Umbra
L'Ombre n'a jamais eu vraiment d'attaches depuis sa fuite du couvent de Dunkerque. Arpentant le royaume de France en long, en large et en travers, elle n'a toujours pas trouvé de port où poser définitivement ses bagages. Certes, elle a eu quelques endroits choyés comme ses combles parisiens abandonnés après le départ de sa Soeur. Son atelier de couture à Saumur ainsi que le potager sous-loué à des paysans du coin, histoire d'avoir une couverture et un léger rendement annuel pour couvrir ses dépenses.
Dans un temps révolu, Umbra a aussi profité des appartements d'un certain Von Zweischneidig près des quais de Seine. Dans la Capitale toujours, elle a trouvé du réconfort dans les bras d'une déesse quand la solitude se faisait insoutenable. Tout ceci pour autant, la Bâtarde en prend conscience à chaque nouveau tenancier qu'elle paie pour une énième chambrée anonyme, n'est que du vent. Lors de ses nuits interminables, il lui arrive de regretter les hautes murailles de l'enceinte religieuse dunkerquoise. Ternes et froides, elles demeurent le seul véritable logis de la Noiraude.
[Printemps 1463 -Arles]
Ce n'est pas la première fois qu'Ombeline se rend dans cette ville provençale. Sans se vanter, elle pourrait en décrire les ruelles aussi facilement que les dédales parisiens si longtemps foulés. Elle se souvient très bien de sa première visite dans la cité. C'était son mentor, le Hibou, qui l'avait mené ici alors qu'elle râlait encore et toujours de le suivre aveuglément. A cette réminiscence, ses lippes mauves s'étirent d'un sourire nostalgique, quelle sotte insouciante était-elle. Ses bottes frôlent les pavés de la rue principale, retraçant le même chemin qu'elle parcourt à chaque venue ici. Son attention se perd dans le décor car son corps sait par coeur où il doit être mené. Cela laisse encore un peu de répit à la manchote pour repartir dans ses songes. Vrai qu'elle a une multitude de souvenirs dans le coin maintenant.
A quelques pâtés de maisons, près du marché, l'endroit qu'elle a délaissé pour se dégourdir les jambes n'est autre que leur Tanière comme ils aiment à appeler la bicoque de son Loup. oui, elle n'est plus seule, la Corneille. Elle a trouvé un compagnon de route, un ami, un amant et plus encore qui sait... Comble du destin, il a fallut que celui-ci soit un arlésien adopté. Un léger rire s'échappe alors que la boiteuse disparait à l'angle d'une large rue commerçante pour s'engager vers les sentiers partant vers la mer. Un brin de lavande s'agite entre ses doigts gantés. Humant le parfum chaud en enivrant de la fleur, elle se stoppe. L'Ombre est arrivée à destination.
Plusieurs enjambées la sépare du muret décrépi délimitant une imposante propriété, l'une des plus grandes d'Arles et l'une des plus tristes à en voir son état mal-entretenu. Umbra sait qui habite ici, son maitre lui a dit, bien qu'elle n'est jamais vu les résidents de ses propres yeux. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'à chaque passage en ville, elle fait un crochet par la maison. Sa maison. Ou plutôt celle de sa famille paternelle. C'est toujours avec amertume et rancoeur que la Bâtarde toise les pierres de cette forteresse lisréenne. Aujourd'hui, c'est avec stupeur qu'elle remarque le jardin laissé en jachère, les vitraux poussiéreux et ce silence plus pesant qu'aux précédentes visites. Sans user de trop de perspicacité, la Noiraude assemble cette multitude de détails et arrive à une terrible conclusion. Le poing laisse tomber la fleur à l'entrée du portail et les yeux s'embuent. Une fois encore, la colère a laissé place à la tristesse et voilà que le coeur dure comme de la pierre s'effrite un peu plus.
Ils m'ont... abandonnés.
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Dans un temps révolu, Umbra a aussi profité des appartements d'un certain Von Zweischneidig près des quais de Seine. Dans la Capitale toujours, elle a trouvé du réconfort dans les bras d'une déesse quand la solitude se faisait insoutenable. Tout ceci pour autant, la Bâtarde en prend conscience à chaque nouveau tenancier qu'elle paie pour une énième chambrée anonyme, n'est que du vent. Lors de ses nuits interminables, il lui arrive de regretter les hautes murailles de l'enceinte religieuse dunkerquoise. Ternes et froides, elles demeurent le seul véritable logis de la Noiraude.
[Printemps 1463 -Arles]
Ce n'est pas la première fois qu'Ombeline se rend dans cette ville provençale. Sans se vanter, elle pourrait en décrire les ruelles aussi facilement que les dédales parisiens si longtemps foulés. Elle se souvient très bien de sa première visite dans la cité. C'était son mentor, le Hibou, qui l'avait mené ici alors qu'elle râlait encore et toujours de le suivre aveuglément. A cette réminiscence, ses lippes mauves s'étirent d'un sourire nostalgique, quelle sotte insouciante était-elle. Ses bottes frôlent les pavés de la rue principale, retraçant le même chemin qu'elle parcourt à chaque venue ici. Son attention se perd dans le décor car son corps sait par coeur où il doit être mené. Cela laisse encore un peu de répit à la manchote pour repartir dans ses songes. Vrai qu'elle a une multitude de souvenirs dans le coin maintenant.
A quelques pâtés de maisons, près du marché, l'endroit qu'elle a délaissé pour se dégourdir les jambes n'est autre que leur Tanière comme ils aiment à appeler la bicoque de son Loup. oui, elle n'est plus seule, la Corneille. Elle a trouvé un compagnon de route, un ami, un amant et plus encore qui sait... Comble du destin, il a fallut que celui-ci soit un arlésien adopté. Un léger rire s'échappe alors que la boiteuse disparait à l'angle d'une large rue commerçante pour s'engager vers les sentiers partant vers la mer. Un brin de lavande s'agite entre ses doigts gantés. Humant le parfum chaud en enivrant de la fleur, elle se stoppe. L'Ombre est arrivée à destination.
Plusieurs enjambées la sépare du muret décrépi délimitant une imposante propriété, l'une des plus grandes d'Arles et l'une des plus tristes à en voir son état mal-entretenu. Umbra sait qui habite ici, son maitre lui a dit, bien qu'elle n'est jamais vu les résidents de ses propres yeux. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'à chaque passage en ville, elle fait un crochet par la maison. Sa maison. Ou plutôt celle de sa famille paternelle. C'est toujours avec amertume et rancoeur que la Bâtarde toise les pierres de cette forteresse lisréenne. Aujourd'hui, c'est avec stupeur qu'elle remarque le jardin laissé en jachère, les vitraux poussiéreux et ce silence plus pesant qu'aux précédentes visites. Sans user de trop de perspicacité, la Noiraude assemble cette multitude de détails et arrive à une terrible conclusion. Le poing laisse tomber la fleur à l'entrée du portail et les yeux s'embuent. Une fois encore, la colère a laissé place à la tristesse et voilà que le coeur dure comme de la pierre s'effrite un peu plus.
Ils m'ont... abandonnés.
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