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[RP] Histoire d'Avant et d'aujourd'hui

Coligny.
Suite à des complications à cause de la naissance du petit, Elektra avait dû se reposer après cette épreuve qui l'avait beaucoup fatiguée. Ils ne purent reprendre la route que lorsqu'elle fut totalement remise et que le petit soit confié à la pouponnière. Les Lames purent reprendre leur travail de protection de l'empire.

Chaque jour, Coligny avait dû surveiller l'humeur changeante de Dacien qui cherchait à savoir où était sa place dans ce couple et qui vivait un enfer à chevaucher auprès d'une femme qu'il aimait et qui ne pouvait le lui rendre. Cela avait même valu une dispute mémorable entre l'homme de main et Elektra. Dispute qui se termina plutôt bien même si tout n'était pas résolu. Et puis le fiancé les avait quittés pour des raisons connues d'un Chancelier.

Et une nuit, alors que Coligny ne s'y attendait pas, mais alors pas du tout, il vit ce sourire étrange sur le visage de son ami. Il n'y avait pas cru et pourtant.... cela dura cinq nuits pendant lesquelles l'homme de confiance préféra dormir près des chevaux et loin du couple. Il ignorait bien des choses mais les mains tenues près du feu, les baisers tendres, les douces caresses dans le dos, les trahissaient. Elektra avait donc pris sa décision et venait de rendre Dacien l'homme le plus heureux du monde.

Cela ne dura pourtant pas. De retour auprès de son enfant, elle se refusa de séparer son fils de son père et ce fut de nouveau la rupture avec Dacien. Une nouvelle douche froide et son visage s’assombrit de nouveau. Coligny avait piqué une grosse colère, manquant se briser la main contre le bois de l’étable. Il se garda de dire pourquoi ce bandage sur sa main à son ami. Mais vraiment, Elektra aurait été sur son chemin, il l’aurait piétinée sans remord. Mais ne dit-on pas que femme est changeante. Ce dicton n’avait jamais été aussi vrai que pour cette femme. Quelques temps plus tard, Coligny ne savait plus vraiment, c’était encore au détour d’un chemin, au fin fond d’un village ou dans une taverne, allez savoir avec tous les déplacements qu’ils faisaient, qu’elle avait de nouveau déclaré sa flamme à son ami. Il avait tout de même le cœur bien accroché. Un coup oui, un coup non. Col l’aurait envoyée balader depuis longtemps. Mais pas Dacien. Plus patient que ce cet homme avec cette femme, il n’y avait pas. L’homme de main avait fini par conclure qu’il l’aimait au point de tout subir. Assez d’un jour le féliciter et le lendemain le consoler, Coligny leva une épaule en lui souriant à cette nouvelle avec l’affreuse envie de lui dire « Jusqu’à quand cette fois ? » mais répondit qu’il était heureux pour lui d’un ton par trop maussade.

Mais la guerre frappa comme attendue d’ailleurs. Et plus le temps pour l’amour et la bonne humeur. Des hommes et des femmes de l’empire tombaient sous les coups d’épée. Le temps n’était plus à l’amour et aux désaccords entre Coligny et Elektra. L’ennemi était ailleurs. Des félons attaquaient l’Empire. Ils s’en prenaient à la ville de Dole, capitale de Franche-Comté, qu’ils tentaient d’étouffer par leur présence. Les raisons à cette guerre étaient comme toujours troubles et totalement dénuées de sens. Coligny n’avait pas à penser à cela. Il ne faisait partie d’aucune armée et d’aucun ordre. Par contre, il avait pour mission de protéger Dacien qui lui allait se battre et risquait bien d’y laisser sa peau. Alors, il chercha à entrer dans l’armée pour être près de lui. Seulement, sans engagement véritable, il fut rejeté et ne put participer aux premiers combats

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Dacien_de_chenot


Assis à une mauvaise table de la mansarde qu'il avait loué la veille après avoir débarrassé son maigre paquetage de la chambre d'auberge qu'ils partageaient depuis leur arrivée, le Ténébreux passa une main machinale et quasi-amoureuse sur la fidèle Necat.

Le visage fermé, blême, une ride venait étirer ses yeux d'un vert aussi sombre en ce jour que les forêts d'épineux qui grimpaient le long de ses montagnes savoyardes. Sa nuit avait été aussi courte que l'introspection menée avait été longue. Rien pourtant n'avait filtré de ses sentiments à tout jamais emprisonnés d'un écrin en forme de cœur, offert de longs mois auparavant à Annecy et qui protégeait une boucle blonde.

Et maintenant...

