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[RP] C'est ma vie, c'est elle qui m'a choisie*

Elendra
Je suis là, debout, au centre de la place publique de cette ville que je ne connais pas. Le soleil brille, les oiseaux chantent. Je regarde autour de moi. C’est une journée tout ce qu’il y a de plus banal. Si j’étais née quelqu’un d’autre, je serais sans doute en train de profiter d’une jolie balade à dos de cheval en compagnie de mon époux. Mais, j’étais née moi, Elendra, et j’avais tout gâchée. Célibataire à quinze ans. Et puis quoi encore! J’ai raté ma vie… voilà tout.

J’ai voyagé un peu partout, tentée de m’incruster là où je pouvais. La Normandie d’abord. C’est là que le Bon Dieu avait commencé à m’attaquer. Je comprends aujourd’hui qu’il ne faisait que son boulot. Il savait qui j’étais. Il sait tout.

J’avais ensuite squatté le Gonthier. Je n’étais pas la seule! Alix, Aliénor, Yolanda (qui ne squattait pas), Anaon que j’aurais voulu adopter pour maman, Jennifael. Un jour, je voudrais faire ça moi aussi. Recueillir plein d’enfants qui n’ont pas de maman. Parce que quand on grandit pas de maman, on grandit pas vraiment, on avance, on vieilli, mais c’est tout. C’est sûr! J’ai un papa. Mais il est jamais là. Je parie qu’il sait même pas où je suis, là, là, à cet instant précis où je vous parle. Et vous, le savez-vous?

Oubliez ça, c’est pas le où qui compte, c’est plutôt le comment du pourquoi de l’explication qui vous intéresse? Eh bien… je tâcherai d’être brève! Vous vous demandez sans doute où diable s’est-elle cachée tout ce temps cette fillette?! Je vous arrête tout de suite. Je ne suis pas une fillette. Faudra changer ça dans le procès verbal.

J’ai quinze ans et je souffre chaque mois. Je pense donc que je me qualifie dans le top femme, pas vrai? Après… y a d’autres critères que je ne remplis pas tout à faire, genre, mon corset. Mais passons outre mon allure de coucou affamé, qui ne s’est pas améliorée lors de mon passage chez les nonnes.

Raison capitale : Y a pas de mirabelle.
Note à moi-même : Toujours faire retraire en Lorraine. Ça vaut mieux pour la sainteté d’esprit.

Ce qui m’amène à la raison pour laquelle nous sommes ici rassemblés en ce jour funestement ensoleillé.


« Ils croient que je suis folle. »

« T’es folle toi? Pas moi. »

« Ils ont pas dit folle, hein. »

« Ils ont dit sorcellerie, satanique, possédée. »


Possédée. Ils ont dit ça souvent.

Alors! Je faisais retraite comme ça, comme tout le monde. Je cherchais à me ressourcer. À réfléchir sur l’échec cuisant qu’était ma vie. Faut pas parler en retraite. C’est un de leur principal défaut. D’ailleurs, je leur ai dit hein : « Ça vous prend de la mirabelle! Et pour l’amour du ciel, laissez parler les gens! Vous verrez, ensuite ce sera bondé comme dans un moulin! »

Faut croire qu’ils aiment pas la farine…

Toujours est-il que moi, le silence ça m’ennuie, ça me saoule, ça me dérange, ça m’agace, ça m’énerve, ça m’exaspère, ça m’incommode, ça m’indispose, ça m’horripile, ça me rend folle quoi!


« Précisément. »

Et c’est là que ça a commencé à partir en vrille. Ils ont commencé leur… rituel. Pour chasser le démon. Vous voyez ce que je veux dire. J’ai jamais eu aussi peur de toute ma vie! Je vous passe les détails… C’était… Beaucoup de cris… Et pas que les miens!

Alors, c’est à ce moment-là que je me suis dit que pour la détente spirituelle et la réflexion sur ce que l’avenir me réserve, pour converser avec le Très-Haut et avec ma mère : c’est le dernier endroit où je devais être.

Ainsi, comme toute personne censée, j’ai tenté de m’enfuir. Or… on ne sort pas comme dans un moulin! Surtout pas quand le prêtre s’est fait un devoir de sauver votre âme. Ce même prête qui me terrorisait avec ces rituels sataniques.

