Et elle maintint ses petites foulées, un pas hâtif, faisant fit du limon et de la foule. Elyass n'eut pas à la voir agir bien longtemps pour déceler une femme d'action. Agile, versatile comme les vents et marées, uniquement guidée par son bon vouloir. Elle avait derrière elle des tas d'affamés à nourrir mais se préoccupait d'un soudard en attente du combat.
La rouquine, agile mais fébrile sur ses gambettes, manqua de s'affaler contre le torse en maille du blond. Ce dernier tressailli légèrement, saisissant la maladroite par les hanches de peur de basculer et que ceci finisse en bain de boue.
-Euh, pardon, si, si croyez-moi, il y a bien un messire ici: vous, vous qui faites le pied de grue depuis belle lurette et je voulais... je voulais savoir...'fin, je n'sais pas c'que je voulais...
Elle tenait désormais bien sur ses pattes, il put la lâcher. La lionne le fixait, une teinte de curiosité animait son regard. Un poids infernal sembla soudain peser sur les épaules du blond alors qu'elle paraissait chercher quelque chose dans ses pupilles, comme si elle tentait brièvement de lire en lui. Cela ne manqua pas de déstabiliser le blond, fronçant les sourcil, il se gratta nerveusement l'arrière du crâne en rétorquant.
-Faites erreur, je n'suis et ne serai jamais le sire de qui que ce soit. Croyez moi.
La rousse semblait gênée, peinant à trouver ses mots. Elyass se doutait que quelque chose la travaillait, mais ne voulait point sortir du couvent de l'esprit. Baissant un court instant la tête, Il esquissa un sourire, distrait par le désarroi de la Betchète.
-Pffff, je me sens si petite de vous avoir apostrophé de la sorte mais je me disais, que cette nuit est peu-être notre dernière et que si vous vouliez, vous pourriez... mais non, laissez tomber, j'croyais...
J'me présente, mon nom est Jheane, mes amis m'appellent la Betchète parce que je ne suis pas très grande.
Dites-moi, vêtu de la sorte, vous faites partie de ceux qui nous attendent devant la porte, en bas des remparts?
Feignant l'étonnement pour assouvir sa curiosité sur ce qui animait cette femme, il répliqua :
-Que puis-je ? Qu'avez vous cru ? vous m'semblez pleine de certitudes, moi qui pensais que nous autres étions bien au dessus des convictions d'ici-bas...
Il passa la main sur ses lèvres sèches, sous prétexte d'un grattage machinal de barbe, d'un mouvement de mâchoire contre sa paume. Il s'agissait juste d'une façon pour lui de faire taire cette mauvaise langue qui prenait souvent le pas sur la sagesse. Se rappelant ses bonnes manières, il la salua, inclinant légèrement la tête, la main sur le cur.
-Je suis Elyass, plaisir d'vous connaitre Jheane. J'vous ai vu, z'êtes bien grande oratrice. Si seulement cette bande d'ingrats pouvaient reconnaître la bonté rarissime dont vous faites preuves, vous et vos compagnons....
La rouquine baissa alors le regard, comme pour rappeler au blond qu'il avait omit de répondre à une question. Il souffla du nez, d'un rictus amusé.
-Ce soir, je me battrai avec vous et me taillerai une bonne tranche de cette belle noblesse Bourguignonne. Je suppose que cela répond à vot'question.
"Advienne que pourra" Songea-t-il. A ces mots, il se rappela du devoir qu'il l'attendait cette nuit, à la cinquantaine d'assaillants qui s'apprêtaient à lancer l'assaut. Il songea à la mort, au jugement prochain qui l'attendait s'il tombait au combat. Pour l'heure, son âme, son esprit étaient entièrement focalisés sur la bataille qui se préparait. Et alors, livide, froid comme l'acier de sa lame, il alla pour poursuivre son chemin. Tournant le dos à la petite rouquine.
-Tachez de survivre, les ingrats, nobliaux et autres royalistes finiront au bout d'une corde si vous et vos hommes n'êtes plus là pour les protéger.