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[RP]La croisées des chemins

Omeyer59
Omeyer rendit le sourire et une tape amicale à Gawin avant que celui-ci lui dresse un portrait rapide mais très complet de l’individu recherché :

- C'était un petit homme, cinq pieds de haut, pas beaucoup plus, avec un peu d'embonpoint. Il semblait un peu voûté, sans être bossu, mais peut-être est ce parce qu'il gardait la tête rentrée dans les épaule. Il portait une petite paire de bottes, des braies noires et une tunique de lin épaisse, verte foncée, ceinte d'une large ceinture de cuir. Il y avait une capuche aussi. Les dernières fois où je l'ai vu il la portait rabattue sur la tête. Le crâne dégarni, ça je me souvient bien le premier jour où il nous a aperçus, avec à peine quelques cheveux sur le caillou. Des yeux ronds, fuyants, logés dans un visage un peu flasque dépourvu de sourcil. Le nez un peu difforme. La bouche serrée et tordue, sans sourire.

Un lutin des bois avec une tête de croque-mort.


- Hé bien tu n’as pas perdu ton coup d’œil et ton sens de l’observation à ce que je vois répondit Omey dans un sourire admiratif.
Au moins je pourrais facilement le reconnaitre : un petit chauve, sans sourcils, habillé en vert et légèrement enveloppé, ça passe pas inaperçu. Je me demande bien pourquoi il s’intéresse à Juliette…

Gawin repris la parole

- Si ça peut vous rassurer, je ne l'ai jamais vu à l'intérieur du dispensaire mais toujours à l'extérieur à surveiller les allés et venus. Il parlait parfois brièvement avec des patients qui sortaient. Je n'ai malheureusement jamais pu l'accoster car il semblait fuir à chaque fois que je faisait mine de m'approcher. Et je ne voulais pas le suivre de peur de laisser Dame Juliette seule ici.


Omey hocha doucement la tête avant de répondre :

- D’accord, c’est en effet une nouvelle rassurante, s’il n’est pas rentré, on peut espérer que ce n’est qu’un passant un peu trop curieux, dommage que tu n’es pas pu le surprendre mais tu as bien fait de rester avec Juliette.

Gawin le salua une fois qu’il avait finit de se préparer :


- Bonne nuit mon ami, et prenez garde. Mon petit doigt n'est pas le seul à m'alerter…

Omey lui sourit et leva la main en signe d’au revoir :

- Merci, bonne nuit à toi aussi, ne t’inquiètes pas, je reste sur le qui-vive, et encore merci d’avoir veillé sur Juliette…

Il le regarda s’éloigner doucement puis reporta son attention sur les allées et venues dans la grande pièce du dispensaire. La journée se terminait, la nuit tombait et les visiteurs s’en allaient les uns à près les autres, manifestement seul Gawin avait obtenu l’autorisation de rester. En peu plus tard, ce fut au tour des moines de quitter la grande salle une fois avoir préparé les malades pour la nuit.
Omey se retrouvait alors seul avec les malheureux résidents du dispensaire, les grandes fenêtres latérales diffusaient la lumière tamisée de la lune qui se reflétait sur les murs, donnant à la pièce une teinte bleuâtre. Les quelques râles et plaintes de malades souffrants troublaient par intermittence le silence.
Le fait d’avoir appris que l’individu n’était pas rentré une seule fois dans le dispensaire avait un peu fait retomber la tension chez Omeyer et donc par la même occasion sa vigilance, il luttait depuis un peu plus de 3h dans son fauteuil en scrutant la nuit à travers les fenêtres, le tout dans une position inconfortable avec les marmonnements du voisin comateux de Juliette en prime.
Il se releva doucement et se retourna vers Ju, elle était toujours là, à respirer calmement, elle était toute proche de lui mais pourtant inaccessible, il revoyait la conversation avec Gawin et il était maintenant sûr qu’il s’était montré rassurant pour ne pas l’anéantir.


Elle n’est toujours pas tirée d’affaire… soupira t’il.

Sans vraiment réfléchir et un peu dans l’élan de la tristesse Omey se rassit las dans le fauteuil, attrapa la main de Ju et commença à s’adresser à elle en chuchotant :

- coucou Ju, je ne sais pas si tu m’entends, c’est Omey… au fur et à mesure qu’il parlait il se rendait compte de l’imbécilité de son acte, elle ne pouvait ni entendre, ni parler mais il s’en moquait.

Je voulais juste te dire que j’étais vraiment désolé de t’avoir laissé partir seule… j’aurais vraiment du être là. Je suppose que ceux sont des choses qui arrivent mais… sache que je m’en veux beaucoup… Il marqua une pause assez longue.
Et … au cas où tu ne te réveillerais pas… je… je voulais te dire que… que je t’aime…

Omey resta quelques instants encore à la regarder, il espérait presque une réaction de la part de Ju mais bien évidemment il ne se passa rien ; juste un marmonnement plus fort que les autres du côté de son voisin…
Au bout d’une heure, il finit par tomber dans le sommeil malgré tout ses efforts ; la fatigue de la route et les émotions intenses qu’il avait ressenti eurent raison de lui.

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Se méfier de son talent est le premier pas du mérite
Juliette.mansart

Juliette n’arrivait toujours point à mobiliser son corps, ni même émettre quelques sons. Néanmoins il lui semblait depuis quelques jours, peu à peu, émerger plus fréquemment à une certaine conscience, une certaine réalité qui lui avait été le plus souvent interdite ces derniers temps.

Même si elle préférait cet état particulier et déroutant de semi-conscience au néant, demeurait toutefois cette souffrance de n’être qu’un témoin auditif d’une vie qui continuait de se dérouler malgré son absence, tout autour d’elle; nonobstant son piteux état. Pour une exaltée dans l'âme, il n’existe pire douleur que celle de se voir contrainte à l’observation silencieuse sans jamais avoir la possibilité de prendre part à une vie qui, qui plus est, lui échappe. Sans compter que cet état la laissait plutôt perplexe puisqu’il lui rendait quasi impossible le discernement du rêve de la réalité!

