plutôt qu’une Mère, je l’aurai affublé d’un autre nom.
Une maîtresse me parait plus approprié.
Elle peut être calme ou exigeante, douce ou déchaînée. Océan de tendresse ou océan qui dévore. Maîtresse, me semble t-il, lui convient mieux
Mais les deux ont en commun qu’elles les ont porté à/en leur sein, tous ces hommes qu’elles ont accueilli.



Citation:
A quai, la mercenaire n’a pas sa place mais juchée dans les cordages, trouverait-elle un nid plus confortable ?




Je ne sais toujours pas quel volatile serait le plus à l’aise, quand en haute mer, seule mats et cordages pourraient lui servir de perchoir.
Mais certains se sentent à l’aise non pas de part l’endroit où ils se trouvent, mais avec qui ils y sont.
D’autant que, si effectivement l’occasion se présentait, une semonce de canons, une odeur de poudre, un abordage en règle, nous feraient comprendre que nous sommes toujours bien vivant, et peu enclin à laisser quelqu’un en décider autrement.
Le risque et l’interdit ne sont-ils pas les motivations que tout Angevin digne de ce titre porte en lui ?
Il me plait à croire que vous en êtes dépositaire, vous aussi.


Mandrain pris le temps de se relire, ayant tant de choses encore à coucher sur le papier.
Des récits anciens, comme les saisons qui se répètent, refont surface, comme déjà vécus, comme à nouveau reprenant forme.
Mais d’autres faits se produiraient, de cela il en avait acquis la certitude, alors le temps viendrait ou il pourrait en partager le contenu.


Sa porte recevait quelques coups secs extérieurs, et le bruit ainsi émis le sortit de sa concentration.
Mandrain se leva et l’ouvrit.
Dans l’entrebâillement, un groupe d’individus s’y présentait.
A leur vue, il s’effaça de l’entrée, les invitant à entrer puis, en leur demandant un instant, repris sa plume pour achever.




Mes compagnons viennent d’arriver, le départ s’annonce.
J’espère que cette missive vous éclairera sur certains points, mais elle ne se veut pas autre chose que rassurante. J’ai toujours su prendre soin de moi et de mes proches, et puis je sais sur qui je puis réellement compter.

Prenez soin de vous Dame Corneille.
C’est ce qui est important.

Mandrain
Umbra
[Les messages luttent mais les vagues
Les ramènent en pierres d'étoiles sur les rochers
Et j'ai ramassé les bouts de verre
J'ai recollé tous les morceaux
Tout était clair comme de l'eau
Contre le passé y'a rien à faire]*


Depuis que l'Ombre a envoyé son courrier, elle a l'impression de nager en eaux troubles. Ses pensées voguent dans les méandres de son esprit. Dans ce genre de cas, lorsqu'elle peine à garder le cap de sa réflexion, Umbra se laisse porter sur des flots d'alcools, planer dans les vapeurs d'opiacés. Elle abandonne la carcasse qui est son navire, plus de maitre à bord. Aucune lucidité pour affronter les remous de ses songes. C'est, alors après des heures de dérives, quand les effets toxiques se dissipent, que la capitaine reprend la barre. Seulement, quand la tempête a laissé place au calme et que la Noiraude peut enfin saisir le gouvernail sans risque de passer par dessus bord.

Intimement, elle est convaincue de ne pas être le commandant à bord de son être. Souvent, le coeur se mutine contre la raison. Les conflits sont généralement impossibles à gérer car trop houleux. L'Oiseau réagit donc comme il le fait le mieux pour ne pas perdre trop de plumes dans la volée: il se perche haut, toujours plus haut. De son oeil terne, il observe les ravages en bas. Il ne redescendra qu'à l'accalmie. La Bâtarde le sait: dans l'équipage, elle est le déserteur de son âme et conscience.

Comme un banc de poissons suivant un courant d'eau, moult questions taraudent ses songes. Elles grouillent, sous-jacentes, dans son esprit et agitent son cours paisible. Peut-être la mercenaire n'aurait-elle pas dû user de ce ton dans son dernier parchemin? Sans réponse de l'intéressé, elle est complètement déboussolée mais pataugeant dans son égo, elle rame à l'avouer.

Jours et nuits s'enchainent, le quotidien de la Corneille bat de l'aile. Les affaires ne marchent pas comme prévu, quelques accrocs viennent la brasser. Elle s'impatiente insidieusement du réconfort de prendre le large, de changer d'air. La manchote n'aspire plus qu'à prendre son envol, à mettre les voiles. Comme une bouffée d'air alors qu'elle étouffe, finalement, un pli lui parvient. C'est Lui. L'oeillade perçante piste la trace de plume avec appétit. Le dévorant une première fois, l'Ombre se ressert, savourant cette fois-ci, le filet d'encre si savamment dosé.

