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[RP] Crimes et... enlèvement

Carnil
Les Alpes. Les traversées des divers cols avaient été des plus périlleuses avec les premières neiges aux sommets. Les températures s'étaient nettement rafraichies à mesure que le groupe s'était approché de la chaîne de montagne et que l'automne indiquait poliment le chemin à son compère l'hiver. Les journées étaient devenues de plus en plus courtes, si bien qu'ils passaient autant de temps à veiller auprès d'un feu qu'à chevaucher. Le voyage avait été calme depuis Firenze, et les deux époux devant le Très Haut avaient retrouvés un sourire arraché depuis moult années par les méandres de leurs malheurs. Bientôt ils retrouveraient mêmes leurs enfants, leurs proches, leurs terres, leur vie trépidante. Cette dernière allait enfin pouvoir reprendre un cours proche de la normalité. Celle qui s'était acharnée sur les deux nobles à tant de reprises, allait enfin se désintéresser d'eux. Charles en était certain. Ces épreuves qu'elle leur avait imposées, ils les avaient traversées, avec force, courage et honneur. Chacune d'elles leur avait permis de consolider leur lien, de se rapprocher toujours un peu plus, de leur faire prendre conscience que malgré toutes ces rafales dignes des hivers les plus glacés, la vie semblait belle une fois l'éclaircie venue pour réchauffer les cœurs meurtris.

La Pieuse et le Preux échangeaient des regards emplis d'heureux sentiments lorsque le groupe eut une vue sur l'impressionnant massif des Ecrins. Le Royaume de France, ils en étaient à la frontière et ce magnifique paysage signifiait leur arrivée en province delphinale. Cela voulait également dire que l'escorte des Sergents et Chevaliers d'Armes Hospitaliers prenait fin. Les deux anciens Gouverneurs s'étaient attachés à leur présence, à leur compagnie et les adieux furent chaleureux. Leur présence, leurs armes, leur nombre avaient garanti un retour sans grand danger, loin des ennuis et des représailles. Le Duc d'Hostun avait d'ailleurs tenté de s'attacher les services de l'un d'eux. Mais il n'avait pu convaincre un jeune italien de quitter son ordre, bien que celui-ci avait longuement hésité avant de se décider.

C'est donc au nombre de quatre qu'ils poursuivirent le voyage. La descente du col Eponyme débuta au petit matin, en compagnie des chevreuils laissant leurs traces dans les premières neiges bordant le chemin. La Vicomtesse de Guillestre avait proposé de faire une halte au domaine du Seigneur de Montgenèvre. Mais chacun jugea au final qu'il y avait peu de chance qu'il y soit présent. Aussi décidèrent-ils de poursuivre jusque Briançon. Ils leur avait fallu une matinée pour atteindre la vallée où ils purent talonner les flancs de leurs montures. La Vassale du Preux de Macquart avait rejoint son suzerain et s'était blottie tout contre lui. L'excellente excuse pour les deux jeunes épousés, s'ils en avaient eu besoin, était qu'ils avaient pour désir d'atteindre la ville avant ou peu après la tombée de la nuit, ce qui n'eut été réalisable avec une cavalière en amazone.

Le soleil avait cependant gagné l'horizon avec une plus grande célérité que les voyageurs. Si bien qu'ils suivirent les lueurs de la ville qui ne semblait être qu'à une petite lieue. La bonne humeur de chacun repoussait la fatigue pourtant bien présente chez les hommes et les montures. Ils traversaient un passage bien boisé, accroissant l'obscurité de la nuit, dont le ciel était tapissé de menaçants nuages. Charles et ses deux sergents d'armes furent intrigués par la soudaine excitation des chevaux. La menace d'une tempête était certes présente, mais leur réaction était quelque peu inhabituelle. Aussi le Chevalier fit-il signe à ses hommes de redoubler de vigilance et serra un peu plus son épouse tout contre lui. Il lui déposa un léger baiser sur le sommet de s tête afin de la rassurer et lui intima de s'agripper à lui.

Un cor retentit soudain, rompant le silence qui était devenu des plus pesants. Il masqua le sifflement d'une rafale de flèches provenant des arbres. L'une avait atteint le heaume du duc, une autre s'était plantée dans sa jambe. Il n'y prêta guère attention et tonna ses directives à ses deux hommes qui ripostaient déjà.


« On se sépare !!! Hugues !!! Montre leur ce qu'est un archer !!! Jean Eudes !!! Reviens avec des renforts !!!

FOOOORCE ET HOOOONNEUR !!! PAR LA FLAMME ET PAR LE FER !!! A MOOOORT !!! A MOOOORT !!! »

Les deux hommes s'exécutèrent dans un cri de guerre. Hugues, déjà atteint au bras, permit aux deux nobles et à son frère d'armes de s'éloigner de la ligne de tir principale. Il lutta contre les ombres et la mort un long moment, envoyant cette dernière trouver autant que possible les assaillants. Le bois transperçant sa gorge de par et d'autre eut à terme raison de sa foi. Jean Eudes, quant à lui, n'avait eut que l'épaule de touchée lors de la première rafale. Une seconde flèche avait atteint l'avant de son bras, ne le ralentissant nullement dans sa mission. Il fut rapidement hors de danger.

Les deux anciens gouverneurs essuyèrent quant à eux plus de tirs. Charles n'avait pas la possibilité de riposter, si bien qu'ils représentaient une simple cible mouvante. L'ancien Maréchal d'Armes passait rapidement d'un arbre à un autre, prenant des trajectoires impossible à anticiper, ce qui leur permit de sortir du piège qui leur avait été tendu. Qui cela était-il? De simples bandits? Des mercenaires engagés par les Di Bardi qui étaient parvenus à les suivre? Le Duc d'Hostun ne se posa point la question. A plusieurs reprises, les cris de peur et de douleur de son amour lui avait transpercé le cœur. Lui-même avait le bras, les côtes et les jambes transpercées de toute part. Il redoutait le moment où il devrait constater l'état de Francesca Amalya dont l'étreinte était devenue faible. Il la savait en vie, elle s'adressait à lui mais il ne distinguait que deux mots, « église » et « amour ».

Une fois à la lisière de la forêt, arrivant dans la ville faiblement éclairée, il découvrit difficilement mais avec effroi qu'une flèche avait atteint la poitrine de la Baronne de Saint-Firmin. Cela n'était peut-être pas la seule, mais il savait ce que cela signifiait. Sa vision se fit alors trouble, tandis que les larmes roulaient sur ses joues et ajoutait un goût salé au sang baignant dans sa bouche. Il se sentait si faible et impuissant. Seul la monture avait été miraculeusement épargnée.


« Francesca, je suis là, pour toi, sanglota-t-il avec douleur. Je reste auprès de toi, et cela à jamais. Je te renouvelle mon serment. N'aie pas peur car je te protège. »

L'ancien Officier Royal n'entendit pas les cris de son Sergent d'Armes, Jean Eudes, retentissant dans la ville endormie. Il avait perdu toute perception du monde réel. Il lui semblait entendre la mort au loin, mais il s'efforçait de l'ignorer et se concentrait sur la Dame de Jaillans et sur l'église qui était à portée. A bout de force, ils s'écroulèrent finalement sur le parvis, au plus proche des cieux et du paradis. Ils vivaient là leurs derniers instants parmi les hommes, il le sentait. Son regard était posé dans celui de la Pieuse autour de laquelle sa vie avait prit tout son sens.

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Freyelda
[A l’approche de Briançon, par une sinistre nuit d’autonome]


L’attaque surprise portait parfaitement bien son nom. Francesca-Amalya avait ressenti à peu de chose près le même sentiment qu’au moment où Martel et Krager avaient attaqué son attelage, il y avait plusieurs mois de cela. Cette affreuse sensation de voir le monde basculer, la stupéfaction incrédule devant l’horreur de la situation. Le sifflement des flèches, le fracas du métal, les chevaux lancés au galop, les cris de guerre… Le cauchemar était si soudain qu’il en était incompréhensible.


Ce fut la douleur perçante d’une flèche venant se loger dans le bas de son dos qui fit prendre pleinement conscience à la vicomtesse de Guillestre, qu’encore une fois et malheureusement, tout cela était bien réel. Quelques minutes après, alors qu’elle venait à peine de vaincre l’envie de s’évanouir sous la douleur, la seconde vint se loger en plein milieu de sa poitrine, lui arrachant un nouveau cri, plus terrible encore que le premier.

Elle avait renoncé à tenter de comprendre ce qu’il se passait. Elle songeait déjà à la manière dont il faudrait procéder pour soigner au mieux les blessures de son bien-aimé, ainsi que les siennes.

Ce ne fut que lorsque les lumières et les portes de Briançon furent tout proches que leurs assaillants renoncèrent. Son duc avait reçu plusieurs flèches lui aussi et de ses blessures au bras et à l’épaule coulait du sang qui se mêlait au sien qui sortait de sa poitrine transpercée. De la sorte, l’on ne pouvait savoir lequel des deux saignait le plus à la vue de l’abondant flot écarlate qui glissait irrégulièrement le long du flanc de leur cheval.

Elle commença à tousser, crachant le liquide poisseux rouge qui lui emplissait les poumons. De l’intérieur, elle était en train de se noyer dans son propre sang. Sa voix s’était faite plus faible, chaque mot accompagné de bulles carmin aux coins de ses lèvres délicates. Il leur fallait gagner l’église au plus vite, ne serait-ce que pour y demander l’asile. De plus, la physicienne savait désormais que seul un miracle pouvait les sauver.

