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[RP] Le Cairn de Verdun appelle Casas

Sancte
La masse des individus grouillant dans l'espace des Royaumes Renaissants est soumise à la même fatalité : celle de vivre toujours sur le fil du rasoir. D'autre part, au-delà du fil ténu auquel s'accroche toute existence, il peut être certain que rares sont ceux qui font montre d'un soupçon de constance dans leurs engagements. Quand a-t-il pris sa décision ? Il y a longtemps déjà. Mais il l'a annoncée il y a peu.

« Bien le bonjour, Guyenne. Vous ressentez cette douceur dans l'air ? Cette nature renaissante à foison ? J'adore le mois de Mai. Je crois que c'est mon mois préféré, avec Juin. Vous êtes une habituée des lieux, inutile que je m'étende en formulations d'accueil. Ce ne sera pas là un grand évènement, mais j'ai demandé à Rascasse de nous préparer des PFK en clôture de cérémonie. J'espère que cela vous conviendra. »
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Zoyah
Les rues de Paris étaient grouillantes à cette époque. Animées de vie, dangereuses, savoureuses en découvertes, puantes et si elle avait opté pour le carrosse, on serait probablement encore en train de l'attendre à Clichy. C'est donc à cheval qu'elle quitta la Capitale, « Huit » ayant la faculté de louvoyer dans les ruelles sans écraser qui que ce soit sous ses sabots. Chose étonnante pour elle de loger à Saint-Paul alors qu'elle avait clairement pris ses aises à Clichy durant des mois, y installant même un petit boudoir/atelier/dressing, une cabane pour ses mioches en forêt et que s'y trouvait quelques unes de ses affaires. Le confort spartiate de son appartement lui permettait néanmoins de se concentrer sur ses tâches qui semblaient ne jamais diminuer et de ne pas trop errer de l'esprit. Une robe en soie bleue et rouge, des motifs de fleurs de safran brodés au fil d'or sur le bustier sanguin, des lapis lazulis montés en boucle d'oreilles, le cou et les épaules nus et découverts, c'était là, la toilette de la coquette qui avait été malmenée pendant le trajet. Les cheveux domestiqués en un édifice de tresses qui tombaient dans le dos et tanguaient sur une courbe de rein marquée et une croupe ronde, dégageait un visage délicat et harmonieux. Quelques notes d'eaux de Hongrie, tel était le portrait de la vicomtesse lorsqu'elle franchit les portes du palais avec quelques galons défaits dans le dos et sur une manche. Le maître est dans la place. Diable, elle aurait bien voulu pouvoir remettre de l'ordre dans sa toilette après la chevauchée, ça ne sera visiblement pas le cas.
Elle masqua son embêtement et se fit introduite timidement dans la pièce
... « Bonjour Votre Altesse »… répondit-elle avec concision et sans s'oublier dans un déploiement d'urbanités. Le classeur serré contre sa poitrine, elle l'écouta pensivement... «  j'ai une affection particulière pour cette période, mais plus pour ce qu'elle m'évoque en souvenir et aussi pour les promenades en forêt au mois de juin, allez savoir pourquoi. »... dit-elle, énigmatique pour la plupart.

L'étonnement réveilla alors sa jolie bouille qui ne s'était pas encore fendue d'un sourire.. Cela me conviendra parfaitement.. mais j'avoue que j'ignore ce qu'est le Péeffecas. ».. du regard, elle chercha un lutrin où déposer ses affaires. Professionnelle jusque bout.
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Axelle
Prêter allégeance n’était pas de la gnognotte.

Si plantée devant la porte d’un salon de Clichy, la gitane savait quelque chose, c’était bien cela. Contre toute attente casanière, ou tatillonne au point de faire une montagne d’un raidillon, dès lors que le Prince de Clichy avait annoncé la choisir comme vassale, l’humeur de l’ex Casas s’était colorée de contradictoires nuances. Du bleu ciel pour ne pas dire rose bonbon - cette couleur étant définitivement bannie du vocabulaire gitan - d’un bonheur peuplé de petits oiseaux gazouillant entre de jolis petits papillons farceurs, au brun verdâtre le plus poisseux de trouille et de doutes.


Tant de trouille et tant de doutes que par deux fois, pour des raisons plus ou moins branlantes, plus ou moins confuses, elle avait annoncé au Von Frayner renoncer à Savenès. Autant dire qu’elle lui avait prodigieusement cassé les pieds. Cependant, les réponses princières avaient eu ce don rare de s’insinuer jusqu’au cerveau gitan, lui clouant le bec et lui revissant les pieds sur terre. Fallait-il qu’il soit patient ou plein de confiance pour supporter les hésitations de l’indécrottable spectre de la gamine d’Arles sans l’envoyer paitre et la laisser se débrouiller avec ce passé gluant auquel stupidement elle restait accrochée. Mais naitre dans la fange, grandir dans la médiocrité du larcin et de la mendicité sous la menace du regard d’un père aussi fourbe que cupide, laissait assez de traces pour que la seule perspective de se retrouver avec une couronne plantée sur le crane désoriente la gitane.