Mandrain aussi est breton. Cette nouvelle lui étire un triste sourire. Umbra aimerait lui répondre "moi aussi"! Elle souhaiterait avoir encore plus de points communs avec lui mais comme toujours, elle gardera le silence. L'Oiseau raille mais ne roucoule pas. Son départ précipité, aurait-il des allures de déjà-vu? Elle s'étonnerait tout de même que le Capitaine se soit fait chasser de la même sorte que la sienne. Les iris de jais se posent un court instant sur le mot "convictions". La fierté angevine échauffe vicieusement son orgueil. L'Archiduché sera entre de bonnes mains quand ils seront de retour, elle en est persuadée.

L'attention coule des nouvelles jusqu'à la suite de la discussion engagée par ses propres soins. La Noiraude est soulagée qu'il ait pris le temps de répondre à ses interrogations. Un phare dans son obscure réflexion. Sa métaphore égaye son regard d'un amusement certain. La Mer, cette génitrice, cette amante. La lecture se poursuit, l'égard se heurte à certaines formulations et bientôt les sinuosités brunes se raréfient, se jetant dans l'immensité vide du vélin. Le silence, à perte de vue, il est parti.

Dans ces dernières paroles, elle l'imagine se lever pour rejoindre les siens. La mercenaire revoit cette sombre silhouette solitaire quittant les remparts saumurois, cependant, elle n'a plus de neige sous la main pour le faire se retourner. Hâtivement, la boiteuse s'empare de sa plume, d'un parchemin et de son encrier comme elle aurait ramassé la poudreuse sur les murailles d'Anjou. Avec application, elle rédige sa lettre telle la boule ronde et pleine qu'elle confectionnerait précautionneusement de son unique main.




Messire Mandrain,

Voyez-moi heureuse de vous savoir en chemin. N'en passons pas par quatre, j'ai hâte de retrouver notre Anjou. L'absence de certaines figures ont tendance à me faire défaut. Je serai d'ailleurs contente de revoir vos traits pour l'occasion. Avec le temps, je crois que je les ai troqué contre vos lignes dans ma mémoire...

Votre vision de la Mer, l'aimante et l'amante me fait doucement sourire et me rappelle à quel point les matelots peuvent parfois être rustres. Serez-vous de ceux qui épris de la Grande Bleue, laisseront moult femmes dans leurs sillages, les larmes aux coins des yeux? Permettez-moi cette indiscrétion, depuis le temps que nous échangeons, vous m'échappez toujours autant.


L'Ombre s'éclaire d'agrément en relisant ces derniers mots. L'oeillade se rive sur la missive reçue et fixe une phrase des plus énigmatiques:

Citation:
Je ne sais toujours pas quel volatile serait le plus à l’aise, quand en haute mer, seule mats et cordages pourraient lui servir de perchoir.
Mais certains se sentent à l’aise non pas de part l’endroit où ils se trouvent, mais avec qui ils y sont.


Doit-elle y déceler quelque chose? Pour que le doute ne subsiste plus longtemps, elle couche, en réponse, une explication des plus imagées:



Le bois d'un mât se brise aussi aisément que l'os d'une épaule quand on sait y faire. Perchée sur l'un ou l'autre, l'Oiseau ne demeure en sûreté seulement dans les airs. Là-haut, la main de l'Homme ne l'atteint pas mais il reste assez bas pour que l'astre solaire ne le consume pas. Quand bien même, faut-il redescendre pour ne pas s’essouffler, auriez-vous la prétention de faire une bonne branche sur laquelle se reposer? N'oubliez pas qu'un volatile en confiance peut y faire son abri...


L'éclair d'un rictus mauvais fend ses lippes mauves. Le regard se redresse sur la ligne d'horizon. Les courbes du sien ont la carrure d'un homme haut et charpenté. Aux creux de ses bras, la Mauvaise Augure fait doucement son nid et un jour, viendra au creux de son propre ventre, peut-être fondront-ils leur foyer. Umbra perd à nouveau le fil et l'encre se raidit sur la pointe de la plume en main. D'un battement de paupière, elle se replonge dans sa rédaction.

Citation:
Le risque et l’interdit ne sont-ils pas les motivations que tout Angevin digne de ce titre porte en lui ?
Il me plait à croire que vous en êtes dépositaire, vous aussi.




Savez-vous pourquoi tout Angevin se risque à tout et brave les interdits? Tout simplement, car au coeur de ses terres, dans les racines de ses vignes, nait la liberté... Voilà pourquoi nous en avons si soif, cher confrère!

J'entends bien que vous avez pris quelques bouteilles pour le voyage. Je crois même qu'il est coutume de briser une bouteille pour baptiser la première traversée. Comment allez-vous nommer votre fidèle destrier?

J'espère que vous n'avez pas oublié mon présent au quel cas, je ne vais pas tarder à repartir vers Marseille, je pourrais vous en offrir un second. Qu'avez-vous emporté de plus si je puis fouiller dans vos affaires? Aurez-vous l'un de ces accoutrements de marin? Ou vous reconnaitrai-je au port? N'oubliez pas de vous couvrir, les vents sont porteurs de mots et de maux.

De toute façon, je gage que vous preniez soin de vous. Il n'y a que moi qui puisse vous mettre à mal sans subir mon courroux!


Un rire narquois couvre le grattement sec de la plume contre le papier.