Combien de fois, je me suis réveillée en hurlant, en me débattant. On tentait de me retenir contre mon gré, plaquée contre le lit. Je hurlais. Je m’agitais dans tous les sens, comme une forcenée. Je priais pour que ça cesse.


« C’est presque terminé. »

Le Très-Haut ne m’a jamais autant laissé tomber que lorsque j’étais sous son toit. Mais maintenant, je suis libre. Il veille sur moi, je sais. C’est pour ça tout ce soleil. Un jour parfait pour un barbecue.

« Ça gratte… », que je me lamente.

« J’ai soif… »

Il approche. Lui. Je me tortille. Tente de me sauver.

Ils voulaient me sauver. Précisément. Ils ont essayé pendant des mois, et à ce stade, il n’y a qu’une chose qui fonctionne pour chasser le démon. C’est prouvé religieusement.

Le bûché.

Je le vois approcher.

J’ai toujours été un peu niaise comme fille. Je l’avoue. Mais aujourd’hui, je n’ai jamais été aussi consciente de toute ma vie. Il est là.

J’ai chaud. J’ai peur. Je pleure.

Je n’ai que quinze ans… je pleure comme une enfant. On nous prépare pas à ça dans nos cours de bienséance et de maintien.


« Luisa, je brûle d’envie de te revoir… Prépare une bassine d’eau froide… »


*Ben oui... Vous l'aurez deviné!

À ceux et celles qui voudraient participer et se rappeler la folie de la petite d'Acoma, soyez les bienvenus! Ça me ferait plaisir de vous lire!

Pour ma part je vous dis au revoir. À bientôt? Merci! (Le coeur gros, même si j'ose pas me l'avouer!)

Jd Elendra

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Alix_ann
-« Tu sais ma copine Elendra ! »

Entre deux rires clairs, sur un fond d'amitié guimauve, assise à côté de Tiernvael.

-« La petite brune, là. Tu sais qu'elle est plus vieille que moi? Oui ! Elle est vraiment petite ! On a grandit ensemble à Gontier. Elle est arrivée juste après moi. Ma Doue, ce que je l'ai détesté pour ça ! Avec son air naïf, toujours de bon humeur, avec des milliers d'idées drôles. Elle avait tout pour plaire plus à Yolanda qu'à moi. »

Elle s'en souvient à peine, et lui en parler lui donne l'impression de raconter l'histoire d'une autre. C'est pourtant la sienne, lorsqu'elle n'était qu'une chiarde égarée dans Paris, puis recueillie par la petite Duchesse Yolanda, et rejoint par un pléthore d'autres gamines dont Elendra, tout droit venue de son pays de mirabelle.

-« Un jour qu'on se faisait chier, on devait avoir six ans, on a voulu faire plaisir à Yolanda pour noël. Alors on a tapissé TOUTE l'entrée de Château-Gontier de neige. On a même mis un bon homme au milieu. C'était son idée. »

Elle marque une pause.

-« Yolanda a pas aimé. »

La petite Buze en profite pour torcher son verre de cidre.

-« Y'a cette fois en taverne où on s'est battu contre "le colosse". Anaon nous avait fait croire que c'était un crapeau qu'il fallait embrasser pour que.. BREF en se rendant compte in extremis que l'histoire pouvait devenir gênante Alors que c'était Eikorc, le Colosse. »

Un brigand réputé au travers les royaumes pour des faits plus infâmes les uns que les autres.

-« Puis Yolanda a perdu Château-Gontier… Alors on a été séparées… avec un air triste sur le visage, puis Mais on s’est revu ! Au sacre de l’empereur, quand j’étais amoureuse de son fils, haha, c’qu’on était petites ! Puis après en Bretagne, puis y’a eu son mariage ! Puis encore en Bretagne… Ah Elendra…»

Sourire content.

-« J’espère que je vais la revoir vite ! 'Me manque... »
Zeiss
[Forbach, bureau du chef de famille]

L'écarlate coula et s'étala lentement sur le papier. Le sceau vint y apposer sa marque, puis la cire durcit, le courrier était prêt à être envoyé. Un serviteur attendait non loin du bureau, puis récupéra l'allégeance faite à la Lorraine que le Chevalier lui tendit.

A Ellebasi d'Acoma.