Des bribes de conversation parvenaient de plus en plus fréquemment aux oreilles de la brunette. Elles semblaient parfois revêtir une tonalité familière alors qu’en d’autres moments, purement étrangère.

Un marmonnement étrange entre autre, lui revenait inlassablement en écho, une voix masculine feutrée qui soufflait


"Mireille...non...tu es morte...."

Si bien que la jeune femme en vint à se demander si cette Mireille avait réellement existé et pourquoi cette inconnue lui venait si souvent à l’esprit… était-ce une fabulation de celui-ci ou était-ce extérieur à elle? Elle n’aurait pu dire avec certitude, néanmoins, ce murmure l’intriguait fortement.

Vint un moment où Juliette cru littéralement devenir maboule. Toute cette situation était si abracadabrante et déroutante pour elle ; elle en était même venue à croire, une certaine journée, à la présence de son ami d’enfance Omey auprès de Gawin qui semblait toujours la veiller, puisque c’était sa voix à lui qu’elle entendait le plus souvent dans son environnement immédiat.

Elle avait même cru entendre Omey confus, se repentir d'une supposée lâcheté…. et lui dire qu’il l’aimait…!? Bien qu'ils se disaient un nombre incalculable de confidences, jamais ils ne s'étaient dit ce type de révélation! Oui ils étaient toujours fichus ensemble, à faire les quatre cents coups, mais de là à s'exprimer si ouvertement leur affection mutuelle... puisque c'était l'évidence même, à quoi bon s'épancher?! Fichtre ! Cette fièvre tenace ne s’était donc point estompée depuis son arrivée?! conclut-elle intérieurement.


[Quelques journées plus tard, en pleine nuit]

Juliette crut déceler à travers ses paupières faibles, la lueur folâtre d'une flamme qui vacillait allègrement, aussi entrouvrit-elle une mirette azur pour la contempler, comme cela, tout bonnement...sans trop réaliser que pour la première fois depuis des lustres, elle reprenait enfin la maîtrise de son corps. C'est avec étonnement qu'elle aperçut Omey, avachie contre la couche de fortune qui lui servait de lit, la tête tout près de sa main. Déterminée, elle déploya toute la force qu'elle trouva en elle pour lui ébouriffer mollement sa chevelure comme elle le faisait autrefois, la trouvant d'ailleurs avec étonnement, point lissée comme à son habitude, lui donnant l'impression d'une chevelure exceptionnellement touffue. D'une voix rauque mais chaleureuse elle s'adressa à lui dans un souffle à demi-éteint

-Eh bien le chevelu... on roupille en pleine besogne? Ne devrais-tu pas me veiller?

Elle esquissa un très léger sourire en coin, largement contrainte par l'empâtement de sa bouche trop longtemps privée d'eau fraîche ; l'espièglerie d'autrefois éclaira aussitôt l'azur de ses yeux que la lueur du cierge ne manqua point de faire miroiter.
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Omeyer dormait depuis deux ou trois heures, le petit matin commençait à pointer le bout de son nez. La salle éclairait jusqu’alors par l’unique cierge posait à côté de Juliette gagnait doucement en luminosité mais tout le monde restait encore endormie.
Omey était lui, dans un sommeil sans rêve, pas vraiment réparateur, juste un sommeil presque mécanique lié à la fatigue qu’il avait accumulé les derniers jours.
Il ressenti soudain un contact familier mais il n’arrivait pas à déterminer, son cerveau étant toujours engourdi par le sommeil. C’est alors qu’il entendit une voix qu’il aurait reconnu entre mille :


-Eh bien le chevelu... on roupille en pleine besogne? Ne devrais-tu pas me veiller?


Omey ouvrit alors de grands yeux ronds en découvrant Juliette réveillée, lui ébouriffant les cheveux comme elle adorait le faire après une taquinerie.

- Je… je…


Il était complètement perdu, à moitié réveillé, cette vision était tellement improbable qu’il cru un instant être en plein rêve mais Juliette était belle et bien là devant lui, elle semblait avoir la gorge sèche et le moindre geste paraissait être un effort surhumain pour elle.
Ne sachant toujours pas quoi dire pour exprimer sa surprise et son immense bonheur de la voir réveillée, il la serra doucement dans ses bras, la larme au bord des yeux.
Il recula quelques secondes plus tard puis chuchota enfin dans un sourire.


- Je ne dormais pas tu sais… enfin j’ai peut être somnolé quelques minutes Sa voix exprimait malgré lui la honte de s’être endormi, il avait tenté de la dissimuler en plaisantant mais c’était raté.
Je suis désolé…
Tu ne peux pas savoir comment je suis content de te voir éveillée… on a cru au pire et…


Omey se rendit compte qu’elle devait mourir de soif et lui était la à discuter avec elle. Il attrapa doucement la main de Ju :


- Attends, je reviens dans une seconde ok ?


Il imagina d’abord allait chercher les moines pour leur annoncer le réveille de son amie mais il se ravisa en pensant à l’heure encore un peu matinale, ils n’ont pas qu’une patiente à gérer et doivent tenir au peu de sommeil qu’ils ont. Il se dirigea alors vers le fond de la pièce principale où se trouvait un meuble avec tous les produits utilisaient pour soigner les patients. Ses mains cherchèrent à tâtons sur les étagères. Il trouva une gourde d’eau pleine et reparti à pas feutrés vers Juliette.

- Tiens ça va te faire du bien.

Pour ne pas qu’elle ait à faire trop d’efforts, il lui approcha la gourde pour qu’elle n’ait plus qu’à boire. Il versa doucement l’eau par petite quantité afin de ne pas l’arroser. Il termina en mettant un peu d’eau sur son visage. Il sourit :


- ça va mieux comme ça ? Tu n’as pas mal quelque part ?

Il observait les expressions et le regard de son amie qu’il n’avait plus vue depuis quelques temps maintenant. Il avait envie de laisser parler ses émotions et sa joie mais il n’en fit rien, ce n’était pas le moment et c’était bien trop difficile pour lui maintenant qu’elle pouvait répondre.
Il s’assit finalement à côté d’elle en posant une main protectrice sur la sienne.