La zingara observait cette porte avec une étrange attention, sachant que lorsqu’elle en repasserait le seuil dans le sens inverse, elle ne serait plus tout à fait la même. Dès lors, il lui faudrait suivre un protocole obscur et compliqué, prendre garde à son langage, à sa mise, et même porter bijoux et souliers fins. Sans doute aucun tant ils la barbaient, ces artifices seraient balancés dans un coin avec le désintérêt le plus complet dès lors que les circonstances ne les imposeraient pas, pour mieux retrouver sa robe rouge et danser les pieds nus, le visage offert à la morsure du soleil.


Si les apparences n’étaient que faribole dont elle trouverait bien à se débrouiller, le réel chamboulement tenait dans cette sacrosainte indépendance qu’elle refusait d’égratigner même pour les beaux yeux d’un marmot adoré et dont pourtant, elle s’apprêtait à déposer une bonne moitié entre les mains princières. Non, définitivement, prêter allégeance n’était pas de la gnognotte. Pour la manouche, l’allégeance se gravait dans le marbre, sans que, sur un coup de tête, un coup de gueule ou un coup de cœur, il ne fut possible de le renier pour filer tisser sa toile ailleurs. Consciente de cela, trop peut-être, c’était cette montagne à avaler qui l’avait tant apeurée. Et si une preuve était à donner au futur suzerain de la confiance pleine et entière offerte, nulle autre ne pouvait être plus criante d’évidence que celle d’être là, en ce jour, plantée devant cette porte précisément.

Et en ce 22 du mois de mai, ce fut un visage serein qu’elle remonta vers Alphonse en déposant un baiser léger sur les lèvres félines avant d’en laisser tomber un sur le front d’Antoine niché dans les bras paternels, impatient de montrer à tous combien il savait à présent se tenir sur ses jambes potelées pour faire trois pas victorieux avant de tomber dans un bredouillage aussi désolé qu’obstiné à recommencer.

J’suis prête, murmura-t-elle au Chat dans un regard complice avant de pénétrer dans la salle.

De prime abord la tenue gitane ne différait guère de celle qu’elle revêtait en tant que Lieutenant de la Garde Royale. Noire. Sobre. Masculine. Aux bottes cirées avec soin dont les boucles claquaient d’éclat d’avoir été frottées avec vigueur, si ce n’était que le lourd gilet de cuir avait été balancé dans un coin et que la chemise troquait le lin grossier pour la soie. Quant au cuir ceinturant la taille jusqu’à la chute des reins, un peu d’attention suffisait à remarquer qu’il était trop souple et délicat pour faire face à la rudesse des entrainements et des campements. Si les boucles brunes pouvaient surprendre de cavaler plus assagies sur les épaules gitanes, la large manchette d’or martelé enserrant haut la manche sur le bras menu ne manquait certainement pas d’étonner.

Le regard noir se posa sur le Prince puis sur Zoé.
Le bonjour. Votre Altesse. Vicomtesse.

Je me permets de vous présenter Alphonse Tabouret, mon époux, et Antoine, notre fils. Alphonse, je te présente Zoyah de Caussade-Valençay, héraut de Guyenne. Furtivement la gitane plissa le nez devant le protocolaire et l’ennuyeux des présentations, sauf que pour le moment, elle ne savait faire autrement qu’être barbante à mourir ou trop volubile. Mais ça, elle apprendrait aussi.
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Sancte
« PFK. C'est du poulet frit à la Kronembourg. De petites pièces recouvertes de chapelure. Parce qu'elles ont appris à s'habiller. »

Quelle humeur n'empêche ! C'est à croire que le Héraut a une dent contre lui. Ceci n'est guère étonnant, cela dit. Il ne sait pas désapprendre ses vieilles habitudes. Au surplus, même, elles le structurent.

« Ah, bonjour à vous ! Très chers, vous êtes ici en amis. Concernant les faits de loyauté, ma mémoire a le mérite d'être plutôt bonne. Vous êtes appelés en ce jorn à être mes premiers vassaux rattachés à Verdun, en Guyenne, ce qui est loin d'être anecdotique. Je me réjouis, Axelle, que vous soyez accompagnée de votre famille. Car après tout, ce qui va se dérouler ici les concerne au premier chef. Si tous les Hommes sont héritiers de quelque chose, c'est encore plus vrai lorsqu'il s'agit de territoire et de patrimoine, d'autant plus face à l'audace de plus en plus marquée des USA.

