Wallerand
Le Beauharnais était également dhumeur assez morose. Entre lassassinat découvert quelques jours plus tôt et labsence de sa maîtresse, il peinait à se maintenir dans son état normal. Ce jour-là, il avait emmené de quoi travailler au moulin, se réfugiant dans un endroit où il y avait eu déjà tant de joie quil espérait en collecter des miettes par son seul environnement. Sauf que la colombe nétait pas là
Ce fut donc sans la compagnie du revêche volatile que le Chancelier sattela à la rédaction des missives et à la préparation des interventions sur lesquelles il avait escompté travailler. Plus tard dans la journée, cependant, le bruit de deux chevaux marchant sur la route à quelque distance se fit entendre. Il y eut comme une pause, puis lun se rapprocha alors que le second séloignait. Se pouvait-il ?... Non, elle devait rentrer plus tard, ça ne pouvait pas être elle. Qui, alors ?
Le regard glissé par la fenêtre lui suffit. Cétait elle, cétait bien elle qui attachait sa monture au muret ! Le naturel exubérant du jeune homme revint au galop et il sortit du moulin à longues foulées, laissant en plan, une foi nétant pas coutume, tout son nécessaire décriture sans même prendre la peine de le nettoyer. L'Acrobate paissait près du Midou, et avec un peu de chance le père de Bella ne l'aurait pas remarqué au passage Et elle non plus. Lancé à pleine vitesse, il refermait les bras sur elle pour létouffer de baisers quand un caillou malintentionné ripa sous sa botte, entrainant une chute un petit peu rude sur le côté. Ainsi naquit le placage, repris quelques siècles plus tard dans un sport bien connu. Cependant, de là à dire quil faut considérer Wallerand comme un précurseur de cette délicate activité, il y a un pas que le modeste narrateur se refuse à franchir. Bref, le jeune homme retrouvait le sourire en cette blondissime compagnie, et il le lui signifia, allongé dans lherbe dans la douceur de laprès-midi, en la serrant étroitement contre lui, dun joyeux :
Oh, pardon, mais ça me fait tellement plaisir de vous revoir !
Seul un petit éclat de rire lui répondit, alors que sa maîtresse se lovait contre lui, et il continua entre deux baisers fiévreux :
Je croyais que vous deviez rester encore un peu ?
Oui...
Qu'importe, je suis heureux de vous voir !
Mais le filet de voix de la jeune fille alerta son amant. A mieux y regarder, le fragile sourire cachait mal une mine défaite, soucieuse. Desserrant légèrement l'étreinte de ses bras, le Beauharnais considéra Bella, retrouvant soudain son sérieux. Se soulevant sur un coude, il tendit la main vers sa joue, alarmé par le voile humide qui noyait son regard de jade.
Quelque chose ne va pas ?
Sans un mot, la jeune fille fouilla dans la besace quelle portait pour en tirer deux feuillets, quelle tendit au Beauharnais. Les dépliant, il les parcourut et crut que les yeux allaient lui sortir de la tête. Et que son cur allait se décrocher. Un moment, il resta silencieux, suivant du regard les lignes sans pour autant les relire, machinalement. Ils n'en avaient pas beaucoup parlé, mais Wallerand savait que sa maîtresse avait un temps envisagé de se retirer du monde. Elle en avait parlé à leur première rencontre... Et maintenant ? Etre poussée par le Primat de France à devenir Evêque, c'était l'occasion rêvée d'accomplir pleinement cette vocation... Le jeune homme tentait de garder contenance, et pourtant il y avait une saleté de noeud coulant qui glissait sur sa gorge. Sasseyant en tailleur, il garda un instant encore le silence, passant une main sur son visage comme pour se réveiller dun cauchemar.
Si c'est ce que vous voulez... Je veux dire, je sais que vous avez à coeur de servir le Très-Haut. Et je sais que je nai pas le droit de vous demander dy renoncer Mais...