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Se méfier de son talent est le premier pas du mérite
Juliette.mansart

Juliette fut surprise par la réaction plutôt exaltée de son ami d'enfance. Jamais il ne s'était montré si...expansif à son endroit... ou alors, si, peut-être en une occasion... cette fameuse soirée, peu après leur arrivée au Périgord ; cette soirée que la brunette avait très souvent à l'esprit et qui s'était finalement achevée sur une note fort étrange ; aussi prégnante et agaçante qu'une tache d'encre diffuse échappée par mégarde sur une chemise blanche au tissu poreux.


Affaiblie, celle-ci se laissa étreindre, ne pouvant répondre qu'avec une réciprocité d'affection quasi absente en apparence. Emporté par l'émotion sans doute, Omey ne réalisa guère l'intensité de l'affection qu'il prodiguait sur le corps frêle de la jeune femme, provoquant chez elle un léger râle s'achevant en toussotement. La brunette lui murmura avec douceur

-Tout doux.. râle.... tu m'oppresses Omey...

Elle parvint à esquisser un léger sourire à l'attention de son ami, néanmoins soucieuse de ne guère l'effrayer ; après tout elle se réjouissait tout autant que lui, qu'ils soient à nouveau réunis!

Juliette accueillit l'eau fraîche d'une gourmandise et d'une avidité à peine dissimulées, entrouvrant ses lèvres, tentant d'aspirer à un rythme beaucoup plus frénétique que se faisait le débit de l'eau ; laissant échapper de petits geignements de contentement. L'eau déferlant sur son visage acheva l'ascension de sa félicité intérieure et en quelque sorte, son sentiment de renaissance. L'aspect cireux de son minois sembla aussitôt lessivé par cette eau de source, laissant sur son passage, la teinte rosée du nouveau né.

-Hmm.... merci... souffla-t-elle, poussant un profond soupir de bien-être. Tu ne peux t'imaginer le délice....

Mais la jeune femme ne parvint guère à exprimer en entier sa pensée, prise d'une quinte de toux incontrôlable qui secouait son corps fragile comme s'il allait se briser en son centre.

-Par-pardon... achève de tousser en tentant de se redresser quelque peu. Reprenant peu à un peu un souffle plus régulier elle s'enquît

-Alceste? Où est-elle? Se présentera-t-elle ici au cours de la journée? Et Gawin? Est-il retourné sur Castillon me croyant trépassée?? Il m'avait pourtant promis...

Pressant doucement la main glissée dans la sienne, elle lui souriait, toutefois les efforts déployés afin de maîtriser ce corps dont elle n'avait visiblement pas encore entièrement recouvré la maîtrise, l'avaient indubitablement exténuée, en témoignaient la lourdeur de ses paupières alors qu'elle tentait autant que possible d'aviser Omey de ses azurs endormis ; incommensurable lutte à finir.
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Il sourit ensuite lorsqu’elle apprécia les biens fait de l’eau qu’il lui avait apporté mais ce sourire disparu vite lorsque Ju fut prise d’une quinte de toux qui secoua violemment son corps. Omey inquiet, reprit soudainement conscience de l’état de santé de son amie qui était encore très faible bien qu’elle s’était réveillée. Il allait partir prévenir les moines lorsqu’elle réussit à reprendre péniblement son souffle :

- Par-pardon...


- Ne t’excuses pas pour ça voyons, ça va mieux ? Omey n’eut comme réponse qu’un bref hochement de tête et une multitude de questions.

- Alceste? Où est-elle? Se présentera-t-elle ici au cours de la journée? Et Gawin? Est-il retourné sur Castillon me croyant trépassée?? Il m'avait pourtant promis...


- heu Al… je… je ne crois pas qu’elle viendra…
il était gêné d’annoncer cette nouvelle et encore plus les raisons de celle-ci.
Elle est repartie à Casti peu de temps avant que je vienne te rejoindre ici… on s’est quitté en mauvais terme, je me suis mal comporté avec elle… désolé qu’elle ne vienne pas te voir par ma faute…

Il baissa la tête doucement, enchainant toute fois après un petit silence :

- Non non Gawin est toujours là, il est juste parti dormir un peu pendant que je prenais le relais, il doit revenir ce matin donc très bientôt.

Il vit Ju sourire avant de s’endormir à nouveau. Il resta cinq minutes à l’observer sans bouger puis il se leva doucement. Cette fois le matin arrivait vraiment, le soleil commençait à chauffer doucement les fenêtres et deux moines entrèrent dans la pièce pour lever certains malades qui devaient prendre des concoctions. Omey se dirigea vers le plus proche pour lui annoncer que Juliette s’était réveillée, avait parlée quelques minutes puis s’était rendormie. Celui-ci lui dit que c’était une très bonne nouvelle, cependant il lui conseilla d’attendre le moine qui était en charge de son amie avant de la réveiller.
Omeyer hocha doucement la tête et décida de s’autoriser une petite pause, prendre un peu l’air frais lui ferait du bien et avec les moines, il pouvait se permettre une petite absence.

Il sortit donc de la pièce principale, traversa la salle d’accueil, se rendit sous le porche et s’adossa au mur, une jambe appuyée contre celui-ci. C’est en frottant doucement son visage entre ses mains qu’il aperçut un homme de petite taille un peu plus loin sur le sentier, près d’un arbre. Omey ne savait pas pourquoi mais son instinct lui disait de se concentrer sur cet homme. Il réfléchi un instant puis se fut clair d’un seul coup : il était un peu vouté, de petite taille avec une tunique verte et une capuche rabattue, Omeyer était persuadé que c’était l’individu décrit par Gawin !
Que faire… s’il se précipitait sur lui Omey pouvait l’atteindre mais l’homme pouvait tout aussi bien disparaitre avant, de plus Gawin n’étant pas là, il laissera Juliette seule à nouveau, ce n’était vraiment pas la bonne solution…

Alors qu’il était en pleine réflexion, l’individu tourna les talons et repartit pour disparaitre du champ de vision d’Omey. Celui-ci décida de rentrer dans le dispensaire au près de Juliette et d’attendre Gawin qui ne devait plus tarder.


