Alixane
Les murs de la ville se dessinaient lentement devant les yeux fatigués d'une voyageuse fourbue.
Elle avait perdu le compte des jours écoulés depuis son départ d'Artois, pressée par les les documents officiels à validité restreinte qui encombraient sa besace plus sûrement que les provisions emportées.
Foutue paperasse pour laquelle il avait fallu batailler dur avec certains, multiplicité des laisser passer délivrés sans ordre chronologique et rendant ardu le jonglage des dates..
Il était temps qu'elle arrive.
Elle n'était sans doute pas la seule à s'en réjouir : le chargement qu'elle lui avait imposé au départ de Honfleur, faisait littéralement crouler la pauvre bête qu'elle s'était procurée.
Alix, à un moment, avait même songé à lui redonné un petit coup de fouet en ajoutant à un seau d'eau fraîche une rasade de ce Calva qu'elle aurait jugé tout à fait inconvenant, sur le coup, de ne pas embarquer avec elle.
Puis elle s'était ravisée.
Il lui avait semblé que c'était mal...
Faut pas gâcher!
Mais la route, clairsemée d'être vivants, avait parue d'autant plus longue qu'elle n'osait mener un train d'enfer, ménageant chargement et porteur au détriment de son impatience.
Foutue idée qu'avait eue celui qui un jour l'avait amenée là ; Artésien et homme de bien, c'est la conscience tranquille qu'il l'avait abandonnée dans ce couvent amienois après l'avoir arrachée à son funeste destin.
A moitié moribonde, elle avait néanmoins trouvé le moyen d'essayer de lui arracher les yeux, y usant ses dernières forces avant de replonger dans une léthargie enfiévrée permettant ainsi à l'homme de la transporter sans plus risquer sa peau.
Les religieuses, après l'avoir gratifiée du nom de leur dernière soeur rappelée vers le Très-Haut, avaient tenté en vain d'en faire un modèle de sagesse, quand elle n'était que feu follet, curieuse de tout ce qu'elle avait laissé ce long trou noir lui faire oublier.
Elle avait cru avoir vécu le pire...Elle avait compris son erreur aussitôt arrivée au cur du village, plus austère que la plus austère des cellules du couvent qu'elle avait déserté.
Que de sa fuite dépende sa survie était devenu une évidence.
Toutes les courbatures du monde n'étaient rien comparées à ce constat.
En attendant d'être suffisamment remise pour repartir, elle avait passé le plus clair de son temps dans le petit bois le plus proche, guettant le petit gibier qui parfois se laissait pièger dans un collet duquel elle le libérait le plus souvent, avide de découvertes, expérimentant la souplesse des diverses essences d'arbre dont elle taillait les branches à la moindre occasion.
Elle rêvait depuis toujours de posséder un arc qu'elle aurait fabriqué de ses mains.
Mais pour l'heure elle se battait avec rênes et étriers que les étapes un peu longues et son cheval d'humeur rétive rendaient d'autant plus récalcitrants.
C'est donc cahin-caha qu'elle franchissait les portes de Saumur ce matin là, l'excitation le disputant au harassement.
Toucher au terme d'un voyage et d'interrogations en suspens prévalait largement sur tout le reste.
Ce jour un voile allait se lever, laissant le degré de surprise à son appréciation.
Cependant si l'esprit est préparé depuis longtemps, ses muscles expriment leur réprobation en contractures lui arrachant force grimaces.
Alix s'étire, se contorsionne pour les amadouer, mettant en péril une assiette quelque peu précaire.
Ce qui arrive lorsqu'on pense mener un cheval aussi facilement qu'une brouette...
Nul doute qu'elle a encore pas mal de choses à apprendre et à expérimenter.
Arborant une moue dubitative, elle se demande si son instinct ne lui a pas soufflé une démarche de trop grande envergure.
Bah, au moins n'était-elle pas à regarder bêtement un champ pousser, en tous cas ; c'était là un luxe dont tout le monde n'avait pas idée.
Plus question de faire marche arrière ; pour rien au monde elle n'aurait envisagé de se replonger dans la corvée de parchemins en sens inverse.
Sa super trouvaille de partir droit devant? Une grande idée transformée en fuite en avant comme si elle avait eu le diable aux trousses, ce qu'elle envisageait confusément à intervalle régulier malgré toutes les assurances en poche.
Sans cela, et d'autres choses, elle aurait pu s'attarder à Honfleur, pourquoi pas même à Alençon.
Son choix s'était porté sur un avenir autre.
Celui là même qui se trouvait désormais à portée de ses espérances.
Le lourd martèlement des sabots sur les pavés lui fait froncer le nez. Peste, pas discret comme arrivée, pour un round d'observation en catimini!
A la dérobée, Alix jette un coup d'il à son compagnon de voyage, rencontré par hasard à Angers, escorte d'une étape et perspective d'une suite possible avortée dans l'uf.
Conclusion qu'elle avait tue, peu encline à s'attarder sur le pourquoi du comment et encore moins désireuse de s'interroger sur l'éventualité d'une bifurcation à cet instant crucial.
Son objectif, alors qu'elle met pied à terre aussi souplement que ses articulations rouillées le lui permettent, n'avait pas dévié d'un pouce.
Prendre congé de l'homme sur un signe de tête et les remerciements de rigueur, extirper le morceau de parchemin chiffonné de sa ceinture pour en vérifier à nouveau la teneur, embarquer sur elle autant de remontant en flasques à distribuer qu'elle peut en caser, et vogue la galère.
