Carnil
Les Alpes. Les traversées des divers cols avaient été des plus périlleuses avec les premières neiges aux sommets. Les températures s'étaient nettement rafraichies à mesure que le groupe s'était approché de la chaîne de montagne et que l'automne indiquait poliment le chemin à son compère l'hiver. Les journées étaient devenues de plus en plus courtes, si bien qu'ils passaient autant de temps à veiller auprès d'un feu qu'à chevaucher. Le voyage avait été calme depuis Firenze, et les deux époux devant le Très Haut avaient retrouvés un sourire arraché depuis moult années par les méandres de leurs malheurs. Bientôt ils retrouveraient mêmes leurs enfants, leurs proches, leurs terres, leur vie trépidante. Cette dernière allait enfin pouvoir reprendre un cours proche de la normalité. Celle qui s'était acharnée sur les deux nobles à tant de reprises, allait enfin se désintéresser d'eux. Charles en était certain. Ces épreuves qu'elle leur avait imposées, ils les avaient traversées, avec force, courage et honneur. Chacune d'elles leur avait permis de consolider leur lien, de se rapprocher toujours un peu plus, de leur faire prendre conscience que malgré toutes ces rafales dignes des hivers les plus glacés, la vie semblait belle une fois l'éclaircie venue pour réchauffer les curs meurtris.
La Pieuse et le Preux échangeaient des regards emplis d'heureux sentiments lorsque le groupe eut une vue sur l'impressionnant massif des Ecrins. Le Royaume de France, ils en étaient à la frontière et ce magnifique paysage signifiait leur arrivée en province delphinale. Cela voulait également dire que l'escorte des Sergents et Chevaliers d'Armes Hospitaliers prenait fin. Les deux anciens Gouverneurs s'étaient attachés à leur présence, à leur compagnie et les adieux furent chaleureux. Leur présence, leurs armes, leur nombre avaient garanti un retour sans grand danger, loin des ennuis et des représailles. Le Duc d'Hostun avait d'ailleurs tenté de s'attacher les services de l'un d'eux. Mais il n'avait pu convaincre un jeune italien de quitter son ordre, bien que celui-ci avait longuement hésité avant de se décider.
C'est donc au nombre de quatre qu'ils poursuivirent le voyage. La descente du col Eponyme débuta au petit matin, en compagnie des chevreuils laissant leurs traces dans les premières neiges bordant le chemin. La Vicomtesse de Guillestre avait proposé de faire une halte au domaine du Seigneur de Montgenèvre. Mais chacun jugea au final qu'il y avait peu de chance qu'il y soit présent. Aussi décidèrent-ils de poursuivre jusque Briançon. Ils leur avait fallu une matinée pour atteindre la vallée où ils purent talonner les flancs de leurs montures. La Vassale du Preux de Macquart avait rejoint son suzerain et s'était blottie tout contre lui. L'excellente excuse pour les deux jeunes épousés, s'ils en avaient eu besoin, était qu'ils avaient pour désir d'atteindre la ville avant ou peu après la tombée de la nuit, ce qui n'eut été réalisable avec une cavalière en amazone.
Le soleil avait cependant gagné l'horizon avec une plus grande célérité que les voyageurs. Si bien qu'ils suivirent les lueurs de la ville qui ne semblait être qu'à une petite lieue. La bonne humeur de chacun repoussait la fatigue pourtant bien présente chez les hommes et les montures. Ils traversaient un passage bien boisé, accroissant l'obscurité de la nuit, dont le ciel était tapissé de menaçants nuages. Charles et ses deux sergents d'armes furent intrigués par la soudaine excitation des chevaux. La menace d'une tempête était certes présente, mais leur réaction était quelque peu inhabituelle. Aussi le Chevalier fit-il signe à ses hommes de redoubler de vigilance et serra un peu plus son épouse tout contre lui. Il lui déposa un léger baiser sur le sommet de s tête afin de la rassurer et lui intima de s'agripper à lui.
Un cor retentit soudain, rompant le silence qui était devenu des plus pesants. Il masqua le sifflement d'une rafale de flèches provenant des arbres. L'une avait atteint le heaume du duc, une autre s'était plantée dans sa jambe. Il n'y prêta guère attention et tonna ses directives à ses deux hommes qui ripostaient déjà.
« On se sépare !!! Hugues !!! Montre leur ce qu'est un archer !!! Jean Eudes !!! Reviens avec des renforts !!!
