Valerian
- C'est une drôle de chose que la vie - ce mystérieux arrangement d'une logique sans merci pour un dessein futile. Le plus qu'on puisse en espérer, c'est quelque connaissance de soi-même - qui vient trop tard - une moisson de regrets inextinguibles.
Joseph Conrad
Il est des destinées parfois bien hasardeuses, de retrouvailles en retrouvailles, toujours brèves et problématiques, leur rencontre survenaient toujours aux mauvais moments, aux mauvais endroits.
Le sort s'acharne à ne jamais les réunir dans un climat propice, la promesse de se revoir le lendemain sera une fois, de plus, brisé par le sort.
La défense, les aides, le ravitaillement, ensuite, le départ pour sa ville, enfin, il rentre chez lui sans espoir de le revoir, sans même le trouver pour lui dire au revoir.
Il laisse une courte missive à la tente des soignants, quelques lignes tracées à la hâte, un rendez-vous donné en un autre lieu.
La joie de retrouver la blonde sera de courte durée, les nouvelles ne sont pas des mieux, ni pour la sécurité, sans parler de l'état de son amie, des révélations faites, un coup de sang, le sort s'acharne à blesser encore et toujours les mêmes.
Être l'épaule sur laquelle se reposer, pleurer, se confier, une présence nécessaire, un soutien inconditionnel envers sa Suzeraine, une brèche qui s'agrandit au fur et à mesure d'une autre part entre la rousse et lui.
Une histoire d'amitié, d'attirance, de confidences, des rires aux larmes, une amitié éclatée par un échange charnel, brisera leur complicité, sentiments dévoilés, trop vite, trop tôt, un cur pas prêt, pas libre et tout vole en éclats.
Une mise en péril d'un équilibre devenu fragile par un jeu subtil de séduction, s'effondrant comme un château de sable, emporté par la brise d'une réalité souvent cruelle.
L'esprit obsédé par des océans turquoise, un sourire, des traits, un brun, il a bon aimé la rousse, mais pas de l'élan qu'elle attend, qu'elle souhaite, il n'arrive à mentir ou faire semblant.
Retour sur les remparts pour le trio, unis contre les aléas, malgré les rancurs, les déceptions ou les chagrins.
Les jours passent et aucune nouvelle, il ne sait si,on lui a transmit sa missive, peut-être ne l'a-t-il jamais eue, de suppositions en suppositions, il se traîne entre sa chambre d'auberge et les remparts.
Le voilage de sa fenêtre soulevé, le regard se perd au hasard des rues, il sera de garde cette nuit encore, impossible de trouver le repos, toilette faite, vêtu, il s'aventure, sans but précis, la taverne, probablement, sera son lieu d'aboutissement.
Mains fourrées en poche, sale habitude, il regarde le bout de ses bottes soulevées la poussière de la route, un juron suivit d'un bruit reconnaissable, sûrement un ivrogne se querellant tout seul, les prunelles se portent sur la ruelle, pauvre hère, trop d'abus probablement.
Le soleil, lui brouille la vue, il cligne des paupières à plusieurs reprises, pris à nouveau d'hallucinations ? Ces derniers temps, elles ne le quittent plus ! Elles sont tenaces !
Lui, ici, en train de jurer et se fâcher contre un tonneau ?
Foutue mécanique qui s'enchaîne devant l'espoir que ce soit lui, il s'approche, prend appui de son épaule contre le mur
Une dispute amoureuse ?
Pas terrible comme approche, pas de bon jour, excuse-moi, non, juste cette boutade à laquelle il réplique sur la même mesure.
Le rapprochement est instinctif, nécessaire, indubitable, les yeux expriment ce que les badineries ne disent, un reproche, une promesse de se venger et le tour est joué.
La ruelle et le tonneau lâchement abandonné pour rupture radicale, restent derrière eux, la porte de l'auberge sera franchie, les premières marches, les suivantes seront un peu plus périlleuses, ils sont ivres, pas d'alcool, simplement de désir.
Une porte de chambre d'auberge se ferme, cliché banal, histoire quelconque de deux amants qui se retrouvent et savourent l'instant accordé.
Ordinaire pour vous peut-être, dans cet espace clos, deux curs battent à l'unisson, vibrent sur le même rythme, entre baisers volés, donnés, échangés, une histoire s'écrit, celle improbable de deux hommes séparés par le destin que la vie n'a de cesse de réunir.
Une attirance chimique, mathématique, boulimique, l'un de l'autre, une lutte incessante d'un besoin absolu d'être ensemble plus qu'un instant.
Les histoires d'amour finissent mal en générale, celle-ci cherche à triompher malgré les obstacles.
Est-ce la chaleur d'une flamme éternelle ?
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