Venez donc bien vite à moi que nous puissions converser à haute voix.
En attendant, continuez donc de noircir des vélins, vous êtes en si bon chemin...

Que les étoiles vous protègent, milles et un flambeaux dans le ciel pour vous éclairer,
Corneille.


Une fois, la lettre sèche, la mercenaire s'empresse de la cacheter et semblable, aux boules de neige qu'elle lui expédia, elle prie pour atteindre sa cible.

[Prête moi tes rires! Montre moi le ciel au fond de l'eau]**

* Paroles de la chanson "Tous les cris, les S.O.S" de Daniel Balavoine.
** Paroles de la chanson "Des profondeurs" de ACWL.

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Mandrain
La caravane avait pris maintenant quelques habitudes, avançait en silence, le but n’étant pas d’alarmer ou d’attirer une quelconque attention.
Il fallait voyager vite, et le faire sans encombre.
Villes et feu de camp se succédaient, où les compères se retrouvaient et pouvaient se projeter dans l’avenir.

Pour autant, leur route n’était pas fréquentée que par eux.
Depuis quelques jours déjà, une forme au loin semblait les suivre indéniablement.
Rien qui ne semblait alarmant, mais qui, peut être, devait les garder en alerte.
Comme épiant le jour, et tapis la nuit, elle restait néanmoins discrète et hors de portée.

Pour une fois, les rôles semblaient s’être inversés, comme quoi, on peut aisément de chasseur devenir proie.
Mais pour l’heure, il ne s’agissait pas de traque ou d’embuscade à organiser, juste à bon port arriver.

Les jours se succédaient, aussi vite que leur avancée se faisait. Encore une journée et leur première étape serait devant eux.
Composer d’hommes et de femmes expérimentés, le groupe n’avait eu à subir jusque là aucun désagrément.
S’eut été pourtant si plaisant de pouvoir se heurter à quelques manants, échanger quelques estocs, se dérouiller un peu avant que St Brieuc ne se présente à eux.

La dernière missive reçue accapara toute son attentions, et força un sourire respectueux.
Il fallu plus d’une relecture au coin du feu, pour pouvoir s’en accaparer tout les sens.

Il se remémorait l’hiver passé qui sur la route l’avait jeté.
A la recherche de réponses sur des amis disparus, le chemin il avait repris. Parti en solitaire, mais épié par la manteau blanc hivernal qu’il sillonnait, il se remémora le pacte passé, après un assaut de neige, comme un défis qui lui aurait été lancé.
Il avait accepté au risque de se dévoiler, de pouvoir en apprendre d’avantage de la Corneille, qui derrière ses écrits, le gant lui avait jeté.





Dame Corneille,

Notre route se poursuit, sans encombre et sans désagrément.
Durant ce chemin parcouru, je n’ai pu retrouvé une masure où pouvoir quelques instants me poser, comme je fis en hiver dernier et en situation identique me retrouver.
Plus le temps passe, plus l’océan semble s’approcher, plus l’air s’humidifie. Corps et vêtements en sont détrempés. Que dire de l’air respiré, on en ressent déjà la salinité, ce qui parfois, me ramène des années en arrières, époque où de ces endroits j’étais familier.
C’est une sensation étrange, mais plaisante, que de se retrouver en terre natale, comme si de nouveau, au sein d’une mère vous retourniez vous abreuver
.




Citation:
Serez-vous de ceux qui épris de la Grande Bleue, laisseront moult femmes dans leurs sillages, les larmes aux coins des yeux? Permettez-moi cette indiscrétion, depuis le temps que nous échangeons, vous m'échappez toujours autant.




Je ne vois pas en votre demande d’indiscrétion, j’ai toujours usé de franchise et n’ai jamais renier mes actes, mes choix et mes convictions.
Par bien des endroits je suis passé, bien du monde j’ai rencontré, mais aucunement de larmes je n’ai laissé perler.

Chacun mène sa barque à sa guise, et les chemins qu’il choisis de prendre l’amènent forcement sur terrains glissant.
Il existe mil et une façons de faire et de plaire, le tout est de savoir quelles limites sont à ne pas dépasser.

Une missive bien tournée, des mots entrelacés, des paroles sous entendus, un verbiage qui déstabilise en permettant à l’esprit de vagabonder, sont autant de méthodes pour se sentir désirer et séduire.

Ainsi utilisées, comment veuves et orphelins pourraient ils vous pleurer ?
Pourquoi au-delà se laisser emporter, au risque de devenir un naufragé, car dans ce cas, peu de radeaux permettraient, sur une côte à nouveau, de pouvoir accoster.

La mer, de rivale ne saurait tolérer….
Alors qui osera l’affronter… qui le chemin osera emprunter…
.


Mandrain s’avisa quant à revenir sur cette dernière phase, partagé entre cette sensation étrange de devoir taire certains sentiments, et de ne surtout pas en clamer d’autres. Trop de fois certaines limites sont franchis, effaçant avec elles la magie de ce qui est tus, mais qui parfois transpire. Il opta pour une suite sans lien direct.