Les possibilités étaient multiples quant à la suite... ou à la fin. Mais il avait plusieurs promesses à tenir dont la plus précieuse à ses yeux, celle à laquelle il n'aurait dérogé pour rien au monde : être là pour voir naitre l'enfant que Jasona portait. Il y avait aussi celui de Loanne dont il avait accepté d'être le parrain. Autant d'amitiés fraternelles qu'il se sentait incapable de décevoir. Et puis il y avait son engagement envers l'Empire et les Lames, plus viscéral.
Pourtant malgré la chaleur d'amitiés sincères et ce rêve d'enfant qui guidait sa vie, il sentait monter en lui un ennui plus froid que la mort, ennui que désormais il devrait apprivoiser et supporter.
Son regard fixe semblait sonder le vide de l'absence. Douloureusement sa mâchoire se contracta. Il se força à une respiration lente pour dénouer ses muscles tendus et assécher cette perle qu'il sentait sourdre au coin de son oeil.
Puis brusquement, il se leva, et passa la main dans ses cheveux comme si l'ordonnance de sa vie passait par celle de sa coiffure.
Agir.
Agir pour ne plus penser.
Agir pour ne plus repenser à leurs étreintes, à leurs conversations sans fin. A leur complicité et à leurs rires.
Agir pour faire taire Sa voix qui résonnait en lui.
Elle reviendrait le hanter à la nuit dans l'antre de sa solitude mais il devait la faire taire au moins quelques heures. Ne plus y penser quand tout le ramenait à Elle.

Il se fit apporter de quoi rédiger quelques lettres. La plupart partirent en Savoie ; il y était question d'engagement.
Une, très brève, fut en réponse à une mystérieuse femme du nom de Keleen qui souhaitait le rencontrer et à laquelle il fixa rendez-vous l'après-midi même.
Il répondit aussi à son frère, toujours engagé en méditerranée.
Une autre partit pour le Castel de l'Ordre.
Et enfin, les deux dernières missives scellées, partirent en direction de la France.

Il reposa sa plume et passe la main sur sa nuque endolorie. Foutue impression d'être passé sous un roncin !
Lui restait encore à parler à Coligny ou tout au moins, à l'informer et à le faire taire...
Jusque là, il avait soigneusement évité les écueils de la curiosité de ses amis et si certains avaient quelques doutes tous s'étaient cantonnés dans un silence discret et pas un mot n'avait été prononcé concernant leur histoire.
La partie, il le savait, serait plus rude avec Coligny mais il devait en passer par là.
Un instant il laissa son esprit vagabonder. Fatal ! Elle en profita pour étendre ses ailes en lui. Rien d'étonnant en soi : n'y était-Elle pas chez elle ?
Il se mordit la lèvre jusqu'à sentir le goût acre du sang. NON ! NON !!!
Il s'ébroua et fit appeler Coligny.
Par la fenêtre il observa les remparts. De l'autre côté était la Bourgogne.
D'une taverne lui parvinrent quelques accords de luth... la justesse d'une note...

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Coligny.
Couché dans la paille au fin fond de l'écurie Coligny dormait en profitant d'une petit rayon de soleil qui lui chauffait les os et qui passait par une fente dans le bois. Il serait resté là aussi longtemps que son corps réclamait du repos mais Dacien l'entendait autrement. Un lad criait d'en bas, à affoler les bêtes en beuglant son prénom.

- La ferme, murmura t'il en gardant les yeux fermés. La ferme.
- Messire Coligny. Messire Coligny. Messire Dacien vous demande. Tout de suite.
- Et comment va messire Dacien ?
- Je ne sais pas. Il faut venir Messire Coligny...


Il bondit sur ses pieds et attrapa son sac. Quelle idée d'avoir quitté l'auberge. Quand il allait mal, il faisait tout et n'importe quoi. Et il allait mal. Il le savait au moment où il l'avait entendu lui dire qu'ils changeaient d'auberge pour aller les installer dans une bicoque affreuse et puante. Coligny était entré et était ressorti aussitôt disant préférer dormir à l'étable.

- J'arrive, j'arrive....

Il n'y avait que quelques mètres que le séparaient de la mansarde et il les fit en soulevant une épaule en quittant le lad et en la rabaissant avant d'entrer. Il avait sa tête des mauvais jours. Bon, il n'y avait pas non plus beaucoup de jours où il n'avait pas une mauvaise tête. A peine un pied dans l'affreuse baraque, il remarqua la main de son ami sur son épée et sa tête. Il n'allait pas bien. D'un coup de pied il se débarrassa de la chienne qui le suivait partout depuis leur arrivée. Ronce. Parce qu'elle avait les poils tout tendus et raides comme les épines de ronces et un museau aussi pointu. Blanche si elle était propre, elle vouait à Coligny une fidélité non méritée puisqu'il ne lui jetait que quelques restes qui ne devaient certainement pas lui remplir l'estomac.