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Se méfier de son talent est le premier pas du mérite
Narrateur
Omey entra dans la grande salle du dispensaire en même temps qu'une plantureuse bonne sœur portant une serviette au bras et une petite bassine d'eau fumante embaumant la saponaire. Malgré ses proportions généreuses, elle avançait d'un pas rapide et plein d'énergie, comme une barrique dévalant un pré en pente. La semelle de ses sandales couinaient sur le plancher en guise d'avertissement à l'audacieux qui aurait voulu se mettre en travers de son chemin.
Comme si le visage du jeune homme lui était parfaitement familier, elle le salua chaleureusement de la tête


Votre amie est réveillée à ce qu'on m'a dit? gloussa t'elle avec un fort accent Alsacien. Comme je suis contente pour vous! Loué soit le très Haut!

Son portrait aurait pu servir d'enseigne à un marchand de choucroute. Elle arborait un joli sourire joufflu surplombant un petit menton noyé dans un deuxième, prodigieusement dodu. Ses pommettes charnues étaient roses comme un jambonneau. A l'ombre de sa coiffe monumentale en tissu blanc amidonné, ses petit yeux bleus pétillaient d'énergie et semblaient rire de l'intérieur. Elle avait la hanche généreuse et une poitrine d'éléphante, le tout engoncé dans une longue robe bleue ciel, une blouse blanche ficelée autour de son cou et de sa taille.

Je viens justement lui faire sa toilette. ajouta t'elle en se dirigeant vers la litière de Juliette.

Celle-ci se tenait assise sur son lit lorsque la bonne sœur arriva à son niveau, appuyée au dossier de sa litière, les jambes à plat sous le drap. Immobile et silencieuse, elle restait prostrée , comme une miraculée incrédule.


Bonsoir Dame, je suis Sœur Mado et je m'en viens pour votre toilette. chanta t'elle en posant sa bassine et sa serviette sur le tabouret de chevet.

Lorsque Juliette tourna ses yeux vers elle, la sœur marqua un temps d'arrêt et la dévisagea affectueusement.


C'est incroyable ce que vous lui ressemblez... C'était déjà frappant pendant que vous étiez dans le coma, mais avec les yeux ouverts, du même bleu profond, c'est encore plus criant.

Une ombre passa fugacement dans son regard et atténua son sourire.

Si je n'avais pas su qu'elle était morte, la pauvre enfant, j'aurais juré que c'était vous.

Omeyer59
Omey arriva dans la salle d’accueil puis se dirigea vers la salle principale pour rejoindre Juliette lorsque soudain, alors qu'il arrivait à hauteur de l'ouverture qui séparait les deux salles, une bonne sœur déboula juste à côté de lui. Omey qui était pourtant bien bâti paraissait un peu ridicule par rapport à la corpulence de la bonne sœur qui trimbalait une bassine fumante prête à déborder.
Omeyer eut un petit mouvement de recule lorsque celle ci, dans un grand mouvement chaleureux pour le saluer, fit faire de la haute voltige à la bassine sans renverser une seule goute malgré tout.


- Votre amie est réveillée à ce qu'on m'a dit? Comme je suis contente pour vous! Loué soit le très Haut!

Omey sourit en entendant le fort accent mais cela se transforma très vite en rictus lorsqu'il l'a vit une nouvelle fois balader la bassine entre les mains qui s'agitaient pour souligner le "Loué soit le très haut"...

- Oui oui elle s'est réveillée sur le petit matin, elle semble bien mais elle a eu une quinte de toux un peu inquiétante...

Omeyer avait laissé passer la bonne sœur la première et ils avançaient maintenant à deux dans la grande salle en direction du lit de Juliette.

- Je viens justement lui faire sa toilette

- Très bien, je viens l'a saluer et je vous laisse à deux ensuite.

Il se pencha vers Juliette pendant que la bonne sœur installait la bassine :

- Rebonjour toi, dit il dans un sourire, ça va un peu mieux ?
Je vais aller me reposer un peu pour repasser plus tard, je te laisse en bonne compagnie et Gawin devrait arriver d'ici peu, pas de bêtise hein ?


Il lui fit un clin d’œil puis un petit signe de la main pendant qu'il se reculait et que la bonne sœur se présentait à elle.
Il se dirigea vers la sortie, se retourna une fois pour vérifier que tout se passait bien puis franchit les alcôves et enfin le porche. Encore un effort pour trouver une taverne et une chambre et il pourrait s’effondrer pour récupérer de son voyage et de sa veillée.

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Se méfier de son talent est le premier pas du mérite
Juliette.mansart

Juliette demeurait-là, en position mi-assise, mi-avachie, les bras ballants, bien éveillée quoique le minois quelque peu hagard, observant les lieux et les gens en attendant le retour de ses amis ; remuant et redressant mollement ses jambes à quelques reprises comme pour se les dégourdir un peu. Tout ce temps alité semblait avoir engourdis ses membres et ceux-ci peinaient quelque peu à reprendre leur vitalité habituelle.

Une voix joyeuse attira le regard de la jeune femme vers l'embrasure de la porte, en direction de la pièce principale, bien que son propos lui extirpa aussitôt une légère grimace de désenchantement. L'idée de se faire tâter et nettoyer dans les moindre plis et replis de son corps frêle et passablement amaigri par une étrangère, si guillerette soit-elle... bof.. l'envie de festoyer ne lui venait guère et elle ne s'en cachait point!


Apercevant Omey venir de nouveau vers elle la fit néanmoins sourire.

-Oui je .. je vais plutôt bien, t'inquiètes ! *toussotte* Bien sûr, va te reposer... je serai sage promis.

Elle sourit avec douceur cogitant pour elle-même... Gawin.. ainsi donc, il était resté avec elle tout au long de ce calvaire! Il lui tardait de le revoir pour le remercier, mais également pour le rassurer sur son état. Peut-être lui avait-elle fichue la même frousse qu'à Omey?

Bonsoir Dame, je suis Sœur Mado et je m'en viens pour votre toilette.

-B'soir répondit faiblement la brunette, guère plus enthousiaste que tout à l'heure.

