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Engagée !

Eliance
Sur le chemin du retour, Eliance cogite. À sa taille, un bras masculin accroché. Au bout du bras, Elias. Et au bout du chemin, une lettre à écrire pour lui, et sa première expérience de muse pour elle. Eliance est davantage à l'aise à servir des choppes dans une auberge qu'à se pavaner nue sur un lit. Chose qu'elle n'a d'ailleurs jamais fait de sa vie. Et c'est bien là que le bât blesse. Si les blagues ont fusé, si Eliance s'est prêtée au jeu, elle se rend compte à mesure que l'échéance approche ce pour quoi elle s'est engagée. Scribe et secrétaire d'un tailleur ? Facile. Partageuse de couverture nocturne ? Ca le deviendra. Muse ? Ca paraît déjà bien plus compliqué. Et muse pendant qu'il écrit à sa soeur... comment dire...

La maison est là, le seuil est franchi, l'escalier grimpé. Et c'est seulement une fois là-haut, que la roussi-blondasse trouillarde se retourne vers le russe.

Tu sais, j'sais pas si c'est une bonne idée d'écrire à ta soeur alors que j'suis nue.

La mine est réellement dubitative. Surtout que, la nuit dernière, il faisait nuit. Et là, il fait jour ! Alors si elle retire ses frusques, il la verra pour de vrai. À poil. Complètement. Bref, c'est l'angoisse...
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Elias_romanov
La conversation avait tourné à l'ubuesque, comme souvent entre Eliance et Elias. Le tailleur trop sérieux à l'humour pince-sans-rire avait taquiné ce jour-là la jeune femme, concernant un poste de secrétaire particulière, et elle avait exigé alors un salaire mirrrobolant (avec tous les r).
Bien entendu, quand il avait demandé qu'elle exerce son rôle d'inspiratrice littéraire, il avait ajouté que cela devrait être nue, pour qu'il puisse tout de même rentabiliser son investissement.
28 écus ma bonne dame !

La lettre reçue, en provenance de sa soeur, l'avait tout de fois plongé dans un certain trouble, et il s'inquiétait un peu pour elle.
Ainsi, quand Eliance lui rappela les termes du contrat signé (sur leur propre sang, au moins !), il la regarda brièvement avec des yeux ronds, avant de redescendre sur terre et de se mettre à rire. Cela eut le mérite de le tirer de ses réflexions filiales, et il finit par répondre à la journaliste.

Eliance, je plaisantais.

Oui, comme ça, il n'avait pas l'air. D'habitude elle arrivait à comprendre qu'il n'était pas sérieux, mais visiblement, elle avait pris au pied de la lettre son "engagement". Il glissa un baiser à la jeune femme, toujours un peu hilare.
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Tailleur indépendant, à (re)vendre - Galerie
Eliance
Oh...

Ce coup-ci, Eliance n'a pas compris jusqu'où allait la plaisanterie, non. Et puis vous verriez cet air sérieux qu'il arbore quand il débite ses conneries, le Elias, vous comprendriez pourquoi la roussi-blondasse se fait avoir parfois comme un oisillon de trois heures. La mine contrite de l'étonnement est conservée. Du moins, la jeune femme essaie de la garder en évidence, après le baiser et le rire du tailleur. Ou le rire et le baiser. Peu importe. La vengeance ne se fera pas attendre. À quoi bon patienter et remettre à plus tard alors qu'elle a un Elias tout cuit presque dans le bec ! La moue est même accentuée, trop sans doute, les lèvres allant jusqu'à se pincer entre elles, avant de prononcer la phrase fatidique d'une voix tristement sonore.

Alors j'suis pas engagée ?
Pas d'couverture partagée, pas d'exposition corporelle, pas d'essayage de frusque, pas de période d'essai ?

Les mains se sont croisées dans le dos ménudiérien, alors que le nez s'est baissé, comme déçu, et qu'un léger pivotement répétitif se fait de la droite vers la gauche, puis de la gauche vers la droite.