FOOOORCE ET HOOOONNEUR !!! PAR LA FLAMME ET PAR LE FER !!! A MOOOORT !!! A MOOOORT !!! »
Les deux hommes s'exécutèrent dans un cri de guerre. Hugues, déjà atteint au bras, permit aux deux nobles et à son frère d'armes de s'éloigner de la ligne de tir principale. Il lutta contre les ombres et la mort un long moment, envoyant cette dernière trouver autant que possible les assaillants. Le bois transperçant sa gorge de par et d'autre eut à terme raison de sa foi. Jean Eudes, quant à lui, n'avait eut que l'épaule de touchée lors de la première rafale. Une seconde flèche avait atteint l'avant de son bras, ne le ralentissant nullement dans sa mission. Il fut rapidement hors de danger.
Les deux anciens gouverneurs essuyèrent quant à eux plus de tirs. Charles n'avait pas la possibilité de riposter, si bien qu'ils représentaient une simple cible mouvante. L'ancien Maréchal d'Armes passait rapidement d'un arbre à un autre, prenant des trajectoires impossible à anticiper, ce qui leur permit de sortir du piège qui leur avait été tendu. Qui cela était-il? De simples bandits? Des mercenaires engagés par les Di Bardi qui étaient parvenus à les suivre? Le Duc d'Hostun ne se posa point la question. A plusieurs reprises, les cris de peur et de douleur de son amour lui avait transpercé le cur. Lui-même avait le bras, les côtes et les jambes transpercées de toute part. Il redoutait le moment où il devrait constater l'état de Francesca Amalya dont l'étreinte était devenue faible. Il la savait en vie, elle s'adressait à lui mais il ne distinguait que deux mots, « église » et « amour ».
Une fois à la lisière de la forêt, arrivant dans la ville faiblement éclairée, il découvrit difficilement mais avec effroi qu'une flèche avait atteint la poitrine de la Baronne de Saint-Firmin. Cela n'était peut-être pas la seule, mais il savait ce que cela signifiait. Sa vision se fit alors trouble, tandis que les larmes roulaient sur ses joues et ajoutait un goût salé au sang baignant dans sa bouche. Il se sentait si faible et impuissant. Seul la monture avait été miraculeusement épargnée.
« Francesca, je suis là, pour toi, sanglota-t-il avec douleur. Je reste auprès de toi, et cela à jamais. Je te renouvelle mon serment. N'aie pas peur car je te protège. »
L'ancien Officier Royal n'entendit pas les cris de son Sergent d'Armes, Jean Eudes, retentissant dans la ville endormie. Il avait perdu toute perception du monde réel. Il lui semblait entendre la mort au loin, mais il s'efforçait de l'ignorer et se concentrait sur la Dame de Jaillans et sur l'église qui était à portée. A bout de force, ils s'écroulèrent finalement sur le parvis, au plus proche des cieux et du paradis. Ils vivaient là leurs derniers instants parmi les hommes, il le sentait. Son regard était posé dans celui de la Pieuse autour de laquelle sa vie avait prit tout son sens.
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La Pieuse et le Preux échangeaient des regards emplis d'heureux sentiments lorsque le groupe eut une vue sur l'impressionnant massif des Ecrins. Le Royaume de France, ils en étaient à la frontière et ce magnifique paysage signifiait leur arrivée en province delphinale. Cela voulait également dire que l'escorte des Sergents et Chevaliers d'Armes Hospitaliers prenait fin. Les deux anciens Gouverneurs s'étaient attachés à leur présence, à leur compagnie et les adieux furent chaleureux. Leur présence, leurs armes, leur nombre avaient garanti un retour sans grand danger, loin des ennuis et des représailles. Le Duc d'Hostun avait d'ailleurs tenté de s'attacher les services de l'un d'eux. Mais il n'avait pu convaincre un jeune italien de quitter son ordre, bien que celui-ci avait longuement hésité avant de se décider.
C'est donc au nombre de quatre qu'ils poursuivirent le voyage. La descente du col Eponyme débuta au petit matin, en compagnie des chevreuils laissant leurs traces dans les premières neiges bordant le chemin. La Vicomtesse de Guillestre avait proposé de faire une halte au domaine du Seigneur de Montgenèvre. Mais chacun jugea au final qu'il y avait peu de chance qu'il y soit présent. Aussi décidèrent-ils de poursuivre jusque Briançon. Ils leur avait fallu une matinée pour atteindre la vallée où ils purent talonner les flancs de leurs montures. La Vassale du Preux de Macquart avait rejoint son suzerain et s'était blottie tout contre lui. L'excellente excuse pour les deux jeunes épousés, s'ils en avaient eu besoin, était qu'ils avaient pour désir d'atteindre la ville avant ou peu après la tombée de la nuit, ce qui n'eut été réalisable avec une cavalière en amazone.
