Christabella
[L'orgueil est toujours plus près du suicide que du repentir.]
Un entraînement de plus en plus âpre, des coups non retenus, qui résonnaient dans ses bras. La force contre la technique, c'était ainsi que l'on progressait. Mais Wallerand apprenait vite, plus vite qu'elle ne l'admettait, et à se battre ainsi, ils finiraient par se faire mal. Pas forcément se blesser, mais des ecchymoses au moins en cas de touche vu qu'ils ne retenaient plus leurs coups. La blondissime ne voulait pas l'admettre, ni l'envisager. Quel professeur ferait-elle, si au premier entraînement à force réelle elle se faisait battre à plate coutures ? Impensable. Aussi, serrant les dents, elle para, esquiva les coups porté de toute la force du Beauharnais, cherchant une parade, une ouverture pour mettre fin au combat. Un filet de sueur orna son front, la fatigue commençait à se sentir dans ses muscles. Une ouverture se profila, et portant le coup suffisamment fort, elle tapa derrière le genou de Wallerand, qui mit le genou à terre. Un sourire commençait à se dessiner sur les carmines, Bella se voyait déjà porter la touche finale, lorsque son élève, très consciencieux, lui attrapa le bras, imprudemment laissé à portée. Le Beauharnais, en un geste parfait, lui tordit le bras gauche dans le dos. Vaincue. Jusqu'à ce qu'ils perdent l'équilibre et tombent lourdement, son bras toujours tordu.
Comme au ralenti, alors qu'elle s'écrasait au sol, la jeune femme sentit une vive douleur, comme une sensation de claquement, tandis qu'elle se mordit la langue au sang. Le cri qu'elle poussa sembla résonner, comme si le monde autour d'eux était aux aguets, silencieux. Un goût métallique envahit sa bouche, tandis que des larmes ourlèrent ses jades, mouillant ses joues. Wallerand lâcha aussitôt son arme, horrifié à l'idée d'avoir fait mal à sa maîtresse, après cette fameuse journée à Dax, et il l'aida à l'asseoir. Cétait exactement ce quil avait craint, ce quil redoutait. Juste le contraire de ce quil lui avait promis, de ne plus lui faire de mal Tandis que Bella se retenait de geindre, étouffant ses gémissements, il s'aperçut tout de suite que quelque chose clochait. Elle se tenait le bras, complètement impotent... Dans l'esprit de Wallerand, les paroles de la jeune femme sur l'art des clefs de bras résonna : Si on tire plus fort, on disloque l'articulation. Grumpf...
Un rapide examen, avec toute la délicatesse possible, lui confirma le diagnostic, pour l'avoir déjà vu. Epaule luxée... Heureusement, il avait déjà vu ça. Le fils de Guilhem, le savetier de la rue des Pendus, était tombé en courant dans l'escalier de bois, à la poursuite de sa sur, au cours d'un de leurs jeux. Aussitôt, Hortense et Guilhem avaient réussi à lui replacer l'articulation, sans même attendre l'herboriste pour lapaiser, en expliquant à un Wallerand rameuté par les cris du petiot que plus on attendait, pire c'était, non seulement pour remettre l'articulation en place mais aussi pour les dégâts. Pense donc, le ptit de la rue dà côté, bah il levait plus son bras comme les autres. Il devait agir, pas au manoir, pas plus tard, tout de suite. Il défit sa ceinture de cuir non, pas ici, monsieur Grey ! COUPEZ ! On s'est gouré de plateau de tournage ! - et lui tendit. La jeune femme ne comprenait pas où il voulait en venir. Parcourue dun tremblement sporadique, la main insistait dans la présentation du cuir alors que son propriétaire balbutiait :
Bella... Je suis désolé... Mon amour, je suis désolé ! Je vais... Pardonne-moi, je vais devoir te faire mal. Je Fais-moi confiance...
Pardonnez-moi, Wallerand... J'ai été imprudente.
Ne dites pas de bêtises. Cest moi
J'ai mal... Ca fait mal...
Détendez-vous, Bella... Je... Mordez ça.
Frissonnant, la jeune femme acquiesça et planta ses dents dans la ceinture, et tenta de faire le vide, de ne pas se tendre inutilement. Elle savait qu'elle aurait mal, s'il lui donnait le cuir, ce n'était pas pour rien. Prenant une grande inspiration, adressant une prière muette au Très Haut, Wallerand plaça le bras bien droit, appuya son pied sous l'aisselle de la jeune femme comme il avait vu Hortense le faire Puis il tira sur le bras, tandis que la jeune femme tournait de l'oeil, blanche comme un linge. Le Beauharnais tâta l'épaule rapidement, il avait réussi à ré-emboîter l'articulation. Avant d'enlacer la jeune femme, d'essayer de la réveiller, lui embrassant le front, puis les lèvres, effaçant les larmes, la serrant dans ses bras, effrayé malgré lui par la tournure des évènements. Il la releva, faisant attention à sa tête, qui partait en arrière... La ramener au manoir, voilà ce qu'il devait faire... Alors, ladossant à un arbre le temps de rassembler les éléments darmure abandonnés et de les ranger dans son sac, attachant la bride de la monture de Bella à la selle de la sienne, il finit par tenter de la mettre en selle sans réveiller par trop la douleur Mais ce fut hélas peine perdue, et à chaque cahot, à chaque élancement quil devinait dans sa maîtresse calée contre lui, malgré lallure placide de lAcrobate, il se maudissait. Le retour au manoir serait long
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En deuil ( signature en cours de modification)