Tu veux que j'reparte, du coup ?
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Elias_romanov
La réaction d'Eliance, bigrement sérieuse en apparence, prit de court Elias dont le sourire s'effaça peu à peu, alors qu'il pensait avoir fait une bourde.

Mais oui ! mais... pas tout à fait.
Enfin... c'est pas ce que je voulais dire.

Il savait consoler Eliance de ses chagrins, sauf quand c'était lui qui les provoquait. Il parut tout à fait gêné.

Hmm...

Le tailleur avait visiblement du mal à se dépatouiller de la situation. Il finit par reprendre, tout à fait déstabilisé par la vile manipulatrice.

Enfin... je me disais... je ne sais pas... que tu pouvais faire ici comme chez toi.

Habiter ensemble, si il avait dit ça sans vraiment réflechir, cela faisait très sérieux, trop, alors même qu'ils ne faisaient que se découvrir.
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Eliance
Le tailleur malmené est un plaisir savoureux pour l'oisillon de trois heures. Et la Ratiboisée se mord le bord de la lèvre pour tenter de camoufler le sourire qui y naît. Le voir ainsi déstabilisé est tout ce qu'elle attendait. Après tout, il n'y a pas de raison qu'il n'y ait que lui qui s'amuse. Elle en profite aussi, le trouve touchant dans son enfoncement de maladresse. Elle a levé les yeux sur lui et les attitudes embarrassées du russe, ses hésitations, lui toujours si sûr de lui, sont sa douce vengeance.

Satisfaite, sa mine se transforme et alors qu'il prononce ses derniers mots, elle se met à rire. Un peu, d'abord, jusqu'à ce que l'éclat englobe la pièce entière. D'ailleurs, de la dernière phrase d'Elias, Eliance ne retient que sa gêne et non le sens réel des mots prononcés. Et puis le voir réagir ainsi, pris à son propre piège d'oisillon de trois heures la met en joie. Quand le rire se calme, les traits de la roussi-blonde sont assurément détendus et joyeux, voire espiègles.

Je plaisantais aussi...

Et comme ce qu'elle vient de faire est tout de même un peu un mensonge, elle voit des rougeur poindre sur ses pommettes, alors qu'elle s'est hissée pour embrasser tendrement la joue du tailleur.

Mais c'est chez toi, ici, Elias.

Cette fois, c'est dit le plus sérieusement et le plus naïvement du monde, avec toute l'innocence dont Eliance peut faire preuve parfois.
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Elias_romanov
Il s'était fait avoir lui aussi, et cela le soulagea grandement de voir Eliance se mettre à rire. Il finit par sourire doucement, alors qu'elle avouait la plaisanterie, probablement en vengeance de toutes les fois ou il la taquinait.

Tu me rassures.

La proposition d'Elias tomba à plat, et il considéra comme un refus poli de la part d'Eliance sa réponse. Il haussa d'abord un sourcil en parlant de façon un peu abrupte.

Et alors ?
Enfin... disons alors que tu peux venir quand tu veux.

Il se racla la gorge et déposa sur la table de la pièce qui servait d'atelier la lettre de Cyrielle. C'était une façon de couper court à la conversation. Après tout, c'était mieux de prendre leur temps.
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Eliance
Serait-ce une invitation déguisée à venir vivre chez lui ? Déguisée pour Eliance. Franche pour Elias. Toujours est-il qu'aucune réponse digne de ce nom ne sera prononcée. D'abord, parce que le tailleur a toujours dit à la journaliste qu'ils devaient penser au présent, manière dont elle essaie d'envisager sa vie sur son conseil. C'est d'ailleurs ainsi qu'elle s'est retrouvée dans ses bras, ainsi qu'elle s'est retrouvé dans son lit, ainsi qu'elle s'est retrouvée dans sa vie. En ne pensant ni au passé ni au futur, mais seulement à l'instant présentement vécu.