Deux noms retentirent alors dans sa tête. Aliénor… Enguerrand… Elle aurait tout donné pour les revoir une toute dernière fois, pour pouvoir leur dire au revoir. Elle avait le cœur serré par le regret et par la peur. Elle ne voulait pas, elle ne pouvait pas laisser sa chair et son sang orphelins. C’était bien trop tôt : pour elle, ils n’étaient encore que des enfants, ses enfants, et le demeureraient toujours. Elle sentit les bras de Charles se serrer un peu plus autour d’elle, comme s’il avait lu dans son esprit et qu’il voulait la rassurer ; les larmes de la dame d’Avencourt coulèrent à la pensée de cet avenir plein de douces promesses qui, tel du sable, filait entre les doigts du duc d’Hostun et de sa duchesse-aux-yeux-du-Très-Haut.

Elle aurait voulu lui dire tout son amour, toute sa tendresse… toute sa gratitude aussi. Mais les mots sortaient difficilement de sa bouche. Alors que les sabots du cheval foulaient aussi vite que possible le pavé des rues de Briançon, chaque respiration était pour Freyelda une véritable lutte. L’église était maintenant en vue lui avait assuré son preux chevalier. Mais elle savait qu’il était trop tard. Pour elle. Pour lui. Pour eux.

Alors qu’ils descendaient de cheval, elle toujours blottie dans les bras musculeux de son tendre chevalier, Freyelda hissa tant bien que mal sa main sur la joue de Carnil qu’elle effleura avec la tendre maladresse d’une personne qui sent ses forces l’abandonner à mesure que son sang coule là où il ne faudrait pas. Par le passé, elle avait déjà perdu celui qu’elle aimait. Elle ne voulait pas revivre ça, non. Tout mais pas ça. Cela serait sans nul doute pire encore que la première fois.

Puis ce fut la chute et les marches du parvis enfonçant plus profondément la première flèche dans les reins de Freyelda. Son visage se tordit sous la douleur. De toutes façons, elle était à bout de force. Sa vue était trouble, elle avait froid et ce n’était pas seulement du au contact de la pierre glacée du parvis de l’église sur lequel ils gisaient tous deux. Egoïstement, Francesca-Amalya leva les yeux vers son bien-aimé et dans un ultime effort, elle articula de sa voix faible :

- Charles… pardon… Charles… Je… Pardon… Je t’aime… Mais je pars… la première.

Elle toussa, crachant un flot de sang sur sa poitrine. Les traits troubles du duc d’Hostun se mêlaient dans ses yeux déjà vides avec le doux sourire doré de celui qui lui avait donné ses deux enfants. Prise de regrets, de tristesse et de peur, un vague sentiment de culpabilité dans le cœur, elle ne pouvait même plus pleurer tant ses poumons étaient remplis de sang.

- Pardon…

Ce fut le dernier mot qu’elle prononça. Il n’y eut point de miracle cette nuit-là.

Sa main d’albâtre glissa de la joue de celui à qui elle s’était unie quasiment sous les seuls yeux du Très-Haut et son bras tomba lourdement le long de son corps tandis que sa tête se renversa. Deux larmes, ultimes, roulèrent sur ses joues crispées par la douleur et le tourment, en même temps qu’un épais filet de sang s’écoulait silencieusement de sa bouche.

Ainsi fut la fin de celle qui avait été appelée Francesca-Amalya d’Avencourt.

Ainsi disparut celle que tous connaissaient sous le nom de Freyelda.

Ainsi mourut… Frey.

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Carnil
[Eglise de Briançon, une nuit glaciale d'automne.]


La tempête qui s'était abattue sur le groupe en provenance de Firenze cette nuit là avait été redoutable. Les violentes bourrasques qui arrivaient sur eux eurent arraché les arbres les plus massifs, eurent balayé les rocs les plus imposants. Lors de ses diverses campagnes et missions, lors des guerres en terres lointaines, le Chevalier Charles de Macquart en avait connu des plus virulentes, des plus menaçantes. Mais celle qui s'était échappée aussi vite qu'elle avait frappé, avait sans doute été la plus redoutable pour le Preux. L'être qu'il chérissait le plus au monde, le joyau le plus précieux qu'il lui avait été possible de rencontrer, était en sa présence, prise avec lui dans la tourmente. Tout cela était arrivé si promptement, à moins de quelques lieux de la délivrance totale. Les tragédies surviennent toujours au moment où l'on s'y attend le moins, et occasionnent de tels dégâts que ceux là sont irréversibles. Ils font basculer une vie, des vies, et en prennent même certaines, sans rien demander, sans s'annoncer. Les causes sont bien souvent absentes, seules les conséquences sont présentes et se retrouvent gravées, à jamais.

L'Homme est impuissant face à une telle force, l'ancien Gouverneur du Lyonnais et Dauphiné le savait bien. Il peut certes tenter de résister, de prier, d'anticiper, et ainsi remporter de nombreuses batailles. Mais au final, il perdra toujours la guerre, celle qui se veut éternelle. Cette bataille, il avait bien compris que c'était sa dernière, celle mettant fin à son combat, concluant sa vie. Mais en bon Chevalier, en noble dragon de Macquart, il ne rendrait pas les armes sans s'être battu jusqu'à ce que les forces l'aient abandonné. Oui, tant qu'il aurait du souffle et que son cœur palpiterait, tant que son âme guiderait sa chair, il lutterait jusqu'à l'accomplissement de ce qu'il considérait comme être son devoir.

L'ancien Officier Royal sentait pourtant peu à peu ses forces le quitter, ses sens s'évaporer, mais il se concentra sur la Vicomtesse de Guillestre. Non loin du parvis, Briançon semblait s'animer, s'éveiller en pleine nuit, suite aux cris de Jean Eudes et à la certaine alerte donnée par le guet de la ville. Cependant, l'état dans lequel Freyelda se trouvait fit que le Duc d'Hostun occulta tout cela. Elle était couverte de sang, touchée mortellement, les yeux rougis par les larmes. L'instant était à la fois terrible et intense, déchirant et tendre. Ils échangèrent leur dernier regard, emplis de moult sentiments et regrets. Celui-ci fut plus fort et plus expressif que les quelques mots qu'ils échangèrent avec douleur et difficulté.


« - Charles… pardon… Charles… Je… Pardon… Je t’aime… Mais je pars… la première, lui avait-elle annoncé, non sans mal. »

« - N'aie crainte Francesca, avait-il répondu avec effort. Je veille sur toi et t'accompagne. Tu es ma mie, nul ne peut nous séparer, mesme la mort. Je t'en fais le serment. Sache également que je t'aime et que je n'ai nul regret. »

Il avait tendu sa dextre vers le visage de son aimée afin de faire glisser ses doigts une dernière fois sur la joue de la Pieuse. Il espérait sourire malgré le mal que lui infligeait ce geste. Son soleil était devenu de plus en plus trouble au fur et à mesure que la précipitation d'eau salée s'était intensifiée. Il ne chercha même pas à sécher ses larmes, il l'accompagnait, offrait sa présence, écoutait ses derniers mots. Le temps semblait avoir suspendu son cours, il lui semblait que le monde, que la vie étaient uniquement concentrés autour d'eux, attendant le moment propice pour les livrer à la mort alertée.

L'ensemble de l'existence du Baron de Rochechinard aurait certainement eu le temps de s'écouler durant ce moment qui lui sembla correspondre à l'éternité. Francesca s'en était allée rejoindre le Très Haut, après avoir donné tout ce qui était en elle à sa famille, à ses proches, à sa ville, à sa province. Lorsqu'il réalisa que tout était bel est bien fini, Charles crispa sa sénestre, se mordit les lèvres jusqu'à la chair, avant d'hurler dans la nuit ténébreuse, si fort qu'on eut pu l'entendre également dans les cieux.


« - FRANCESCA !!!»

Il fut alors prit par une violente quinte de toux qu'il ne put contrôler. Il cracha alors un reste de la vie du Très Haut, tapissant les froides pierres du parvis, d'un sombre carmin. Le parvis, l'église, il lui fallait y mener son épouse, il lui fallait y parvenir afin de pouvoir partir à son tour.

« - Enfin je te retrouve ! »

Le Duc leva son regard sur une silhouette sombre et encapuchonnée, dont le visage squelettique était caché dans les ténèbres. La mort, il lui avait échappé à mainte reprises, se jouant d'elle en lui opposant sa volonté.

« - Dame la mort, je ne pensais pas vous trouver icelieu, répondit-il sans plus ressentir la douleur ni le froid. Il en profita alors pour clore les yeux de Freyelda et la prendre dans ses bras. J'imagine que vous désirez prendre possession de ce que vous considérez estre vostre bien. »

« - Tu vois juste, tu as fait ton temps et ta place n'est plus de ce monde. »

« - Vous avez raison, mon devoir est à présent de suivre mon cœur. Mais je vais devoir vous faire patienter un moment. De plus, je n'ai nullement besoin de vous. »

« - Tu te trompes, mortel. Mais soit, je veux bien ne pas t'en tenir rigueur. Je te connais bien après tout. »

« - C'est fort généreux de vostre part. Mais je ne m'arresterai pas là. Je ne vais pas lutter aujourd'hui, c'est un faict. Mais sachez que je ne vous laisserai emporter nulle autre personne. »

« - Allons dont, je n'en ai nullement l'intention. »

« - Certes, mais comprenez moi bien. Si un jour vostre route croise celle de mon fils ou des enfants d'Avencourt, croyez bien que je saurai vous trouver. »

« - Il suffit. J'en ai assez entendu, vaque à ta dernière occupation et suis moi, conclut la mort agacée. »


Il ne savait jamais si ces rencontres se déroulaient réellement, mais il ne se posait à vrai dire en aucun cas la question. Cependant le fait que l'hiver reprenne possession de son corps était un bon élément de réponse. Carnil avançait avec difficulté, dans d'ultimes efforts vers la maison du Très Haut. Il n'aurait su dire si les gens alertés avaient pu suivre les traces de sang en ces lieux, où s'ils avaient pu localiser les hurlements. Il n'en avait cure, et se focalisait sur sa dernière mission sur terre, parmi les hommes. Il manqua de s'effondrer à plusieurs reprises, lorsque le bois encastré dans son corps, se rompait sous les mouvements engendrés par le déplacement, dans des craquements sourds suivis de cris terrifiants. Il lui semblait suivre un long couloir, constituant un interminable supplice. Mais le chevalier résista et finit par s'effondrer en plein cœur de l'église, à bout de force, face à la croix. Il employa son dernier souffle de vie pour s'adresser à feue sa reine.

