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[RP] L'amour d'une mère vaut bien une robe, non ?

Lililith
La gamine ne sait plus quoi penser. Son visage reste impassible même si elle sourit parfois. Elle passe une main dans ses cheveux qui ont à peine repoussé depuis la dernière fois qu'elle les a coupé et grimace de les sentir comme si elle passait sa main dans de l'herbe fraîchement coupée.

Elle songe à Rodrielle, s'interrogeant sur ce que cette femme, son modèle, celle qui finalement a pu plus se rapprocher d'une mère peut bien penser en cet instant. Le visage de la Minusculissime se lève en direction du ciel, lui lançant une interrogation muette qui ne trouvera pas de réponse ; parce qu'elles n'en trouvent jamais.

L'enfant a quitté sa chambre d'auberge sans voir Azurine. Elle n'a pas su trouver les mots pour lui expliquer parce qu'elle pressent que ce sera plus difficile que prévu. En plus, elle-même ne sait pas trop comment se positionner face à cette femme, face à cette inconnue dont elle ignore finalement et n'est même pas sûre de reconnaître comme étant sa mère, malgré les quelques preuves flagrantes.

Alors elle se dirige vers le puits avec ses braies déchirées qu'elle porte. Elle s'installe sur la margelle et patiente en sortant son couteau. Aux gens qui la regardent étrangement, elle leur retourne un regard noir ; aussitôt ils se détournent d'elle et passent leurs chemins. Minutieusement, elle observe l'arme qu'elle connaît pourtant par cœur, et s'amuse à faire luire le reflet sur le sol, en attendant de voir arriver Flaminia.
Enfin, elle est là non loin d'elle, et aussitôt l'enfant sursaute non sans jurer intérieurement ; elle range sa lame et va au-devant de la vénitienne.


- Buongiorno M... Buongiorno.

L'appeler maman ? C'est étrange parce que ce mot-là, il était réservé à une seule, à la Tatouée qui lui appris ce qu'elle est maintenant. Lili est ce que son passé a fait d'elle. Elle n'est pas conforme à la bonne société, mais après tout, qui sont réellement les méchants ? Qui sont les gentils ? Tout dépend du point de vue.

Ainsi, il va falloir du temps à la petite blonde pour qu'elle se mette à l'appeler Mamma. Mais - qui sait ? - elle le fera peut-être un jour. Après tout, cette femme est bien celle qui l'a mise au monde.

Mais, en attendant d'envisager ce qu'elle compte faire pour la suite, elle prend tous les instants qui viennent à elle avec volonté. Même si cela implique de porter - ô sacrilège, honte ultime ! - une robe. Faire une concession pour ne pas risquer de se fermer toutes les portes, en somme.

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Flaminia.m.
Des années auparavant, un lion et une lonce s'attachèrent à faire de Venise, la ville de tous leurs excès, et de la passion ne peut naître que le meilleur. Du moins voilà de quoi Flaminia s'était convaincue toutes ces années. Giuliana était le meilleur d'elle-même, le meilleur de ce que son ancien amant français lui avait laissée, et la fillette avait grandi, protégée des relations licencieuses de sa génitrice, chérie pour l'innocence qu'elle représentait.
Oui mais voilà, elles avaient été séparées, et à toutes deux, on avait menti. Trois années entières, l'une pensait la première morte, quant à la deuxième, elle l'imaginait préservée de toutes les horreurs dans une fermette sur une ile.

Autant dire qu'elles s'étaient fourvoyées plus qu'à leur tour. Et Bordeaux était là pour le leur rappeler.

Dans l'acier d'un bouclier, elle ajuste sa mise par automatisme, les doigts traînent sur le visage y cherchant les traces des années qui passent. Elle est toujours belle, et la maternité a su la cueillir assez jeune pour que les traces n'en soient pas trop présentes. Comment en vouloir à la fillette de ne pas l'accepter comme sa mère, alors même qu'elle n'a jamais été réellement présente même alors à Venise ?

Un soupir alors qu'elle rejoint le marché, elle l'a dit et le pense, elle est de loin la pire mère de ce côté-ci des Alpes, mais elle reste une mère, et elle reste surtout une courtisane qui a vu les braies abîmées, qui la voudrait un peu plus .. Un peu plus comme avant. Quand elle n'était pas une miniature de mercenaire avide de sang, et bien plus une petite fille sage et souriante. En somme, comme toutes les mères, Flaminia refuse que son bébé grandisse.
Quoi de plus naturel ?