Et puis, avant d'envisager des choses poussées, Eliance devra parler de Diego à Elias. Elle devra lui dire que malgré l'éloignement, elle reste sa femme, elle reste mariée, quelque part dans son âme. Elle devra lui avouer s'inquiéter pour lui. Elle devra lui avouer penser encore à lui, même si, comme l'a dit Diego, leurs liens sont devenus seulement amicaux, voire fraternels, avec le temps. Elle devra être honnête avec le russe. Elle devra ne rien lui cacher. Mais en attendant, pour ne pas gâcher le moment, pour ne rien précipiter, elle ne dira rien et se contente d'aller se vautrer sur le lit du russe, à plat ventre, le menton soutenu par les paumes ménudiériennes, permettant aux yeux marron d'espionner sans vergogne Elias et sa lettre.

Tu la salueras pour moi ?
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Elias_romanov
Le russe s'installa à la table, prêt à répondre et écrire. Un instant plus tard, après avoir relu la lettre de sa soeur, il constata que cela ne fonctionnait pas.

La présence d'Eliance le perturbait un peu, il était plutôt habitué à écrire sa correspondance seul. Ainsi il se retrouva en panne d'inspiration, alors qu'elle aurait du faire le contraire.
Il releva les yeux vers la jeune femme, et lâcha de son sérieux habituel qui laissait présager une plaisanterie.

Eliance, je dois te dire.
Tu es une mauvaise muse !

Il abandonna la lettre, il avait besoin de réflechir un peu plus avant d'écrire, et il se leva pour s'asseoir sur le lit, à côté de la jeune femme.

Ainsi, si je résume, il fait encore jour, tu n'as pas besoin de te deshabiller car je n'ai rien à te faire essayer, et en plus, tu ne m'inspires pas.
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Eliance
Une muse naze. Au moins, ça a le mérite d'être clair, net et précis. Mais Eliance en rigole. Elle n'espérait de toute manière pas être une muse étincelante, à se pavaner tout le jour durant sur un plumard, seulement pour les beaux yeux du russe et de sa créativité de tailleur. D'un côté, ça l'arrange, elle pourra poursuivre son activité favorite de pilier de taverne à volonté. Quand Elias vient s'asseoir sur le lit, elle pivote sur le côté et le regarde, montenant le haut de son corps sur un coude.

Si on veut résumer encore mieux, j'te sers à rien, j'te dérange même pour travailler, j'ai aucune raison valable pour rester, mais je reste, parce que je fais comme chez moi, t'as dit.
Donc en gros, tu m'as engagée pour te pourrir la vie.
C'particulier ton concept...

Et un sourire taquin naît sur ses lèvres.
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Elias_romanov
Elias écouta le récapitulatif d'Eliance, d'abord de façon circonspecte, puis son sourire finit par s'élargir, avant de se mettre à rire.

Je me demande vraiment ce qui a pu me passer par la tête !
Je dois vraiment arrêter de dire n'importe quoi en taverne. Ou de boire.

Et en regardant Eliance.

Ou a essayer de te taquiner pour voir comment tu vas réagir.

Mais...

Un silence.

Si c'est trop grand chez toi, tu peux venir habiter ici.

L'excuse pourrie quand même.
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Eliance
Il insiste, le bougre. Et pas qu'un peu ! Cette fois, Eliance comprend. Faut dire que si elle avait pas capté, là, il aurait fallu s'inquiéter pour sa santé neuronale. Mais non, non, ça monte lentement mais sûrement dans son cervelas. D'ailleurs, ça se lit sur son visage. Le sourire laisse place à un entre-ouvrage de bouche surpris devant l'excuse toute pourrie balancée. Si elle et son histoire de couverture l'autre soir était ridicule, lui ne vole pas beaucoup plus haut. Non, parce que trouver une maison composée d'une pièce unique trop grande, quand on a seulement la place de tourner autour du lit en se cognant dans les chaudrons et en piétinant à moitié dans le feu, c'est abusé.

Et si Eliance le trouve mignon, son tailleur, à essayer de lui faire passer des messages en douce, elle voit aussi le moment où elle doit causer arriver à vitesse grand V. Elle reprend son sourire pour lui répondre.