- Dacien. Vous m'avez fait demander. Que puis je pour vous ? Est ce en rapport avec le NON que je vous ai entendu hurler alors que je tentais de faire une petite sieste ?
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Evf
A quelques lieues de là.
Dans une auberge de Soirans.


La brunette le connaissait trop bien pour qu'il puisse lui donner le change et quand il avait annoncé arriver seul à Clichy, elle avait immédiatement envisagé qu'une troisième fois Electra avait osé. Depuis, Elwin enrageait !
Elle s'était alors résolue à délaisser ses livres de sciences militaires et à faire le voyage jusqu'en Bourgogne où la trêve semblait tenir ses promesses, et, à la tête d'une troupe de six cavaliers elle avait forcé l'allure jusqu'au hameau de Soirans qui avait la particularité d'être sis entre Dijon et Dole et qui, par une drôlerie peu commune,se trouvait partagé entre le Comtois et la Bourgogne. Ainsi, l'auberge dans laquelle ils prirent des chambres se trouvait admirablement à cheval sur ces deux duchés.

Cela faisait des mois qu'elle n'avait plus promené ses poulaines sur cette terre bourguignonne qu'elle aimait.
Depuis le Grand Roi.
Elle venait de quitter les Dames Blanches et s'était trouvée enrôlée un peu par hasard dans une armée du Bourbonnais Auvergne parce qu'elle voulait à tout prix combattre pour le Balbuzard et que peu lui importait l'étendard.
Brindille ballottée par les vents, elle avait été blessée dès le premier jour de combat. Mais après quinze jours de repos, elle avait tout aussi tôt repris les armes et rejoint son père à Dijon. Elle n'avait plus quitté l'entourage du roi, l'escortant jusqu'en Toulouse, où il était mort des suites d'une blessure gangrénée.

Si la Brindille avait cédé la place à une jeune femme élancée, sa détermination était restée intacte, ses engagements forts et sa parole indémentie. Dacien était son ami. Et cet ami s'était pris dans la toile d'une araignée indélicate. Elle avait bien essayé de lui parler à demi mots. Mais quand on aime, on reste sourd. Et aveugle. Elwin avait parlé de ses inquiétudes à l'une des proches de son père qui connaissait le premier époux d'Electra. Ce qu'elle lui avait alors raconté lui avait fait craindre le pire pour Dacien. De sa phobie des blonds qui l'avait conduite à imposer à l'époux de se teindre en brun, jusqu'aux coups qu'elle lui avait porté, et une histoire sordide d'enlèvement prémédité qui était loin d'être claire.
Comment une femme ayant de si lourdes responsabilités, pouvaient-elle se montrer aussi inconstante ? Passant de l'un à l'autre sans savoir se décider et sans grande considération pour les hommes impliqués. Dacien avait beau la défendre, Elwin n'avait pas eu le cœur de le blesser par une vérité qu'il n'était pas capable d'entendre.
Elle poussa un profond soupir. Après tout, Electra avait accepté de l'épouser quelques jours plus tôt. Peut-être s'inquiétait-elle pour rien.
Un messager était parti en direction de Dole pour prévenir le savoyard de sa présence. Elle saurait sous peu.
En attendant, elle troqua sa tenue de cavalière pour une robe qui rehaussait son teint de brune et entreprit de brosser ses longues boucles.
Dacien_de_chenot


Il éluda la question, comme il éluderait les regards qu'il sentit peser sur lui.
Coligny le connaissait et savait attendre, sans doute comprendrait-il que le Ténébreux n'était pas enclin aux confidences en ce jour, encore moins à exhiber ses faiblesses. Il avait décidé de livrer bataille avec la vie, celant les manques comme autant de pleins à conquérir, véritable antithèse à l'aphorisme d'Aristote qui prétendait que la nature avait horreur du vide.

Il emplit deux hanaps et en tendit un à Coligny, lui indiquant un siège tandis qu'il posait une fesse contre la table.

- Il me faut des hommes pour escorter une personne depuis le Comté Toulousain. Deux devraient suffire. Le plus tôt possible. Peux-tu t'en charger ?

La question était pure rhétorique mais le ton retrouvait son assurance, décidé comme rarement. D'explication il ne donnerait aucune.
Il croisa le regard de col.