J’ai vu des mâts résister à des tempêtes déchaînées, et j’aurai pu aisément compter le nombre d’os quand par quatre chevaux, d’un homme écartelé, un à un les os viennent à craquer.

J’ai vu des choses en ce bas monde, issues de la cupidité, du mensonge, de la traîtrise, tant d’inégalité et d’injustice, que parfois j’ai du mal à penser qu’il soit aisé d’en réchapper.
Je ne sais quel genre d’homme je suis ou je pourrais devenir, mais je sais ce que j’ai décidé d’être, je sais ce que je ne veux pas, et à cela je m’accroche, comme à une branche qui par chance pourrait me porter ou m’être tendue, après un naufrage subit, espérant qu’au loin, l’horizon découvre un endroit où tout pourrait être reconstruit.



Citation:
l'Oiseau ne demeure en sûreté seulement dans les airs. Là-haut, la main de l'Homme ne l'atteint pas mais il reste assez bas pour que l'astre solaire ne le consume pas.






Je ne connais aucun endroit salutaire.
Terre, Mer, Air, à chaque élément, ses prédateurs et ses proies.
Qui pourrait se croire en sécurité, quand seul il souhaite avancer ?
Il y aura toujours une proie en dessous de sois, et donc un prédateur au dessus pour que la boucle soit boucler.
Il faudra bien un jour ne pas rester esseuler, reste à savoir avec qui et quelle place occuper.
La chaleur ne se veut pas un réconfort, le froid n’est pas non plus une lame qui vous transperce, vous glace et vous empêche de respirer.
Il y a toujours quelqu’un à envier, quelque chose à convoiter, mais certes pas en ma besace, où je n’y ai rangé ni soleil, ni glace.
Quelques denrées en subsistance, quelques fortunes amassées, un jeu de cartes divinatoires.
Nulle bouteille à briser, car le navire est déjà baptisé. Point de nom à lui donner, puisqu’il en est déjà affublé.

Quand à moi, si vous deviez me croiser, je crois que ce n’est ni l’homme ni ses vêtements que vous regarderiez. La profondeur du regard surement…
Mais si je vous ai bien suivis, n’ayez crainte, je n’ai pas donné cet ordre, vos pas et vos courriers partent encore d’où l’Oc est parlé.

Seriez vous si occupée à risquer de rater le navire, qu’à cet endroit vous y soyez encore présente ?
D’autres affaires auraient elles finalement occupées votre temps, pour qu’en Anjou, ne souhaitiez vous plus y faire quelques détours ?


Mandrain sourit, espérant par le fait, forcer la Corneille à battre de l’aile plus rapidement.



Je vous taquinais, d’ailleurs, pour vous rendre la pareille, qui d’autre que moi aurait quelques intérêts à vous faire bouillir pour que de neige, à mon égard et par derrière, vous ne puissiez plus user jusqu’au prochain hiver ?

Prenez soin de vous Dame Corneille,
Vos nouvelles sont toujours pour moi comme une source d’eau douce


Maindrain pris le temps de récupérer quelques grains de sel, récupérés des salines traversées.
Il prit soin de plier le vélin, au creux dune pliure, en laissa tomber quelques grains, cacheta le tout. La missive fut remise à un coursier à qui bon prix fut donné.
Umbra
[Des profondeurs, je pense à toi quand la lumière dort en moi]*

Les bottes aux étriers se balancent légèrement sur la démarche d’une monture au pas. La longue cape noire voile l’intégralité de la tenue de la cavalière, retombant sur les flancs du cheval. Un chapeau sombre piqué de plumes de teinte similaire couvre la chevelure corbeau. De sa dextre gantée de cuir, l’Ombre tient les rênes du coursier docile. Dans un mutisme effrayant, son compagnon et elle-même mènent leurs bêtes. Le regard éteint d’Umbra se perd dans le décor. Peu fréquenté, un sentier de terre battue cerné par de maigres bois. Plus près des villes, c’est une véritable route bordée de champs mais grâce aux montures, ils ont pu effectuer pratiquement le double de leur cheminement. Elle se demande si c’est aussi rapide en bateau voir même plus. En son for intérieur, la Corneille le souhaite vivement. Se briser les reins sur le dos d’un cheval dont elle ne maitrise pas l’art afin de gagner du temps dans ses derniers préparatifs, tout ça…Pour rien. La mercenaire a en travers de la gorge ces allers retours dans le vent.

Elle a finalement choisi le silence comme arme moins cinglante mais plus méprisante. Pas un mot ne franchit ses lèvres tel le calme avant la tempête mais au fond de ses prunelles, éclatent déjà les éclairs. Le poing étrangle les lanières de cuir et ironiquement, la Manchote se conforte dans l’idée que cela, au moins, ne lui échappera pas. Rater une personne n’est pas le plus rageant dans l’histoire car au final, les voilà rebroussant chemin pour la rejoindre. Ce qui lui laisse un goût aigre, c’est d’avoir loupé le départ de Mandrain : Quelle sotte, se réprimande-t-elle. Comment le joindre maintenant qu’il est en mer ? Aucun coursier ne ramera dans son sillage pour lui porter ses nouvelles, aucune bouteille n’atteindra son bastingage et non, une corneille ne survolera pas les vagues pour se jucher sur son épaule. Les lippes mauves se pincent d’amertume. L’Ombre a ruminé mille et une solutions pour poursuivre leur correspondance jusqu’à quai mais pris dans la grande bleue, le Capitaine est inaccessible.

