Flaminia.m.
Venise, printemps 1453.
Sur le canal, les gondoles glissent avec légèreté, l'onde à peine ébranlée par les rames des maures aguerris par l'exercice, ça ne pue pas encore, ce n'est pas encore l'été, mais ça ne saurait tarder. Et tout est prêt pour la liesse de ce soir, puisque c'est jour de tournois organisés par le doge qui a voulu en mettre plein la vue aux étrangers venus voir la Sérénissime et ses commerces.
Quel plus beau commerce que celui de la chair.. Venise qui deviendra célèbre à travers l'Europe, l'est déjà un peu, et parmi toutes ces fleurs qui étendent leurs corolles colorées pour éblouir les commerçants et condottieres, il y en a une qui a ouvert ses pétales il y a peu et qui pourtant fait déjà parler d'elle à outrance, et à la fenêtre d'une maison, on peut apercevoir une opulente chevelure luisante d'avoir été brossée et enduite d'eau de jasmin.
« Je ne veux pas y aller, la dogaresse me méprise de toute façon, lâche la donzelle en se considérant dans le verre du petit miroir.
-Tu iras Flaminia. Tu sais très bien que toutes les courtisanes ont été appelées, si tu n'y vas pas, le doge pourrait prendre cela pour une offense et la dogaresse aurait gain de cause. Vois cela comme une aventure, il y aura plein d'hommes, assez pour vous toutes, tu dois penser à cela, le ton de sa mère est docte, sans même une intonation. Elle vend sa fille chaque jour, et sa plus grande préoccupation est bien de savoir qui lui en donnera le plus. De toute façon, je t'ai engagée pour ce soir. Tu iras. »
Et elle ira. Bien sûr qu'elle ira. Pourtant, l'idée même de devoir disputer des clients à des femmes qu'elle considère comme décrépies lui arrache un frémissement.
Le soir venu, le petit pied se pose sur le pavé de la villa du doge, et avec lui, c'est toute la personne de Flaminia Marionno qui suit. Sa mère à ses côtés, elle traverse les groupes de personnes présentes, souriant aux connaissances, esquissant un baiser à ses accoutumés, une moquerie aux rivales. Elle est là parce que sa mère l'a voulu, et sa victoire à elle, est d'avoir imposé son choix vestimentaire. Elle est vestale ce soir, la robe est à la mode de l'époque mais d'un tissu plus léger d'un or pâle et la chevelure a été piquetée de fleurs de jasmin qui s'étalent comme des perles dans l'or roux. Pas de fard, pas d'artifice, elle a pour elle les plus beaux charmes, elle est jeune, cela vaut toutes les pierres et les incarnats. Elle est ce que Venise a de mieux à offrir à ses invités, la beauté assortie d'une jolie répartie.
Et puisque le doge l'a voulu là pour charmer, la voilà qui fait son office. Retenant d'une main ses cheveux, elle s'avance vers une tapisserie présentée pour l'admirer, se sachant admirée à son tour, sans compter sur ..
« Flaminia !, lance un freluquet à la peau grêlée par l'acné. Flaminia, vous êtes ici ! »
Non ! Non, elle voudrait être mille fois ailleurs, qu'à côté de Giacomo Ghisi, celui qu'elle a repoussé après une nuit horrible même si bien payée. Et elle bat en retraite la donzelle, tant et si bien qu'elle recule dans un corridor et manque de tomber à la renverse quand la traîne de sa robe vient se prendre sous son pied et l'obstacle derrière elle.
La main se raccroche à un pourpoint, on entend pas si loin les bruits du Ghisi qui se rapproche. Le malaise est palpable, elle s'est ridiculisée et dans les yeux vairons qui se lèvent vers l' « obstacle » derrière elle, il y a des larmes et de la rage.
« Sauvez-moi. »
Ce n'est pas une supplique, une promesse tout au plus.
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Sur le canal, les gondoles glissent avec légèreté, l'onde à peine ébranlée par les rames des maures aguerris par l'exercice, ça ne pue pas encore, ce n'est pas encore l'été, mais ça ne saurait tarder. Et tout est prêt pour la liesse de ce soir, puisque c'est jour de tournois organisés par le doge qui a voulu en mettre plein la vue aux étrangers venus voir la Sérénissime et ses commerces.
Quel plus beau commerce que celui de la chair.. Venise qui deviendra célèbre à travers l'Europe, l'est déjà un peu, et parmi toutes ces fleurs qui étendent leurs corolles colorées pour éblouir les commerçants et condottieres, il y en a une qui a ouvert ses pétales il y a peu et qui pourtant fait déjà parler d'elle à outrance, et à la fenêtre d'une maison, on peut apercevoir une opulente chevelure luisante d'avoir été brossée et enduite d'eau de jasmin.
« Je ne veux pas y aller, la dogaresse me méprise de toute façon, lâche la donzelle en se considérant dans le verre du petit miroir.
-Tu iras Flaminia. Tu sais très bien que toutes les courtisanes ont été appelées, si tu n'y vas pas, le doge pourrait prendre cela pour une offense et la dogaresse aurait gain de cause. Vois cela comme une aventure, il y aura plein d'hommes, assez pour vous toutes, tu dois penser à cela, le ton de sa mère est docte, sans même une intonation. Elle vend sa fille chaque jour, et sa plus grande préoccupation est bien de savoir qui lui en donnera le plus. De toute façon, je t'ai engagée pour ce soir. Tu iras. »
Et elle ira. Bien sûr qu'elle ira. Pourtant, l'idée même de devoir disputer des clients à des femmes qu'elle considère comme décrépies lui arrache un frémissement.
Le soir venu, le petit pied se pose sur le pavé de la villa du doge, et avec lui, c'est toute la personne de Flaminia Marionno qui suit. Sa mère à ses côtés, elle traverse les groupes de personnes présentes, souriant aux connaissances, esquissant un baiser à ses accoutumés, une moquerie aux rivales. Elle est là parce que sa mère l'a voulu, et sa victoire à elle, est d'avoir imposé son choix vestimentaire. Elle est vestale ce soir, la robe est à la mode de l'époque mais d'un tissu plus léger d'un or pâle et la chevelure a été piquetée de fleurs de jasmin qui s'étalent comme des perles dans l'or roux. Pas de fard, pas d'artifice, elle a pour elle les plus beaux charmes, elle est jeune, cela vaut toutes les pierres et les incarnats. Elle est ce que Venise a de mieux à offrir à ses invités, la beauté assortie d'une jolie répartie.
Et puisque le doge l'a voulu là pour charmer, la voilà qui fait son office. Retenant d'une main ses cheveux, elle s'avance vers une tapisserie présentée pour l'admirer, se sachant admirée à son tour, sans compter sur ..
« Flaminia !, lance un freluquet à la peau grêlée par l'acné. Flaminia, vous êtes ici ! »
Non ! Non, elle voudrait être mille fois ailleurs, qu'à côté de Giacomo Ghisi, celui qu'elle a repoussé après une nuit horrible même si bien payée. Et elle bat en retraite la donzelle, tant et si bien qu'elle recule dans un corridor et manque de tomber à la renverse quand la traîne de sa robe vient se prendre sous son pied et l'obstacle derrière elle.
La main se raccroche à un pourpoint, on entend pas si loin les bruits du Ghisi qui se rapproche. Le malaise est palpable, elle s'est ridiculisée et dans les yeux vairons qui se lèvent vers l' « obstacle » derrière elle, il y a des larmes et de la rage.
« Sauvez-moi. »
Ce n'est pas une supplique, une promesse tout au plus.
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