J'ai plus de couverture, de toute façon...

Si, si, ceci est une réponse positive ! Elle se redresse sur le lit et s'assied face à lui, les jambes repliées en tailleur, alors que son sourire se fait plus crispé. Elle a laissé glisser un silence et le regard se baisse sur ses doigts qui viennent se triturer entre eux, avant qu'elle ne se remette à parler, la mine grave, la timbre faible.

Elias... faut que j'te dise...
J'suis encore mariée à Diego...
Et... hm... m'arrive d'penser à lui, encore... pas comme avant, bien sûr, mais... j'ai peur qu'il lui arrive des choses moches.
J'crois que j'devais t'le dire...

Elle s'excuse en un sens de rompre la magie du moment, de parler de l'Italien, de son amour passé, d'évoquer les souffrances encore présentes, mais elle a idée qu'il a le droit de savoir.
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Elias_romanov
Ce fut le sourire bien plus que la phrase sur la couverture qui indiqua à Elias qu'elle acceptait l'offre. Il sourit en retour, se demandant tout de même ce que cela allait donner.

Je te ferai une place dans les placards.

Il envisageait alors de plonger vers elle pour l'embrasser quand elle décida de changer de position, pour s’assoir en tailleur. Occasion ratée.

Le sourire du jeune homme s'effaça peu à peu, alors qu'on abordait un sujet assez délicat : le mari. Obstacle de taille par le passé, il semblait encore l'être pour un moment.
L'index d'Elias vint remonter le menton d'Eliance, pour qu'elle le regarde alors qu'il lui répondait.

Je me doute. C'est ton mari.

Le doute parcourut alors le russe, ce qui put se lire brièvement dans ses yeux gris. Elle lui disait probablement cela parce qu'elle n'envisageait pas encore le divorce, ou bien peut-être elle espérait qu'il revienne, même si elle disait ne plus penser à lui comme avant.
Le tailleur décida alors de s'en tenir à son crédo habituel : vivre le présent.

Je n'exige rien de toi.
Concernant ton mariage, c'est à toi de décider.

Et si ça ne marchait pas ? Et si ils se séparaient d'ici quelques jours pour une incompatibilité quelconque après tout ?
Tout était trop neuf pour faire des projets.
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Eliance
La lueur qui passe dans les yeux gris braqués sur elle, que la main russe lui impose en redressant son menton, la fait frissonner. Il y a dedans quelque chose qu'elle ne parvient pas à percevoir, eux qui se comprenne d'ordinaire d'un simple regard. Dans chaque mot prononcé par Eliance résonne la vérité. Et ceux d'Elias suintent la sérénité. Étrangement. Pas une pointe de jalousie n'est exprimée. Ni de doute. Ni d'angoisse. Rien d'autre que de simples paroles rassurantes. Ou était-ce tout ça à la fois, qui s'est reflété dans ses prunelles ?

Eliance soutient le regard couleur d'acier. Elle hésite à dire davantage. À s'arrêter là. Mais après tout, il a assisté à tout. Même à la rupture. Il a dû entendre les mots. Comprendre. Et même si certaines choses ont changé entre temps, l'essentiel était là, dans les mots échangés par le couple marital, devant l'amant d'un baiser, alors que Diego avouait son départ, d'amour et de corps, ce jour-là.

J'ai cru qu'on pourrait se sauver. On y a cru tous les deux. Qu'on pourrait changer ensemble. S'inventer une nouvelle vie.
On a échoué. Et finalement, Diego a raison. On s'aime davantage comme des amis que comme des amants. J'ai jamais été... avec lui, de toute façon... Tu vois... comme avec toi...

Je.. j'avais d'mandé à Diego d'rester toujours sa femme. Même loin. Même absente.
Je sais pas si... c'est une bonne idée.
Je sais pas si...