Une œillade torve glisse sur le Loup, lui aussi n’est pas très bavard et ce n’est pas par respect qu’il se tait. Il se doute que l’échange épistolaire y est pour quelque chose. Il ne la voit plus gratter de vélins et relit inlassablement le dernier en date. Les grains de sel précieusement gardés ont trouvé abri dans l’aumônière au côté des écus. Y-a-t-il vraiment de quoi être jaloux ? Là aussi, Umbra reste muette. Elle se demande alors comment là-bas, le Ténébreux réagit, se languit-il lui aussi de ses lettres ? Croit-il qu’elle l’a tout bonnement oublié ? Non, il semble lucide. La Noiraude tend à penser qu’il a conscience que tout écrit est impossible. Peut-être n’y pense-t-il même pas ? Sûrement doit-il s’affairer entre le pont et la cabine, entre les cartes et le gouvernail… Malgré toutes ses interrogations, elle garde espoir. A leur détriment, ils savent, chacun de leur côté, que le silence n’est qu’abstinence dans de telles conditions. Pour passer le temps, la mercenaire se met donc à imaginer le quotidien sur le bâtiment : les tâches journalières, les occupations de l’équipage. Elle en avait discuté avec quelques matelots en bord de Seine lorsqu’elle s’intéressait plus ou moins à la marine.

Cette distraction lui permet de trouver ses propres trajets moins longs et ennuyants. Bientôt, elle peinera à le cacher même si c’est peut-être déjà visible aux yeux de son brun qui voit en elle comme dans un cours d’eau claire et limpide. Cette soif de nouveautés, de découvertes et de connaissances la pousse à écumer les ports et les tavernes de marins quand elle met à pied à terre pour la nuit. Derrière cette avidité, une douce revanche sur certains hommes qu’Ombeline tait encore et toujours.
Le décor mue insidieusement autour d’eux, le sentier s’élargit en une véritable route, ils approchent à nouveau de Nîmes. La gueule cassée s’allonge et les iris s’assombrissent, le retour à la case départ n’est visiblement pas apprécié. Pourtant la mercenaire se réconforte à songer qu’après cet ultime détour, ils partiront pour de bon pour Bayonne. Là où tout commencera…et recommencera.


[Long hours of loneliness
Longues heures de solitude
Between me and the sea
Entre moi et la mer]**


* Paroles de la chanson "Des profondeurs" de ACWL.
** Paroles de la chanson "Ocean Soul" de Nightwish.

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Mandrain
Le navire avait fait cale pleine mais son départ du être retardé de 48 heures. Un passager retardataire en était la cause.
Mandrain avait donc utilisé cette période pour inspecter sa nouvelle acquisition.

De bonne facture, le Sabrina devrait pouvoir encore affronter biens des obstacles si ces derniers devaient se dresser devant eux.
Fortement armée, la cogue de guerre elle semblait offrir une certaine sécurité, ce qui compensait les craintes de se laisser porter en des endroits inconnus, et par des moyens trop peu maîtrisés.
Peu expérimenté dans le domaine maritime, Mandrain restait néanmoins prévoyant. Il s’était offert les services d’un capitaine des plus compétent. Cela lui permettrait, une fois en mer, de prendre la barre sous une surveillance bienveillante.

Aucune missive ne lui était parvenue depuis ses derniers vélins, il ne savait même pas s’ils étaient arrivés à bonne destination.
Au combien, il savait qu’une fois l’ancre levée, aucun contact ne serait plus permis, seul ses pensées pourraient imaginer à quoi la Corneille pouvait bien occuper ses journées.

Il l’imaginait parfois entrain de négocier quelques contrats ou la tête de certains ne tenait alors qu’à un fil, parfois arpentant quelques tavernes ou la lie, pour quelques écus ou quelques godets, lui donnerait quelques informations à utiliser pour son compte.

Il n’avait eu que peu l’occasion de pouvoir de vive voix converser et apprendre d’elle.
Beaucoup de choses avaient été non dites, écrites parfois ou suggérées, c’est ce qui faisait sûrement accroître l’attractivité du personnage.
Quoi qu’il en soit, c’est au cours d’une de ses rêveries, que l’hôte s’annonça, et qu’enfin ils purent lever l’ancre et quitter le port.

Des les premiers vents porteurs, toutes les voiles furent hissées, et le navire gagna de la vitesse.
La proue venait briser les écumes lorsque le navire plongeait, puis semblait glisser lorsque l’avant de la coque se retrouvait comme portée par le vent.
Quelques heures furent nécessaire pour s’y accoutumer, car avec se tangage, les corps ne pouvaient que suivre le mouvement.
Rapidement chaque matelot de l’équipage prenait ses marques et la coordination faisait gagner en efficacité.
A tour de rôle, comme second puis comme capitaine, ils se relayaient la barre, le Sabrina laissant derrière lui l’écume blanche de l’eau salée dans son sillage.