Le coursier partit, Zeiss commença à se demander si il avait choisi la bonne couleur. N'était-ce pas le jaune, finalement? Rapidement, l'homme chassa ses doutes de son esprits. Qu'importait? Au pire, on lui retournerai la lettre, et il la renverrait avec un nouveau sceau.
En un instant, la couleur de la cire fut un sujet oublié, laissé derrière. Comme la plupart des autres pensées, depuis un certain temps. Cela faisait bien deux semaines que le Commandeur peinait à se concentrer. Importante ou pas, chaque chose qui requérait son attention était expédiée en quelques minutes.

Durant ces quinze jours, c'était sa fille Elendra qui occupait son esprit. Depuis quelques temps, il avait été incapable d'avoir la moindre nouvelle d'elle. Bien entendu, celle-ci n'avait pas l'habitude d'informer son père de ses activités. Il avait toujours fallu qu'il lui envoie lui-même un courrier pour qu'elle le rassure sur sa situation. Sauf que cette fois, Zeiss n'avait pas eu de réponse. Une seconde missive fut expédiée, puis une troisième. En vain.

Alors depuis, il passait la majeure partie de son temps enfermé dans son bureau, rongé par l'inquiétude. L'homme ne sortait que pour se nourrir et faire sa toilette. Ce jour-ci ne fut point différent pour le Baron qui resta derrière ce même bureau qui ne laissait entrer que quelques serviteurs chargés d'envoyer des lettres pour le maître des lieux.

Quand la porte fut de nouveau close, Zeiss se replongea dans ses réflexions, tapotant nerveusement ses doigts sur le bureau. Que pouvait-il faire? Envoyer un nouveau courrier qui, comme les autres, resterait lettre morte? Il ne savait même pas où elle pouvait être, fouiller la France en entière eut été bien futile. Puis une autre idée lui vint, bien plus viable. Sortant subitement de son quasi immobilisme, un parchemin vierge fut posé devant lui.

Plusieurs minutes durant, le Chevalier rédigea une missive qui fut fournie à un serviteur qui depuis ces deux semaines parcourait toujours le même chemin vers le pigeonnier. A nouveau seul, Zeiss posa son menton sur ses doigts, attendant déjà fébrilement une réponse.
C'est un nom qui lui était remonté dans sa mémoire. Anaon. De ce qu'il avait entendu de sa fille, elles étaient particulièrement proches. L'homme l'avait déjà rencontré une fois, et vu l'apparence de la dame, il ne serait point étonné d'apprendre qu'elle fut mercenaire, ou quelque chose de similaire. Elle devait forcément savoir où se trouvait Elendra.

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Jenifael..luna
    Au Louvre, c'est une autre ambiance, tellement une autre ambiance que la Castelnau-Montmiral songe au passé, dans un moment de calme.

    "- Où se trouve le temps des rêves Vermine? "

    Le chat, un bel animal blanc et noir, aux intense yeux mêlant émeraude et noisette se pose devant la jeune fille. Elle lui parle la petite.

    "- Tu sais, lorsque Yolanda t'a trouver? A Château-Gontier? Il y avait Alix, ma fadette, et Aliénor ... Ahhh .. Aliénor. C'est un souffle de vie, au milieu des morts ! "

    Elle éclata de rire, puis continua :

    "- Alix Baccard aussi et Elendra. Tu sais qu'Elendra était la nièce d'une des amie morte de ma maman? Le jour de l'anniversaire d'Elendra, c'était bien marrant. "

    L’espoir de les revoir, toutes.

    "- Bientôt l'on se retrouvera toutes j'en suis certaine. L'une d'entre nous se mariera bien non? Ou même ... ce n'était pas l'anniversaire d'Elendra? Il me semble que nous sommes plutôt proche par nos dates d'anniversaire. "

    Voilà donc son sort. La grande-maître de la garde-robe française qui parle seule, enfin non, qui parle à son chat de ses souvenirs passé.