- Il faudra la conduire en Savoie où elle nous attendra. Donne des ordres en ce sens.

Être dans l'action l'ancre dans une réalité rassurante, c'est une fuite qui doit le conduire à se retrouver. Il a voulu trahir la solitude qui l'a sculpté mais elle l'a rattrapé. Il serait vain de croire échapper à cette maitresse exigeante quand elle vous a façonné.
Pourtant, contre toute attente, un pli reçu le matin même vint lui fournir le prétexte d'une infidélité à cette compagne qui aurait pu paraitre obscène s'il ne l'avait, au fil des ans, apprivoisée.
Quelques mots tracés avec élégance, et trois lettres en guise de signature dont elle usait communément : Elwin le conviait à la rejoindre à quelques lieues de Dole. Son message était suffisamment sybilin pour piquer la curiosité du savoyard qui tendit le pli à Coligny tout en observant ses réactions du coin de l’œil.
Le Ténébreux savait le penchant de Coligny pour Elwin. Pour Col, la princesse était la solution à ses déchirures et il n'avait jamais compris que Dacien ne se décide pas à une union avec la von Frayner.

- Fais seller deux chevaux, nous irons la rejoindre.

Il tourna le dos à son homme de confiance, tant pour lui signifier que l'entretien était terminé que pour éviter de lire une quelconque satisfaction dans son regard froid.

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Coligny.
Apparemment son ami n'avait pas du tout envie de répondre à la question posée. Comme souvent, Coligny n'insistait pas. Cela n'aurait servi à rien. Il connaissait suffisamment Dacien pour savoir que lorsque le moment serait venu il lui parlerait de ses tourments. Et puis l'homme de main considérait que chaque homme avait le droit d'avoir ses secrets.

Son visage resta donc impassible lorsque Dacien allait chercher de quoi se désaltérer. Il avait souvent une bonne bouteille quelque part et c'était toujours un plaisir de partager ces instants avec lui. D'un calme apparent, il bouillait à l'intérieur. Ses yeux lançaient presque des flammes tandis qu'il lui indiquait un siège qu'il accepta volontiers.

Appuyé à la table, Dacien lui donna promptement ses ordres et là encore, inutile de discuter. Pourtant Coligny avait une question qui lui brûlait les lèvres depuis qu'il avait entendu qu'il fallait se rendre en pays Toulousain. "Allait on chercher leur amie ? Evf ?" Son coeur eut un petit raté et malgré tout sombre que pouvait être l'homme de main, ses lèvres s'effilèrent sur un petit sourire en coin et son oeil brilla un peu plus.


- Bien entendu, deux hommes. J'ai rencontré quelques solides gaillards à l'auberge qui cherchaient un emploi pour se faire quelques écus. Je suis certain qu'ils seront ravis de faire ce voyage. Il marqua une petite pause en voyant son ami déplier un pli puis reprit. Demain matin, ils seront présents ici même pour recevoir leurs ordres.

Dacien lui tendit alors la missive et cette fois son coeur ne fit que quelques ratés mais se mit à battre plus vite. Elwin. Il serait heureux, très heureux même, de la revoir.


- Tiens donc, fit il dans l'espoir de cacher son émoi. J'aurai aimé être du voyage.... J'espère que votre visage si triste ne vient pas du fait que nous allons bientôt la revoir.... J'imagine que lorsque vous voudrez en parler, vous conviendrez du moment et du lieu et vous rappellerez que si j'ai deux oreilles, ma bouche ne porte aucun jugement.

Il reposa le pli sur le bureau et Dacien déjà ne le regardait plus. Cachait il sa peine ? Il y avait des énigmes dans l'attitude du Ténébreux que Coligny ne cherchaient plus à comprendre depuis longtemps. Il se leva et se dirigea vers la porte. De toute évidence, l'entretien était terminé. Il posa la main sur la clanche et arrêta son geste. Sans se retourner, il glissa quelques mots à son ami :


- Cela va me faire grand plaisir de revoir Elwyn. Elle est une femme de caractère qui ne se trahi pas en changeant constamment d'avis pour le seul plaisir de faire souffrir ceux qui l'apprécient pour ne pas dire ceux qui l'aiment. L'honnêteté, la sincérité et l'honneur. Voilà ce qui transpire d'Elwyn. Un coeur à prendre. Bien plus qu'un coeur de pierre qui fait croire qu'il saigne de douleur alors qu'il n'en est rien.

Dacien savait de qui et de quoi il parlait. Puis en sortant :


- Je vais sceller les chevaux, mon ami. Arf... pousse toi Ronce. Quelle casse pieds ce cabot.

