Aurchide
Assise sur une souche d'arbre, dans sa modeste demeure à Lisieux, la jeune femme passait un doigt délicat sur les haut-reliefs jonchant la surface d'un coffret posé à même ses genoux. Travail d'un ébéniste orfèvre du bois qui avait reproduit à merveille une scène de danse.
Les robes des cavalières représentées jusqu'aux plis fin, les verres des danseurs levés, les profils des visages soignés, tout était criant de vie. Il était pour ceux qui la connaissent, de voir Aurchide arborer cette gravité quasi solennelle, le pouce heurtant dans un effleurement régulier les bosses polies des reliefs. Son oeil vagabondait au loin, fixant un invisible objet au sol, sans que la mèche de cheveux agitée, ne vinne troubler ses élucubrations intimes.
Ce qui trottait dans la tête de la brune n'avait pourtant aucune consistance, elle y amassait le tas maigrelet de souvenirs qu'elle a pris soin depuis son enfance à garder vivace en ressassant chacun jusqu'à l'imprimer dans sa rétine. Or le temps avançant, elle avait de plus en plus de mal à se souvenir de tous les détails, de certains prénoms, des visages, du goût du pain, de la voix de son frère, des colères de sa mère.
Elle avait appris par coeur et par tripes la dernière lettre qu'on lui avait fait parvenir au couvent, destinée à porter à sa connaissance les dernières volontés de son père décédé. Les doigts fins, albâtres s'égarent à présent le visage de la brune pourchassant les cheveux jusqu'à les assiéger derrière l'oreille. Ses lèvres carmines ne piperont mot, scellées dans un silence salvateur.
Elle se souvint soudain qu'elle était dans son jardin, qu'elle avait la lettre entre les mains, et qu'elle devait ouvrir le coffre, mordue par le doute, pour relire le prénom laissé par son père sur un papier. Mordred. Un prénom peu commun qui tambourinait sans cesse contre la vitre de sa rétine depuis sa lecture : Les lettres se dessinaient en boucle devant ses yeux, encore et encore. Mordred se répétera-t-elle, se demandant si un jour la vie fera en sorte que leurs chemins se croisent.
Avoir foi, et elle l'eut, et elle eut raison, car peu après sa sortie, elle apprit qu'à Dieppe, un jeune homme s'appelait ainsi. Mieux encore, il y'a quelques jours, Gaugericus lui donnait les clés de la taverne municipale en présence de deux jeunes hommes de passage : Jason et Mordred. Inutile de dire qu'elle fut troublée, inutile de préciser qu'elle eut beaucoup d'espoir dilué de craintes sordides. Le fait est qu'elle se promit de vérifier bientôt s'il était ce frère recherché. Le faire surtout discrètement pour ne pas indisposer les gens.
En quête d'ailleurs de cette discrétion, elle sautera sur la première occasion qui lui ouvrirait une discussion avec celui qui porte le prénom de son frère. Et l'occasion vint justement portée par des ailes puissantes d'un oiseau de proie , elle apprit que Jason Et Mordred recherchaient à former des personnes à l'art de la fauconnerie. Ni une ni deux, aimant la matière en question, elle ira s'inviter au Havre de Paix, leur tanière. Ses doutes ne firent que se renforcer, devant un Mordred au regard troublant d'un mystère qui s'était épaissi. Or elle ne put l'approcher, car elle fut bien accaparée par les leçons prenantes. Il fallait donc le rencontre ailleurs, en avoir le coeur net.
Le soleil s'était couché laissant place à une fraîcheur des plus agréables. Les cris stridents des hirondelles rasant le sol accompagna la jeune femme jusqu'à sa porte où un feu de bois crépitait. Le coffret est posé soigneusement sur la table. Un cierge est allumé est posé à côté. Puis un vélin vint rejoindre l'attirail d'écriture. Aurchide était prête à se lancer à l'eau, et d'assumer enfin le risque qu'elle soit complètement à côté de la plaque. Plus tard, une écriture fine et déliée vint orner la virginité du support.
Les robes des cavalières représentées jusqu'aux plis fin, les verres des danseurs levés, les profils des visages soignés, tout était criant de vie. Il était pour ceux qui la connaissent, de voir Aurchide arborer cette gravité quasi solennelle, le pouce heurtant dans un effleurement régulier les bosses polies des reliefs. Son oeil vagabondait au loin, fixant un invisible objet au sol, sans que la mèche de cheveux agitée, ne vinne troubler ses élucubrations intimes.
Ce qui trottait dans la tête de la brune n'avait pourtant aucune consistance, elle y amassait le tas maigrelet de souvenirs qu'elle a pris soin depuis son enfance à garder vivace en ressassant chacun jusqu'à l'imprimer dans sa rétine. Or le temps avançant, elle avait de plus en plus de mal à se souvenir de tous les détails, de certains prénoms, des visages, du goût du pain, de la voix de son frère, des colères de sa mère.
Elle avait appris par coeur et par tripes la dernière lettre qu'on lui avait fait parvenir au couvent, destinée à porter à sa connaissance les dernières volontés de son père décédé. Les doigts fins, albâtres s'égarent à présent le visage de la brune pourchassant les cheveux jusqu'à les assiéger derrière l'oreille. Ses lèvres carmines ne piperont mot, scellées dans un silence salvateur.
