Ellya
Marseille.
La première et dernière fois que la religieuse y avait mis les pieds, elle était jeune. Terriblement jeune. Elle venait de quitter sa Gasconha natale avec son fiancé d'alors et, surtout, avec une candeur à toute épreuve. Il avait voulu lui montrer l'autre mer, l'amoureux qu'il était ne souhaitant que faire briller ses yeux clairs. Mais son regard à elle ne voyait à ce moment-là que l'horrible choix à faire entre se marier à ce soldat pataud, qu'elle appréciait au demeurant, et prononcer ses voeux majeurs dans sa chère abbaye de Noirlac.
Le destin étant ce qu'il est, elle se retrouva à épouser un autre homme, quinquagénaire misogyne et spinoziste de surcroît, pour une cause soi-disant juste, mais s'étant révélée être un calvaire de plusieurs années.
L'innocente et aimable Ellya était devenue, au fil de son mariage, une femme meurtrie, abusée et désabusée, une mère exclue et distante malgré elle, une épouse meurtrière et une veuve lasse et rongée par le péché.
C'est pourquoi elle avait décidé d'entreprendre ce pèlerinage vers le bout du monde. Alexandrie. Deux raisons principales l'y poussaient.
La première, qui avait suscité l'envie, résidait dans une relation de longue date et pourtant mal entretenue. Uriel. Il l'ignorait, mais avait eu tant d'importance et tant d'écho dans les actions de la Duranxie qu'il serait difficile de toutes les nommer. Il était le seul à qui elle n'avait jamais voulu se confesser. Elle avait essayé un jour, mais sa lettre n'avait pas trouvé le bon destinataire. Puis elle avait appris sa mort, abruptement. En avait pleuré, assurément. Elle s'était même rendue jusqu'en Lorraine en espérant y trouver une sépulture qui aurait honoré sa mémoire, n'ignorant pas que son corps n'y avait pas été rapporté, et avait eu l'intense déception de voir qu'aucun souvenir de lui n'y était. Alexandrie, donc. Comme dernier espoir de se confesser auprès d'un mort.
La seconde enfin, qui avait généré le besoin. Elle avait entendu, au détour d'une taverne, que non loin se trouvait une falaise. Si l'on y sautait, l'on pouvait avoir la chance d'avoir une rencontre exclusive avec le Créateur. Et comme elle avait besoin d'être jugée... Quitte à ce qu'Il lui refuse la résurrection.
Un pèlerinage donc, qu'elle aurait souhaité accomplir seule. Et pourtant elle se retrouvait accompagnée de sept personnes qui faisaient de ce voyage un véritable chemin de croix!
Il y avait son fils, revenu au bercail après une quinzaine d'année d'éloignement voulu par son défunt époux, pour lequel elle n'arrivait à n'éprouver aucun amour maternel. Sa pupille qui se rapprochait dangereusement de sa progéniture. Une amie poétesse et un idiot d'écrivain qui avaient décidé, durant le pèlerinage, de tester chacun des péchés sous le regard horrifié d'Ellya. Un maistre d'arme qui ne lui inspirait que du mépris - et c'était réciproque. Une jeune femme qu'elle ne connaissait pas encore. Et, cerise sur le pudding à l'arsenic, une vieille folle qui se disait voyante.
Il y avait aussi Antoynette qui ne manquait pas de lui reprocher sa froideur vis à vis des autres. Antoynette et sa jeune enfant. Jeune enfant qu'elle lui avait confiée et qui s'était chopée une maladie, à cause d'elle assurément. Même si la Cistercienne n'avait plus la chaleur de sa jeunesse, elle culpabilisait toutefois de l'état d'Olympe.
Nous voilà arrivés. Pause de... Plusieurs jours.
On se sépare! Sashah et Juste, vous cherchez une auberge. Sibylle et Gerei, un bateau. Antoynette et Paondora, de quoi nous nourrir convenablement avant le départ.
Amen.
Laissant son âne Onyme aux bons soins de sa pupille, Ellya partit en direction du marché, espérant y trouver un remède pour la petite et, surtout, afin de s'éloigner de ce groupe farfelu qui excédait sa patience.
Vêtue de sa bure blanche (enfin, blanc-sale maintenant), les pieds nus, sa médaille aristotélicienne battant contre sa poitrine au rythme de ses pas, son épaisse chevelure blonde tressée et reposant sur son épaule gauche, quelques rides au coin des yeux, toujours trop chétive, elle se fraya un chemin parmi les commerçants, se laissant séduire par ceux qui tentaient d'alpaguer les clients à grands cris.
Un liiiiiivre des vertuuuuus, exemplaiiiire uniiiiique écrit par Chriiiistooos lui-même! C'est une affaiiiiire!
Non?!
Siiii, ma bonne dame! Regardez!
Waw!
500 écus! Une affaiiiire je vous dis!
Waw!
Elle les avait, ces écus. Prise de fièvre acheteuse, elle était prête à se faire duper. C'est qu'il était beau, ce livre de contrefaçon, en plus!