Les propos que lui tinrent la dévote l'intriguèrent...elle s'était adressée à elle tout bonnement, comme si Juliette avait dû savoir de qui elle parlait, de quoi il était question ; or voilà, elle n'en avait fichtrement aucune idée!

- Morte?! Qui donc? De quoi parlez-vous? avisant la joufflue d'un sourcil arqué d'incompréhension
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Narrateur
La rafale de questions sortit la sœur de sa sombre rêverie.

Oh! pardonnez moi mademoiselle, je pensais à voix haute.

Elle se tourna vers la bassine d'eau chaude, y saisit une éponge et la pressa énergiquement.

C'est une jeune femme que j'ai connue il y a quelques années au couvent de Saint-Claude poursuivit elle en entamant la toilette de Juliette par le visage et le cou. Tranchant avec son gabarit, ses gestes étaient tout en légèreté, témoignant d'une longue expérience et d'un profond respect du patient.

La mère supérieure me l'avait confiée à son arrivée. C'était une femme indépendante, fière et pleine de vie, qui n'était sûrement pas faite pour être enfermée au couvent. Même si elle était généreuse et baptisée, elle n'aurait pas sacrifié sa jeunesse à s'occuper des infirmes et des miséreux. Non, elle aimait trop la liberté pour se satisfaire de quatre murs comme décor quotidien. Et puis…

Elle baissa la voix, sur le ton de la confidence.

…elle était moins attirée par un vieux Barbu impalpable que par un jouvenceau en chair et en os.

Son visage prit un air entendu et coquin tandis qu'elle rinçait soigneusement son éponge puis Sœur Mado continua normalement son travail. Elle savonnait à présent le dos et les aisselles en passant la main sous la chemise, prenant grand soin de ne pas trop la relever.

C'est peut-être pour cela que son père l'a poussée à prendre le voile, pour s'éviter le scandale … nouveau murmure de connivence … d'un enfant illégitime. Enfin, c'est ce qu'elle m'a raconté en tout cas. La pauvre bouillait de l'intérieur, un vrai chat sauvage, aussi à l'aise dans sa robe qu'un évêque dans une armure!

Après avoir lavé le torse et le ventre de la jeune femme, la sœur occulta la litière en tirant les tentures de lin. Le parfum de la saponaire devient soudain plus intense, presque enivrant dans cet espace confiné. La litière se fit boudoir, propice au secret. Tout en lavant les parties plus intimes et les jambes de la jeune femme, Sœur Mado poursuivit son récit.

Elle n'est restée qu'un an avant d'annoncer son départ. Même si elle y songeait depuis longtemps, sa décision a été assez brutale, et je ne serais pas surprise qu'il y ait eu quelque damoiseau là-dessous. Il en passait souvent au couvent, en plus ou moins bonne santé, mais avec ce qu'il faut de charme pour affoler les jeunes sœurs recluses. Le Malin sait trop bien comment pénétrer leur cœur et les corrompre à petit feu. La pauvre n'y a pas échappé.

La sœur venait de terminer la toilette par les pieds et les orteils qu'elle avait soigneusement savonnés. Elle se redressa et marqua un temps d'arrêt, dévisageant tendrement sa patiente.

Elle est partie un matin de juin et je ne l'ai jamais revue. La rumeur nous a colporté la nouvelle de sa mort quelques semaines plus tard. Assassinée par un rôdeur qui l'aurait jeté du haut d'une falaise. Son corps n'a jamais été retrouvé.

Le regard de Sœur Mado scintilla un instant et le rebord de ses yeux s'ourla d'un mince filet de larme cristallin.

Pauvre Mireille…Que le très Haut la tienne en sa sainte garde… conclue t'elle en se signant.
Juliette.mansart

Juliette qui faisait davantage office de pantin désarticulé, écoutait avec attention les propos de la Sœur tout en demeurant physiquement docile, voire quasi inerte. La lourdeur ressentie dans ses membres l’empêchait de se montrer coopérative ni même un tant soit peu volontaire ; néanmoins, son regard azur ne la quittait guère, ne serait-ce qu’un bref instant.

St-Claude?! Pensa-t-elle. C’est que la brunette y avait résidé un certain temps suite à son exil de Touraine. L’esprit de la jeune femme ne put bien entendu résister à la tentation de lui remémorer la mort tragique d’un ami de cette époque, qu’elle avait eu le malheur d’éconduire et qui, sans doute par vengeance, l’avait conviée aux premiers rangs du spectacle de son trépas, alors qu’il arborait fièrement à son cou, l’écharpe qu’elle avait consenti à lui prêter pour l’occasion. Cette joute en son honneur, complètement insensée vu l’état de santé précaire qu’il avait, ne pouvait connaître que le dénouement macabre qu’elle avait connu! Pauvre Erwin se dit-elle… soudainement morose…

Secouant la tête afin de chasser cette sombre réminiscence, Juliette se concentra à nouveau sur les propos de la dévote.


« (…) que par un jouvenceau en chair et en os »

Les joues de la brunette aussitôt s’empourprèrent alors qu’elle gloussa timidement. Était-ce bien d’apprendre de tels secrets intimes d’une pure étrangère?!

-Oui ….je vois tout à fait ce que vous voulez dire ! Ce n’est pas vainement ni futilement que nous considérons votre choix de vie comme une vocation! Ce n’est guère pour tous!

Le ventre de la belle frémit instinctivement à l’ablution prodiguée et Juliette réalisa en cet instant, à quel point il lui était pénible et humiliant de se voir laver telle une impotente ! Après tout, elle ne comptait que 18 printemps à son actif! Par chance, la nonne par son babillage incessant et son attitude respectueuse, faisait en sorte que ce moment ne soit qu’une parenthèse banale, un moment futile qui serait très vite, espérait-elle, relégué aux oubliettes!

« (…) Assassinée (…) Son corps n’a jamais été retrouvé »

- QUOI?! OH!

Juliette arborait un minois horrifié par la fin atroce et triste qu’avait vécu cette jeune femme. Elle ne s’y attendait guère!

-Mais… mais comment est-ce possible?!