Aussi, je suppose que nous n'attendons plus personne. Guyenne, je pense que nous pouvons donc commencer. »

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Alphonse_tabouret

Des humeurs d’Axelle, tandis que la date fatidique n’avait cessé de grignoter un temps alors devenu presque linéaire, l’animal avait eu la prudence de ne jouer d’aucune, écoutant, tantôt Antoine dans les bras, tantôt quelques vélins éparpillés sous le nez, mais jamais distraitement, les fragrances distinctes émaillant les propos que la gitane avait bien voulu lui faire entendre. Sa relation avec Sancte tenait d’un privé dont il ne connaissait que trop les arômes pour chercher à y poser ces mots qui s’employaient, verbeux, à définir ce qui ne savait l’être, et s’il était témoin du brouillement aux veines de la danseuse à chaque parole trop vive que lui adressait ce mentor, il se gardait bien, prudent, de fournir le moindre avis sur la route qu’elle arpentait.
A ses côtés, quel que soit le choix, voilà ce qu’il avait toujours fait, et promis même, quelques semaines plus tôt, sous le couvert d’une petite église parisienne ; vouloir plus aurait signé le début d’une inimaginable ingérence.


Ainsi donc au 22 Mai, un baiser encore fraichement essaimé aux lippes, ce fut une lourde porte en bois qui s'ouvrit devant mari, femme et enfant, sortie familiale dont chaque accent prenait des airs de jeux de gavroches turbulents, présentant au monde la parfaite panoplie qu’il souhaitait voir, n’offrant qu’à l’ombre pleine d’un moineau traversant la ruelle empruntée au soleil de midi, le loisir de discerner à son œil rond, la flamme amusée des comédiens endimanchés. A cet instant pourtant, malgré le costume d’apparat, vivait un temps plus distinct, un souffle suspendu, mêlant au conciliabule des Tabouret, la sincérité des promesses qu’ils acceptaient de prononcer, rares, mais inaliénables, parenthèse s’ouvrant par des présentations que le comptable s’attacha à suivre, d’une muette mais courte inclinaison du buste aux personnes déjà présentes, la politesse d’un sourire discret aux lèvres.

Le babillement aussi brusque que bavard d’Antoine répondant aux propos de l’Altesse acheva de le faire reculer d’un pas pour ne point déranger la cérémonie, agitant ses doigts longilignes sous le nez de l’enfant pour détourner son attention quand la sienne se portait avec une imbécile fierté sur la silhouette brune que l’on demandait.

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Zoyah
«  Le Bonjour Axelle »... répondit la vicomtesse avec un fin sourire sur le visage. Sourire qui s'élargit à la vue de l'enfant babillant dans les bras de son père et qui était à peine plus vieux que Domenc. Si elle avait su, elle aurait emmené son chérubin qui aurait été ravi de rencontrer un compagnon de jeu de son âge. Elle inclina le chef afin de saluer l'époux de la future vassale et avant que le prince ne lui demande de bien vouloir commencer.

A l'attention du prince.. « un instant je vous prie »...levant la main, le galon défait de sa manche ondulant sous son poignet. Elle s'approcha d'Axelle, réduisant l'espace qui les séparait comme pour créer une sphère d'intimité. Elle ouvrit la bouche et une voix douce s'en échappa ...« je vais vous expliquer brièvement comment cela va se dérouler. Le prince va donc faire votre .. éloge... ».. un petite sourire en coin releva sa lèvre charnue.. « et vous demander si vous souhaitez devenir sa vassale par une formule explicite. A partir de là, si vous acceptez vous devrez vous avancer, vous agenouiller, tête nue et désarmée et tendre vos mains en lui jurant « auxilium, obsequium et consilium », soit aide et service armée, fidélité et conseil  ». En retour, il vous promettra justice, protection et subsistance en vous confiant une terre. Puis il scellera l’allégeance par une accolade ou un baiser vassalique. Ensuite, je termine en vous remettant vos armes, cela ira ? »... s'assurant que son interlocutrice ait bien compris. « Si vous avez des questions, c'est le moment... »... termina-t-elle, un regard vers le prince également au cas il aurait une objection à formuler sur le déroulé. Un valet lui apporta alors son tabard, l'horrible sac à patate héraldique, qu'elle enfila au dernier moment comme, elle avait l'habitude de le faire.
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Axelle
Parfois, le Prince se parait des allures d’un patriarche rital. Il était alors aisé de l’imaginer, les bras grands ouverts, un sourire lui fendant la trogne en siégeant en bout de table. L’œil vif, surveillant d’un regard bienveillant que la petite tribu réunie sous son toit ait tout ce qui lui fallait, mais aussi, finisse bien son assiette, sous peine de se voir pincer les joues en guise de réprimandes. Mais si l’imagination gitane avait coutume de s’égarer facilement en scènes bucoliques, sa raison ne pouvait que constater l’efficacité et la promptitude avec laquelle Clichy gérait ses affaires. Tant et si bien que si la Tabouret eut encore hésité un chouille, les résidus de doutes auraient été balayés par la voix décidée.