« - Tu es dans la maison du Très Hault, en compagnie de son fils. Repose en paix mon tendre amour. »

Charles de Macquart se serra alors contre Francesca Amalya d'Avencourt, et laissa ses yeux se clore, un léger sourire sur le visage. La mort l'emporta.

C'était là la fin du Chevalier Charles de Macquart dit Carnil le Preux, Duc d'Hostun, Baron de Rochechinard et Seigneur d'Artas.

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Walan
[Castel de Pierre-Scize, Lyon, dans l'après midi d'un pluvieux lendemain]

Ce jour était le dernier du XIXe conseil ducal du Lyonnais Dauphiné et Walan mettait en ordre les divers dossiers, projets et archives de son bureau lorsqu'un messager fut introduit dans celui-ci.
Faisant signe à l'homme de délivrer son message sans lever les yeux vers lui, occupé à ajouter quelques mots à un parchemin, le Gouverneur écouta le message dont il était porteur.


Votre Grâce, sa Grâce Carnil de Macquart et la Vicomtesse Francesca-Amalya d'Avencourt ont été retrouvés ... Irrésistiblement, le regard du seigneur de Meyrieu s'illumina en entendant les noms et les mots, avant que le reste de la phrase n'atteigne sa conscience ... morts dans l'Eglise de Briançon.
C'est le diacre qui les a découvert votre Grâce, leurs corps étaient percés de flèches. Ils étaient enlacés au milieu d...


Silence.

Glacial.
Voilà ce qu'était devenu le ton du Gouverneur, tout comme son visage.
Vide et sec.
Tel était devenu le regard du seigneur de Meyrieu.
Le ton avec lequel il continua surpris le messager, tant il semblait détaché et distant.


Leurs enfants, ont-ils été prévenus ?

Oui votre Grâce, d'autres sont partis en même temps que moi.

Bien ...

Le simple ton suffit au messager pour comprendre qu'il n'était plus désiré dans la pièce, aussi s'effaça-t-il aussi vite et discrètement que possible, laissant le Gouverneur seul dans la pièce.

Combien de temps resta-t-il immobile ? Nul ne pourrait le dire. Toujours est-il qu'il finit par en sortir, un parchemin scellé à la main. Ultime parchemin sur lequel il apposerait le sceau de Gouverneur.

Son pas était ferme et droit alors qu'il se dirigeait dans les couloirs du castel. La simple expression de son visage suffisait pour écarter les importuns de sa trajectoire.
A nouveau, une froide fureur emplissait le corps et l'esprit du Gouverneur, sauf qu'il n'avait cette fois nulle vengeance à portée de main, et il était particulièrement clair à en voir son regard que tout indésirable risquait fort de se retrouver avec une dague plantée là où il aurait préféré ne pas en avoir.

Arrivé à l'entrée du Castel, il se dirigea droit vers l'endroit où était déclamé les annonces du conseil, et c'est d'une voix terrible, d'où ressortaient tant de fureur et de souffrance, qu'il lu le parchemin qu'il tenait en main sous la pluie.


Lyonnais et Dauphinois !

Ce jour, Francesca-Amalya d'Avencourt la Pieuse, XIIe Gouverneur du Lyonnais Dauphiné, et Charles de Macquart le Preux, VIIIe Gouverneur du Lyonnais Dauphiné, ont été retrouvés assassinés en l'église de Briançon !

Ce jour, le Lyonnais Dauphiné perd deux de ses Grands, deux de ses serviteurs, deux de ses enfants !

Ce jour, l'obscurité s'abat sur les cœurs comme les flèches se sont abattues sur leurs corps !

C'est pourquoi ce jour, moi, Walan de Meyrieu, XVIIe et actuel Gouverneur du Lyonnais Dauphiné, décrète un deuil ducal d'une durée d'une semaine.

Car ce jour, le Lyonnais Dauphiné pleure ses disparus !



Car ce jour, je pleure un ami et une sœur ...


Faisant volte face, le Gouverneur lança le parchemin à l'un des serviteur qui l'avait suivit malgré tout.

Que copies soient faites et publiées dans chacune des villes.

Quelques instants plus tard, il était aux écuries sellant Aistulf sous les regards apeurés des palefreniers qui ne comprenaient pas la froide colère du Gouverneur.
Quelque instants plus tard, il sortait de Lyon au galop en direction du sud.
Quelques instants plus tard, les larmes qui ruisselaient de ses yeux se mêlaient aux gouttes inondant son visage tandis qu'il chevauchait vers deux corps enlacés.

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Zwyrowsky
[Castel du Puy-Comtal, à Crots près d'Embrun; nuit du meurtre]



Par le diable, je le savais!

Le vicomte Zwyrowsky chancela devant son serviteur, et attira à lui un siège avant de se reprendre.

- L'messager a traversé Embrun à bride abattue, messire, mais il a eu le temps de crier la nouvelle par les rues. C'est l'père Simon qu'a entendu et qu'est monté me l'dire. Et l'jeune Jacques, fils du tanneur après, aussi.

A la lueur des torches de la salle, son visage convulsé avait pâli. Sa voix tremblait, et de désarroi, d'impuissance et de rage il en vint à heurter son poing contre la table qui se trouvait là.

Je le savais... Nous aurions du aller les attendre en Piémont. Si seulement nous avions su où ils étaient exactement...

Faute de cette information, il avait finalement été convenu que leurs enfants et leurs amis gagnent chacun leurs terres, situées près de différents débouchés des Alpes: Guidel à la Salle était à proximité des cols du Galibier et de Briançon; Aliénor, accompagnée de François, à Guillestre, surveillait la vallée du Queyras; lui-même à Crots était voisin du débouché de la Madeleine et ses gens à Ribiers avaient pour consigne de prendre garde à la route de Sisteron. Hélas, à en croire le messager, le duc d'Hostun et la vicomtesse de Guillestre n'avaient atteint les murs de la forteresse de Briançon que pour s'y laisser mourir.

Le vicomte s'était relevé et un cri retentit dans les couloirs du Puy-Comtal.


Aymeric! Guillemot! Antoine!

Dans un bruit de pas mêlés, le sergent d'armes, le valet et le page déboulèrent dans la salle, ensommeillés. Mais le bruit avait couru dans la maisonnée, et il n'était pas question de faire attendre.

Guillemot, je veux mon cheval à l'instant.
Aymeric, je veux cinq hommes solides avec toi, en tenue de bataille.
Antoine, tu me suivras avec Aymeric: de quoi écrire et mes scels.

Je vous veux à Briançon aux premières heures du jour.


Quelques minutes plus tard, le vicomte quittait son château au grand galop, suivi de son valet tentant tant bien que mal de suivre son allure folle.

Sous la lune qui allait bientôt laisser place aux lueurs de l'aube, Jean Zwyrowsky, bouleversé, souhaitait surtout que ce brave Guillemot ne le rattrape pas. Raide sur sa selle, son visage garda jusqu'à Guillestre l'imperméabilité de l'ardoise; à Guillestre, devant le château vicomtal, son courage lui manqua.


Guillemot! De ma part, va à la tour Guillaume, et informe toi sur la... la vicomtesse Aliénor. Si elle n'est pas prévenue, prie là de me rejoindre instamment à Briançon, mais ne lui en révèle pas le motif... Je t'en prie.

A peine le valet encore surpris de cette dernière expression eut-il tourné bride que la glace se fendit, laissant place à des torrents froids comme l'air de la nuit. Poursuivant vers Briançon, le vicomte dut se retenir à plusieurs reprises de l'envie de tirer l'épée et de châtier les étoiles ou les arbres du chemin. Mais il maudissait à voix haute la montagne qu'il aimait tant, et qui lui paraissait tellement sinistre à cette heure.

Il passa les murs de Briançon avec l'aube. La ville connaissait une singulière agitation, et il n'eut pas de mal à se faire conduire à l'église où ses deux amis avaient achevé leur course.

La garnison avait déjà fait apprêter les corps, qui reposaient dans la nef froide. A leurs pieds, un serviteur que le vicomte avait déjà vu sanglotait. Lui même s'approcha, et, profitant d'un prie-dieu, s'agenouilla.

De longues minutes, il tenta de se calmer par la prière. Les deux êtres dont il était le plus proche en Dauphiné, à l'exception de sa chère Espoire, venaient d'être enlevés par la même rafale. Deux grands ducaux. Deux amis. Deux complices. La prière l'apaisa. Un instant.

Mais pourrait-il oublier les circonstances? Car il n'y avait là ni fatalité, ni mal incurable, ni force naturelle. Il n'y avait que crime et déloyauté. Leur sang criait vengeance.

Soudain, il se releva, et sans ménagement, d'une voix hautaine, froide et dure comme la glace, il apostropha le pauvre hère qui se noyait dans le chagrin de ses maitres.