Étrangement profondément affectée, la brunette avisait la nonne au travers le nuage de brume qui avait partiellement gagné ses mirettes à présent humides. Pourquoi se sentait-elle si concernée par cette inconnue?!

« Pauvre Mireille (…) »

-MIREILLE dîtes-vous?! Juliette ne put s’empêcher de se redresser complètement sur sa couche. Mais.. j’ai rêvé d’une Mireille à mainte reprises lors de mon inconscience!

Interloquée, la brunette chercha son air un moment

-Une.. une voix masculine étrangère me soufflait toujours les mêmes mots à l’oreille….

Déglutissant, elle parvint enfin à souffler

-Mireille…non … tu es morte….

Juliette eu un frisson glacial qui lui parcourra l’échine alors qu’elle dévisageait la sœur, sans parvenir à ajouter quoique ce soit ; les yeux écarquillés et la bouche béante d’incrédulité mais aussi de frousse mal dissimulée. Elle restait là, muette, espérant secrètement que la bigote aurait une explication plausible et rassurante à lui donner.
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Narrateur
Le cri de Juliette traversa la tenture jusqu'aux oreilles du jeune homme reposant à la litière d'à côté. Il était toujours dans le coma depuis son arrivée et le Père supérieur Anselme, malgré son expérience au dispensaire, n'avait toujours pas pu mettre un nom sur ce cas de léthargie profonde.

MIREILLE dîtes vous?

Le visage émacié du jeune homme se crispa brutalement, le pli de ses yeux se serra d'avantage et sa tête bascula sur le côté comme s'il venait de prendre un crochet au menton. Elle se tourna de l'autre côté, puis de l'autre, et de l'autre encore, agitée d'une douleur intérieure indéfinissable, comme si son subconscient cherchait à chasser un insecte accroché sous ses paupières. Sa bouche balbutiait, laissant échapper des bribes incompréhensibles. Une courte accalmie, puis le corps s'anima à son tour, d'abord fugacement, par petits mouvements nerveux des doigts et des articulations. Le buste se tordit brusquement, colonne vertébrale arquée et muscles tétanisés. Un bras fouetta le vide, chassant des démons invisibles, et le drap se dressa, fantomatique, mu par les jambes du malheureux qui frappait au hasard . Tandis que dans la litière voisine Juliette ouvrait ses rêves à sœur Mado, un cauchemar s'emparait du corps gisant dans celle-ci et semblait le pétrir avec des lames de couteau.

Non…ne fait…pas ça…. gémit il péniblement, la voix entrecoupée par les contorsions.

Elle…elle y renoncera!…crois moi! lâcha t'il dans un souffle assez fort pour qu'il soit audible à travers la tenture cette fois.

Laisse la….je vais….je vais m'occuper d'elle….

Sa main saisit le drap et ses doigt s'y enfoncèrent de rage.

NON!!!!….MECREANT!!!!!!!!


Sa voix n'était plus qu'un cri, désespéré, terrifiant. Son corps tout entier se raidi, la tête renversée en arrière, enfoncée dans la paillasse, et il versa hors du lit, emportant drap et oreiller dans sa chute. Sa tête heurta violemment le tabouret servant de chevet, projetant le pôt d'eau qui éclata au sol, et il resta étendu, inanimé, les traits crispés dans une grimace de douleur, la chemise de nuit trempée par la sueur.
Juliette.mansart

Juliette fixait la soeur Mado dont l'allégresse semblait d'ailleurs s'être peu à peu estompée au gré de leur échange; elle la fixait donc du regard, tel un chien affamé fixerait les étales de viande bien fraîche - non point parce qu'elle salivait! Que nenni! Tout de même! La brunette, même en convalescence, savait se tenir! mais elle lui offrait ce même regard obnubilé et empreint d'un certain espoir, celui d'obtenir ce qu'elle désirait, dans le cas présent, des réponses, plus amples détails qui apporteraient un peu de sens à toute cette étrange énigme que représentait cette inconnue, cette ressemblance soit disant frappante, cette mystérieuse mort... mais ce furent plutôt les divagations d'une voix qui semblait venir de la litière attenante à la sienne, qui chatouillèrent inopinémentson ouï !


Elle…elle y renoncera!…crois moi! (...) Laisse la….je vais….je vais m'occuper d'elle….

La jeune femme sourcilla, jetant une oeillade interrogative sur la soeur, espérant sans mot dire, qu'elle lui confirmerait ouïr également, cette voix d'homme et qu'elle n'expérimentait guère d'hallucinations auditives! Toutefois, comme si l'échange de leur regard ne suffisait pas, Juliette s'enquît

-Rassurez-moi... vous.. l'entendez également...? Cette..voix? Je jurerais que...

Son voisin s'étant fait des plus discrets depuis le réveil de la belle au bois dormant, Juliette s'était cru seule, isolée de tous jusqu'ici. Elle prenait tout juste conscience qu'il n'en n'était guère le cas! Autant avait-il été calme et silencieux tout ce temps, il paraissait s'animer de plus en plus violemment de l'autre côté des épaisses draperies, affolant de ce fait, la brunette à peine remise de l'émoi qui lui était propre: son sommeil prolongé et l'évidence de son état précaire malgré son éveil.

NON!!!!….MECREANT!!!!!!!!

Le cri de détresse résonna dans la pièce exiguë et dans l'esprit embrouillé de la brunette dont le sang se glaça instantanément, l'empêchant du même coup de terminer sa phrase et qui, dans un sursaut d'affolement, planta aussitôt les ongles de l'une de ses mains dans la peau dodue du bras de la pauvre soeur, qui n'y était franchement pour rien! Mais, se sentant soudainement menacée par la seule présence de cet étranger qu'elle ne pouvait entrevoir, et dont la voix lui était néanmoins familière, elle n'avait pu réagir autrement ; un besoin irrépressible de s'agripper à quelque chose de tangible, et tout ce qu'elle trouva, fut le bras de la bigote!

Un fracas tout aussi paniquant s'en suivit, aiguisant à son comble, la nervosité de Juliette qui se sentait d'une vulnérabilité et d'une inutilité sans nom.