Sous le regard protecteur d’Alphonse, la gitane avança d’un pas. Un de plus quand le Chat les avait déjà tous suivis, aidés et soutenus, depuis qu’une vilaine blague avait accueillit le retour gitan de la capitale, baillant, aussi narquoise que cruelle, sur le chevet d’une chambrée dijonnaise. Axelle avait une certitude inébranlable. Anneau au doigt ou non, le Chat aurait été le seul présent, témoin tant volontaire que réclamé, en cette journée si particulière. Si leur famille se déguisait aujourd’hui de l’officialité d’un bout de papier tout juste bon à épater la galerie, le refuge vivait depuis tant de mois, tant d’années, que le cocon de soie dérobait à la pierre sa solidité.


Tableau somme toute idyllique se dessinant dans ce salon de Clichy, bercé par la voix douce de la Valençay. Pédagogue définitivement hors paire dès lors que sa bouche s’arrondissait pour essaimer des explications, que ce soit ici ou dans un atelier à l’Hérauderie d’Aquitaine où la gitane se penchait avec attention sur un nouveau sentier à débroussailler.

Idyllique… Jusqu’à ce qu’une flopée de mots hirsutes de « ium » sortis tout droit d’un latin aussi mort qu’hermétiquement obscur, ne vienne troubler la sérénité planante. Fichtre, si prêter allégeance n’était pas de la gnognotte, ce n’était pas de la tarte non plus ! Voilà qu’en sus il fallait être érudit ! Ou au moins avoir une sacrée mémoire pour se souvenir de ce méli-mélo de voyelles au point de pouvoir les ressortir sans en oublier une seule dans les minutes à suivre. Aurait-elle connu en avance la difficulté de la chose que la bohémienne aurait pris ses précautions. Elle aurait pu tatouer sa paume vierge de ces syllabes qui ne résonnaient dans sa caboche que comme une suite de sons à articuler sans en mélanger l’ordre, telle une leçon de diction. Elle aurait pu aussi, pour une poignée de pièces de bronze, dénicher un gamin assez débrouillard pour agiter une banderole griffonnée à la fenêtre.

Auxilium, obsequium et consilium. Auxilium, obsequium et consilium. Auxilium, obsequium et consilium. Marmonna-t-elle dans un effort suprême de concentration tout en hochant la tête pour signifier sa pleine compression du reste et son accord. Elle ne pouvait décemment pas être cancre en tout. Et en relevant la tête vers le Prince, continuait à rabâcher sa leçon, agaçant les murs du bourdonnement intempestif d’une mouche.Auxilium, obsequium et consilium. Auxilium, obsequium et consilium. Auxilium, obsequium et consilium.
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Sancte
Il coupe alors le bourdonnement d'Axelle par la lecture d'un petit couplet. Et afin que le silence absolu se fasse, il lui semble opportun de s'exprimer d'une voix basse et caressante, aux mouchetures de gravité.

« Et toi, manoir hideux des âmes basanées,
Qui pousse de tes flancs ces esprits forcenés,
Ces monstres instructeurs des Odoacre et Bardieu,
Qui sans limite font germer le mal autour d'eux,
Heureux soit qui pourra déchirer ta grandeur.


Axelle Tabouret, avancez-vous et ployez le genou devant moi. »

Mais non, il n'a pas pété les plombs, le Principicule. Resté en arrière, sur sa chaise seigneuriale, il a renversé sa prose habituelle pour se répandre en vers. Apaisé, bien à l'abri des épaisses murailles de Clichy, il attend le serment d'allégeance de l'officier de la Garde Royale, dont il se déchargera sans doute aussi hâtivement que s'il s'agissait d'un cri libérateur.
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Axelle
Messes basses sans curé ? Quoique…

Tirée de son assommante psalmodie par les vers doux et joliment rythmés du Prince, la gitane haussa un sourcil plein d’incompréhension. Bon Dieu, mais que racontait-il donc ? Perdait-il la boule ? Certainement. Voilà qui justifiait pleinement son choix de la prendre pour vassale. Quoiqu’un nom attirait l’attention manouche. Mais oui par Dieu, Bardieux. La Tabouret se souvenait avoir lu les analyses économiques de l’homme sur une place de Guyenne. Elle se souvenait surtout les avoir trouvés bien peu judicieuses. Mais c’était là un souci qu’Axelle avait définitivement oublié, en même temps que son boulier et ses argumentations. Que les moines, curetons et autres bigots devaient s’ennuyer pour tuer le temps à des comparatifs boiteux et déracinés du simple bon sens. Ce simple constat les pardonnait déjà de moitié.

Ce fut alors que, trait de génie, ou heureuse association d’idées, une virgule blanche barra son visage alors qu’elle replongeait furtivement dans l’enfer Dijonnais, une poignée d’années auparavant. Elle étouffa un petit rire ironique. Que les représentants de Rome se paument dans des théories fumeuses sur la place publique au lieu de faire leur boulot méticuleux d’archivistes lui assurait l’oubli d’une excommunication et d’un mariage. Pour un peu, elle aurait presque pu chanter leurs louanges!

Rattrapant au vol le souvenir de cette première rencontre l’ayant assez soufflée pour être là en ce jour, devant lui, et du même coup les paroles princières ayant saluées l’arrivée de la famille Tabouret, d’ironique, le sourire se fit doucement complice.