Dis moi, l'homme! N'es-tu pas un des serviteurs du duc d'Hostun?

L'autre se retourna, un bon visage, marquant la surprise d'être ainsi troublé, mais prêt déjà à entendre de nouveaux commandements.

Jean Zwyrowky le releva de sa main puissante, et le porta à moitié jusqu'à un coin désert de l'église où il le força à s'asseoir, et s'assit lui-même face à lui. Son expression trahissait tout à la fois la menace, la détermination, et la confiance inébranlable en l'aide qui lui serait apportée pour remplir la tâche qu'il venait de s'assigner.


Je veux tout savoir de ces dernières semaines. Tout.
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Alienor.
[Guillestre -Très tard la nuit du meurtre ou très tôt le lendemain matin, bien avant l'aube, comme l'on veut]

La nuit était froide ; l'hiver se faisait outrageusement annoncer. Aliénor était profondément endormie lorsque l'on frappa à la porte.

- Damoiselle Aliénor ! Damoiselle Aliénor ! fit une voix étouffée derrière le panneau de bois aux ferronneries ouvragées.

-Mmmmm... Dodo...

-Damoiselle Aliénor ! Je vous en conjure !

- Mmmmm... Demain... Du balais...


Nouveau tambourinage, plus insistant.

Les paupières de la jeune fille s'ouvrirent grand sur un regard furibond et le corps aux jolies formes se leva d'un bond. Aliénor se saisit d'une couverture s'emmitoufla dedans et d'un pas lourd de colère, elle se dirigea prestement vers la porte qu'elle ouvrit à la volée.


- Ah la barbe, Etienne ! s'exclama-t-elle d'une voix franchement courroucée. Faut-il que vous m'importuniez jusque dans mon sommeil ?! Quoi encore ?

L'intendant ne prit ni ombrage ni considération des vociférations de sa jeune maîtresse. L'affaire qui l'amenait était importante et il n'avait que cela en tête.


- Un dénommée Guillemot est là, ma Demoiselle. Il a chevauché à brides abattues pour atteindre le château si bien que sa monture est quasi morte. Cet homme dit être au service du vicomte de Crots. Ce dernier requiert votre présence de toute urgence à Briançon mais son messager n'a pas indiqué le motif de cette sollicitation nocturne.


L'ire de l'impérieuse petite licorne retomba comme un soufflet. Elle resta silencieuse, fronçant légèrement les sourcils. Elle réfléchissait à la raison qui menait Guillemot jusqu'ici en pleine nuit, tentant de chasser l'étrange et funeste pressentiment qui lui enserrait le coeur. Puis elle releva les yeux vers Etienne et le fixa d'un air mécontent.

- Eh bien ? Que faites-vous encore là ?! Bougez-vous ! Allez mander François et faites seller les chevaux, par tous les saints !!! Faut-il que je fasse tout par moi-même dans ce château ?

Etienne se retira précipitamment et s'occupa de préparer le départ en catastrophe. Aliénor enfila une robe confortable et s'emmitoufla dans une épaisse et lourde cape de voyage puis descendit dans la cour.

Elle grimpa sur sa monture à califourchon, à la manière des hommes, froissant sa robe. François sembla interloqué et Margaux lui jeta un regard désapprobateur. Elle répondit sèchement :


- Par la malpeste ! Nous sommes pressés !

Les convenances et l'esthétique étaient présentement les cadets de ses soucis. La herse était grande ouverte, Aliénor enfonça ses bottes dans les flancs de son cheval, se lançant au triple galop sur les routes, guidée par Guillemot à qui elle avait fait donné une nouvelle et puissante monture.



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[Briançon - Dans la matinée]

C'est une Aliénor essoufflée et mécontente qui franchit les portes de Briançon. Guillemot était resté de marbre face à ses suppliques lorsqu'elle voulut savoir pourquoi le vicomte de Crots la faisait tirer ainsi de son lit ; il prétextait ne rien savoir lui même, ce qui était de toute évidence complètement faux.

Aliénor avait eu tout le temps de l'éreintant trajet pour réfléchir à la question et la seule explication logique de tout ce remue-ménage était que le vicomte avait trouvé de nouvelles et pressantes informations au sujet de Freyelda et Carnil. Elle pensait avoir deviné : le Goupil avait du avoir vent d'un retour possible de deux disparus et proposerait de s'élancer dans l'instant à leur rencontre. Il tenait sans doute à leur annoncer lui-même la nouvelle, d'où le silence de Guillemot la Tombe.

A l'entrée de la ville, l'on s'affairait à nettoyer le pavé, ce qui intrigua beaucoup la jeune fille. En outre, l'itinéraire qu'ils prirent dans les rues de Briançon lui parut quelque peu tortueux. Les regards et les têtes se détournaient sur leur passage. Pourquoi tant de mystère ? Arrivés devant le parvis de l'église, les deux jeunes gens descendirent de leurs montures. Un attroupement inhabituel s'était massé devant de l'édifice, en cachant pratiquement les portes. Jean Zwyrowsky les attendait devant la foule des badauds.


- Ah ! Vicomte ! Vous allez peut-être pouvoir nous expliquer ce qu'il se passe ici ?
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Zwyrowsky
[Briançon, la place de l'église, première matinée]



Le récit de Jean-Eudes, dont Jean Zwyrowsky avait découvert les blessures suintant sous la cote et vite pansées par le barbier local, avait duré le temps pour le soleil de commencer à réchauffer les toits gris de la petite ville. Puis Aymeric, accompagné de quelques gardes de Crots, et d'Antoine, étaient arrivés.

Gris du pavé qu'il arpentait, ruminant quelques missives qu'il n'était pas encore assez calme pour dicter; gris bleuté de l'ardoise des toits, gris laiteux du ciel, gris sombres ou clairs encore des cheminées fumant... Et encore ce gris-brun des pentes, tacheté de ses premières blancheurs, en ce matin d'automne, qui ne parvenait qu'à désespérer encore davantage le vicomte en lui rappelant la fuite des assassins. Tel était le nouveau champ de bataille qu'il s'était choisi, lui, le goupil.


- Ah ! Vicomte ! Vous allez peut-être pouvoir nous expliquer ce qu'il se passe ici ?

Pourquoi lui? La diligence d'un serviteur fidèle. Rien de moins. Rien de plus. Estimable privilège que celui d'être bien servi. Redoutable honneur. La voix qui venait de retentir lui était trop connue, ce matin, comme le roulement des sabots sur le pavé qui annonçait plusieurs cavaliers. N'ayant encore levé les yeux, il se surprit à remarquer une nouvelle fois comme la jeune Aliénor tenait et de son père, et de sa mère. Jusque dans les tons et les formes de sa voix.

Son dos ployé se redressa, il leva la tête, et resta muet. Pourquoi lui?


Aliénor... François...

Les larmes lui montaient aux yeux. Pourquoi lui, lui qui avait perdu père et frère sous les coups de brigands, à cette place à cette heure? Son regard chavira, mais la révolte et la colère qui lui emplissaient le cœur lui donnèrent le courage de poursuivre d'une voix éteinte.

Je suis navré... Le duc Charles, votre père... la vicomtesse Francesca-Amalya, votre mère... ils ont été tués peu avant de trouver la sûreté à laquelle ils touchaient à Briançon...

Le silence tomba sur la place et y résonna comme un coup de tonnerre.
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Max69lyon
[Vienne la Belle, caserne des Gardes Episcopaux, lendemain de la fin de leur monde.]

Max venait tout juste de rentrer à Vienne, après des semaines à parcourir la rase campagne et les forêts du Bourbonnais et de Bourgogne, traquant sans relâche des hérétiques qui avaient fini par lui tendre une embuscade, et qu’il avait tués.
Rentré à Vienne, il mettait de l’ordre dans les papiers de la garnison, prenant connaissance des nominations épiscopales, dont celle d’un nouvel évêque pour Genève, rédigeant à destination de Rome des rapports…
Le soleil était monté dans le ciel, et le Seigneur de Mions, avait gagné son bureau depuis l’aube. Il entendit étonné des pas précipités dans l’escalier et le couloir, suivis de coups frappés à sa porte. Levant le nez de son parchemin, il grommela une approbation à l’entrée du bruyant visiteur, d’une voix bourrue et mal embouchée. La porte s’ouvrit sur un garde. Avant que Max n’ait pu l’interroger sur les raisons de son vacarme, il prit la parole :

Mes respects Capitaine. J’ai avec moi un messager du Capitaine Khalderon, de l’archidiocèse d’Embrun. Il vient d’arriver avec un message urgent pour vous

Le viennois fronça les sourcils. Un messager d’Embrun ? A cette heure ? Diantre, que se passait-il donc pour que ce pauvre homme ait du chevaucher toute la nuit, au risque de se rompre les os ? Embrun était elle attaquée par des hérétiques ? Congédiant le garde d’un geste, Max invita le messager à parler.
-Parle sans crainte, et prestement.
-Mes respects Capitaine. Je suis dépêché par le Capitaine Khalderon. J’ai devoir de vous informer que deux corps ont été retrouvés en l’église de Briançon, cette nuit...
-Deux corps ? Voilà une fâcheuse affaire. Je suppose que le Capitaine sollicite l’envoi de renforts pour mener l’enquête ? Je pars sur l’heure avec une troupe. Va te restaurer
lança Max en se levant et en s’emparant de sa longue épée au fourreau qui pendait au dossier de sa chaise.
Ce n’est pas tout Capitaine continua le messager d’un air ennuyé.
Max fit une pause et leva un sourcil interrogateur.
Vous connaissiez les victimes…
Cette fois ci, Max dévisagea le garde et fronça les deux sourcils.

