Gehna
Je suis bourrée ce soir. On sétait promis de fêter notre retour au bercail avec le canard et le chat alors je suis bourrée.
Je suis ronde comme euhh .. comme un rond mais quand même hein ! Je vois clair, cest bien Louis que je vois là, je le reconnaitrais entre mille, cest mon oncle quand même. Mais qui laccompagne ? Non ? Me dites pas que . Le blond ? Je me faufile, je zigzague entre les roulottes pour tenter de me convaincre que je divague, que je suis vraiment trop bourrée mais Cest bien le blond que Louis suit.
Sensuit le retour à la taverne :
dis Lest ! Louis il part avec le faux frère tes au courant ?
Et puis le chaos, les cris, la précipitation. Lest qui tente denfourcher un canasson mais dans létat où il est, sans bras, bourré et opiacé à outrance, fatalement cest la chute, la perte de connaissance, le néant.
Pour lui comme pour moi, tout va trop vite depuis notre retour. Heureusement Dja est là, ma roussie prend les choses en main. Que serais-je sans elle ? Lest est très vite conduit au dispensaire et moi, je suis là, hagarde. Mais que sest-il passé ici ?
Je me souviens de rien, je me souviens de tout.
Lorraine, LEUR si chère Lorraine. Pas la mienne hein ! Javais la Lorraine en horreur. Pourquoi ? Parce quelle mavait pris mon oncle Louis, mes oncles parce quà force Lest létait devenu aussi. Tout ce temps consacré à lescorte, la défense, tout ce quil était possible de faire pour un duché pour les Ecorcheurs que nous étions mais pourquoi ? Ils sattendaient à quoi ? Un merci ?
Oh Lest, je savais pourquoi, parce quil aimait Louis, parce que rien nétait trop beau pour Louis, parce que Lest était heureux quand Louis létait, parce que . Parce que . Mais Louis ? Pourquoi tant de sacrifices pour un duché ? On naurait pas pu se limiter à apporter notre aide en cas de besoin ? Se limiter à ne pas commettre de méfaits sur leurs terres ? Cétait comme ça que ça se passait dhabitude non ?
Résultat ? Fallait sen douter. Pas de merci, qui sen étonne ? Et qui plus est, les Ecorcheurs étaient devenus des Escorteurs nous mettant en porte à faux avec tous ceux sur qui nous aurions pu compter. Le tournoi de Genève avait marqué lapothéose même si je pensais en y allant que ce serait un peu le défouloir. Tu parles ! Rien navait changé, javais toujours le poids sur lestomac et le nud dans la gorge. Tous ces mois passés à me taire, moi Gehna, qui ne disait plus ce quelle pensait sans réfléchir, moi Gehna qui supportait linsupportable, qui évitait même la taverne pour ne pas y rencontrer ceux avec qui la vraie Gehna naurait pas tardé à refaire surface. Je métais perdue, cétait certain et cétait pas les coups ramassés lors du tournoi, ni la pommade pour soulager tous mes membres endoloris qui allaient me remettre sur pieds.
Jusquà ce fameux soir en taverne. Presque un miracle parce que cette fois javais pu y entrer. « On rentre à Epinal mais avant on va escorter . ». Quoi ? Encore ? Non, là, sen était trop. Hors de question pour moi, je resterais à Genève. Javais aujourdhui confirmation de ce que je pensais depuis longtemps, le chef cétait Lest mais que faisait-il dautre au fond que dobéir à Louis. Des mois quon nous promettait de lamusement, des mois quon me promettait de descendre dans le sud, de revoir mon village natal, des mois à des mois à espérer sans jamais rien voir venir.
Des rencontres, des nouvelles recrues, des discussions, une lettre de Khalan, je ruminais en attendant leur retour. Tout ça devait cesser, le coup de gueule de lautre soir nétait pas suffisant, il fallait que ça change et il semblait que je ne sois pas la seule à en avoir plus quassez.