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Dacien_de_chenot


Telle une miséricorde qui serait venue se planter entre ses épaules déchirant ses chairs, les derniers mots de Coligny le glacèrent. Tout son corps se raidit et une fraction de seconde une pulsion le poussa au meurtre d'un désir de lui faire ravaler ses mots, de le faire taire.
Son poing s'abattit lourdement contre le chambranle de l'unique fenêtre mais il ne se retourna pas. Seule l'altération de sa voix devenue cinglante et dangereusement basse trahirent les sentiments du savoyard :

- Va !

Cherchaient-ils tous à détruire jusqu'à ses souvenirs ? Avant que la porte ne se referme, ses épaules s'affaissèrent et une envie de fuite noua ses tripes. Partir. Loin.
Rechercher l'oubli que lui offrirait l'anonymat. Ne plus sentir leurs regards, échapper à leurs bras tentaculaires qui se voulaient réconfortants. L'étaient parfois. Aucun n'avait compris. Au fond, peut-être valait-il mieux.
Une fois encore ses pensées s'envolèrent vers la Bourgogne où depuis presque trois années s'étaient cloitrée une jeune femme. Il soupira longuement.
Il ne demandait désormais qu'une chose : qu'on le laissât à ses souvenirs. Ils étaient ce qu'il aurait de mieux.
Il vida le hanap d'un trait et enfila ses gants de cuir avant de quitter la pièce.

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Evf

Soirans,
Dans la salle commune de l'auberge



La salle commune était presque déserte et cela lui convenait. Ses instructions avaient été claires : rester le plus discrets possible. Elle n'était ici qu'à titre personnel pour rencontrer un ami, loin du protocole et de ses obligations de garde royal.
Elle choisit une table un peu à l'écart, près de la cheminée dans laquelle rôtissaient quelques viandes qu'elle avait commandées lorsqu'un messager était venue l'informer que Dacien la rejoindrai pour le souper en compagnie de son âme damnée. Elle aimait bien Coligny. Elle avait trouvé en lui un écho concernant cette histoire. Ils ne seraient pas trop de deux pour essayer de le convaincre que son avenir était en France.
Lentement la nuit tombait sur la campagne bourguignonne. Le regard perdu par la fenêtre elle réfléchissait à un angle d'attaque.
Coligny.
Ronce l'avait suivi jusqu'aux écuries mais était restée à la porte. Les chevaux n'aimaient pas sa présence. Cette sale bête se coulait entre leurs pattes et cela les rendait nerveux. Coligny la regardait d'un oeil mauvais alors qu'elle était assise à l'entrée mais sa mauvaise humeur n'était pas à l'encontre de la bête mais à celle de Dacien. Il se renfermait de nouveau. Il avait tant espéré qu'une rupture définitive lui serait bénéfique et qu'il comprendrait qu'elle était même indispensable. Le garde du corps semblait s'être trompé. Le coeur de son ami était encore plus écorché et il ignorait qu'elle médecin pourrait l'en soigner.

Après quelques minutes, il revenait dans la petite cour; Dacien était là. Si son regard brillait, c'était bien tout ce que Coligny put ressentir de lui. Peut être aussi une certaine hargne qu'il ne s'expliquait pas. Cet homme ne cesserait jamais de se battre contre quelque chose.

Il réajusta les sangles des selles et entra dans la maison pour récurer leurs vivres qu'il enfonça dans leurs fontes respective. Puis il récupéra le nécessaire à leur voyage qu'il se glissa sur le dos et s'accroupit pour faire une caresse maladroite à Ronce.


- Et toi, tu veux venir avec nous ?

La queue de la bête raclait le sol poussiéreux et sa langue chercha à lui lécher le visage.


- Ah non ! Gardes cette langue pour te laver. Je me sens bien assez propre.


Mais la bête eut un sursaut rapide et Coligny se trouva la joue humide qu'il essuya d'un revers de manche avec un air dégoûté. Il maugréa contre la poilue blanche et s'en retourna à son cheval.


- Je crois que je me suis fait un ami. Au moins, lui, je saurais pourquoi il tient à être silencieux.

Il ne mâchait pas ses mots. Mais voyager avec Dacien n'était pas la chose la plus amusante en ce moment. Il était sans cesse dans ses pensées et ne parlait que du petit quotidien à lui donner des ordres si simples comme ramasser du bois, seller les chevaux, faire chauffer de l'eau... A croire qu'il se raccrochait à ces petites tâches pour garder un regard sur la vie qui l'entourait. Il remua la tête en montant sur le dos de sa monture.