La loyauté est fille de sincérité. Votre Altesse, si votre mémoire est bonne, je l’espère extensible car l’avenir s’annonce foisonnant.


Mais Clichy, imprévisible, semblait s’être mis en tête de chambouler le déroulement de la cérémonie annoncée par Guyenne. A ce que cela ne tienne. Les conventions n’étaient pas le fort de la gitane. En sus, s’agenouiller devant lui, quand elle était au service du Prince depuis des mois maintenant, elle l’avait déjà fait, avec une dévotion toute choisie, tirant une satisfaction pleine de sa position.


Aussi s’avança-t-elle et déposa un genou devant le Prince. Les lèvres closes et mutiques, le regard qu’elle releva vers le futur suzerain n’en était que plus bavard et effronté.

Demandez-moi.

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Sancte
Si je m'attendais ...

En s'agenouillant, Axelle ne montera certainement pas au pinacle de l'Aristocratie, mais y mettra au moins un pied, sinon les deux. La lippe s'évase, formant un sourire équivoque. Mais ... la chaleur de ses soupiraux se renverse pour adopter une tonalité plus froide. La prose suit, énumérant le passé, pour mieux justifier la condition du vassal envers qui l'on s'engage. Autant être bref. Mais précis, pour que cet anoblissement ne laisse pas un goût honteux.

« Et nous avons fiance en la fille autant qu'à la mère.

Axelle, si vous êtes en ce jorn devant moi, c'est parce que vous avez contredit dans les faits & dans la durée tous les préjugés que votre sombre nature véhicule. Dès lors, il m'agrée de vous récompenser pour les innombrables services que vous m'avez rendu, et ce au jour le jour depuis plus d'une année déjà. Vous êtes née en un taudis et les exigences d'un atavisme familial couplées à une réputation du voyage peu engageante vous condamnaient à une vie de rapines & d'autres expédients plus inavouables.

Mais le Prince Maudit a ce mérite : il redonne noblesse et beauté à ceux que les caprices mondains assimilent à l'ordure. Aussi, avec solennité je vous le demande. Axelle Tabouret, désirez-vous tout à fait être mon Homme ? Jurez-vous de servir avec loyauté, constance, fidélité et sans jamais dissimuler, votre seigneur le Vicomte de Verdun, Sancte Iohannes von Frayner ? Prêtez-vous serment sans réserve, dans l'amour et la crainte du Très Haut ? »

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Axelle
Tête baissée, craintive des émotions qui pouvaient se lire sur son visage, les mots du von Frayner la touchaient autant qu’ils la gênaient. Comme il aurait été facile, comme il aurait été aimable, pour l’indécrottable pudique qu’elle était dès lors qu’il s’agissait d’afficher l’attachement, de jouer à qui en dirait le moins, comme à son mariage. Mais le protocole héraldique dictait ses lois.

Aujourd’hui, je reçois bien plus qu’une terre…


Lentement, la tête brune se releva, débarrassée d’effronterie, de sourires racaille et de regards qui frisent. Presque fragile sans ses accoutrements joueurs et aguicheurs.


Si je vous rends quelques services, à vous que rien ne semble pouvoir ébranler, ils sont dérisoires comparés à ce que vous m’apportez jour après jour, quand de tout ce que vous dites, vous êtes l’instigateur en m’accordant votre confiance malgré mes failles.


Avec lenteur, les mains brunes se tendirent et si la voix restait rauque et basse, elle ne tremblait plus.


Dans l’amour de mon fils. Dans la crainte de vous décevoir et le refus de me trahir moi-même. Dans la sincérité pleine des rares promesses que j’accepte de prononcer, je désire être tout à fait votre Homme et vous prête serment sans réserve. Avec respect et humblement, je jure, votre Altesse, de vous servir avec loyauté, constance, fidélité et sans jamais dissimuler.


Elle baissa le regard un instant, et lorsque qu’elle le redressa, la ferveur qui avait enveloppé chaque mot précédents semblait ternie, tant la formule protocolaire était lointaine des vérités de l'âme damnée.


Je vous jure auxilium, obsequium et consilium dans l'amour et la crainte du Très Haut.
.

Ne restait plus qu'à espérer que sa vérité n'éborgne pas trop le protocole.
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Sancte
Par ces mots, Axelle vient de succomber à la tentation de Venise. De tout ce qui la rattache à une vie dissolue et précaire, elle doit désormais s'absenter. Autant d'absurdité n'a pas sa place dans la Mesnie du Prince, dont la devise est : "Par delà les Temps". Comprendre que seul ce qui dure n'a d'importance et que le mieux ne vaut rien s'il porte préjudice au bien. Pour la gitane, c'est la fin du labeur manuel. Tout au plus, en tant que Dame, la verra-t-on ébouqueter ses vergers sous le soleil du Midi, avec assez d'insouciance pour ne pas enfreindre les règles de noblesse.

« Notre Seigneur soit témoin de votre serment, l'âme damnée.