Quand elle approche d'elle, son cœur de mère se serre et le regard capte tous les détails. Toujours cette satisfaction de ne voir aucune ressemblance avec le père. Elle a si bien officié à cet exercice que ça en paraîtrait presque un miracle, pourtant, l'ancienne courtisane sait, elle où sont les similitudes entre la fille et le père.


« Buongiorno Giuliana »

Elle a écouté ce que la petite a bien voulu lui dire, elle a accepté de passer au second rang, mais ce prénom restera le prénom de sa fille. Et si les gens s'arrêtent sur le couple étonnant qu'elles représentent toutes deux, la Marionno s'en moque bien, occupée comme sa fille à prendre les instants de vie que le hasard a bien voulu lui donner.

« J'ai trouvé un tailleur point trop regardant à l'autre bout de la ville, dit-elle, se trouvant stupide de n'être capable que de donner dans les banalités. Et on dit qu'il y a un tanneur non loin, nous pourrions en profiter pour te faire faire des chausses. Le bon cuir est toujours dur à trouver. »

Une journée passée à arpenter les rues en quête de quoi habiller la Minisculissime sans la brusquer dans ses habitudes, voilà bien l'idée de la mère manquée. Ainsi elles pourront discuter.

« Veux-tu me parler de celle qui t'a élevée ? J'ai loupé tant de choses.. Trois ans, c'est une éternité. »

La main pend à son flanc tandis qu'elle étend le pas pour gagner l'endroit, profitant ça et là des coins d'ombres des maisons. Elle pend cette main, oui. En attente d'un miracle.
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© Elissa Ka - Tous droits réservés. - Tu veux jouer avec moi ? Y a moyen de moyenner. MP ! - Militante des RP ouverts.
Lililith
La Minusculissime ne quitte pas du regard cette femme, comme redoutant soudain de la perdre à nouveau de vue et pour toujours cette fois. Elle sourit, un peu. Regrette-t-elle la mort de Giacomo ? Absolument pas. Au contraire, elle y repense chaque fois, en regrettant de n'avoir pas dit ou fait ceci ou cela. Mais elle a presque érigé son meurtre de chef-d'oeuvre. « Presque » : c'était son premier, et le premier ne peut être un travail abouti, celui de toute une vie. Il était celui de sa vie d'avant ; clairement elle n'est plus la même. Elle ne s'est plus tue. Elle n'a plus touché à sa tablette. Elle a même laissé un peu repoussé ses cheveux !
Un peu, seulement, parce qu'il ne faut pas déconner non plus.

Flaminia dit des banalités, mais la gamine ne s'en formalise pas. Des morts successives qui se sont abattues autour d'elle, elle en a retiré un grand silence. Et de ce silence, elle a constaté que les adultes, effrayés d'y être confrontés, préféraient dire tout et n'importe quoi plutôt que de le laisser s'installer. Alors, des banalités, certes, mais peu lui chaut. Elle se contente d'hocher un peu la tête, parce que la courtisane pourrait croire qu'elle est ignorée. Or, c'est faux : Lili lui porte plus d'attention qu'elle n'a porté à quelqu'un ces derniers temps. Excepté Giacomo, peut-être.

La gamine se tait toujours, essayant de s'imaginer en robe. Pas facile de courir ou se battre avec un tel tas de tissus... Mais peut-être pourra-t-elle parader avec à la prochaine prise de mairie. Elle en est donc à là, à rêver de sa marche triomphale dans une ville déchue, quand les paroles de sa génitrice la ramènent dans la réalité. Elle hésite un instant, de qui doit-elle raconter l'histoire ? Erwelyn ? Non, Flaminia a précisé « celle qui t'a élevée ». Erwelyn ne rentre pas bien dans cette catégorie. Lui parler de Rodrielle, alors ? Elle pourrait. Mais non. Parce qu'on ne décrit pas la Tatouée. On l'a connue, ou pas. Il n'y a rien à en dire. Comme décrire l'indescriptible ? L'enfant va essayer pourtant.