- Je suis bien heureux de retrouver Elwin, répéta t'il comme si son ami ne l'avait pas entendu auparavant. Et vous ? finit il par demander excédé par son silence.
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Dacien_de_chenot


L'avantage avec Coligny c'est qu'il ne se sentait pas dans l'obligation de donner le change.
Les sourires de façade, la bonne humeur affichée, finissaient par le plonger dans un dégout de lui-même qu'il avait de plus en plus de mal à dépasser. Force était de constater que ces dernières semaines loin de déposer le baume du temps sur ses plaies à vif, n'avaient fait que ronger davantage encore sa blessure. Il avait fini par conclure qu'il était vain de croire pouvoir en guérir. Serait-il capable de vivre avec ? Il n'avait pas encore de réponse à cette question. La seule chose dont il était sûr c'est qu'il y travaillait sans relâche, y épuisant ses forces avec l'énergie du désespoir. C'était sans répit, de jour comme de nuit et le cueillait sans prévenir, parfois au milieu d'une soirée pourtant plaisante. Une vague venait soudain le prendre et l'entrainait dans les abysses d'une solitude infinie. Il s'accrochait alors à sa chope et s'enfermait dans un silence involontaire mais nécessaire tant les mots auraient eu de mal à franchir ses lèvres serrées.
Témoignaient de ce mal profond des yeux en permanence fiévreux et des mâchoires contractées où tressautait un petit muscle nerveux. Vivre ainsi n'était pas vivre, mais survivre.
Il n'avait jamais eu combat plus terrible à mener.

Les chevaux étaient sellés lorsqu'il gagna la cour. Il sauta sans ménagement sur l'étalon qui, surpris, renâcla en agitant l'encolure, oreilles dangereusement abaissées. Il le maitrisa fermement, pressant puissamment ses cuisses contre les flancs nerveux de l'animal, peu accoutumé à pareil traitement mais qui céda à la contrainte de la main de fer.
Le Ténébreux n'accorda que quelques instants à Col, flanqué de son cabot avant de lancer un ordre laconique.

- Allons !


Ils mirent leur monture au pas pour quitter la ville construite sur une hauteur. Les sabots des chevaux résonnaient sur les pavés alors que le soir tombait sur la capitale comtoise. Quelques chalands marchandaient les denrées qui n'avaient pas été vendues dans la journée, des paysans rentraient des champs, épaules affaissées sous le poids du labeur et déjà les premiers noctambules poussaient la porte de quelques tavernes d'où s'échappaient des rires gras et des éclats de flambeaux.
Une odeur d'urine et de chair fade, mêlée à celle de graisse chaude flottant sur la ville le fit frissonner ; il avait hâte de quitter le bourg pour lancer Nyx dans un galop salutaire.

A la question de Coligny il ne sut que répondre.
Avait-il envie de revoir Elwin ? Ni elle plus qu'une autre en fait, peut être moins sans doute qu'elle avait été le témoin privilégié de leur amour. Une envie de hurler noua soudain ses tripes.
Nyx fit un écart qui le força à reprendre sur lui.

- Par la malepeste ! Tiens donc ton petit !


L'injonction s'adressait à une mère dont l'enfant, échappant à sa surveillance, avait failli passer sous les sabots de l'andalou.
En pente douce la rue Saint-Jacques descendait jusqu'à la source qui alimentait la ville en eau potable, puis c'était la plaine du Doubs.
Sitôt passée la porte Ouest, il lança l'étalon au galop, débauche d'énergie et de risque incalculé. Cela lui éviterait de répondre aux questions et d'échapper aux regards lourds d'inquiétude et d'incompréhension qu'il sentait peser sur lui.

Il ne leur fallut que peu de temps pour parcourir la distance qui les séparaient de Soirans. L'unique auberge était située près de l'église de ce hameau désert à cette heure. Les montures furent confiées à un valet contre quelques écus.
Quelques habitués tournèrent la tête avec cette méfiance de mise en temps de guerre lorsqu'ils poussèrent la porte d'entrée, puis, jugeant sans doute qu'ils ne présentaient pas grand danger, ils reprirent le fil de leur conversation.
Le savoyard repéra Elwin à une table discrètement installée dans le fond de la pièce. Il s'avança en retirant ses gants de cuir et s'inclina sur la main de la princesse.

- Elwin, le bonjour. Avez-vous fait bonne route ?

Le visage resta grave. Le corps comme inhabité.