Elle se souvint soudain qu'elle était dans son jardin, qu'elle avait la lettre entre les mains, et qu'elle devait ouvrir le coffre, mordue par le doute, pour relire le prénom laissé par son père sur un papier. Mordred. Un prénom peu commun qui tambourinait sans cesse contre la vitre de sa rétine depuis sa lecture : Les lettres se dessinaient en boucle devant ses yeux, encore et encore. Mordred se répétera-t-elle, se demandant si un jour la vie fera en sorte que leurs chemins se croisent.
Avoir foi, et elle l'eut, et elle eut raison, car peu après sa sortie, elle apprit qu'à Dieppe, un jeune homme s'appelait ainsi. Mieux encore, il y'a quelques jours, Gaugericus lui donnait les clés de la taverne municipale en présence de deux jeunes hommes de passage : Jason et Mordred. Inutile de dire qu'elle fut troublée, inutile de préciser qu'elle eut beaucoup d'espoir dilué de craintes sordides. Le fait est qu'elle se promit de vérifier bientôt s'il était ce frère recherché. Le faire surtout discrètement pour ne pas indisposer les gens.
En quête d'ailleurs de cette discrétion, elle sautera sur la première occasion qui lui ouvrirait une discussion avec celui qui porte le prénom de son frère. Et l'occasion vint justement portée par des ailes puissantes d'un oiseau de proie , elle apprit que Jason Et Mordred recherchaient à former des personnes à l'art de la fauconnerie. Ni une ni deux, aimant la matière en question, elle ira s'inviter au Havre de Paix, leur tanière. Ses doutes ne firent que se renforcer, devant un Mordred au regard troublant d'un mystère qui s'était épaissi. Or elle ne put l'approcher, car elle fut bien accaparée par les leçons prenantes. Il fallait donc le rencontre ailleurs, en avoir le coeur net.
Le soleil s'était couché laissant place à une fraîcheur des plus agréables. Les cris stridents des hirondelles rasant le sol accompagna la jeune femme jusqu'à sa porte où un feu de bois crépitait. Le coffret est posé soigneusement sur la table. Un cierge est allumé est posé à côté. Puis un vélin vint rejoindre l'attirail d'écriture. Aurchide était prête à se lancer à l'eau, et d'assumer enfin le risque qu'elle soit complètement à côté de la plaque. Plus tard, une écriture fine et déliée vint orner la virginité du support.
Citation:
Lisieux, le Dixième jour de Septembre, de l'an de grâce 1463
D'Aurchide, tribun de la ville de Lisieux
A vous Sieur Mordred
Le bonjour,
J'ose vous écrire une missive qui va fort probablement vous troubler. J'en suis profondément navrée d'avance si tel était le cas, mais j'ose également espérer que vous comprendrez bientôt ma démarche. En effet, j'ai quitté le couvent de Sainte-Cécile pour intégrer Lisieux, à la demande d'un ami à mon père, venu me livrer un coffret. Dedans il y'a eu cette lettre, écrite par mon père décédé, m'expliquant que j'avais hérité de quelques écus..et d'un frère. Je ne sais de ce frère hélas que le prénom, et il est le même que le vôtre. Mordred donc.
Depuis notre rencontre en taverne, je n'ai qu'une idée obsédante qui tourne en boucle, celle de vous écrire et vous poser la question qui s'est d'elle-même imposée :
Avez vous une soeur donc que vous ne connaissez pas encore? Peut-être qu'un simple oui mériterait que l'on se rencontre. Si la réponse est négative, je vous prie d'ignorer ce que vous aurez tôt d'associer à une lubie.
Bien à vous
Aurchide
Lisieux, le Dixième jour de Septembre, de l'an de grâce 1463
D'Aurchide, tribun de la ville de Lisieux
A vous Sieur Mordred
Le bonjour,
J'ose vous écrire une missive qui va fort probablement vous troubler. J'en suis profondément navrée d'avance si tel était le cas, mais j'ose également espérer que vous comprendrez bientôt ma démarche. En effet, j'ai quitté le couvent de Sainte-Cécile pour intégrer Lisieux, à la demande d'un ami à mon père, venu me livrer un coffret. Dedans il y'a eu cette lettre, écrite par mon père décédé, m'expliquant que j'avais hérité de quelques écus..et d'un frère. Je ne sais de ce frère hélas que le prénom, et il est le même que le vôtre. Mordred donc.
Depuis notre rencontre en taverne, je n'ai qu'une idée obsédante qui tourne en boucle, celle de vous écrire et vous poser la question qui s'est d'elle-même imposée :
Avez vous une soeur donc que vous ne connaissez pas encore? Peut-être qu'un simple oui mériterait que l'on se rencontre. Si la réponse est négative, je vous prie d'ignorer ce que vous aurez tôt d'associer à une lubie.
Bien à vous
Aurchide
Le vélin est enroulé, et sera certainement amené en main propre au destinataire, moyennant quelques piécettes et une paire de gambettes d'un enfant livreur de courrier.