Tout sest précipité ensuite, le départ du blond a pas mal aidé je dois dire. Je lui dirai presque merci si je le détestais pas autant. Pourquoi ? Je ne sais pas. Y a des gens comme ça avec qui ça ne passe pas. Et toutes ces nuits à consoler ma cousine qui venait se glisser dans ma couche, en miettes, navait pas contribué à améliorer notre relation. Javais fait des efforts pour elle, javais fait des efforts pour eux mais il était clair que je ne serais pas de celle qui pleurerait son départ, bien au contraire. En fait, en y repensant, le Gouape mindifférait, je ne le connaissais pas, il ne me connaissait pas et cétait très bien comme ça. Alors quand je lai vu débarqué dans la taverne et nous déverser sa rancur, pas pour dire mais je me suis retenue pour pas me marrer. Non mais cest vrai quoi. Eh oh ! Seth cest moi Gehna. Tu sais, celle que tu connais si bien, celle dont tu dis quelle est à la botte de Lest, celle .. Pfffff. A quoi bon ? Il partait et je ne le suivrais pas. Il la bien compris.
Les mois passèrent, le calme semblait revenu, larmée fut montée. Le but était atteint. Des projets plein la tête nous fêtions ça en taverne. Entre temps javais pris du galon à ce quon dit, javais émis lidée de me dégourdir avec quelques-uns et du coup on mavait catapulté et autorisé à entrer dans lantre des Maitres Ecorcheurs. Ca ne changerait rien pour moi, loin de vouloir les éloges, les mercis, je voulais juste être moi, Gehna, la chienne perdue sans collier qui nen avait fait toujours quà sa tête au risque de me retrouver bien mal en point parfois. Une seule chose avait changé, des Ecorcheurs me suivaient et leur vie était devenue plus importante que la mienne, surtout celle dun chat.
LArmagnac coulait à flot et si ça navait été que ça, il parait que lalcool délie les langues. Il parait que lalcool rend nostalgique. Tout fut passé en revue ce soir-là, y compris le départ du blond, le traitre quil disait Louis. Epinal était tombé, il avait été soupçonné, quoi de plus facile que de lui régler une bonne fois son compte, au nom de la Lorraine ? Un sourire carnassier de Louis, une folie passagère, jécrivais. Lest lui restait silencieux, je nétais pas surprise, après tout même faux, cétait son frère, le seul quil sétait vraiment choisi. Du coup, jhésitais, je montrais la lettre à Louis, LA fameuse lettre. Son visage, son sourire, ses mots finirent pas me convaincre tout à fait, la lettre fut envoyée au mépris des réticences de Lest qui se taisait. Je sais aujourdhui pourquoi, je sais aujourdhui que la moindre désapprobation de sa part aurait été loccasion dune nouvelle crise.
On en est là aujourdhui, après des mois dabsence, des mauvaises nouvelles parvenues de Lorraine, je rentre, je rentre au bercail qui nest pas le mien, je rentre en Lorraine, ce duché que je déteste. La taverne est encore debout cest déjà ça et cette fois, parce que jen ai perdu lhabitude, joublie le regard par la fenêtre avant dentrer. Le blond, le blond est là, chez les Ecorcheurs. Je regarde Lest, en dessous de tout, les bras bandés jusquaux coudes, le regard dans le vide, le teint blafard. Mais quest ce quil sest passé ici ? Pourquoi vous ne mavez pas écrit ? Pourquoi il a fallu que japprenne par des étrangers ? Mais je ne peux rien dire, je dois me taire le blond est là.
Le blond est là et il commence les hostilités : hypocrite, lettre, hypocrite, lettre. Mais de quoi il parle ? Moi, écrire à Seth ? Jamais de la vie. Je ne relève pas dabord, jai oublié, jessaie de me souvenir, la lettre, LA fameuse lettre
Je men moque de cette lettre, je regarde Lest, je ne peux pas parler mais je dois savoir et lui, il est là mais il lest pas. Il est ailleurs. Jen profite. Je mapproche. Je le secoue.