À Agen, ils se sont emparés par les armes de l'église, ont brisé les croix et les autels, rompu les images et les reliques, brûlé les ornements sacerdotaux et les missels et ont fait de l'église un temple dont ils interdisent l'entrée aux prêtres romains. De ces outrances dont nous avons été en partie instigateur, nous ne voulons point en Verdun ni en plus aucune autre de nos terres, mais si nous accordons licence aux prédicateurs de Rome d'officier en la chapelle de Bressols, nous désirons tenir le territoire de Verdun hors de toute influence étrangère. Sans excès, mais avec la fermeté que commande notre volonté. Pour tout ce qui concerne notre Seigneur du Ciel, vous agirez en conformité avec ce qu'attend de vous votre seigneur sur la Terre.

Axelle Tabouret, devant Dieu, je vous fais Dame de Savenès. Ce faisant, je vous confie la plus grande place-forte de Verdun en vous rendant responsable de son Castel & de ses douves, de son village, de ses ressources, & de ses gens.

Par ces mots et par ces armes, moi, Sancte Iohannes von Frayner, Chevalier de France, Prince de Clichy, Comte du Lavaur, Vicomte de Verdun, Seigneur de Labastida Santa Pèir, de Bressols, d'Eyrignac, de Castelloubon, de Varennes-les-Narcys & de Domvallier, je vous accorde, à vous et à votre descendance, fief & subsistance, protection et bonne justice. »




Il coiffe alors le chef de son vassal de la couronne seigneuriale, avant de lui remettre avec solennité l'écu aux armes de Savenès, comportant la fameuse isalgue d'or arrachée d'azur. L'accolade vassalique exécutée en bonne et due forme, et il se tourne alors vers Marcus, qui lui remet un coffret en acajou, qu'il ne tarde pas d'ouvrir et qu'il confie à son tour à la nouvelle Dame de Savenès. Un coffret doublé et matelassé de velours capitonné, contenant une paire de sandales argentée, sertie de minuscules mais de nombreux diamants.

« Voici qui marque votre entrée en le monde de la noblesse, aussi pauvre en droits qu'elle est riche en devoirs, vous apprendrez à le connaître sans pour autant le regretter. Il n'y a rien là qui vous rappelle vos terres : ni le cuir, ni les pierres, ni le velours, ni le bois. Au demeurant, ce présent n'est pas justifié pour la simple dame de province que vous êtes. Mais il est parfaitement adéquat lorsqu'il s'agit de vous rappeler que vous êtes la vassale d'un Prince. »
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Zoyah
Lors de l'échange, Zoé s'était reculée pour se faire discrète, voire invisible. Dans ces instants là, elle aurait aimé détenir le pouvoir de se fondre dans les tapisseries afin de ne pas troubler le moment solennel de sa présence, devenir une des silhouettes souriantes qui se gorgeaient de raisin ou l'une de ces nymphes tissées au fil de soie batifolant dans une rivière mythique. Elle baissa donc le regard, comme pour ne pas envahir cet instant qui s'il exigeait un témoin, n'en demeurait pas moins intime. Elle le releva juste une fois, surprise. Durant la cérémonie, par deux fois son altesse lui avait coupé l'herbe sous le pied la laissant fort déstabilisée d'être ainsi dépossédée de ses attributions. Finalement le prince de Clichy avait renvoyé le héraut à sa plus minimale fonction : être témoin, ce qui revenait à dire, ferme ta tronche et file moi le papelard. Elle n'avait pu faire son laïus sur les devoirs qu'engendraient le statut de vassal, et avait été coiffée au poteau pour la remise des armes. Ce qui la contraria un brin dans la mesure où elle avait prévu un petit couplet sur l'histoire du fief et qu'elle avait confectionné un oriflamme qu'elle remettait à cet instant précis. Le travail étant fait, elle fit ce que finalement Clichy ne pouvait pas faire à sa place, sceller le contreseing. Quoique la prochaine fois, s'il y en avait une, elle se contentera peut-être de lui envoyer par la poste. En lieu et place de la voix du héraut, c'est donc la griffe d'une plume et la cire chaude crépitant sur le vélin qu'on entendit … ou pas. Elle parapha et appliqua soigneusement son demi-vol dans la pâte or par trois fois. Une fois fait, elle s'avança vers Axelle et lui tendit le papier ainsi que l'étendard plié qu’elle avait confectionné.

« Félicitation dame de Savenès. Voici le contreseing actant votre anoblissement, conservez bien ce document surtout. Vous avez un mois pour les faire peindre sur tout ce qui doit les porter» (signature)

Un sourire fin détendit le visage diaphane de la vicomtesse.

« Cela vous ouvre des droits et notamment ceux de pouvoir vous faire ciseler une matrice afin de sceller vos écrits et d'avoir des listels »(cry et devises sur rubans blancs). Je reste à votre disposition si vous avez des questions. »

Elle en avait donc terminé.