Le tailleur comprend-il l'importance que revêt Diego dans l'âme d'Eliance ? Comprend-il que l'Italien restera toujours son mari, son premier réel mari, son premier réel espoir, sa première vie ? Comprend-il et est-ce pour ça qu'il est si serein ? Est-ce qu'il sait que malgré tout, la roussi-blonde ne remet pas en question leur présent ?
Elle vient cueillir la main russe portée à son visage et la recueille au creux de ses deux paumes, comme un présent précieux qu'elle étreint fortement.

Elias, t'as le droit, de demander... un jour... ou... de dire... si ça fait mal...
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Elias_romanov
Les révélations n'étaient pas anodines. Elles étaient même un peu douloureuses, mais le russe ne ressentait pas de jalousie, du moins pas ainsi.
Parce que ces choses là ne dépendaient pas de lui.

Il pouvait accompagner, conseiller, vivre avec elle, mais il conservait comme conviction de la laisser libre de ses choix, de ses désirs. Qu'ils soient bons ou mauvais. Elle était encore une enfant pour lui, par certains aspects, alors que lui ne s'était pas forgé ainsi.

Eliance, il arrivera un jour... ou être sa femme, ne te sera plus nécessaire.

La formulation sonnait étrange en bouche, et pourtant il lui semblait qu'elle devait être juste. Ou en tout cas, proche de la réalité.

Tu le sentiras là.

Il posa l'index de sa main libre sur le front de la jeune femme.

Ou peut-être là.

Il le posa le doigt sur le coeur d'Eliance, toujours ceinte de sa robe rouge.

Ou tu te demanderas pourquoi tu portes des chaines trop lourdes pour toi.
J'espère, en tout cas, que ce jour arrivera.

La main d'Elias retomba sur le lit, l'autre toujours prisonnières des menottes de la jeune femme.

Toi et moi, c'est tout neuf. Enfin, c'est une façon de parler.
J'ose croire que tu sauras agir le jour ou cela t'apparaitra comme une évidence. Pour toi, ou pour nous.
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Eliance
C'est toujours douloureux de tourner une page. De tirer un trait sur des rêves, des espoirs, des projets. C'est faire un choix que de tout laisser derrière soi. Et Eliance a les choix complexes. Elle peine à prendre les décisions qui sauront améliorer sa vie. Elle bute depuis toujours pour tenter, coûte que coûte, que les choses évoluent positivement, même si ça semble impossible au commun des mortels vu les situations pénibles où elle stagne. Certains disent que son courage et sa force résident en son obstination. Une obstination qui la conduit à souffrir, souvent. L'Italien a été une obstination. Cette obstination est pour elle sa principale faiblesse. Au même titre que sa naïveté qui n'arrange rien. Diego l'a libéré de cette obstination. Diego a pris la décision à sa place. Diego a eu le cran de le faire.

À présent, libérée de toute obstination, Eliance apprend à vivre. Elle apprend aux côtés d'Elias à oublier ses tourments, à ignorer ses bloquages, à regarder le jour qui se lève, sans forcément imaginer le suivant qui poindra. À devenir une femme. Une vraie, qui a le coeur qui bat, le corps qui flambe. Les paroles du tailleur sont sages. Eliance sourit même un peu, lorsque son doigt atteint son front, puis son coeur, à travers le tissu rouge.

J'crois que c'est d'jà plus.. nécessaire.
Simplement... je sais pas... j'y arrive pas... encore.
Peut-être... je sais pas... dans quelques temps...

Le sourire ménudiérien s'étire un peu plus et les mains de la jeune femme libèrent la russe. Mais ce n'est pas pour rester inactives. Elles montent sur la tête du tailleur et s'installent doucement sur ses joues, de part et d'autre, tandis que son visage à elle se rapproche un peu, plongeant ses marron dans les gris russes. Le baiser qui suit est posé lentement sur les lèvres du jeune homme. Un baiser tendre, assuré, comme Eliance en fait rarement. Et quand elle se recule, c'est pour replonger dans le regard profondément gris.

J'aime bien quand tu parles de nous.

Il reste encore quelques barreaux cachés à l'échelle qu'elle doit emprunter pour sa libération totale. Un jour, ils apparaîtront au grand jour, deviendront une évidence et seront gravis.
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