Eh oh ! Cest moi Gehna ! Tu me reconnais ? Tu mexpliques ?
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Je suis ronde comme euhh .. comme un rond mais quand même hein ! Je vois clair, cest bien Louis que je vois là, je le reconnaitrais entre mille, cest mon oncle quand même. Mais qui laccompagne ? Non ? Me dites pas que . Le blond ? Je me faufile, je zigzague entre les roulottes pour tenter de me convaincre que je divague, que je suis vraiment trop bourrée mais Cest bien le blond que Louis suit.
Sensuit le retour à la taverne :
dis Lest ! Louis il part avec le faux frère tes au courant ?
Et puis le chaos, les cris, la précipitation. Lest qui tente denfourcher un canasson mais dans létat où il est, sans bras, bourré et opiacé à outrance, fatalement cest la chute, la perte de connaissance, le néant.
Pour lui comme pour moi, tout va trop vite depuis notre retour. Heureusement Dja est là, ma roussie prend les choses en main. Que serais-je sans elle ? Lest est très vite conduit au dispensaire et moi, je suis là, hagarde. Mais que sest-il passé ici ?
Je me souviens de rien, je me souviens de tout.
Lorraine, LEUR si chère Lorraine. Pas la mienne hein ! Javais la Lorraine en horreur. Pourquoi ? Parce quelle mavait pris mon oncle Louis, mes oncles parce quà force Lest létait devenu aussi. Tout ce temps consacré à lescorte, la défense, tout ce quil était possible de faire pour un duché pour les Ecorcheurs que nous étions mais pourquoi ? Ils sattendaient à quoi ? Un merci ?
Oh Lest, je savais pourquoi, parce quil aimait Louis, parce que rien nétait trop beau pour Louis, parce que Lest était heureux quand Louis létait, parce que . Parce que . Mais Louis ? Pourquoi tant de sacrifices pour un duché ? On naurait pas pu se limiter à apporter notre aide en cas de besoin ? Se limiter à ne pas commettre de méfaits sur leurs terres ? Cétait comme ça que ça se passait dhabitude non ?
Résultat ? Fallait sen douter. Pas de merci, qui sen étonne ? Et qui plus est, les Ecorcheurs étaient devenus des Escorteurs nous mettant en porte à faux avec tous ceux sur qui nous aurions pu compter. Le tournoi de Genève avait marqué lapothéose même si je pensais en y allant que ce serait un peu le défouloir. Tu parles ! Rien navait changé, javais toujours le poids sur lestomac et le nud dans la gorge. Tous ces mois passés à me taire, moi Gehna, qui ne disait plus ce quelle pensait sans réfléchir, moi Gehna qui supportait linsupportable, qui évitait même la taverne pour ne pas y rencontrer ceux avec qui la vraie Gehna naurait pas tardé à refaire surface. Je métais perdue, cétait certain et cétait pas les coups ramassés lors du tournoi, ni la pommade pour soulager tous mes membres endoloris qui allaient me remettre sur pieds.
Jusquà ce fameux soir en taverne. Presque un miracle parce que cette fois javais pu y entrer. « On rentre à Epinal mais avant on va escorter . ». Quoi ? Encore ? Non, là, sen était trop. Hors de question pour moi, je resterais à Genève. Javais aujourdhui confirmation de ce que je pensais depuis longtemps, le chef cétait Lest mais que faisait-il dautre au fond que dobéir à Louis. Des mois quon nous promettait de lamusement, des mois quon me promettait de descendre dans le sud, de revoir mon village natal, des mois à des mois à espérer sans jamais rien voir venir.
Des rencontres, des nouvelles recrues, des discussions, une lettre de Khalan, je ruminais en attendant leur retour. Tout ça devait cesser, le coup de gueule de lautre soir nétait pas suffisant, il fallait que ça change et il semblait que je ne sois pas la seule à en avoir plus quassez.