Allez. Lâche-le. C'est le moment, tu ne sais pas quand il sera trop tard pour le faire. Et quand il sera trop tard, tu pourras juste t'en mordre les doigts et le regretter pour une éternité, et en plus tu t'en voudras de l'avoir fermée parce que ça te faisait peur de l'admettre. Ca a beau être l'argument le plus égoïste du monde, c'est tout ce que tu peux opposer à l'Eglise. La voie de Dieu contre la voix du coeur, qui s'exprima dans un murmure.
... Je vous aime.
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Le regard glissé par la fenêtre lui suffit. Cétait elle, cétait bien elle qui attachait sa monture au muret ! Le naturel exubérant du jeune homme revint au galop et il sortit du moulin à longues foulées, laissant en plan, une foi nétant pas coutume, tout son nécessaire décriture sans même prendre la peine de le nettoyer. L'Acrobate paissait près du Midou, et avec un peu de chance le père de Bella ne l'aurait pas remarqué au passage Et elle non plus. Lancé à pleine vitesse, il refermait les bras sur elle pour létouffer de baisers quand un caillou malintentionné ripa sous sa botte, entrainant une chute un petit peu rude sur le côté. Ainsi naquit le placage, repris quelques siècles plus tard dans un sport bien connu. Cependant, de là à dire quil faut considérer Wallerand comme un précurseur de cette délicate activité, il y a un pas que le modeste narrateur se refuse à franchir. Bref, le jeune homme retrouvait le sourire en cette blondissime compagnie, et il le lui signifia, allongé dans lherbe dans la douceur de laprès-midi, en la serrant étroitement contre lui, dun joyeux :
Oh, pardon, mais ça me fait tellement plaisir de vous revoir !
Seul un petit éclat de rire lui répondit, alors que sa maîtresse se lovait contre lui, et il continua entre deux baisers fiévreux :
Je croyais que vous deviez rester encore un peu ?
Oui...
Qu'importe, je suis heureux de vous voir !
Mais le filet de voix de la jeune fille alerta son amant. A mieux y regarder, le fragile sourire cachait mal une mine défaite, soucieuse. Desserrant légèrement l'étreinte de ses bras, le Beauharnais considéra Bella, retrouvant soudain son sérieux. Se soulevant sur un coude, il tendit la main vers sa joue, alarmé par le voile humide qui noyait son regard de jade.
Quelque chose ne va pas ?
Sans un mot, la jeune fille fouilla dans la besace quelle portait pour en tirer deux feuillets, quelle tendit au Beauharnais. Les dépliant, il les parcourut et crut que les yeux allaient lui sortir de la tête. Et que son cur allait se décrocher. Un moment, il resta silencieux, suivant du regard les lignes sans pour autant les relire, machinalement. Ils n'en avaient pas beaucoup parlé, mais Wallerand savait que sa maîtresse avait un temps envisagé de se retirer du monde. Elle en avait parlé à leur première rencontre... Et maintenant ? Etre poussée par le Primat de France à devenir Evêque, c'était l'occasion rêvée d'accomplir pleinement cette vocation... Le jeune homme tentait de garder contenance, et pourtant il y avait une saleté de noeud coulant qui glissait sur sa gorge. Sasseyant en tailleur, il garda un instant encore le silence, passant une main sur son visage comme pour se réveiller dun cauchemar.
Si c'est ce que vous voulez... Je veux dire, je sais que vous avez à coeur de servir le Très-Haut. Et je sais que je nai pas le droit de vous demander dy renoncer Mais...
Allez. Lâche-le. C'est le moment, tu ne sais pas quand il sera trop tard pour le faire. Et quand il sera trop tard, tu pourras juste t'en mordre les doigts et le regretter pour une éternité, et en plus tu t'en voudras de l'avoir fermée parce que ça te faisait peur de l'admettre. Ca a beau être l'argument le plus égoïste du monde, c'est tout ce que tu peux opposer à l'Eglise. La voie de Dieu contre la voix du coeur, qui s'exprima dans un murmure.
... Je vous aime.
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