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Anaon
↬ Anjou ↫

      Il y a des vies bâties comme des gruyères. Quelques instants de consistances, avant des néants béants. Des rencontres qui se succèdent aux vides, des trous qui perforent la mémoire. Des existences érigées en vallée où les sommets enivrants laissent place à d'insondables ravins. Des creux, des crevasses où tout s'enfonce, s'ensevelit et s'oublie. L'Anaon est de ceux-là, la vie sabrée en dents de scie. Où les rares monts de bonheur s'écroulent en d'incontournables chagrins. Où à trop dégringoler, on en vient à ne plus oser gravir les cimes de peur de l'atterrissage qu'il faudra amortir ensuite. Encore. Inlassablement. Elle en vient souvent à s'entêter, à vouloir rester plonger au fond de ses abîmes, persuadée qu'à ne plus connaître la lueur du jour, elle n'en ressentira plus jamais la déception de voir revenir la nuit. Ivre du vide qui fait les douleurs lancinantes, elle enterre alors au plus profond de son conscience, les moindres moments de joies, pour ne pas s'imposer la morsure du regret. Gontier fait partie de ces cadavres qui jonchent les parcelles perdues de sa mémoire. Une cime dont elle a coupé la tête. Un pan de sa vie qu'elle a mise sous verre pour ne plus jamais en entendre résonner les échos. Gontier avait été pavé de rires et d'accalmies... de son lot de drames et de cauchemars aussi, que l'âme n'avait en rien envie de se rappeler.

    Si elle n'oubliera jamais les visages, le reste est désormais boycotté. Mais parmi ces têtes à jamais gravées au creux de son crâne, celle qui se dessine à la lecture du vélin fait partie de celles qui ont le plus buriné le marbre de sa vie. Elendra, gamine à la Mirabelle, qu'elle espérait voir grandir encore assez pour l'admirer porter un jour les robes qu'elle lui a léguées. D'Acoma, première à lui avoir fait à nouveau franchir le pas d'une église, et si ce n'était pour prier, c'était au moins pour Elle et son plaisir. Le mot laisse surpris et vaguement inquiet. Muette quelques instants. La demande à l'aide est pourtant formulée comme un emploi. De ces mots qu'elle a déjà reçus cent fois. Alors l'Anaon délaisse les sentiments pour le professionnel. Cette mission sera gérée comme toutes les autres. L'intraitable objectivité, pour le bien de la réussite.

    Elle est monstrueuse en cela la sicaire... d'être capable de se vider du moindre état d'âme au premier désir de sa volonté. C'est pas humain de pouvoir se contrôler comme ça... C'est pas humain. Et c'est pourtant cette froideur d'automate qui la rend si infaillible.

    Ce que l'on fait chercher à l'Anaon, l'Anaon le trouve.


↬ Quelques petites semaines plus tard ↫

      Et elle a trouvé...

    La pipe allumée entre ses doigts crépite. Ballante, manquant de basculer tant la pression pour la maintenir est vague. Assise sur une paillasse, la mercenaire a le regard perdu dans le vague. Statufiée, on la croirait cimentée là depuis un temps immémorial. Elle a trouvé oui... Mais si on lui avait dit ce qu'elle trouverait... Jamais elle ne l'aurait cru.

    La pipe glisse lentement, mais surement. Millimètre par millimètre, sans que ses doigts ne cherchent à un seul moment de la retenir. Elle est plantée là, l'Anaon. Comme plantée devant un barrage, attendant placidement le moment où sa craque. Où le rempart se lézarde. Où le choc s'accuse. Elle attend, cette vague plus lourde que du béton qui va arriver et lui éclater en plein visage. Quand l'esprit comprendra enfin ce qui se passe. Ce qui s'est passé. La remontée soudaine d'émotions qui se bloque dans la gorge et qui fait suffoquer l'âme.

    Mais rien ne vient...
    Le contre-coup n'arrive pas.

    Elle a l'impression de ne plus avoir de paupières. Que ses yeux sont grands ouverts, morts et immobiles. Perdus. La pipe choit. Déverse son herbe brulée sur ses pieds. Latence... La tête se renverse en arrière. Par mécanique les paupières se ferment, enfin. Un soupire morne, douloureux, délité comme un pauvre lambeaux lépreux s'extirpe de sa poitrine. Demain... Demain il va lui falloir annoncer au père. Annoncer, accuser, et contempler sa rage et sa douleur.

    Vaincue, organisme de paille, la mercenaire se laisse basculer sur sa couche. La joue contre son coussin. Et les yeux à nouveau grands ouverts sur le vide.

      Ce soir, elle ne dormira pas.


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       | © Image Avatar : Eve Ventrue | © Image Signature : Cristina Otero | Anaon se prononce "Anaonne" |
Zeiss
Il fallut encore quelques semaines avant d'avoir un résultat. Celles-ci avaient étiré le temps de manière encore plus efficace encore que les précédentes, et c'est un Zeiss hautement impatient que le domaine familial avait du subir. Pourtant, il savait pertinemment que ça ne serait pas forcément rapide. Mais le rationnel était aisément mis de côté par les pères inquiets pour leurs filles. Bientôt , ces inquiétudes seraient confirmées. Bientôt, l'instinct du Chevalier se révélerait horriblement vrai.