-Mais apportez-lui de l'aide! Qu'a-t-il? Pourquoi crie-t-il comme un dément!?

Redressée dans sa couche, le dos bien droit et les membres totalement crispés, elle n'y tenait plus! Il lui fallait déballer ce qui était demeuré en travers de son gosier quelques instants plus tôt, interrompue par cette même voix, cette même détresse, aussi lâcha-t-elle terrifiée en ajourant brusquement la tenture contiguë à celle dudit voisin

-Cette voix.. c'est lui! C'est lui que j'entendais! J'en suis presque ....

La vision qui s'offrit alors à elle ne fit qu'envenimer son état de panique, alors qu'horrifiée, elle ne put que demeurer le témoin impuissant de ce corps en chute libre, et de sa tête fracassant le tabouret, puis dans un murmure à peine audible, conclut bien à l'abris, derrière ses mains tremblantes dissimulant ses lèvres presque interdites par le trouble ressenti

...a- ssu- rée....

Choquée, elle ne put détacher son regard de ce corps gisant au sol avant un bon moment. Ce n'est que lorsqu'on se précipita à son chevet qu'elle éclata enfin en sanglots, délestant ainsi toute l'intensité de l'affliction ressentie ; intensité indubitablement trop puissante pour la faiblesse de son état.
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Narrateur
Sœur Mado avait également entendu les plaintes venant de la litière voisine et avait arrêté sa toilette, intriguée et curieuse. A la question de Juliette, elle opina lentement de la tête, les sourcils froncés, signifiant à Juliette qu'elle ne rêvait pas. Aucun mot ne parvenait à sortir de sa bouche qui restait fermée dans l'expectative.

NON!!!!….MECREANT!!!!!!!!

La soeur sursauta, faisant gigoter son double menton et choir son éponge.

Seigneur Dieu… lâcha t'elle en tremblant. Elle avait ramené ses mains devant elle, les doigts crispés, et semblait s'en protéger contre le Malin.

L'ordre de Juliette la fit sursauter à nouveau.


Oui…oui…l'aider bien sur….et joignant le geste à la parole elle sortit de la litière et la contourna vivement. Ses sandales claquèrent nerveusement sur le plancher et elle arriva devant le corps étendu au moment où Juliette émergeait de la tenture. Elle était livide, et l'extrémité de ses doigts frissonnaient d'émotion.

Au loin on avait entendu le vacarme et deux moines arrivaient déjà en courant. Sœur Mado sentit poindre les larmes de Juliette et malgré le trouble qui l'étreignait elle la prit dans ses bras, interposant ses larges épaules pour soustraire la scène à son regard. Les nerfs de la jeune femme craquèrent au moment où on soulevait le jeune homme évanoui pour le remettre dans sa litière. Il était de nouveau lâche et inerte comme un cadavre frais. De son cuir chevelu coulait un mince filet de sang qui s'imprégna aussitôt dans l'oreiller. Les deux moines s'en allèrent en hâte, sans doute pour aller quérir le Père Anselme, si bien que Juliette et Sœur Mado se retrouvèrent seule à nouveau avec le jeune homme allongé.

La religieuse tenait la jeune femme serrée contre elle et tenta de l'apaiser en lui parlant avec légèreté. Elle même avait à peu près retrouvé son calme, même si au fond de sa poitrine son cœur palpitait encore.


Et bien, il est dans un sale état notre Tristant…. Oh mais j'y pense! Il est grand temps de vous présenter votre voisin de chambrée maintenant que vous êtes sortit des songes. Tristant Pipourtois, le plus jeune des médecins de Bourg Il s'est installé ici il y a quelques années déjà, 4 ans je dirais, guère plus. Je ne crois qu'il en vive vraiment car c'est souvent le monastère qui lui sert le couvert et il ne porte pas tous ses habits ampoulés dont les autres médecins s'attifent orgueilleusement. Lui, il s'occupe principalement des pauvres et des sans-abris, refusant le plus souvent de se faire payer. C'est une vraie perle avec ses patients, même si lui même est toujours d'une tristesse à mourir et bien malin qui peu arriver à le faire rire aux éclats!

Elle même retrouvait un peu de gaieté en espérant en transmettre quelques bribes à sa patiente.

C'est étrange tout de même cette coïncidence.

Elle pensait cette fois à haute voix et parlait dans le vide, songeuse.

Qu'il ait officié jadis au couvent de Saint Claude et qu'il parle aujourd'hui d'une Mireille dans son sommeil, à une litière de son sosie parfait.
Juliette.mansart

La brunette toute frêle devenue par la maladie et le sommeil prolongé, ainsi enveloppée par la bonne portance de la nonne s'apaisait peu à peu. Quel contraste que l'enchevêtrement des membres de ces deux femmes physiquement et émotionnellement du moins en apparence, aux antipodes l'une de l'autre. Les épaules de la jeune femme se trouvaient toujours prises de légers soubresauts intermittents et brefs, mouvements induit par les relents de sanglots coincés dans l'abysse guttural encore noué tel un étau, par la peur et l'émoi à peine estompés. Sa brune tête demeurait nichée entre les deux monts flasques qu'avait offerts la soeur à son affolement. Cette posture lui procurait un étrange sentiment de réconfort, rarement ressenti jusqu'ici dans sa vie. Ayant perdue sa mère dès l'âge de 5 ans et ayant été éduquée par une tante aussi froide et rigide que le fer transformé, la petite Juliette n'avait guère pu expérimenter un tel réconfort, ou du moins, la jeune femme qu'elle était devenue ne parvenait guère à se le remémorer, aussi comptait-elle savourer cet instant, si fugace et puéril pouvait-il être ou sembler ; demeurant néanmoins attentive à la voix doucereuse de la dévote.

Une réflexion à haute voix la força néanmoins à relever la tête de ce douillet coussin, probablement même jusqu'à sourciller ouvertement. Elle plongea son regard dans le sien, sans mot dire, alors que son esprit troublé bouillonnait.