- Ce que je vais te dire, ce n'est qu'un peu de ce qu'elle a pu être. De ce que j'en ai compris. De ce qu'elle m'a montré. L'Étoile lève furtivement les yeux au ciel, cherchant comme souvent ce signe qui ne vient pas, sauf peut-être cette brise qui lui caresse la joue comme la main de la Matriarche savait si bien le faire... Y voit-elle un encouragement ? Nul ne le sait. Toujours est-il qu'elle continue. Elle m'a aidé à être ce que je suis aujourd'hui. Elle m'a appris à être fière de moi et à savoir faire face. Elle m'a appris qu'il faut se battre pour ses convictions, même si c'est contre l'avis unanime des autres. Même s'ils ne comprennent pas. Elle vient machinalement chercher un contact entre les deux mains si différentes, de ce contact humain dont elle a manqué pendant toutes ces années ; de ce contact qui aurait peut-être pu la rendre plus humaine alors que dans ses yeux ne luisent que la haine et la mort. De ce contact qu'elle a cherché avec maladresse chez les femmes qui l'entouraient sans pour autant toujours le trouver. Elle m'a appris à me relever après être tombée.

Comment parler de ce qui peut paraître de la barbarie aux yeux d'une femme si douce et si délicate ? Comment raconter ce qui n'est compréhensible qu'une fois qu'on a entendu les bottes qui claquent, le silence de la nuit, qu'une fois qu'on a vu les lames scintiller grâce au reflet de la lune ? La Minusculissime cherche à expliquer tout en craignant que celle qu'elle retient désormais plus qu'elle ne tient ne tourne les talons et s'enfuie.

- C'était une femme forte qui savait ce qu'elle voulait. Elle a aidé la Famiglia, le Clan, à rester soudés. Elle a fait en sorte que chacun se sente, et soit, à sa place. Même moi qui, à l'origine, n'avait rien à y faire. Surtout moi...

S'il y avait quelqu'un de très observateur, et si cette personne connaissait parfaitement Lili, elle pourrait observer une minuscule lueur apparaître dans ses yeux, cette lueur de la nostalgie du temps passé. Lumière qui chatoie fugacement dans ses ambres avant de s'éteindre.

- Elle nous a appris à ne pas oublier les morts. À leur rendre hommage. Elle m'a appris... Elle m'a appris qu'on ne connaît jamais tout de quelqu'un. Que des parts d'ombres restent toujours, et parfois ce sont des pans entiers qui sont méconnus. Elle esquisse un sourire alors que les pavés défilent sous ses pas, bien alignés et accolés les uns aux autres. Puis, elle poursuit : Mais que malgré tout cela, on peut tout de même faire confiance à cette personne qu'on ne connaît pas. Il suffit de suivre son instinct...

Parle-t-elle toujours de la relation qu'elle a eue avec la Matriarche, ou bien de celle qu'elle a en ce moment avec cette femme dont les doigts sont toujours repliés sur les siens ? Un peu des deux, certainement. C'est bien grâce - ou à cause ! - de cet enseignement qu'elle est restée à Bordeaux plus que de raison, alors qu'elle n'y a pas - encore ? - trouvé son chat...

Famiglia : Famille.
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Rodrielle


Petite étoile lève les yeux au ciel sans la voir. Pourtant, elle est bien là, éternelle, omniprésente. Son regard, d'origine si dur, s'attendrit devant l'enfant qui grandit. La Mamma était là tout le temps, de sa nouvelle coupe de cheveux à son départ, de la perte de Pandou à l'arrivée à Bordeaux. Elle observe, avec un sourire, la petite fille grandir sous l'aile d'Azurine qui a, elle-même, tellement changé. Elle observe les deux jeunes filles avec admiration, mais également avec regret. Elle aimerait tellement être à leurs côtés, les conduire, les encourager et les réconforter lorsque les larmes apparaissent au coin de leurs yeux. Elle aimerait caresser les cheveux de Lili et lui dire que tout ira bien, qu'elle était là... Pour toujours. Pourtant, la Tatouée se l'interdit, reste dans l'ombre pour mieux les laisser vivre, pour qu'elles grandissent. Elle sait qu'elles seraient en colère, qu'elles lui en voudraient de ce mensonge monté de toute pièce il y a quelque temps. Pourtant...