Parlant de paysage, seule une haute montagne se dessinait sur l'horizon du d'Acoma. C'était un unique sommet qu'il avait lentement gravi jusqu'à ce qu'il en atteigne la pointe... Pour ensuite amorcer une descente qui n'avait toujours pas cessé. Il ne savait toujours pas quand la pente le jetterai au tombeau. Apparemment, la prochaine colline n'était pas prête de se montrer. C'est amusant comme on peut toujours s'enfoncer plus loin dans les ténèbres, alors que l'on pensait avoir atteint le fond.

C'est donc après que le temps se soit ralenti durant plusieurs semaines qu'il s'arrête complètement pour un instant. Anaon s'est présentée en personne à Forbach, puis a été invitée dans le bureau du chef de famille. Elle lui a expliqué ce qu'elle a découvert, le feu, la mort, tout est dis. Il a demandé à ce qu'on le laisse seul un moment.
C'est là qu'on en est.

Le temps reprend son cours immuable et, sortit de son état de catatonie temporaire, l'homme explose. Durant quelques longues minutes, le bureau maintenu propre et bien rangé et saccagé. Tout ce qui n'est pas trop lourd pour être déplacé et jeté, sans exception. Tout ce qui se trouvait dans la pièce subit la colère de Zeiss. Bien qu'aucun son ne parvint à passer les dents serrées, le vacarme du bureau ravagé tint parfaitement le rôle de cri de rage et de douleur. Finalement, le silence règne de nouveau. Le Chevalier s'était retrouvé assis par terre, le dos contre la bibliothèque à moitié vidée de son contenu et la tête entre ses mains. Il resta là encore un moment, incapable de bouger. Jusqu'à ce qu'il lève les yeux.

La question n'est pas encore posée, mais la réponse est déjà là.

Habituellement suspendue à un crochet fixé au mur, l'épée de Zeiss avait fini au sol, quasiment au milieu de la pièce. Lentement il s'était redressé, puis avait ramassé l'arme encore au fourreau. Il prit une grande inspiration, il savait ce qu'il devait faire.
Il fallait qu'il aille se changer, il avait un voyage à faire.

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Tiernvael.de.kerdren
[I woke up from the same dream:
Falling backwards, falling backwards
’til it turned me inside out.]


En ce temps-là, Tiernvaël tenait plus du doudou que du jeune homme fringuant capable de se moquer de deux jeunes femmes voulant lui tendre un piège.
Enfin pour le coup c'était plutôt celui d'Alix Ann, d'essayer de réunir ces deux inconnus nouvellement esseulés.
En vain. Le lutin avait préféré une autre et l'entrevue quoique agréable n'avait été qu'une expérience de plus où il s'était amusé à rencontrer des personnes dont la qualité n'a d'égale que l'envie de les revoir.
Car dans son mutisme depuis l'événement qui habitait ses pensées et avait alité la jeune fille pleine de vie à quelques pas de lui, le garçon voulait en certaines occasions jeter au loin son malheur et sa tristesse pour revêtir ses fiers collants d'antan, quand il était heureux à charmer deux donzelles qui apprenaient à vivre.
Mais les canons avaient vidé tout espoir et son cœur imbibé d'une eau impure se forçait bien malgré lui à battre de lassitude.
Alors il restait là. A entendre plus qu'à écouter l'interminable monologue de la blonde. Il fixait toute la journée les maigres lattes de bois qu'il connaissait par cœur désormais.
Aucune pensée, aucun mot ne semblait l'atteindre. Il se laissait simplement bercer par la joie ambulante pour ne pas céder au caprice de rejoindre celles qui l'ont quitté.