Le soleil avait cependant gagné l'horizon avec une plus grande célérité que les voyageurs. Si bien qu'ils suivirent les lueurs de la ville qui ne semblait être qu'à une petite lieue. La bonne humeur de chacun repoussait la fatigue pourtant bien présente chez les hommes et les montures. Ils traversaient un passage bien boisé, accroissant l'obscurité de la nuit, dont le ciel était tapissé de menaçants nuages. Charles et ses deux sergents d'armes furent intrigués par la soudaine excitation des chevaux. La menace d'une tempête était certes présente, mais leur réaction était quelque peu inhabituelle. Aussi le Chevalier fit-il signe à ses hommes de redoubler de vigilance et serra un peu plus son épouse tout contre lui. Il lui déposa un léger baiser sur le sommet de s tête afin de la rassurer et lui intima de s'agripper à lui.
Un cor retentit soudain, rompant le silence qui était devenu des plus pesants. Il masqua le sifflement d'une rafale de flèches provenant des arbres. L'une avait atteint le heaume du duc, une autre s'était plantée dans sa jambe. Il n'y prêta guère attention et tonna ses directives à ses deux hommes qui ripostaient déjà.
« On se sépare !!! Hugues !!! Montre leur ce qu'est un archer !!! Jean Eudes !!! Reviens avec des renforts !!!
FOOOORCE ET HOOOONNEUR !!! PAR LA FLAMME ET PAR LE FER !!! A MOOOORT !!! A MOOOORT !!! »
Les deux hommes s'exécutèrent dans un cri de guerre. Hugues, déjà atteint au bras, permit aux deux nobles et à son frère d'armes de s'éloigner de la ligne de tir principale. Il lutta contre les ombres et la mort un long moment, envoyant cette dernière trouver autant que possible les assaillants. Le bois transperçant sa gorge de par et d'autre eut à terme raison de sa foi. Jean Eudes, quant à lui, n'avait eut que l'épaule de touchée lors de la première rafale. Une seconde flèche avait atteint l'avant de son bras, ne le ralentissant nullement dans sa mission. Il fut rapidement hors de danger.
Les deux anciens gouverneurs essuyèrent quant à eux plus de tirs. Charles n'avait pas la possibilité de riposter, si bien qu'ils représentaient une simple cible mouvante. L'ancien Maréchal d'Armes passait rapidement d'un arbre à un autre, prenant des trajectoires impossible à anticiper, ce qui leur permit de sortir du piège qui leur avait été tendu. Qui cela était-il? De simples bandits? Des mercenaires engagés par les Di Bardi qui étaient parvenus à les suivre? Le Duc d'Hostun ne se posa point la question. A plusieurs reprises, les cris de peur et de douleur de son amour lui avait transpercé le cur. Lui-même avait le bras, les côtes et les jambes transpercées de toute part. Il redoutait le moment où il devrait constater l'état de Francesca Amalya dont l'étreinte était devenue faible. Il la savait en vie, elle s'adressait à lui mais il ne distinguait que deux mots, « église » et « amour ».
Une fois à la lisière de la forêt, arrivant dans la ville faiblement éclairée, il découvrit difficilement mais avec effroi qu'une flèche avait atteint la poitrine de la Baronne de Saint-Firmin. Cela n'était peut-être pas la seule, mais il savait ce que cela signifiait. Sa vision se fit alors trouble, tandis que les larmes roulaient sur ses joues et ajoutait un goût salé au sang baignant dans sa bouche. Il se sentait si faible et impuissant. Seul la monture avait été miraculeusement épargnée.
« Francesca, je suis là, pour toi, sanglota-t-il avec douleur. Je reste auprès de toi, et cela à jamais. Je te renouvelle mon serment. N'aie pas peur car je te protège. »
L'ancien Officier Royal n'entendit pas les cris de son Sergent d'Armes, Jean Eudes, retentissant dans la ville endormie. Il avait perdu toute perception du monde réel. Il lui semblait entendre la mort au loin, mais il s'efforçait de l'ignorer et se concentrait sur la Dame de Jaillans et sur l'église qui était à portée. A bout de force, ils s'écroulèrent finalement sur le parvis, au plus proche des cieux et du paradis. Ils vivaient là leurs derniers instants parmi les hommes, il le sentait. Son regard était posé dans celui de la Pieuse autour de laquelle sa vie avait prit tout son sens.
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