Son regard quitte l'enfant pour se figer dans le vide. Elle se revoit réaliser cette demande, monter cette supercherie de toute pièce alors qu'elle allait encore bien. Les plantes médicinales, lorsqu'on les connait, peuvent devenir de vraies armes de tromperie ; ils avaient réussi à simuler la maladie, même si Rodrielle en avait payé le prix par un mal-être à la limite du surmontable. Elle aurait pu mourir réellement si elle n'avait pas jugé que c'en était assez. Trop vieille pour gérer le groupe, trop en retrait et fatiguée, elle avait préféré s'effacer pour laisser la jeunesse prendre le contrôle. C'était leur tour. Elle, pouvait prendre sa retraite et profiter de la vie. Ou presque... Elle avait laissé Malédic, Elouan, Fralis, Gabriel, et surtout Lili... Et l'idée de ne plus voir son Etoile avait été trop difficile à surmonter : elle avait donc décidé de la protéger de loin. Et l'arrivée inattendue d'Azurine la rassura. Les deux soeurs allaient pouvoir s'apprivoiser et se soutenir. Alors la Tatouée restait dans l'ombre, sachant pertinemment qu'elle était morte dans la tête de ses filles.

Le regard de l'italienne se reconcentre lorsqu'une personne approche de Lili. Aujourd'hui, c'est une autre femme que la petite attend. Ses sourcils se froncèrent pour donner à son visage enjôleur l'expression que beaucoup craignaient. Qui était cette femme qui arrivait ? La Tatouée savait que Lili avait perdu sa maman, mais l'idée qu'elles se retrouvent aujourd'hui l'agaçait. Pour elle, elle était la mère de l'enfant, l'avait prise sous son aile et l'avait aimé bien plus qu'une mère ne le pouvait. Suffisamment proche pour écouter les paroles féminines, la Tatouée tend l'oreille, grogne en silence lorsque le nom de naissance de l'enfant est lancé, puis se radoucit aux paroles de Lili. Elle avance à leur suite, cachée sous cette cape rouge sang, puis manque de s'élancer sur l'italienne lorsque les deux mains se joignent. Qui est donc cette opportuniste qui ose tenir la main de son enfant ? La colère l'assaille, la tiraille, et l'envie de se montrer est rapidement réprimé pour ne pas choquer l'enfant à qui elle tient tant.

Alors elle continue ses observations, discrète, silencieuse.
Et souffre en silence.


Flaminia.m.
Habituée de Venise et de son labyrinthe de canaux et de campos, la curtigiana s'est rapidement faite aux rues bien agencées de Bordeaux, et ses pas les mènent sans effort là où elles doivent aller. Son attention est donc entièrement concentrée sur les paroles de la miniature blonde dont la main a rejoint la sienne sans commentaire.

Les doigts s'entrelacent et ils sont un baume sur son cœur quand la mère assimile ce qui est dit. Les sentiments se disputent la part du lion dans l'âme de la génitrice, aurait-elle aimé cette Corleone en l'ayant rencontrée ? Certainement. Elle y aurait même volontiers trouvé une sœur ou une mère, une figure familière qui a manqué chez elle aussi. Aime-t-elle son souvenir tel qu'il est dépeint actuellement par celle qui est sa fille mais qui parle d'une autre avec tant de tendresse ? Impossible de le déterminer, et tel une funambule, elle oscille entre l'envie et l'apaisement.

La pulpe du pouce caresse le dos de la petite main, et si dans son dos, elle sent une présence, la blonde met cela sur le compte des propos tenus. On ne parle pas des morts impunément sans les réveiller.


« Basi.. Ton père, elle n'appuie pas plus que de nécessité sur le mot. Elle le place dans la conversation parce qu'il l'est. Voudrait que tu sois différente, plus .. Noble. Mais je pense à entendre ce que tu dis, que tu l'es bien plus que je ne l'ai jamais été. Et même si, on ne me retirera pas les merveilleuses années que j'ai connu, je crois que cette Corleone t'a élevée d'une bien meilleure façon que je ne l'aurais fait. J'aurais aimé la rencontrer. »

Quand on est courtisane, on apprend à n'être jamais jalouse, jamais possessive. Laxiste aux yeux de certains, la Marionno est surtout éprise d'une liberté toute récemment acquise, et loin d'elle l'envie de priver sa progéniture de profiter de la sienne. Libre d'aller où elle veut, d'aimer où elle veut, tant qu'elle reste en vie et le lui prouve de temps à autre.

« J'ai pris bien peu de temps pour te connaître, mais je t'ai aimé. J'aimerais que tu n'en doutes jamais, et cela paraît bien bête à présent, mais j'aimerais que tu .. Si tu ne veux pas que je sois ta mère, si tu veux que je sois autre chose, je le ferai. Mais je ne veux pas n'être plus dans ta vie. »

Elle ne se bat pas pour un privilège, pour une place, pour des mots. Elle aime, et si pour aimer sa fille, elle doit céder sa place à un fantôme, elle le fait bien volontiers. Dans la rue, on aperçoit au dessus du linteau de la porte, les ciseaux de cuivre qui attestent de l'office du propriétaire de la bâtisse. L'idée soudain de voir Giuliana en robe lui arrache un rire irrépressible. Il faut être vénitienne pour attacher tant d'importance à la beauté, et pourtant, même la vénitienne qu'elle est, a conscience de l'absurdité de la chose. Mais hé ! On a dit une robe.