Les quarts se succédaient quand la pointe Bretagne fût dépassée, laissant apparaître un horizon d’un bleu unique, où à la fois ciel et mer ne font qu’un, vision qui ne dura que quelques heures, puisqu’une ombre menaçante vint vite ternir le tableau.
Au loin, une tempête s’annonçait.
En quelques heures elle fut sur eux, comme une maîtresse en furie, déversant des flots incontrôlables d’éléments déchaînés.

Il fallut lutter pour garder et le cap, et les yeux ouverts. Hisser puis détendre les voiles afin d’éviter de démâter.
Les corps avaient été harcelés par le vent, la pluie et l’humidité. La fatigue les avait gagné après cette lutte qui avait duré toute la nuit.
Ce n’est qu’au petit matin qu’elle les laissa souffler.
Après une nuit passée dans cette mêlasse, ils pouvaient enfin laisser le Sabrina les amener à bon port.
La teste de Buch fut le seul capable de leur proposer un amarrage, Bayonne et Mimizan bien trop encombrés.
Au bout d’une semaine de navigation, le Sabrina accostait donc, et les allées venues pour décharger passagers et cargaison commencèrent.
Mandrain profita de quelque répit pour noircir un vélin.




Dame Corneille,
Le Sabrina nous a mené à bon port. Même ci celui-ci n’est pas celui que nous aurions espéré au départ.
Nous avons du accoster à la Teste de buch, c’est donc là que vous devrez vous orienter si vous souhaitez goûter aux plaisirs des embruns salés.
Nous avons déjà prit la route à pieds, en direction de Bayonne, afin d’y déposer un de nos passagers. Cela le rassure j’imagine, non pas d’être en groupe mais de savoir qui je suis. Il doit penser qu’on osera ainsi, pas se frotter de trop près à ma personne.


Mandrain eut un sourire amusé



Je ne sais où vous vous situez actuellement, mais notre date de retour est fixée aux alentours du 4 juin.
J’attendrais si nécessaire, à vous de me le faire savoir.
Je vous espère en bonne santé Dame Corneille.
Bien à vous
Mandrain


Impatient de donner de ses nouvelles, comme d’en recevoir, Mandrain plia le vélin, et dépêcha un coursier pour que sans plus attendre, celui-ci trouve sa destinatrice.
Umbra
[Should I dress in white and search the sea
Devrais-je me vêtir en blanc et sonder la mer
As I always wish to be one with the waves
Puisque j’ai toujours souhaité ne faire qu’un avec les vagues ?]*


De retour en Provence, l'Ombre n'a d'yeux que pour la grande bleue s'étendant à perte d'horizon. Marseille et son port, de quoi se mettre l'eau à la bouche. Umbra en a fini de ses vas et viens inutiles, le Loup a retrouvé sa meute pour un dernier au revoir. Elle profite donc de son temps libre pour flâner sur les quais engorgés. Les fragrances salines embaume son odorat, l'air humide et venteux lui sèche la peau du visage. Sous un chapeau noir, les iris de jais détaillent les marins. Certains sont secs comme du bois mort, d'autres tiennent une forme redoutable. Des membres noueux aux muscles saillants, tout le monde loge à la même enseigne: déchargeant d'imposantes caisses en bois.

Perdue dans son observation, la Bâtarde percute un matelot de plein fouet. Celui-ci lâche son chargement pour l'injurier copieusement. N'ayant que faire de se refaire baptiser de noms d'oiseaux, la Corneille ramasse son couvre-chef plumé et l'époussette avant de reprendre son chemin sans même lui adresser le moindre regard. Cet esclandre n'attire pas plus l'attention sur le port en effusion. Une véritable fourmilière en activité. Pourtant, quelques enjambées plus tard, la Noiraude se retourne pour vérifier un détail sur le marin mais celui-ci s'est déjà volatilisé.

Elle est maintenant persuadée d'avoir vu sa peau tannée par un soleil cuisant et son cuir d'une rugosité digne d'une carapace. N'est-ce qu'une illusion d'optique dû au ciel orangé? L'astre solaire ne tarde pas à se noyer dans l'horizon, laissant couler la clarté du jour au fond de l'immensité bleue. Cependant, l'activité sur les quais ne diminue guère. Les rayons sont immédiatement remplacés par des faisceaux lumineux émanant de larges torches. Le long de la jetée, moult caraques mouillent dans l'eau devenue noire avec la tombée de la nuit. La mercenaire demeure quelques instants en contemplation devant un navire de guerre.

Son équipage se distingue par son accoutrement. Chaque homme pourtant si différent de son compagnon aborde les même couleurs dans sa tenue. La Sombre se demande si ce sont des soldats, ils ne portent pas de cottes ni de plates et peu sont armés. Une voix rauque balance les ultimes ordres et conseils sur le pont. Ce dernier est invisible dans l'obscurité et bientôt, une troupe quittent le bâtiment. Déterminée à connaitre l'identité de ces derniers, l'Oiseau les suit jusqu'à une taverne bruyante. Sur le seuil, quelques ivrognes somnolent à même le sol. Les relents de sueur, de pisse et de bière mêlées au parfum salé brasse la Manchote dès son entrée.