Il s’agit de…
le garde déglutit péniblement Il s’agit du Duc d’Hostun et de la Vicomtesse de Guillestre. réussit il à articuler. Je suis désolé.
Un instant, le visage du Viennois ne laissa rien transparaître. Mais il se mit tout à coup à pâlir et à se décomposer. Ne réussissant rien à articuler, il tendit en un geste saccadé le doigt vers la porte. Le garde salua très rapidement et se retira, sans ajouter un mot. A peine la porte eut-elle claqué que le Seigneur de Moins tomba à genoux, les jambes vides de toute énergie. Ses mains tremblantes montèrent lentement vers ses cheveux gris, qu’il empoigna un instant. Puis ses paumes glissèrent sur ses yeux, alors que les premières larmes en sortaient, prémices d’un torrent ravageur. Réprimant quelques sanglots, il poussa un violent cri, rageur, furieux, plein d’incompréhension, de douleur et de haine. Le visage de sa chère amie s’imposait à lui, gigantesque, fin, bon, rieur. Il ne pouvait seulement imaginer la mort de celle qui avait été pour lui un tout.
Il resta là longtemps, à genoux, pleurant, incapable même de prier tant sa douleur était grande. Il perdit la notion du temps. Quand le flot de ses larmes sembla s’être tari un instant, il prit appui sur l’angle de son bureau pour se relever tant bien que mal, vidé de ses forces. Il s’assit sur sa chaise, ouvrit un tiroir de son bureau et en sortit un flacon d’eau de vie. Il en avala une grande lampée, puis se saisit d’une feuille, d’une plume d’oie, et commença une lettre.


Citation:

A Jean Zwyrowsky, Vicomte de Crots.

Peine et Douleur,
Je n’ai pu trouver la force de destiner quelques mots aux malheureux orphelins de nos amis. Je pars, toutes affaires cessantes, pour Briançon. L’on m’a dit que tu te trouvais en cette ville, aussi je prends le parti de t’écrire à toi. Prend grand soin des « petits » d’Avencourt, et du jeune Macquart. La douleur donne parfois de sombres idées. Je n’ai pour ma part pas les idées assez claires pour penser à quoi que ce soit. Mais par pitié, si tu lances une chasse, attends moi, ou laisse moi de quoi suivre vos traces. Aux infâmes qui nous infligent tant de peine, je veux aider à faire rendre gorge.
Je serais demain avant l’aube devant nos amis étendus.
Max de Mions

Le vieux soldat ne prit pas le temps de sceller la lettre, à quoi bon puisqu’elle ne comprenait rien de secret ou d’important ?
A peine le temps de rédiger un mot pour la Garde Episcopale d’Embrun, priant ses hommes de remettre la lettre à l’intéressé, et il fila au pigeonnier, se saisit d’un voyageur à destination d’Embrun, lui attacha les billets à la patte et le lança dans les airs. Lui qui aimait à regarder partir les pigeons jusqu’à ce qu’ils disparaissent n’y pensa même pas. Il dévala l’escalier, passa rapidement à son bureau où il passa des habits de voyage par-dessus son uniforme noir de jais et se saisit d’une besace où il fourra deux morceaux de ces pains non levés que l’on nommait « pains du voyageur ». Fermant son bureau à clef, il gagna la cour. Les gardes accoururent aussitôt, sans qu’il ai besoin de faire sonner le rassemblement.

Je pars pour Briançon, maintenez les gardes habituelles et faites prévenir la bourgmestresse que Freyelda d’Avencourt a rejoint Aristote, assassinée lâchement en Briançon.
Il avait dit cela d’une voix lasse, faible et brisée par le chagrin. Personne ne pipa mot. Un garde avança la monture de l’Aspirant Capitaine. Celui-ci l’enfourcha et partit sans rien ajouter. Il franchit les portes de sa chère Vienne au grand galop. Avant qu’il n’ait passé Valence, Zwyrowsky aurait son message.
Max se laissa bercer par ses sombres pensées et sa douleur, insensible à la beauté automnale des paysages qu’il aimait tant. Son cœur saignait, son monde était en deuil.

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Walan
[Village et château de Meyrieu, un peu plus tard dans l'après midi du lendemain]

La pluie s'était quelque peu calmée mais c'est néanmoins un Walan trempé jusqu'aux os qui remonta la route traversant Meyrieu jusqu'au château. Les rares villageois qui le virent passer depuis leur fenêtre, le pas de leur porte ou -pour les plus courageux, laborieux ou nécessiteux- depuis leur champ, n'eurent aucun mal à voir que leur seigneur n'était aucunement perturbé de son état. Et s'il n'y avait cette fois ni corps devant lui sur sa monture, ni tête trainée par celle-ci, l'expression du gouverneur sortant suffisait à rappeler le jour sombre de la disparition d'Alyanne et à faire comprendre qu'un terrible événement s'était à nouveau produit.

Jehan, l'intendant du domaine, ne s'y trompa pas lorsqu'il vint accueillir son maître. Il n'eut pas le temps de s'enquérir de ce qu'il se passait que Walan lâchait d'une voix rauque en descendant de sa monture :


Freyelda et Carnil.

Il n'en fallut pas plus et l'intendant accusa le coup. Il connaissait les liens qui avaient toujours uni la vicomtesse de son Guillestre et le seigneur des lieux. Il savait également à quel point son maître avait été touché par son enlèvement et combien il aurait souhaité partir en compagnie du duc d'Hostun à sa recherche. Jehan avait d'ailleurs contribué à dissuader l'ancien capitaine de faire cela, argüant que Francesca Amalya d'Avencourt n'aurait sûrement pas accepté que son "poulain", vassal et ami délaisse charges et responsabilités ducales pour elle. Avait il eut raison, nul ne pourrait plus le dire.
Cependant, loin de se soucier des pensées de son régisseur, Walan avait continué en pénétrant dans les écuries.


A Briançon. J'y vais sur l'heure, je ne passe que prendre une nouvelle monture.

Mais ... mais ... commença Jehan, tentant de se remettre de ce nouveau choc, il vous faut laisser Aistulf se reposer et se nourrir seigneur, vous avez le temps de vous sécher et de revêtir des vêtements plus appropriés au temps et au voyage.

Un bref regard de Walan à sa tenue valu pour l'intendant une approbation et il ne fallu que quelques minutes pour que le seigneur de Meyrieu ne se voit débarrassé de ses habits dégoulinant, soit essuyé et revête une apparence qui avait été la sienne si longtemps : gambison, vêtements de cuir et de laine confectionnés avec tout le savoir faire des tisserands, tailleurs, armuriers et cordonniers de la capitale ducale, voire de provinces environnantes. Baudrier aux hanches, épée, dague et couteau aux côtés, l'ensemble recouvert d'une lourde cape destinée à protéger le cavalier de la pluie et du froid complétait le tout. Cette tenue, associée à l'expression à nouveau glaciale de Walan, ne lui donnait pas un air des plus avenants et ne risquait sûrement pas d'inciter les voyageurs qu'il croiserait à lui adresser la parole.

Alors que le seigneur remontait sur Aistulf, Jehan fixa l'écu aux armes de Meyrieu à sa place sur le côté de la selle ainsi que de légères fontes contenant couverture et quelques vivres sur la croupe de l'animal tandis que le palefrenier tendait les rênes de la seconde monture à Walan.

Un bref signe à l'intention des deux hommes et il talonnait son cheval, s'élançant à nouveau sur la route traversant le village pour un voyage qui le conduirait à chevaucher le reste de la journée, toute une nuit et la matinée suivante, alternant monture et limitant leur repos comme le sien au strict minimum ...

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Alienor.
[Briançon, la place de l'église, première matinée]



Ils ont été tués peu avant de trouver la sûreté à laquelle ils touchaient à Briançon...




Le temps venait de s’arrêter, un seconde au parfum d’éternité que seuls les moments où tout bascule peuvent avoir. La foule, le vicomte de Crots, François, Etienne, Briançon, le monde… tout venait de disparaître. Il ne restait qu’Aliénor, seule, debout, sur les dalles du parvis de l’église. Tout était immobile, silencieux, calme.

L’Histoire aurait pu, aurait du s’arrêter là. La fin des Temps devait sans doute ressembler à un tel moment de vide serein, cet instant où la barque frêle de l’existence poursuit tranquillement sa route tandis que la rivière paisible de la vie s’effondre brutalement dans le tumulte chaotique d’une cascade vertigineuse.

La phrase résonnait dans la tête d’Aliénor sans qu’elle put la comprendre pour autant. Elle avait entendu les mots de Zwyrowsky mais pour une obscure raison, son esprit les lui rendait parfaitement inintelligibles. La jeune fille était seule face à elle-même et à ces mots, flottant hors de l’espace et du temps.

Puis ce fut la chute, inévitable, effroyable et cauchemardesque vers les fracas des remous.

Lorsque le Grand Sablier recommença à s’écouler pour Aliénor, son corps et son âme s’étaient trouvés séparés, réagissant indépendamment l’un de l’autre face à l’implacable vérité. Sa chair avait été la plus prompte à comprendre toute l’atrocité de la nouvelle. Lorsque l'esprit de la jeune fille esprit reprit enfin contact avec la réalité, elle se trouvait déjà à genoux, hurlant sa douleur dans un cri quasi animal.

Ce cri déchirant, elle ne parvenait pas à l’endiguer : elle ne contrôlait plus son corps.