Citation:



    ...................tous, présents & à venir, Salut,


    ....... Qu'il soit su que le cinquième jour de mai de l'an de grâce mil quatre cent soixante-trois, Sancte Iohannes von Frayner, Prince de Clichy, Comte du Lavaur, Vicomte de Verdun sur Garonne, Seigneur de Labastida Santa Pèir, d'Eyrignac, de Varennes les Narcys, de Domvallier, et de Castelloubon, & Seigneur vénal de Bressols, s'est rapproché de nous, Zoyah Aurel-Novotny, Héraut d'Armes de Guyenne, afin de nous demander de bien vouloir procéder à l'anoblissement de AXELLE TABOURET [IG : Axelle], sur ses terres vicomtales de Verdun sur Garonne

    Lors de la cérémonie où nous étions témoin, AXELLE TABOURET s’est vu confier le fief de SAVENÈS consistant en une terre seigneuriale, son château et ses dépendances.

    .......Après recherches héraldiques dument entérinées et en fonction des sources (actes notariés, livres terriers, pouillés) à notre disposition au moment de la demande, le fief de SAVENÈS est érigé en seigneurie mouvante de Verdun sur Garonne.

      .......Elle portera dorénavant : « de gueules à l'isalgue d'or arrachée d'azur.» soit, après dessin :


      .......................................



    .......Ci-dessous, une lettre manuscrite attestant de la volonté de Sancte Iohannes von Frayner, quant à l'octroi d'une seigneurie à AXELLE TABOURET :

    Citation:

    De Nous, Sancte Iohannes von Frayner, Chevalier de France, Prince de Clichy, Comte du Lavaur, Vicomte de Verdun, Seigneur de Labastida Santa Pèir, de Bressols, d'Eyrignac, de Varennes les Narcys, de Domvallier, & de Castelloubon,
    À vous, Zoyah Aurel-Novotny, Baronne de Valençay, Dame d'Arpheuilles & de l'Aulbraie, Héraut d'Armes Royal dict "Guyenne"

    Paz & Saludanças,


    Par la présente, nous manifestons notre ferme volonté d'élever au rang de Dame, dona Axelle Tabouret [IG : Axelle], en lui octroyant les terres de Savenès, issues de la Vicomté de Verdun-sur-Garonne.

    Nous estimons à ce jour, après avoir depuis longtemps éprouvé sa loyauté, qu'elle dispose de toutes les qualités requises pour faire honneur à notre Maison en assurant bonne & responsable gestion de ces terres. Loin d'être irréfléchie, cette décision arrive après que nous ayons reçu les gages empiriques de son intégrité et de sa droiture. À ce titre, elle jouit auprès de nous d'une réelle confiance, soit un rare capital que nous désirons honorer.


    En vous remerciant par avance pour la diligence avec laquelle vous considérerez notre requête, nous vous prions de recevoir nos plus exquises salutations.
    Fait à Bordeaux, le 5e de Mai 1463

    Sancte Iohannes von Frayner
    Vicomte de Verdun-sur-Garonne



    .......Par nostre Scel, actons ce document comme valide et conforme aux règlements Héraldiques et nous certifions, avoir été le témoin Héraldique des serments vassaliques échangés entre l'octroyant et l'octroyé.

    Faict, le vingt-deuxième jour de mai de l'an de grâce mil quatre cent soixante-trois, sous le règne de Angelyque de Montestier, Reyne de France.



    Zoyah Aurel-Novotny
    Vicomtesse de Caussade
    Baronne de Valençay
    Dame d'Arpheuilles, de l'Aulbraie & de Reyniès
    Héraut d'Armes Royal de Guyenne























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Axelle
Il fallait bien l’avouer, genou à terre, le cœur gitan battait plus qu’il ne le fallait. Agitée de crainte d’avoir dit des bêtises, un peu. Emue, malgré ce qui l’attendait comme défis à relever et pagaille de règles à apprendre, beaucoup. Drôle de sentiment jusque là inconnu, où se mêlaient humilité et fierté. Attentive, elle écoutait la voix retentissant au dessus de sa tête. Suivre les instructions suzeraines en matière de religion lui convenait parfaitement tant ces affaires là la laissait pantoise d’indifférence. Tout lui irait tant qu’une petite vierge taillée de bois brut la couvait du regard. La gitane pourrait bien rêvasser à ses vergers plus tard, même si elle s’impatientait de croquer les pèches qu’elle avait déjà prévu de cultiver. Le moment était là.

Casas. Toi qui n’a jamais daigné regarder ta fille, regarde, regarde bien comme d’autres le font. Casas, à toi, je fais le serment de venir cracher sur ta tombe.