Conservée au Calva depuis une bonne semaine, elle avait fini de macérer.
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Elle avait perdu le compte des jours écoulés depuis son départ d'Artois, pressée par les les documents officiels à validité restreinte qui encombraient sa besace plus sûrement que les provisions emportées.
Foutue paperasse pour laquelle il avait fallu batailler dur avec certains, multiplicité des laisser passer délivrés sans ordre chronologique et rendant ardu le jonglage des dates..
Il était temps qu'elle arrive.
Elle n'était sans doute pas la seule à s'en réjouir : le chargement qu'elle lui avait imposé au départ de Honfleur, faisait littéralement crouler la pauvre bête qu'elle s'était procurée.
Alix, à un moment, avait même songé à lui redonné un petit coup de fouet en ajoutant à un seau d'eau fraîche une rasade de ce Calva qu'elle aurait jugé tout à fait inconvenant, sur le coup, de ne pas embarquer avec elle.
Puis elle s'était ravisée.
Il lui avait semblé que c'était mal...
Faut pas gâcher!
Mais la route, clairsemée d'être vivants, avait parue d'autant plus longue qu'elle n'osait mener un train d'enfer, ménageant chargement et porteur au détriment de son impatience.
Foutue idée qu'avait eue celui qui un jour l'avait amenée là ; Artésien et homme de bien, c'est la conscience tranquille qu'il l'avait abandonnée dans ce couvent amienois après l'avoir arrachée à son funeste destin.
A moitié moribonde, elle avait néanmoins trouvé le moyen d'essayer de lui arracher les yeux, y usant ses dernières forces avant de replonger dans une léthargie enfiévrée permettant ainsi à l'homme de la transporter sans plus risquer sa peau.
Les religieuses, après l'avoir gratifiée du nom de leur dernière soeur rappelée vers le Très-Haut, avaient tenté en vain d'en faire un modèle de sagesse, quand elle n'était que feu follet, curieuse de tout ce qu'elle avait laissé ce long trou noir lui faire oublier.
Elle avait cru avoir vécu le pire...Elle avait compris son erreur aussitôt arrivée au cur du village, plus austère que la plus austère des cellules du couvent qu'elle avait déserté.
Que de sa fuite dépende sa survie était devenu une évidence.
Toutes les courbatures du monde n'étaient rien comparées à ce constat.
En attendant d'être suffisamment remise pour repartir, elle avait passé le plus clair de son temps dans le petit bois le plus proche, guettant le petit gibier qui parfois se laissait pièger dans un collet duquel elle le libérait le plus souvent, avide de découvertes, expérimentant la souplesse des diverses essences d'arbre dont elle taillait les branches à la moindre occasion.
Elle rêvait depuis toujours de posséder un arc qu'elle aurait fabriqué de ses mains.
Mais pour l'heure elle se battait avec rênes et étriers que les étapes un peu longues et son cheval d'humeur rétive rendaient d'autant plus récalcitrants.
C'est donc cahin-caha qu'elle franchissait les portes de Saumur ce matin là, l'excitation le disputant au harassement.
Toucher au terme d'un voyage et d'interrogations en suspens prévalait largement sur tout le reste.
Ce jour un voile allait se lever, laissant le degré de surprise à son appréciation.
Cependant si l'esprit est préparé depuis longtemps, ses muscles expriment leur réprobation en contractures lui arrachant force grimaces.
Alix s'étire, se contorsionne pour les amadouer, mettant en péril une assiette quelque peu précaire.
Ce qui arrive lorsqu'on pense mener un cheval aussi facilement qu'une brouette...
Nul doute qu'elle a encore pas mal de choses à apprendre et à expérimenter.
Arborant une moue dubitative, elle se demande si son instinct ne lui a pas soufflé une démarche de trop grande envergure.
Bah, au moins n'était-elle pas à regarder bêtement un champ pousser, en tous cas ; c'était là un luxe dont tout le monde n'avait pas idée.
Plus question de faire marche arrière ; pour rien au monde elle n'aurait envisagé de se replonger dans la corvée de parchemins en sens inverse.
Sa super trouvaille de partir droit devant? Une grande idée transformée en fuite en avant comme si elle avait eu le diable aux trousses, ce qu'elle envisageait confusément à intervalle régulier malgré toutes les assurances en poche.
Sans cela, et d'autres choses, elle aurait pu s'attarder à Honfleur, pourquoi pas même à Alençon.
Son choix s'était porté sur un avenir autre.
Celui là même qui se trouvait désormais à portée de ses espérances.
Le lourd martèlement des sabots sur les pavés lui fait froncer le nez. Peste, pas discret comme arrivée, pour un round d'observation en catimini!
A la dérobée, Alix jette un coup d'il à son compagnon de voyage, rencontré par hasard à Angers, escorte d'une étape et perspective d'une suite possible avortée dans l'uf.
Conclusion qu'elle avait tue, peu encline à s'attarder sur le pourquoi du comment et encore moins désireuse de s'interroger sur l'éventualité d'une bifurcation à cet instant crucial.
Son objectif, alors qu'elle met pied à terre aussi souplement que ses articulations rouillées le lui permettent, n'avait pas dévié d'un pouce.
Prendre congé de l'homme sur un signe de tête et les remerciements de rigueur, extirper le morceau de parchemin chiffonné de sa ceinture pour en vérifier à nouveau la teneur, embarquer sur elle autant de remontant en flasques à distribuer qu'elle peut en caser, et vogue la galère.
Conservée au Calva depuis une bonne semaine, elle avait fini de macérer.
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