Le chagrin de la jeune Aliénor lui semblait inconsolable : sa tristesse était infinie, sa douleur indescriptible. Aristote venait de lui arracher ce qu’elle avait de plus précieux, balayant au passage des semaines et des mois d’attente et d’espoir.

Après un moment, sa terrible complainte finit pourtant par se taire: sa poitrine et sa gorge lui faisaient mal et la brûlaient d’avoir tant crié. Il ne restait plus que les larmes qui s’écrasaient silencieusement sur ses poings, crispés sur les plis de sa robe froissée.

Les bras de sa mère… Voilà le seul endroit au monde où elle aurait voulu se trouver en cet instant. Mais désormais, l’accès à cet asile sacré d’entre tous lui était à tout jamais refusé et cette simple constatation finit de noyer Aliénor dans le désespoir le plus absolu.

La fleur dorée d’Avencourt à peine éclose venait subitement de se fâner. De l’enfantine insouciante qu’elle mettait un point d’honneur à rester envers et contre tout, de la jeune femme bien trop consciente de la réalité et de ses responsabilités que la vie l’avait forcée à devenir ces derniers mois, de tout cela, sur le parvis de l’église de Briançon, il ne restait plus rien.

Il n’y avait plus qu’une jeune orpheline pleurant toutes les larmes de son corps.

C’est un regard suppliant embué de larmes qu’elle adressa au vicomte de Crots.


Où… murmura-t-elle d’une toute petite voix, où est-elle ?... Où sont-ils ?
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François.de.macquart
[Guillestre, une sombre soirée d'automne]

La journée en compagnie de la jeune Aliénor d'Avencourt avait été des plus plaisantes sur les terres guillestrines. Cela faisait plusieurs semaines à présent que François de Macquart y séjournait afin de surveiller l'éventuelle arrivée de son père et de sa vassale par le col de Vars. Ils n'avaient de cesse de penser à eux et de préparer leur retour qu'ils jugeaient certain. Ils œuvraient également pour le duché du Lyonnais et Dauphiné et sa noblesse en méditant sur le Collège Nobiliaire. Tout cela n'avait de cesse de favoriser un rapprochement, pérennisant les liens unissant ces deux grandes maisons de la province delphinale.

François avait rejoins sa couche et trouvait lentement le sommeil en songeant aux progrès fulgurants d'Aliénor dans l'art sigillographique, mais surtout au bonheur qu'il ressentait lorsqu'il sentait son regard posait sur lui, le sourire aux lèvres. Mais cette jolie clarté céda sa place à l'obscurité qui vint progressivement l'entourer et l'emporta au pays des songes. Tout devint de plus en plus flou, de plus en plus obscur et noir. L'atmosphère se faisait peu à peu oppressante, dense, lourde. François se débattait alors dans son sommeil, se retournant, portant des coups dans le vide où il se retrouvait plongé malgré lui. Puis soudain un cri retentit, tranchant le ciel assombri tel la foudre dans la plus intense des colères. Oui, le ciel était en rage, et une pluie diluvienne martelait lourdement le sol qui n'était que poussière. L'aspirant Chevalier était ruisselant de sueur, le souffle court, et il répétait dans de sinistres murmures les mots qui lui étaient parvenus quelques instants plus tôt. Par la flamme et par le fer ! Par la flamme et par le fer ! Par la flamme et par le fer ! A mort !

Il se réveilla soudain en sursaut, le visage crispé par une terrible douleur. L'image de son père voilait sa vision nocturne de la chambre qu'il occupait. Charles était maculé de sang, inanimé, mort. Son fils restait figé, assis sur la chaude et moelleuse couche. Il lui semblait être victime d'une chute vertigineuse du plus haut des pics alpins. Il ne pouvait rien faire d'autre que de se laisser gagner par l'intensité des émotions qui s'emparaient de lui, qui lui comprimaient le cœur et la gorge. Il voulu hurler afin d'évacuer colère, haine, tristesse. Mais une étincelle de raison l'en dissuada. Dans la gravité de la situation, il songea à sa jeune amie qui devait dormir profondément, aux divers domestiques. Il ne pouvait se laisser aller à exprimer sa détresse ainsi. Si bien qu'il la refoula au plus profond de lui même, l'enfouit dans les tréfonds de son âme. Ce n'était point une première. Et puis ce n'était qu'un rêve après tout. Certes, il le savait, il le ressentait, ce rêve n'était pas anodin. Mais il n'y apporta nullement toute sa foi, et conserva cela pour lui seul.

Des épreuves, il en avait surmonté dès son plus jeune âge. La mort, elle avait toujours fait partie de sa vie. Il est parfois des hommes qui s'en accommodent, qui souffrent seuls, en silence, loin de tous. La douleur les ronge de l'intérieur au fur et à mesure qu'elle s'installe en eux. Certains ne le supportent qu'un temps, et finissent par baisser les armes à jamais. D'autres parviennent à faire abstraction, et puis prennent le dessus, petit à petit, combattant avec acharnement grâce à leur volonté de l'emporter. Le Hardi était de cela.


[Briançon, le même jour.]

François de Macquart n'avait pas été surpris lorsqu'un domestique guillestrin l'avait informé qu'ils étaient mandés à Briançon par le Vicomte de Crots. Il s'était cependant un peu plus renfermé sur lui même, plongé dans d'obscures pensés. Il avait certes tenté de préparer Aliénor à ce qui les attendait certainement, mais cette dernière n'avait point semblé comprendre le sens caché aux mots de son ami. Il n'insista guère. Il savait ce qui les attendait à destination, mais il espérait encore se tromper, voulait être dans le faux. Il n'était pas capable de se résoudre à accepter si facilement ce que ses sens lui indiquaient.

A l'entrée dans la Ville, il ne put cependant ignorer les regards, les indices flagrants à ces yeux qui le frappait avec cruauté. Il y fit abstraction et se résolut à surmonter ce qui allait suivre. Il s'approcha d'Aliénor, assurant son devoir de protecteur. Ils arrivèrent alors non loin du parvis, où les attendait Jean Zwyrowsky. François échangea un regard lourd de sens avec ce dernier mais ne dit mot, patientant dans le calme le plus froid. Le dénouement était proche, aussi le jeune homme saisit délicatement le bras de la jolie licorne lorsque celle-ci prit la parole.

La réponse tomba telle une masse d'armes s'écrasant avec fracas. Le fils du duc d'Hostun se crispa, luttant intérieurement de toutes ses forces contre son envie d'entrer en éruption. Il ne devait pas songer uniquement à lui, c'était là son devoir et il tâcherait de l'accomplir. Il concentra son attention sur la damoiselle d'Avencourt, lui offrant son soutien le plus total.

Elle s'adressait de nouveau au Vicomte, que François avait déjà oublié. Il ferma les yeux sur sa peine, conscient qu'il n'existait plus en cet instant et s'adressa calmement à elle avant que la réponse de Jean ne vienne.

"Je suis là...Je veille sur toi. Nous allons surmonter cela ensemble."

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La fin de Carnil ici
Zwyrowsky
[Briançon, devant l'église, première matinée]


Où… murmura-t-elle d’une toute petite voix, où est-elle ?... Où sont-ils ?

Aliénor, vicomtesse de Guillestre, s'était effondrée en entendant Jean Zwyrowsky. Penché vers elle, celui-ci avait laissé le jeune François la relever. Des bras amicaux valaient mieux pour cela que ceux de l'homme qui venait de la briser par ses mots. Il garda la tête basse. Le jeune Macquart, livide, tentait de réconforter la jeune fille qui se noyait. Le vicomte gardait son masque de messager honteux d'Hadès, mais sa main se crispait sans cesse à son épée, et il jetait des regards de molosse impatient à Aymeric et à ses hommes d'armes, rassemblés dans un coin de la place.

Cependant, il réussit à prendre la main d'Aliénor.


Vos parents reposent dans la nef. Vous devriez aller à leur chevet. Les gens de la ville leur ont rendu hommage tout à l'heure.

Il marqua une pause, et esquissa un pas un peu raide pour laisser le passage du porche aux enfants.

Pardonnez-moi si je ne vous y accompagne pas: ce moment est à vous.

Et il ajouta, une lueur d'incendie dans les yeux.

Je m'occuperai pendant ce temps de quelques missives opportunes à nos amis, si vous le permettez. Appelez moi si je peux vous être de quelque secours.

Il laissa entrer Aliénor et François, et ceux de leurs gens qui les accompagnaient. Puis il fit signe à Antoine et Aymeric de le rejoindre. Au premier, il fit saisir son écritoire et dicta:



A ma très chère épouse,

Mon aimée

C'est avec une tristesse immense, mêlée d'une colère noire, que je dois t'apprendre la mort de nos amis, Charles de Macquart, et Francesca-Amalya d'Avencourt.

Charles avait réussi, dans son périple, à libérer la mère d'Aliénor et Enguerrand. Ils ont été rejoint à Montgenèvre et assailli par une forte troupe d'archers, qui a eu raison de la résistance du Preux.

J'ai été prévenu ce matin par mes gens, alertés par un messager ducal à Embrun. Je suppose donc que le gouverneur Walan a du entretemps être alerté à son tour. J'ai précédé Aliénor et François à Briançon, où se trouvent les corps. Que te dire de leur état? Tu l'imagines comme moi.

Je ne sais où en sont vos négociations pour le nouveau conseil. Je suis sûr que tu feras le nécessaire pour que la mémoire de nos amis soit saluée à leur mesure. Je te rejoins à Lyon ou Die dès que je le pourrai. J'aurais à te parler et à parler au conseil d'un projet qui se forme en moi avec ce deuil qui ne peut rester impuni. Il en va d'eux, de leurs enfants, de nous, et du duché.