Étrange.. étrange... ! Tout cela n'a absolument rien d'étrange! se passa-t-elle comme réflexion, un brin agacée. Un bruit soudain et dont la provenance s'avère inconnue peut être qualifié d'étrange... une personne affichant un comportement erratique en pleine rue est étrange.. mais ça?!

Le qualificatif "étrange" lui paraissait à elle, bien trop faible! Non, la jeune brunette trouvait plutôt ce lien nébuleux qui semblait tissé entre elle et ce dément, tout simplement effrayant! Macabre! Une damnation même peut-être! Comment la nonne ne pouvait-elle y voir là, qu'une étrangeté futile, voire quasi amusante?!?


Malheureusement, en ouvrant la bouche pour protester ou à tout le moins, replacer la soeur dans la réalité morbide, elle ne s'entendit prononcer qu'un faible

-Certe... très.. étrange...d'autant que je ne l'ai jamais vu auparavant...

À peine eut-elle bredouillé ces quelques mots que sa gorge se nouait à nouveau. Quelle sotte je suis... incapable même d'évoquer mon désarroi!

-J'ai.. cependant... résidé un moment à St-Claude... il y a quelques années...mais son nom n'évoque aucune réminiscence en mon esprit...

Faisant mine de tenter de retrouver des bribes de souvenirs perdus, la curiosité de la jeune femme, vile tentatrice accablante jusqu'à être enfin rassasiée, se faisait en définitive plus insistante. Elle brûlait de jeter un coup d'oeil au possédé ; ne serait-ce que pour s'assurer que tout ce qu'il y avait de malin en lui s'était évaporé, mais également pour voir de ses propres mirettes qu'il ne courait plus aucun danger... le pauvre, quand même...

Se dérobant de l'écran protecteur dont lui servait la stature imposante de la nonne, elle jeta un coup d'oeil par dessus son épaule potelée. Écarquillant les yeux


-Oooh... mais il saigne... il est blessé, regardez l'oreiller... Il a sûrement de la douleur? Que lui est-il arrivé ? Comment en est-il arrivé à se retrouver en position d'aidé plutôt que de sauveur?
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Narrateur
La nonne ne perçu pas l'interrogation de Juliette dans son regard, et comment l'aurait elle pu? Dans son schéma de pensée, forgé à la prière et l'eau bénite, il n'y avait rien qui puisse réellement l'étonner. Les péripéties de la vie et les coïncidences n'étaient que le reflet des actions divines, le résultat de sa volonté impérieuse à laquelle tout être humain, aussi puissant soit il, devaient se plier. La où Juliette criait à l'inexplicable et à la démence, Sœur Mado ne voyait qu'une bizarrerie, une sorte de facétie divine, qui l'interpellait plus qu'elle ne l'inquiétait. Car oui, vraiment, Aristote était capable de tout, même du plus improbable. Et c'était pour elle une source d'émerveillement plus que de malaise ou d'angoisse. Le spectacle terrifiant du jeune homme, contorsionné par son cauchemar comme une poupée de chiffon, aurait certes ébranlé son assurance et sa foi, mais les tentures avaient occulté la scène et de ce qu'elle avait vu jusqu'ici, rien ne lui semblait relever du Malin. Après tout, on fêtait aujourd'hui le réveil de deux êtres dont le diagnostic vital était encore récemment des plus réservé. C'était source d'allégresse!

Quand Juliette lui annonça qu'elle avait aussi résidé à Saint-Claude, elle ne s'étonna pas vraiment, car dans cet enchaînement d'évènements à la mécanique sacrée, ce n'était qu'un rouage de plus, une coquetterie du très Haut parachevant sa construction.


Et bien, je ne sais si vous avez fréquenté le couvent à l'époque, mais peut-être l'avez vous déjà rencontré là-bas. Peut-être même vous a t'il confondu avec Mireille, allez savoir! Ce serait là un prodigieux hasard!

La tête de Juliette s'était raidi sur son épaule mais elle ne regardait plus dans sa direction. La nonne se retourna et vit en effet une auréole carmin imprégner lentement l'oreiller.

Hum…les deux moines ne penseront sûrement pas à rapporter mon onguent d'argile au thym et à l'hysope. C'est ce qu'il lui faut pour empêcher cette plaie de saigner et de s'envenimer. Restez ici, je reviens de suite. Vous pouvez faire ça? N'est ce pas?

Elle l'avait prise doucement par les épaules et la couvait d'un regard bienfaiteur, puis elle se détacha lentement d'elle et parti en courant, préférant ne pas attendre, vue la situation du jeune homme, une réponse qui aurait pu être négative.

Juliette se retrouva ainsi seule, assise sur sa couche, libre d'observer son voisin de près. Malgré la souffrance qui se lisait sur son visage, il avait de beaux traits bien dessinés, des sourcils fins, un nez droit et des pommettes saillantes. Ses cheveux mi-longs avait la couleur de l'automne, d'un brun de châtaigne. Son corps, bien qu'affaibli par l'alitement, était un mélange de robustesse et de grâce, un buste solide se soulevant lentement au rythme de sa respiration endormie, des épaules larges et des bras fermes, terminés par des mains de flûtiste.

Tout à coup, un battement de cil anima fugacement son visage. Sous ses paupières closes, le renflement de l'œil commença à bouger, lentement, comme s'il sondait la pénombre translucide que lui renvoyaient ses yeux clos. L'ourlet des paupières s'immobilisa, puis se souleva lentement, comme des persiennes, découvrant de minces fuseaux blancs striés de filaments rouges, puis deux pupille, toute noires, cernés d'un croissant d'iris d'un bleu métallique.

Le corps et la tête toujours immobiles, son regard mi-clos fouilla l'espace de sa litière, incrédule et perplexe, comme un enfant venant de naître. Il scruta le ciel de lin de sa couche sans comprendre où il était, tourna la tête à droite vers la grand salle, sans rien reconnaître, puis à gauche. Et il tomba sur Juliette.

Les yeux s'arrondirent et l'iris forma comme une île tremblante sur le blanc veiné de ses yeux.
Sa bouche s'entrouvrit, hésitante, tremblante de peur et d'ardeur à la fois.


C'est toi? C'est bien toi? Où suis-je mort aussi?
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