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La première et dernière fois que la religieuse y avait mis les pieds, elle était jeune. Terriblement jeune. Elle venait de quitter sa Gasconha natale avec son fiancé d'alors et, surtout, avec une candeur à toute épreuve. Il avait voulu lui montrer l'autre mer, l'amoureux qu'il était ne souhaitant que faire briller ses yeux clairs. Mais son regard à elle ne voyait à ce moment-là que l'horrible choix à faire entre se marier à ce soldat pataud, qu'elle appréciait au demeurant, et prononcer ses voeux majeurs dans sa chère abbaye de Noirlac.
Le destin étant ce qu'il est, elle se retrouva à épouser un autre homme, quinquagénaire misogyne et spinoziste de surcroît, pour une cause soi-disant juste, mais s'étant révélée être un calvaire de plusieurs années.
L'innocente et aimable Ellya était devenue, au fil de son mariage, une femme meurtrie, abusée et désabusée, une mère exclue et distante malgré elle, une épouse meurtrière et une veuve lasse et rongée par le péché.
C'est pourquoi elle avait décidé d'entreprendre ce pèlerinage vers le bout du monde. Alexandrie. Deux raisons principales l'y poussaient.
La première, qui avait suscité l'envie, résidait dans une relation de longue date et pourtant mal entretenue. Uriel. Il l'ignorait, mais avait eu tant d'importance et tant d'écho dans les actions de la Duranxie qu'il serait difficile de toutes les nommer. Il était le seul à qui elle n'avait jamais voulu se confesser. Elle avait essayé un jour, mais sa lettre n'avait pas trouvé le bon destinataire. Puis elle avait appris sa mort, abruptement. En avait pleuré, assurément. Elle s'était même rendue jusqu'en Lorraine en espérant y trouver une sépulture qui aurait honoré sa mémoire, n'ignorant pas que son corps n'y avait pas été rapporté, et avait eu l'intense déception de voir qu'aucun souvenir de lui n'y était. Alexandrie, donc. Comme dernier espoir de se confesser auprès d'un mort.
La seconde enfin, qui avait généré le besoin. Elle avait entendu, au détour d'une taverne, que non loin se trouvait une falaise. Si l'on y sautait, l'on pouvait avoir la chance d'avoir une rencontre exclusive avec le Créateur. Et comme elle avait besoin d'être jugée... Quitte à ce qu'Il lui refuse la résurrection.
Un pèlerinage donc, qu'elle aurait souhaité accomplir seule. Et pourtant elle se retrouvait accompagnée de sept personnes qui faisaient de ce voyage un véritable chemin de croix!
Il y avait son fils, revenu au bercail après une quinzaine d'année d'éloignement voulu par son défunt époux, pour lequel elle n'arrivait à n'éprouver aucun amour maternel. Sa pupille qui se rapprochait dangereusement de sa progéniture. Une amie poétesse et un idiot d'écrivain qui avaient décidé, durant le pèlerinage, de tester chacun des péchés sous le regard horrifié d'Ellya. Un maistre d'arme qui ne lui inspirait que du mépris - et c'était réciproque. Une jeune femme qu'elle ne connaissait pas encore. Et, cerise sur le pudding à l'arsenic, une vieille folle qui se disait voyante.
Il y avait aussi Antoynette qui ne manquait pas de lui reprocher sa froideur vis à vis des autres. Antoynette et sa jeune enfant. Jeune enfant qu'elle lui avait confiée et qui s'était chopée une maladie, à cause d'elle assurément. Même si la Cistercienne n'avait plus la chaleur de sa jeunesse, elle culpabilisait toutefois de l'état d'Olympe.
Nous voilà arrivés. Pause de... Plusieurs jours.
On se sépare! Sashah et Juste, vous cherchez une auberge. Sibylle et Gerei, un bateau. Antoynette et Paondora, de quoi nous nourrir convenablement avant le départ.
Amen.
Laissant son âne Onyme aux bons soins de sa pupille, Ellya partit en direction du marché, espérant y trouver un remède pour la petite et, surtout, afin de s'éloigner de ce groupe farfelu qui excédait sa patience.
Vêtue de sa bure blanche (enfin, blanc-sale maintenant), les pieds nus, sa médaille aristotélicienne battant contre sa poitrine au rythme de ses pas, son épaisse chevelure blonde tressée et reposant sur son épaule gauche, quelques rides au coin des yeux, toujours trop chétive, elle se fraya un chemin parmi les commerçants, se laissant séduire par ceux qui tentaient d'alpaguer les clients à grands cris.
Un liiiiiivre des vertuuuuus, exemplaiiiire uniiiiique écrit par Chriiiistooos lui-même! C'est une affaiiiiire!
Non?!
Siiii, ma bonne dame! Regardez!
Waw!
500 écus! Une affaiiiire je vous dis!
Waw!
Elle les avait, ces écus. Prise de fièvre acheteuse, elle était prête à se faire duper. C'est qu'il était beau, ce livre de contrefaçon, en plus!
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