Ton très fidèle et très aimant,

Jean Zwyrowsky,

sur la place de l'église de Briançon, tierce sonnée, ce 29 octobre


Il fit une pause, las, et repris sèchement:



Au seigneur Walan de Meyrieu, présentement Gouverneur du Lyonnais-Dauphiné

Mon ami, votre Grâce

A l'heure où tu recevras ce message, je gage que tu auras déjà pris connaissance du destin de Charles de Macquart et Francesca Amalya d'Avencourt, occis à Montgenèvre par des archers de provenance inconnue.

J'ai été prévenu par un de mes gens au passage du messager ducal à Embrun, ce qui m'a permis de précéder François et Aliénor à Briançon où reposent les corps. Je tente de les ménager, mais mon esprit est ailleurs.

Entré dans la ville à l'aube, j'ai été rejoint par mes gens il y a une heure. Mais je n'ai pas lancé la poursuite et ne le ferai sans doute pas aujourd'hui. Quoi que je ne doute pas que la garnison prêterait une lance ou deux pour ce faire, la chose semble avoir été trop bien organisée pour foncer tête baissée: Carnil et Freyelda étaient escorté jusque dans la vallée côté piémontais par des hospitaliers, qui les ont laissé quelques lieues avant notre frontière. Nous sommes trop ignorant du nombre de ces assassins, de leur refuge, de leurs appuis et de leurs desseins. Et je suis trop en rage pour me contenter de la main qui a tenu le poignard. Je ne me tiendrais pas quitte à moins de la tête. Un des gens d'Hostun a échappé à la tuerie, je sais l'essentiel du voyage de Carnil en Italie. Je sais l'identité de celle qui avait fait ravir Freyelda. Je sais sa résidence, et je devine sa force.

Nos amis seront vengés, et je ne doute pas que tu en fasses le serment avec moi.

Dans l'attente de te retrouver pour en parler plus avant,

Jean Zwyrowsky,

sur la place de l'église de Briançon, tierce sonnée, ce 29 octobre


Un sourire sombre passa sur son visage pendant que la plume fébrile d'Antoine s'agitait sur le vélin. Le pauvre avait les doigts engourdis par le froid montagnard, et sa main tremblait parfois.

Celle-ci sera pour le seigneur Max de Mions; tu en feras copie au seigneur Grégoire de Saint-Nazaire, et au baron de la Salle.



Au seigneur Max de Mions,

Mon ami,

C'est avec une tristesse immense, mêlée d'une colère noire, que je dois t'apprendre la mort de nos amis, Charles de Macquart, et Francesca-Amalya d'Avencourt.

Charles avait réussi, dans son périple, à libérer la mère d'Aliénor et Enguerrand. Ils ont été rejoint à Montgenèvre et assailli par une forte troupe d'archers, qui a eu raison de la résistance du Preux.

J'ai été prévenu ce matin par mes gens, alertés par un messager ducal à Embrun. Je suppose donc que le gouverneur Walan a du entretemps être alerté à son tour. J'ai précédé Aliénor et François à Briançon, où se trouvent les corps. Que te dire de leur état? Tu l'imagines comme moi.

Entré dans la ville à l'aube, j'ai été rejoint par mes gens il y a une heure. Mais je n'ai pas lancé la poursuite et ne le ferai sans doute pas aujourd'hui. La chose semble avoir été trop bien organisée pour foncer tête baissée: Carnil et Freyelda étaient escorté jusque dans la vallée côté piémontais par des hospitaliers, qui les ont laissé quelques lieues avant notre frontière. Nous sommes trop ignorant du nombre de ces assassins, de leur refuge, de leurs appuis et de leurs desseins. Et je suis trop en rage pour me contenter de la main qui a tenu le poignard. Je ne me tiendrais pas quitte à moins de la tête. Un des gens d'Hostun a échappé à la tuerie, je sais l'essentiel du voyage de Carnil en Italie. Je sais l'identité de celle qui avait fait ravir Freyelda. Je sais sa résidence, et je devine sa force.

Nos amis seront vengés, et je ne doute pas que tu en fasses le serment avec moi. Fais savoir au porteur où l'on peut te joindre; ou retrouve moi à Lyon si tu le peux pour l'allégeance au nouveau conseil qui ne saurait tarder.

Amicalement

Jean Zwyrowsky,
vicomte de Crots, baron de Saillans et Marsanne, seigneur de Ribiers

sur la place de l'église de Briançon, tierce sonnée, ce 29 octobre


Avant de faire les copies demandées, Antoine leva la tête.

Et le jeune d'Avencourt, votre Grandeur? Dois-je rédiger quelque mots à son intention?

Zwyrowsky baissa les yeux. Il ne connaissait que peu le jeune Enguerrand, et il ignorait où il se trouvait à l'heure actuelle. Aliénor le saurait, et trouverait mieux que lui les mots pour lui faire part de l'in avouable. Lui-même avait assez joué les messagers de mort. Le goupil se mettait désormais en chasse. D'une voix neutre, il répondit:

Le vicomte de Maubec sera averti par la vicomtesse de Guillestre. Nous joindrons nos condoléances.

Il reprit pour Aymeric.

Un de tes hommes se chargera de chacun de ces messages. Qu'ils trouvent leur destinataire où qu'ils se trouvent, avant trois jours, sans ménager leur peine ou leur monture. Pour toi tu te chargeras de joindre la vicomtesse, et qu'elle s'y trouve ou non tu m'attendras à Lyon.
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Espoire
[Domaine d’Amilly – le lendemain du meurtre]

Espoire avait quitté Lyon pour se rendre près de Dié au domaine familial après que Zwyrowsky avait dû partir pour embrun sur ses terres de Crots.

Cette nuit là à Amilly, la Vicomtesse avait eu du mal à trouver le sommeil, un pressentiment, une impression bizarre, peut-être parce que son tendre époux n’avait pas écrit pour la rassurer…toujours est-il qu’elle n’avait pu dormir que très tard dans la nuit.

Quand au petit matin elle se réveilla, elle se surprit fatiguée et d’une humeur maussade, et cela suffit à lui ôter toute envie de travailler, elle décida alors de passer la journée dans le domaine.
Après manger, elle fit une petite ballade, profita du calme pour lire un peu…la journée passait paisiblement quand Marion pénétra dans la bibliothèque d’un pas rapide, s’approchant de sa maitresse elle s’arrêta net devant elle.


Dame Espoire, une missive vient d’arriver du vicomte, le messager dit que c’est très urgent.

Sans attendre, Espoire prit la lettre et commença à la parcourir, elle s’attendait à tout sauf à ce qu’elle était en train de lire, plus les lignes passaient et plus elle avait du mal à terminer tellement ses doigts tremblaient, les mots défilaient sous ses yeux et à chaque mot son visage se décomposait un peu plus, puis en silence et tournant le dos à sa suivante, elle sentit les larmes couler sur ses joues.

Etrangement sa première pensée fut d’essayer de se rappeler la dernière fois qu’elle les avait vu…impossible, ses souvenirs étaient trop flous et maintenant elle ne les reverrait plus jamais…puis pensa aux enfants de ses amis, ou étaient-ils? Ont-ils appris? Comment vont-ils?….enfin ses dernières pensées furent pour son époux, il les connaissait depuis plus longtemps qu’elle, comment prenait-il cette terrible nouvelle?

Sans dire un mot, elle quitta la bibliothèque pour se diriger vers le bureau de son frère, les bruits de ses pas précipités remplirent le silence qui régnait et résonnèrent dans tout le château, à son arrivée elle ouvrit la porte sans prendre le temps de frapper...peu importe s'il était occupé ou pas.


Bastien, je dois aller à Briançon…

La vicomtesse ne put rien rajouter de plus et tendit la lettre de son mari à son frère.
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Enguerrand.
[Sur le Vicomté de Maubec - Le lendemain du meurtre]

Enguerrand était furieux, ses yeux étaient légèrement rouges, ses muscles tendus et il n'arrivait pas à se calmer malgré les centaines de pas qu'il faisait dans le salon depuis des heures. Le testament de son père n'était pas valide parce qu'un héraut avait mal fait son travail ? Peut être le jeune garçon n'était-il pas le fils d'Aymon d'Avencourt ? Le titre de Vicomte de Maubec ne lui reviendrait peut être-il pas ? Décidément la hérauderie de France n'était plus ce qu'elle était jadis, désormais les nobles en sont réduits à dénoncer leurs propres pairs pour les priver de ce qui leur revient de droit. L'honneur, la droiture, la loyauté, le respect, ces valeurs se perdaient-elles, même parmi l'élite ?! Le sang bouillait, une rage folle s'était déclenchée chez l'héritier d'Avencourt.

Si l'en était ainsi, très bien il cesserait toute activité au sein de l'office d'armes, la hérauderie ne méritait pas qu'on travaille pour elle si en retour elle ne reconnaissait pas les évidences malgré toutes les preuves apportées. Tant pis pour la cérémonie d'allégeance qui allait se dérouler sous peu, Dauphiné serait probablement déçu mais il comprendrait certainement, Enguerrand le savait très impliqué dans le dossier et son soutien entier lui était acquis. Le garçon s'était d'abord retiré en son château des Roches mais une fois devant la herse, il réalisa soudainement que si l'on lui refusait sa succession, il n'était pas chez lui en ces terres mais se retrouvait reléguer au rang de simple invité sur le domaine familial. Ainsi donc il fit demi-tour et se rendit dans la résidence des invités, au château Mont-Léopard, après avoir congédié sa garde rapprochée. Plus rien ne comptait désormais.