La cloche carillonne quand elle ouvre la porte et qu'un homme replet les accueille avec les effusions bourgeoises habituelles.


« Buon giorno signor ! On vous dit bon ouvrier et je voudrais que ma fille ait une robe élégante et pratique, dit-elle en souriant avec plaisir. Et que vous reprisiez ses braies.. Et pourquoi pas une paire pour moi aussi ! »

La blonde accuse le regard perplexe de l'homme qui considère les deux blondes si mal assorties, avant de sortir de quoi prendre les mesures.
Des braies cela pourrait être amusant, oui. Cela plairait sûrement à Basile de voir ses courbes si bien mises en valeur par un vêtement moulant.

A la fillette elle sert un sourire malicieux.


« Quelle couleur pour ta robe ? »

Voilà comment on apprend à connaître sa fille quand on est une Marionno : En dépensant de l'argent pour des futilités.
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Lililith
« Ton père ». Le mot la frappe mais elle s’abstient du moindre commentaire, parce qu’effectivement, il l’est. Elle n’en veut pas mais n’a pas le choix, aussi s’est-elle promise de ne le fréquenter que le strict minimum. Il aimerait peut-être avoir une plus grande influence sur elle mais n’y arrivera pas, parce que l’enfant a le caractère fier des Corleone. Peut-être l’est-elle un peu vraiment, finalement. Ce n’est pas par le sang mais par les actes qu’ils sont unis, elle est bien placée pour le savoir ; mais elle ne peut s’empêcher de se poser des questions.

- Elle m’a élevée de la manière qui lui semblait la meilleure pour moi.

Peut-être pas aux yeux de tous, mais qui seraient-ils pour juger, eux qui n’étaient pas là quand elle en avait besoin ? Si d’aucuns s’avisaient jamais de remettre en doute son éducation, elle resterait la tête haute parce qu’elle estimait n’avoir pas à rougir de l’héritage de la Matriarche.

- Je ne doute pas que tu m’aies aimé. Je m’en souviens, tu sais…

Son regard franc se pose sur le visage doux de la courtisane qu’elle aimerait serrer dans ses bras ; mais trop tard, le moment est déjà passé. Elle se détourne un peu, réfléchissant à la suite des paroles sans savoir quelle place elle était prête à accorder à cette femme qui la réclamait. Cependant, elle n’ignorait pas la réponse immédiate qu’elle pouvait apporter à sa demande.

- Tu resteras dans ma vie.

L’Étoile essaiera de faire en sorte que cela ne reste pas qu’un vœu pieux ; que cette relation « mère-fille » aura un meilleur succès que celle d’avec Erwelyn. Elle essaiera mais ne s’engage pas à la légère.
Le duo arrive finalement à la boutique et les doigts de la petite se crispent. Elle sent déjà la crainte la submerger mais s’efforce de ne pas s’enfuir, de rester sur place, immobile. Un sourire apparaît sur ses lèvres tandis qu’elle entend Flaminia demander des braies. Elle ne l’imagine pas autrement qu’en robe et cela pourrait être amusant, en effet…


« Quelle couleur pour ta robe ? »
- Rouge !


La réponse a fusé immédiatement, parce que la blondine sait exactement quelle est sa couleur préférée, et laquelle elle voudrait se voir porter. Elle n’y connaît absolument rien en mode, ne sait pas si la couleur a une quelconque signification ; du reste, peu lui importe. Sa mère veut lui offrir une robe !

- Un beau rouge.
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Flaminia.m.
S'il devait y avoir une religion des occasions ratées, alors Flaminia en serait la papesse sur cette terre. A son grand désarroi et sans que certaines fois, elle ne le réalise, l'incapacité de la courtisane à saisir les chances et les opportunités se présentant à elle, ne tend pas à s'améliorer avec le temps. Bien heureusement pour elle, elle le remarque peu souvent, ou bien trop tard pour en être réellement affligée. Et c'est ainsi que la mère loupe l'opportunité de serrer sa fille contre elle, concrétisant ainsi un lien déjà bien fort s'il en est entre une putain et une brigande.