Se frayant un chemin vers une tablée inoccupée, elle entends les exploits des uns, les avances des autres. Des rires gras éclatent de part et d'autre dans la salle, les mains claquent sur le fessier de la serveuse amusée, des chansons de matelots résonnent près du comptoir. Dégrafant sa cape élimée et retirant son chapeau, la voilà jaugeant l'assemblée d'une oeillade terne. Le vacarme l'irrite déjà, de plus, elle est certaine que les boissons sont imbuvables. Pourtant, ayant pris place, l'Ombre patiente, tendant l'oreille aux babillages autour d'elle. L'alcool faisant effet, elle n'ose pas donner d'importance aux histoires entendues. Certaines sont crédibles et d'autres paraissent trop spectaculaires.

La serveuse tarde un peu à prendre sa commande mais les ragots d'un capitaine la distraie un temps. Il explique l'une de ses traversées dans le nord vers les Pays-Bas. A l'écouter jurer, les flots ne furent pas cléments avec son bateau. Il grogne d'avoir perdu une partie de son chargement lors d'une affreuse tempête où il crut que son navire allait finir par chavirer pour de bon. Un membre de son auditoire visiblement aviné se plait à le contredire et à se moquer, se vantant de dompter n'importe quel courant comme la croupe d'une putain. Umbra réalise que le romantisme des marins l'horripile toujours autant si ce n'est plus. Les éclats de voix deviennent alors agressifs et les deux comparses préfèrent régler ça dehors "d'homme à homme".

Elle entame tout juste son godet qu'un maigrelet vient poser son verre à ses côtés. La silhouette longiligne est couverte d'une chemise ample de ce qui devait être blanc à une époque, d'un veston bleu passé rapiécé et de braies usées noirs. Seuls ses souliers de grande taille paraissent neufs. La tête du jeune homme est coiffé d'un foulard effiloché d'où quelques mèches châtaignes s'échappent. Son visage émacié semble encore jeune, un léger duvet teinte sa lèvre supérieure et le bas de ses joues creuses. Une lueur amusée perce ses petits yeux bruns dont le gauche est ourlé d'un hématome violacé et ses lèvres sèches se craquellent pour laisser apparaitre une dentition jaune et brisée par endroit.


Ah, j'te trouve 'fin!

Le mouvement de sourcils interrogateur de la Bâtarde doublé de son silence pousse l'interlocuteur a surenchérir:

'Scuse-moi, tu m'connais pô. J'nomme Thomas mais sur l'Andalou, l'on m'pelle P'ti Tom. J't'ai vu sur l' quai tout l'heure. 'Vec ton beau chapeau, dif'cile de pas t'r'marquer.

Un rire franc fait dérailler sa voix en pleine mue, extirpant un rictus presque sympatique à la Corneille.

Vous travaillez donc sur l'Andalou?

Le nom lui parle, elle a vu le navire amarré mais la tête du jeune homme ne l'interpelle pas du tout. Ce dernier opine vigoureusement du chef, laissant les fils de son foulard s'agiter dans son cou.

J'suis l'mousse d'l'Andalou! précise-t-il, apparemment fier de son poste. Sous l'command'ment d'Cap'taine Berret'.
Hum... En quoi consiste le rôle de mousse, Thomas?

De là débute une longue conversation sur le métier de marin, lui, pour le moment n'est qu'apprenti. Il se charge des corvées ménagères et pour prouver son labeur, il n'hésite pas à lui montrer ses mains et ses genoux calleux à force de rouler du cordage et de brosser le pont. Le jeune homme n'a fait que trois voyages et l'Andalou, une caraque marchande impériale, est son premier bateau. Quand la Noiraude le questionne sur les difficultés du métier, il ne trouve guère à répondre. Pour lui, toute corvée est bonne à effectuer car comme il ajoute avec détermination "comment diriger un navire si on en connait pas la forme?!". D'après Thomas, aucun capitaine ne peut être bon sans avoir récupérer les cales de son bâtiment cent fois. Connaitre son navire comme sa poche, tel est le secret de tout grand marin.

Les verres s'enchainent, la mercenaire sous-entend à son tour, qu'elle aussi, un jour prendra le large. Le mousse ne se défait pas de son sourire, peut-être est-il tout bonnement naïf. Il avoue ne jamais avoir croiser de femme sur l'Andalou et confesse que celles-ci seraient bien malheureuses avec les rustres qui lui servent d'équipages. Il pointe de l'index quelques reîtres dans la salle, lui désignant là ses coéquipiers. Ils en viennent à discuter de son oeil au beurre noir. Malgré toute sa motivation, la vie d'apprenti ne semble pas des plus reposantes mais l'espoir de devenir un jour, un vrai marin et avec un peu de chance, capitaine grâce à ses économies le réconforte. Thomas dit ressentir l'appel de la Mer au fond de son âme et qu'il lui est dévoué depuis le premier pas sur le pont de la caraque. Il admet qu'elle est redoutable même s'il n'en a jamais fait les frais pour l'instant mais il assure ne pas la craindre.