Cela faisait maintenant quelques jours que le petit blond était seul à réfléchir à sa situation. Qu'adviendrait-il de lui ? Sa mère était absente depuis des mois, Aliénor cette sœur autrefois volage et insouciante n'avait plus d'yeux que pour cet arrogant et prétentieux François. Carnil était loin et il y avait bien longtemps qu'il ne s'était plus occupé de lui depuis qu'il avait rejoint les chevaliers de la Licorne.
Soudain, un bruit sortit le jeune homme de ses pensées. Un cavalier venait de pénétrer dans la cour. Il s'agissait de Gilles, ce cher compagnon de toujours. Comme convenu, le page déposa un pli devant la porte, frappa deux fois et s'en retourna.

Enguerrand, isolé depuis un long moment, s'empressa de lire ce courrier. La solitude pesait et avoir des nouvelles du monde extérieur étaient indispensable. Ainsi la sentence était tombée, la hérauderie de France avait statué. Sylvestre validait le testament d'Aymon d'Avencourt et reconnaissait le garçon comme son fils légitime et héritier. Finalement le droit et la raison avaient triomphé ! Il lui était impossible en cet instant de contenir sa joie et son émotion. Demain, il reprendra sa chambre au château des Roches, chez lui, enfin.

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Alienor.
[Briançon, la place de l'église, première matinée]

Un murmure au creux de son oreille lui fit fermer les yeux et se mordre la lèvre inférieure afin de contenir le nouveau cri de désespoir qu'Aliénor sentait monter de ses entrailles vrillées et de son coeur brisé. Dans un mouvement un peu brusque et maladroit, elle se retourna pour se jeter dans les bras de François, serrer son cou de toutes ses forces et enfouir son visage dans l'épaule du jeune homme pour pleurer sans bruit, agitée de quelques soubresauts, sanglots silencieusement contenus.

Vos parents reposent dans la nef. Vous devriez aller à leur chevet. Les gens de la ville leur ont rendu hommage tout à l'heure.
Pardonnez-moi si je ne vous y accompagne pas: ce moment est à vous.
Je m'occuperai pendant ce temps de quelques missives opportunes à nos amis, si vous le permettez. Appelez moi si je peux vous être de quelque secours.


François l'ayant aidée à se relever, elle retourna vers le vicomte de Crots un visage défait. Dans son regard la seule chose que l'on pouvait lire était le désespoir.

-...

Elle aurait voulu trouver quelque chose à dire mais n'y parvint pas. Prononcer le mot "merci" était au dessus de ses forces. Ce fut François qui le fit à sa place. Puis les deux jeunes gens se dirigèrent vers l'église, dépassant le Goupil sans mot dire. La petite licorne blessée peinait à marcher, le courage lui manquait. Elle glissa sa main dans celle de François, entremêla ses doigts aux siens et les serra fort. Elle redoutait ce qu'ils allaient découvrir.

Les yeux d'Aliénor s'habituèrent sans mal à l'obscurité relative de la nef. En effet, la pénombre qui régnait d'ordinaire dans pareil lieu s'était un peu envolée à la lumière des cierges déjà un peu nombreux. Cela ne rendait que plus visibles encore les longues trainées de sang qui maculaient encore par endroit le sol de l'église. Au pied de l'autel, gisaient les corps sans vie de Charles de Macquart et de Francesca-Amalya d'Avencourt. En voyant cela, le coeur d'Aliénor se mit à battre si fort qu'il lui fit mal.

La vision était cauchemardesque et devenait toujours plus effroyable alors les deux orphelins avançaient vers la sinistre offrande qui semblait faite au Très-Haut.

Aliénor avait toujours pensé que sa mère mourrait âgée, grand-mère et arrière-grand-mère, par un beau matin de printemps, bercée par le chant des oiseaux. On l'aurait retrouvée sereine, son doux sourire si caractéristique aux lèvres : on l'aurait d'abord cru endormie. Elle aurait eu le temps de voir sa famille grandir et s'épanouir, en lui donnant tout son amour. Elle se serait remariée, aurait eu d'autres beaux enfants, puis des nombreux petits-enfants, etc. Oui, c'est comme cela qu'aurait du mourir Freyelda : de vieillesse, au milieu des siens, paisible.

Au lieu de cela, Aliénor avait sous les yeux une femme aux traits crispés par la douleur. On ne distinguait plus la couleur originelle de ses vêtements tant ceux-ci étaient gorgés de sang. Il en était de même de feu le Duc d'Hostun. La jeune fille serra de plus belle la main de François qui serra la sienne en retour, en même temps qu'il serrait l'autre poing pour ne pas laisser paraître ses sentiments.
Les corps de leurs parents étaient enlacés dans les bras l'un de l'autre, sans doute personne n'avait-il pu ou osé les défaire de leur ultime étreinte. Leur position était d'autant plus touchante et émouvante qu'elle contrastait terriblement avec l'expression de souffrance dans laquelle leurs visages s'étaient figés.

Cette image de sa mère ensanglantée et suppliciée devait hanter Aliénor pour le restant de ses jours...

Elle se blottit à nouveau contre François pour lutter contre les larmes qui revenaient inlassablement à la charge, contemplant avec son ami le résultat de la folie et de la noirceur qui animaient parfois l'être humain. Ce fut à cet instant que la colère et la haine s'insinuèrent dans le coeur de la jeune fille. Pour l'heure invisibles, clandestines, toutes deux attendraient l'heure de leur éveil. Patience...

De longues minutes après, Aliénor et François ressortirent de l'église, plus abattus encore qu'ils n'y étaient rentrés. Ils échangèrent un regard, quelques mots. Sitôt après des directives furent données. Physicien, embaumeur et clerc seraient mandés pour constater le décès et préparer les dépouilles des deux anciens gouverneurs pour leur ultime voyage. Où les mener ? Ils ne le savaient pas encore. Pour l'instant direction Guillestre puis Hostun, en attendant des nouvelles de l'hérauderie et des autorités spirituelles et temporelles.

Aliénor s'approcha de son fidèle intendant qui semblait porter le poids du monde sur ses épaules. Il était abattu et ne retenait qu'à grand peine ses larmes. Aliénor le regarda, prit une grande inspiration pour ne pas pleurer puis se laissant aller, elle se serra contre le malheureux Etienne, qui lui rendit la pareille.

La maison d'Avencourt toute entière était désormais orpheline...

Lorsque la jeune demoiselle put enfin parler, ce fut pour demander à ce qu'on lui trouve de quoi écrire. Un chanoine proposa ses services, dans son scriptorium. Aliénor dicta deux lettres, l'une pour son frère, l'autre pour le baron de La Salle.






A Guidel de Mont-Dauphin, baron de la Salle,

C'est le coeur bien lourd que je vous fais parvenir cette lettre. Triste jour que celui-ci pour le Lyonnais-Dauphiné. Malheur sur nous.

Cette nuit, Messire Charles de Macquart et Dame Francesca-Amalya d'Avencourt, ma mère ont été retrouvés morts assassinés dans l'église de Briançon.

Je ne puis vous narrer les détails de ces funestes évènements car je n'ai point encore pu les comprendre tout à fait. Il est des questions encore sans réponse mais je ne doute pas de les avoir trouvées et de pouvoir tout vous expliquer lorsque nous nous verrons.

Le vicomte de Crots, François et moi-même nous mettons en route sitôt que nous pouvons en passant par Guillestre et Hostun avant d'avoir décidé d'une ultime destination.

Je vous serai obligée si vous vouliez bien informer l'office généalogique héraldique de cette sombre nouvelle afin que nous soient transmises les dernières volontés de nos parents disparus.

Que le Très Haut ait leur âme.

Aliénor d'Avencourt.








Mon cher frère...

C'est le coeur bien lourd que je te fais parvenir cette lettre. Triste jour que celui-ci pour notre famille. Malheur sur nous. Je ne sais comment te dire l'indicible aussi pardonne la maladresse de mes mots...

Nos plus grands espoirs ainsi que notre crainte la plus profonde se sont réalisés cette nuit. Notre mère, ainsi que Charles ont été retrouvés morts dans l'église de Briançon, assassinés.

Je te ferai grâce de la vision infernale que j'ai eue de notre pauvre mère et de Carnil. Je n'ai pas encore compris tous les détails de cette sinistre affaire, mon esprit est pour l'instant noyé dans la tristesse et l'affliction. Je te conterai toute cette triste histoire lorsque nous nous retrouverons.

François ainsi que le vicomte de Crots sont à mes côtés, je suis en sécurité.
Nous nous mettrons en route sitôt que nous pouvons en passant par Guillestre et Hostun avant d'avoir décidé d'une ultime destination.

Nous sommes en deuil, mon frère, nous sommes orphelins. Mes pensées t'accompagnent, mes prières vont à notre défunte mère ainsi qu'à feu le duc d'Hostun.

A.


Aliénor demanda à ce que la première missive fut fixée à la patte du volatile briançonnais le plus rapide que l'on puisse trouver. La seconde, elle l'a remis à Etienne.


- Portez ceci à mon frère, au Château des Roches, je vous prie. Je ne puis me résoudre à lui envoyer un simple courrier. Je ne puis me déplacer aussi vite que vous, aussi je vous en conjure, soyez ma voix, soyez mes larmes... s'il vous plait.

Les mains de l'intendant se serrèrent affectueusement sur les siennes.

- Je pars dès à présent ma Demoiselle, soyez sans crainte, je ne faillirai pas.

Etienne s'en fut prestement, ainsi qu'il l'avait dit. La journée parut interminable à Briançon mais la tristesse occultait la fatigue. Tous prirent la route dès la fin de l'après-midi.
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