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Evf
Elle avait bu un verre pour tromper l'attente, perdue dans ses pensées. Elle se souvenait de leur rencontre et combien son coeur avait pu battre pour le beau savoyard. Bien fait de sa personne, c'est surtout son esprit qui avait attiré la brunette. Galant, noble, fier, courtois, et d'une intelligence vive. Elle grimaça en songeant que son pire défaut était Electra. Il était à ce point ensorcelé par cette femme qu'il n'en voyait que la surface.Cette femme l'utilisait mais ne l'aimait pas.
Elle se questionna pour savoir les sentiments qui l'attachaient encore à Dacien et réalisa qu'aurait aimé être aimée de lui. Quand elle revoyait le couple qu'ils formaient avec la blonde lorraine, son coeur se serra douloureusement. Quelle femme pourrait ne pas l'envier d'avoir ravi un tel coeur...
Elle finit par se dire que c'est de l'amour qu'elle était éprise plus que du Ténébreux. Mais s'il l'avait regardée, comme il la regardait ELLE, alors sans aucun doute l'aurait elle aimé. S'imaginer dans ses bras la fit frissonner au moment où la porte lui livrait passage. Elle rougit violemment en portant ses yeux sur lui.
Mon dieu ! Il n'était plus que l'ombre de ce qu'elle connaissait de lui ! Mais que lui était il arrivé ! Elle le trouva pale et défait. Amaigri aussi.
Sa main était glacée lorsqu'il prit la sienne pour la baiser.

Dacien, mon ami ! Coligny ! Quel plaisir de vous revoir.


Elle sourit en ajoutant :

A croire que notre petite troupe les aura effrayés, nous n'avons fait aucune mauvaise rencontre.

Elle fit signe au tavernier et commanda un pichet de cidre. A voir sa tête, Dacien n'avait pas besoin d'alcool fort. Elle attendit qu'ils fussent assis.

Vous semblez fatigué Dacien. Comment va Electra ?

Elle voulait entendre de sa bouche ce qu'elle savait déjà. Enfoncé le clou jusqu'à tuer la blonde en lui, une bonne fois pour toute. Qu'il en guérisse enfin. Ses azurs se posèrent sur Coligny, comme pour y chercher un soutien.
Coligny.
- RONCE ! Tu vas finir sous un sabot..... File de là.

Et le petit animal se mit à les devancer sans la moindre discrétion. Ce fut le seul bruit qu'ils entendirent de tout le voyage. Il avait connu Dacien bien plus bavard et lui beaucoup moins. A croire que les rôles s'étaient inversés. Il se forçait à tenir la conversation pour éviter à son ami de trop penser. Et Ronce par ci et Ronce par là. Il en parlait effectivement comme d'un enfant abandonné dont il avait la charge. Quand il ne décrivait pas les exploits de ce chien bâtard, il s'étendait sur la beauté du paysage, ou sur une partie de pêche ou encore sur les longs jours pendant lesquels il avait été malade à vomir chaque repas, chaque jour. Il se doutait d'ailleurs que leur long séjour dans la masure était dû à cela. Dacien avait attendu qu'il se remette de cette maladie inconnue. Son seigneur était un coeur tendre.

Coligny avait reprit des couleur et pouvait de nouveau avaler trop repas à la suite, ce qu'il ne se privait pas de faire tant il avait faim à force de s'être autant vidé. Ils arrivèrent à la taverne et entrèrent pour tomber pile sur Elwin. Elle était comme dans son souvenir, belle à croquer, le dos droit, dans une posture qui affichait sa noblesse. Son regard se posa de suite sur le Ténébreux et Coliny faillit dire "Oh oui, je sais, il a changé et pas en bien". Mais il s'abstint.


- Tout aussi heureux que de vous revoir Ma Demoiselle, fit il en se baissant avant de prendre une chaise.

Au moins, la jeune femme n'avait rien perdu de sa verbe et dans l'instant où ils étaient en face d'elle, elle entrait à vif dans le sujet Elektra. Coligny ne dit, ne fit rien. Il fallait savoir quand se taire. Et là Dacien se trouvait devant une amie qui pouvait bien arriver à lui faire dire ce qui le tourmentait tant. Le guérir de cette blessure était bien difficile. Il ne suffisait pas d'appliquer un fer chauffé à blanc pour empêcher la plaie de saigner. Les mots et la patience étaient les seuls remèdes. Elwin aurait les deux. Ce que Coligny n'avait pas forcément.

Le serveur posas le pichet sur la table et l'homme de main se fit un devoir de remplir les verres, prenant le sien qu'il viderait cul sec si jamais il voyait qu'il aurait à sortir pour les laisser discuter seul à seul.