Un jour, sans doute plus attentif qu'à son habitude, il faut dire que lorsque la peine vous rougit les yeux à les rendre douloureux, le mal finit par faire prendre conscience de la situation. Ce jour-là, il frissonna grâce aux mots de la belle à ses côtés.
C'est ainsi qu'il rompit son inlassable regard sur les sinueux chemins qui couraient devant lui avant de se laisser absorber dans le néant qui gît entre ce plancher de pauvres.
Les émeraudes qui avaient perdu de leur superbe se levèrent pour apercevoir cet espoir que tout son être abhorrait de sorte qu'il ne lui paraissait pas invraisemblable que d'un instant à l'autre il puisse se changer en hystérique insultant la petite qui n'avait rien demandé qu'un peu de réconfort bien mal donné et lui offrant des mots qui ne sont pas à entendre à cet âge bercé d'illusion avant de claquer froidement la porte.
Ça aurait été la fin et il l'avait pressenti tout en vivant la scène en son for intérieur alors qu'il poussait sur ses avant-bras afin de s'extirper du fauteuil qui avait servi plus de prison ou de camisole que de confort.
Il n'était pas l'heure et la Monfort devait s'en rendre instantanément compte. Qu'avait-elle fait ?
Comme s'il apprenait à nouveau à marcher, des pas hésitants se firent dans sa direction trahissant une envie sûre d'elle qui l'avait cueilli en l'instant.
Le cadavre animé grimpa petit à petit sur le lit avant de se blottir tout contre la survivante assise dans son lit et encore enveloppée par quelques couvertures.
Une main glaciale fut déposée sur le ventre féminin, s'accrochant à l'étoffe qu'elle portait et il l'enlaça de son mieux alors qu'il posait sur l'extérieur d'une de ses cuisses, sa tête juvénile aux cheveux ébouriffés mais qui sentent tout de même bons.
Quelques secondes plus tard, son souffle se ralentit. Il était parti rejoindre l'innocence de sa jeunesse qui trépassait lentement sous ses yeux affligés.
Ce jour, il rêva à nouveau.

Mais maintenant, dis-moi ce que tu vas faire avec ce détraqué qui t'a embrassé quelques jours plus tôt et qui désormais se repose nonchalamment sur toi.
De l'art de se mettre dans de beaux draps ou la triste convalescence d'Alix Ann.



[Je me suis réveillé du rêve :
Tombant en arrière, tombant en arrière
Jusqu'à en être tout retourné.]
_________________
Elektra.
      La meilleure façon de recouvrer la liberté,
      C'est de rompre les chaînes qui blessent le cœur
      Et de mettre un terme à son tourment.
      (Ovide)



Enchainé à son obscurité. L'amour d'une vie, perdu, mais l'homme avait tenu bon, il avait combattu chaque journée qui se présentait à lui, y installant à chaque fois un peu plus de cette froide solitude dans laquelle il s'enfermait.

Elektra tentait de garder un œil sur son ainé. Sa propre vie plongeait par moment dans un chaos dont elle ressortait pour prendre une longue goulée d'air avant de retomber au cœur de la bataille qu'elle menait contre elle-même.

Fratrie compliquée ? Mais tellement soudée. Depuis des semaines, elle le voyait tourner en rond, disparaissant parfois dans un immobilisme proche de la mort, pour ensuite passer à une agitation extrême.
Ce jour là, la jeune femme s'est enfermée comme bien souvent dans la bibliothèque du château, lorsque soudain sa lecture fut interrompue par un fracas épouvantable. La tornade a lieu dans le bureau de son frère et un instant, elle a l'envie de s'y précipiter, puis elle se ravise, trop dangereux si l’état dans lequel se trouve le chevalier est bien celui qu'elle imagine.

Ce mystère durait depuis trop longtemps. Ce qu'il gardait en lui et le rongeait avec tant de force, il allait devoir le partager. Coute que coute ! Quoi qu'il arrive ! Quelle que soit la terrible chose qu'il lui annoncerait, elle ne le laisserait pas l'affronter seul.

La jeune femme se planta dans le hall d’entrée du château. Si il avait décidé de quitter Forbach, il devrait passer par elle, elle ne céderait pas d'un pouce. Et quand il arriva face à elle, il put lire sur son visage à quel point elle était déterminée.


Nous sommes unis par les liens du sang. Rien ne nous empêchera d’être là l'un pour l'autre, que ce soit moi ou toi qui ait besoin d'aide. Alors ... Je viens avec toi. Et ce n'est pas une question Zeiss. Nous parlerons de tout cela sur la route.

La petite sœur laissait bien souvent la place au Grand Maitre de l'Ordre de Chevalerie, et même si elle ne voulait pas lui donner d'ordre à l'instant, il devait comprendre qu'elle ne changerait pas d'avis.
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