Dacien_de_chenot
Les regards se croisèrent.
Comme il aurait été facile de l'aimer !
Elle était d'une sincérité désarmante lorsqu'elle posait ses lacs sur lui. Jamais il n'avait vu des yeux d'un bleu aussi limpide. La von Frayner pensait les choses et les disait. Elle était si dépourvue de calcul et d'artifice qu'elle en ignorait qu'entre le blanc et le noir existait toute une gamme de gris.
Doucement le savoyard prit une main si blanche qu'elle en paraissait diaphane, et la caressa. Si forte et si fragile Elwin... Si forte dans l'action, si fragile face à des sentiments qu'elle ne savait contenir envahie par ses révoltes.
- Je sais que tout ceci vous parait bien incompréhensible, Elwin, et que je dois vous sembler bien dénué d'amour propre face à cette situation. Sans doute même que je vous déçois. Mais... il sonda la profondeur de son regard sans ciller... m'aimeriez-vous différent ?
Il haussa imperceptiblement les épaules, un sourire un peu triste au coin des lèvres. Il sentait fondre sa colère, effrayé par le vide soudain qu'il ressentait et qui prenait la place annihilant toute volonté. Ce même vide qui sauva la mise de Coligny après que ce dernier ce fut exprimé. Comment osait-il lui parler d'un autre amour ? Etait-il à ce point inconscient ? Un regard absent et vide de sens se posa sur l'homme de confiance. Une fois encore, entrainé par des pensées dont le fil rouge portait Son nom, il revoyait des épisodes de l'année qui venait de s'écouler de la Lorraine aux joutes, de la Franche Comté aux obsèques de sa mère, des bivouacs au bal masqué, de leurs échanges et de leurs rires. Une année qui avait passé si vite à Ses côtés qu'il lui semblait que c'était hier qu'il avait poussé cette porte de la taverne de Chambéry. Chambéry où l'histoire avait véritablement commencé ; où elle finirait aussi sans doute.
Il secoua la tête comme pour en chasser des pensées par trop envahissantes et se concentra sur la proposition d'Elwin.
La fin de la guerre... Il soupira.
Le conflit qui agitait la France et l'Empire menaçait de durer et d'être sanglant. Cette guerre leur permettrait-elle de réaliser des projets dans l'après ?....
D'une voix caverneuse à force d'être grave, il répondit à la jeune femme avec douceur.
- Je suis savoyard et attaché à l'Empire, je ne saurais briser mon serment. Et même après la guerre, je ne puis vous promettre d'attacher mes pas aux vôtres Elwin... je ne le puis...
Il serra la main princière plus fort avant de la relâcher. Dans les yeux de Coligny il lut une telle déception qu'il se sentit l'obligation de tempérer sa réponse pour la laisser porteuse d'espoir.
- Mais seul Dieu sait ce que l'avenir nous réserve et peut-être lui plaira t'il de nous conduire en Royaume de France. Je sais que j'y aurais une amie fidèle.
Après tout, si la mort ne voulait pas de lui, peut-être serait-ce là, l'unique échappatoire.
Il vida son verre.
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