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Dacien_de_chenot


Il remercia Coligny d'un simple signe de tête et saisit le godet comme si une soif ardente avait asséché sa gorge quand il ne voulait que retarder l'instant de parler.
Elektra... Bien sûr Elektra... Il aurait dû se douter qu'elle serait dans tous les esprits. Qu'aurait-il pu dire quand tous voulaient le guérir d'elle.
Imperceptiblement sa main se crispa autour du verre.
Le Ténébreux était jaloux de tout ce qui lui venait d'Elektra, fut-ce la plus terrible des souffrances. Il alternait avec elle du bonheur le plus fou à la tristesse la plus profonde, jamais éloignés pourtant, tant il leur était difficile de se passer l'un de l'autre au point que leurs amis ignoraient le plus souvent s'ils étaient amants ou s'ils ne l'étaient plus.
Il reposa lentement le verre et fixa Elwin. Rarement il lui avait été donné de voir pareille grâce. Ses yeux avaient la profondeur du ciel le plus clair quand elle les posait sur un interlocuteur. L'ovale parfait de son visage à la peau délicatement halée était rehaussé par de somptueuses boucles brunes qui retombaient sur les épaules. Dans son souvenir la taille était fine et le port de tête altier. Pourtant, malgré sa douceur, c'était une redoutable guerrière.

- La dernière fois que je l'ai vue, elle allait bien.

Il évita de prononcer son nom pour ne pas la rendre plus présente qu'elle ne l'était déjà et posa ses sinoples sombres sur la princesse.

- Mais n'avez-vous pas de ses nouvelles, vous qui lui avez écrit ?...

Ainsi, le savoyard ne lui laissait pas ignorer qu'il savait pour la lettre. Il remplit les verres et porta lentement le sien à ses lèvres.

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Evf
La blonde lui a donc parlé de la lettre. Peut-être même l'aura t-il lue. C'est aussi bien. Elle n'en a pas honte. Devrait-on avoir honte d'écrire ce que l'on pense? Son sens de l'honneur s'accorde mal des agissements d'Electra qui passe d'un lit à l'autre sous le couvert de l'indécision et sans s'inquiéter plus que ça des répercutions que ses actes peuvent avoir sur Dacien. Il ne mérite pas ça.
Deux lacs se coulent dans les émeraudes du jeune homme.

Vous m'aviez demandé de ne pas le faire. Je n'ai pas su.

Soudain elle s'enflamme, partagée entre colère contre cette sans coeur et triste pour celui qui subit le front haut, ne s'inquiétant que de la préserver, ne vivant que pour lui garantir une protection contre une meute prête à la déchiqueter au premier pas.

Mais finirez-vous par comprendre, Dacien ?


Elle détourne le regard vers Coligny, cherchant de l'aide. L'homme de main osera t-il braver les foudres daciennes au risque de perdre son amitié ? Car elle le sait, elle pourrait tout perdre. Il est assez épris d'Electra pour éradiquer tous ceux qui oseraient s'en prendre à elle. Pourtant elle ne peut la laisser le détruire sans rien tenter. Alors elle se risque.

Que diriez-vous de vous établir en France après la guerre ?
Coligny.
Ce n'était pas le moment de faire de grands discours et de montrer le bout de son nez. Le combat entre ses amis n'étaient que de mots doux et de regards intenses. Quelques doigts se serraient parfois sur le bord de table ou contre un verre, des mâchoires se crispaient peut-être mais l'un et l'autre restait poli et grave même si tendu à l'extrême.

Quand Elwyn posa le regard sur l'homme de main, il fondit et eut un moment de blanc total dans la tête. Qu'elle était belle ! Par Aristote, qu'elle était belle ! Il revint à la réalité en comprenant que ce n'était pas le moment de baver devant sa beauté, ni de garder le silence.


- Comprendre ? Que faut il comprendre dans l'amour ? Pourtant quand ce dernier devient aussi tranchant qu'une lame d'épée, il faut savoir lui donner un autre nom et s'en détourner à jamais pour qu'un nouvel amour puisse grandir. Dacien, vous savez que parfois pour rendre une terre plus fertile, il faut savoir la brûler. Gardez vos souvenirs là où ils doivent être. Dans le passé et vivez avec nous, dans le présent.

Que dire de plus. Coligny avait déjà tout tenté avec lui. Même de le frapper pour qu'il revienne à la réalité. Il lui remettrait bien une autre dérouillée s'il était certain que cela suffise à faire revenir son esprit de l'anéantissement dans lequel il se trouvait. Devant tant de mots, il se servit un autre verre qu'il but aussi vite que le premier.
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