Peu à peu, la taverne se vide, chacun va cuver dans son coin ou prendre son quart sur son bateau. Les deux jeunes gens continuent à s'interroger sur la grande Bleue. Il la vénère comme une mère, avec plus de respect que pour une femme. Bientôt, la Manchote n'a plus rien à demander, elle a déjà un beau portrait de celle qui l'attend. Sur un dernier conseil amusé, ils se quittent.


A ta plôce, j'te conseille d'changer d'vêtements pour nav'guer. L'sel ronge l'cuir p'is i't'faut un min'mum d'aisance pour travailler.

C'est donc ces derniers propos en tête que l'Ombre rejoint l'auberge où son brun l'attend déjà endormi. Elle tourne et retourne dans les draps, l'ivresse lui tournant la tête. Après une longue demi-heure, Umbra finit par s'endormir, rêvant de immenses étendues d'eau. Le lendemain, un coursier vient la sortir du lit aux aurores, chose à ne jamais faire à la suite d'une soirée arrosée. La gueule cassée se retient de refaire celle de l’importun dès l'aube non par charité mais parce que voyant le cachet de cire familier, elle se demande alors si elle ne rêve pas encore. Ouvrant le pli du plat de la lame de sa dague, la Bâtarde réalise qu'elle ne dort plus. Mandrain est enfin arrivé à quai mais pas au bon. Tant pis, elle regardera plus tard le nouveau lieu de rendez-vous.

D'abord, la Corneille sourit des lignes, la pointe taquine lui a véritablement manqué. Le courrier est court mais salvateur. Enfin des nouvelles, ne plus devoir combler le silence par l'espérance ni se faire un sang d'encre. La lettre en main, la Noiraude se sent ridicule de porter autant d’intérêt à ce Ténébreux dont elle ne connait quasiment rien. Elle est même honteuse d'être soulagée d'avoir de pouvoir le lire et d'en sourire niaisement. La mercenaire ne se reconnait pas dans cet engouement, la mer lui a toujours fait peur, la révulser autant que les hommes à qui les souvenirs sont attachés. Aujourd'hui, elle se languit de se noyer dedans. Ce Capitaine, n'étant qu'un Comparse de prime abord, devient soudainement un Chef, un Commandant... Sa peau livide s'hérisse à un songe intime et pour se changer les idées, la voilà qui se penche sur une vieille carte usée du royaume.

La Sombre trace un itinéraire, calcule le temps d'exécution, une fois...deux fois...trois fois. Le résultat est toujours identique: tout en prenant le chemin le plus court à cheval pour voyager plus rapidement afin d'arriver pour la date prévue, il faut partir...


Ce soir?!

Les iris de jais s'écarquillent légèrement, la fatigue a laissé place à une soudaine excitation, le coeur s'emballe. La main tremblante griffonne alors rapidement une réponse.



Capitaine Mandrain,

J'accuse en bonne santé et avec joie votre arrivée. Je prends la route dès ce soir pour vous rejoindre. Je ne pourrais prédire avec certitude que j'arriverai en temps et en heure pour le départ mais je gage de faire mon possible. Croyez-moi nul brigand ou soldat ne saurait me retarder davantage pour vous rejoindre. Peut-être est-ce là un énième point commun, n'est-il pas?


La dernière phrase est finalement raturée pour que la missive s'achève sur:



Puisse le temps s'écouler assez lentement pour me laisser le loisir d'arriver sans vous faire attendre mais assez rapidement pour que je n'ai plus à le faire de mon côté.

La prochaine fois, ce sera en tête à tête et de vive voix, préparez-vous mon cher!
Corneille.


Un rire nerveux brise le silence pesant dans la chambrée tandis que le parchemin est maladroitement cacheté. Les affaires sont récupérées à la hâte, il n'y a plus une minute à perdre. Quelques heures avant midi, il reste encore à prévenir Mickael, finir les paquetages, effectuer de mystérieux achats et seller les montures avant de partir aux alentours du crépuscule. Une véritable course contre la montre s'enclenche donc et c'est avec empressement que l'Oiseau tachera de freiner le compte à rebours. Ne plus rien laisser au hasard, tout devoir maitriser jusqu'à l'imprévu comme le capitaine doit connaitre jusqu'aux recoins de son bâtiment et des vagues qui le malmène. Le temps qu'il soit en durée ou en état est finalement une galère où chaque Homme embarque malgré lui.

[Down by the water the riverbed
Au bord de l'eau du lit de la rivière
Somebody calls you somebody says
Quelqu'un t'appelle, quelqu'un dit
swim with the current and float away
Nage avec le courant et flotte au loin
Down by the river everyday
Au bord de la rivière chaque jour]**


* Paroles de la chanson "Ocean Soul" de Nightwish.
** Paroles de la chanson "Riverside" d'Agnes Obel.

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