L'homme prudent préfère s'atteler aux mesures de la mère qui sans se faire prier a déjà gagné le derrière du paravent pour ôter sa cotte et finir en chainse, afin que les mesures soient au plus proche. Et il manque de s'étouffer le pauvre bourgeois.


« Mais du rouge pour une garcette, ma dòna . C'est bien trop ..
- Puisqu'elle veut du rouge ? N'avez-vous aucune pièce qui fera l'affaire ? 
- J'ai bien une robe qui était pour la fille du bourrel. Mais elle est morte et je n'ai personne qui acceptera de porter cela. Elle est d'un carmin passé, mais ..
- Nous la prendrons si vous la rajustez et ravivez sa couleur. Ma fille veut un beau rouge.
- Ma dòna  ! La fille d'un bourrel tout de même.
- Elle ne l'a pas portée, et elle est morte, cazz0 ! »


Sourde aux imprécations de l'homme, elle remonte ses jupons de plus belle pour qu'il poursuive à prendre les mesures. Bien sûr qu'il ne faut pas approcher l'exécuteur public, ni en France, ni à Venise, mais pour une courtisane habituée aux regards de travers, la souillure du sang sur les mains d'un bourrel vaut bien celle du foutre sur ses cuisses. Et puis sa fille n'a-t-elle pas autant de sang sur les mains ?

Il y a deux façons d'avoir des robes : Débourser une fortune pour qu'un tailleur ne fasse à votre mesure la tenue de vos rêves à partir de pièces de tissu récemment tissées ou bien escompter qu'un de ses clients se sera désisté au dernier moment, auquel cas, vous pouvez espérer que le bourgeois vous fera un rabais en se débarrassant d'une vesture qui encombre son commerce, en vous l'ajustant.
La vénitienne avait connu les robes de location, à ses débuts, puis les beaux atours et enfin, son mariage lui avait permis d'avoir sa propre garde-robe. Et de nouveau la déchéance..

Mais la roue tourne et l'argent va et vient qui lui permet d'offrir à sa fille ce qu'elle veut.

La vénitienne sort de derrière le paravent, laissant le bourgeois annoter sur un feuillet les mesures prises qui lui serviront pour les braies, tandis que son aide de boutique s'en va chercher la robe dont il était question.


« Ca ne te dérange pas de porter la tenue de cette pauvrette, Giuliana ? »

Du moins l'espère-t-elle. Cette manie d'imposer aux autres ses désirs sans s'enquérir de ce qu'ils pourraient vouloir.. Flaminia traverse l'espace qui la sépare de sa progéniture, la considérant en silence un instant, un sourire aux lèvres. Ils se battent tous pour lui attribuer un nom, et pourtant devant elle, se tient un petit être qui a prouvé sa capacité à s'adapter. Elle est Marionno, parce qu'elle est jolie, parce qu'elle est blonde et que son teint est bien fait. Elle est Pelamourgue, parce qu'elle a cet air buté que son père ne saurait renier. Mais plus que tout, elle est Corleone parce qu'ils ont fait d'elle ce qu'elle est. Et là où son père s'offusque et son oncle se braque, la mère, elle se réjouit de savoir qu'en toutes occasions, sa fille restera en vie, parce qu'elle l'a appris.

D'un geste léger, elle caresse la joue filiale et replace du bout des doigts quelques mèches sur le front.


« Tu es tant jolie. »

Chez cette femme pour qui l'apparence et la ruse permettent de faire fortune et de survivre dans un monde d'hommes, ce compliment en est bien plus important que les autres. Il y a cette fierté qui déborde dans les mots. Giuliana n'est plus la fillette silencieuse et douce d'alors, et c'est une chance pour elle.

L'apprenti revient avec la robe qu'il tend à son maître tailleur, devant elles. Un geste d'encouragement peut-être ? Un sourire en coin, oui.


« Donaiseleta, venez donc l'essayer puisque votre mère le veut. Nous verrons ce qu'il convient de reprendre. »

Et déjà, il s'attend à reprendre beaucoup plus que prévu vu la taille fluette de la fillette devant lui. Prudent, il ne s'avisera pas pourtant à la contraindre comme il le ferait avec n'importe quelle fille de bourgeoise. Celle-ci semble pouvoir mordre à tout moment.

Oui sa mère le veut. Mais si la drôlesse ne veut pas, elle ? On écoute jamais les enfants de toute manière.

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