Couronne sur le crane, la gitane maintenant Savenès, comprit soudain pourquoi les nobles avaient ce port de tête droit et parfois un peu rigide. Ah ! Comme être danseuse s’avérait un atout en cette seconde où elle parvint à contempler l’écu sans que la couronne ne se casse la figure. C’eut été bien mauvais présage ! Pourtant elle vacilla dangereusement alors que la nouvelle anoblie découvrit la paire de sandales. La barre était haute dans cette piqure de rappel, et nul doute que si la caboche gitane se risquait à oublier qu’elle était vassale de Prince, ses pieds la rappelleraient à l’ordre illico presto. Les yeux ouverts tout grands, elle se laissait aller à admirer le scintillement des diamants. Combien d’outremers, de céladons, d’ocres, de carmins et d’anthracites pouvaient acheter une seule de ces sandales ? Si la réponse aurait pu lui faire tourner la tête, elle ne chercha pas même à la calculer. Bien trop symboliques. Bien trop précieuses sans même avoir à leur donner la moindre valeur mercantile. Et elle devait bien l’avouer, bien trop belles.

Je vous remercie votre Altesse.
Remerciements bien brefs pour un tel présent, mais elle avait compris depuis belle lurette que les effusions avaient ce pouvoir fatal de faire lever au ciel les yeux gris de son Suzerain. Enfin, quand il ne soupirait pas. Alors, ce fut dans ses prunelles noires qu’elle le laissa lire la gratitude claire s’alanguissant au fond de son âme de damnée. Jusqu’à que celui-ci ne se brouille. Si les secrets de la coquetterie étaient une science pour le moins subalterne pour la gitane, son bon sens beuglait pourtant que des sandales serties de diamants et une robe coquelicot, ce n’était pas la panacée. Lentement elle tourna la tête et vint chercher d’un regard désespéré les prunelles jumelles et complices.

Je crains bien que tu regrettes de m’avoir épousée… Màćka, j’ai besoin de toi… Absolument… Il va me falloir une robe… Une robe pas rouge…

Nul doute que pour faire passer la pilule, la gitane allait devoir la jouer fine. Alphonse savait, pour s’y être déjà frotté, combien la tache s’avérait et fastidieuse et difficile et - on pouvait bien le dire - titanesque. Elle lui sourit timidement, contrite d’avance de devoir lui faire subir cela, mais Alphonse était coutumier des prodiges. Preuve en était d’un Antoine concentré sur la main paternelle, incroyablement sage alors que la vielle Pernette restait impuissante face à l’adorable Trésor n’en finissant pas de gambader chaotiquement dans de grandes gerbes d’éclats de rire irrésistibles quand il aurait dû dormir.

Tirée de ses machiavéliques projets par la voix de la Vicomtesse, la gitane hocha la tête à ses explications.
Je vous remercie Guyenne. Et passant un doigt sur les fine tiges d’or d’isalgue, ajouta d’une voix plus basse, de celle que professeurs et disciples ont coutume d’user. Il est magnifique.

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Alphonse_tabouret
Les mots avaient volé pour sertir le vélin, auréolant la danseuse de nouvelles responsabilités, ouvrant des horizons qu’elle n’avait jamais, il en était convaincu, envisagé, si ce n’était pour ce mentor dont elle avait choisi le patronage en dépit de leurs différences, et bien qu’il puisse sentir l’importance de cette cérémonie, il n’en éprouvait la solennité qu’au travers de sa femme, de ses yeux noirs embués de surprise et de l’expression dont se couvrait son visage en découvrant le superbe cadeau qui lui était fait. De la surprise de la voir aimer une telle paire de chaussures, il n’en laissa rien paraitre, pourtant plus habitué à la voir s’enthousiasmer de la rondeur d’une perle d’eau sur la peau, ou d’un éclat doré se reflétant sur les boucles noires de leur fils, et si la qualité de l’ouvrage était sans équivoque, cela n’enlevait en rien à ses yeux, l’incongruité d’un tel cadeau fait à une femme qui préférait marcher pied nus.
L’esquisse d’un sourire se dessina sur les lèvres félines en imaginant la gitane une fois chaussée, tétanisée par la seule crainte d’abimer les joyaux en les posant au sol, plus encore par l’intérêt que ne manquerait pas de porter Antoine à cet amoncèlement de brillance qu’ il essayerait certainement de s’approprier, lui qui depuis qu’il savait enfin marcher, en profitait pour faire de n’importe quel objet à portée de ses mains potelées, un trésor n’appartenant qu’à lui.

De toutes les femmes qu’il avait pu côtoyer, le Coquelicot restait certainement celle qui posait le plus de difficulté à habiller tant elle était dédaigneuse des apparats, attachée à l’ampleur de ses jupons et à ce rouge vif tannant sa peau à la façon d’une oriflamme dont elle seule connaissait la langueur ; il n’avait jamais cherché changer ce trait de caractère chez son épouse, bien plus souvent charmé que démuni devant ce manque d’intérêt pour les fanfreluches dont ses congénères raffolaient, aussi attarda-il le dessin complice à ses lèvres lorsqu’elle tourna un visage inquiet vers lui, n’y répondant que d’un air doucement espiègle en la taquinant silencieusement du plus précieux de leurs trésors dont le regard noir et conquis, fixait déjà avec avidité ce que sa mère tenait dans ses mains.

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