Tout sest précipité ensuite, le départ du blond a pas mal aidé je dois dire. Je lui dirai presque merci si je le détestais pas autant. Pourquoi ? Je ne sais pas. Y a des gens comme ça avec qui ça ne passe pas. Et toutes ces nuits à consoler ma cousine qui venait se glisser dans ma couche, en miettes, navait pas contribué à améliorer notre relation. Javais fait des efforts pour elle, javais fait des efforts pour eux mais il était clair que je ne serais pas de celle qui pleurerait son départ, bien au contraire. En fait, en y repensant, le Gouape mindifférait, je ne le connaissais pas, il ne me connaissait pas et cétait très bien comme ça. Alors quand je lai vu débarqué dans la taverne et nous déverser sa rancur, pas pour dire mais je me suis retenue pour pas me marrer. Non mais cest vrai quoi. Eh oh ! Seth cest moi Gehna. Tu sais, celle que tu connais si bien, celle dont tu dis quelle est à la botte de Lest, celle .. Pfffff. A quoi bon ? Il partait et je ne le suivrais pas. Il la bien compris.
Les mois passèrent, le calme semblait revenu, larmée fut montée. Le but était atteint. Des projets plein la tête nous fêtions ça en taverne. Entre temps javais pris du galon à ce quon dit, javais émis lidée de me dégourdir avec quelques-uns et du coup on mavait catapulté et autorisé à entrer dans lantre des Maitres Ecorcheurs. Ca ne changerait rien pour moi, loin de vouloir les éloges, les mercis, je voulais juste être moi, Gehna, la chienne perdue sans collier qui nen avait fait toujours quà sa tête au risque de me retrouver bien mal en point parfois. Une seule chose avait changé, des Ecorcheurs me suivaient et leur vie était devenue plus importante que la mienne, surtout celle dun chat.
LArmagnac coulait à flot et si ça navait été que ça, il parait que lalcool délie les langues. Il parait que lalcool rend nostalgique. Tout fut passé en revue ce soir-là, y compris le départ du blond, le traitre quil disait Louis. Epinal était tombé, il avait été soupçonné, quoi de plus facile que de lui régler une bonne fois son compte, au nom de la Lorraine ? Un sourire carnassier de Louis, une folie passagère, jécrivais. Lest lui restait silencieux, je nétais pas surprise, après tout même faux, cétait son frère, le seul quil sétait vraiment choisi. Du coup, jhésitais, je montrais la lettre à Louis, LA fameuse lettre. Son visage, son sourire, ses mots finirent pas me convaincre tout à fait, la lettre fut envoyée au mépris des réticences de Lest qui se taisait. Je sais aujourdhui pourquoi, je sais aujourdhui que la moindre désapprobation de sa part aurait été loccasion dune nouvelle crise.
On en est là aujourdhui, après des mois dabsence, des mauvaises nouvelles parvenues de Lorraine, je rentre, je rentre au bercail qui nest pas le mien, je rentre en Lorraine, ce duché que je déteste. La taverne est encore debout cest déjà ça et cette fois, parce que jen ai perdu lhabitude, joublie le regard par la fenêtre avant dentrer. Le blond, le blond est là, chez les Ecorcheurs. Je regarde Lest, en dessous de tout, les bras bandés jusquaux coudes, le regard dans le vide, le teint blafard. Mais quest ce quil sest passé ici ? Pourquoi vous ne mavez pas écrit ? Pourquoi il a fallu que japprenne par des étrangers ? Mais je ne peux rien dire, je dois me taire le blond est là.
Le blond est là et il commence les hostilités : hypocrite, lettre, hypocrite, lettre. Mais de quoi il parle ? Moi, écrire à Seth ? Jamais de la vie. Je ne relève pas dabord, jai oublié, jessaie de me souvenir, la lettre, LA fameuse lettre
Je men moque de cette lettre, je regarde Lest, je ne peux pas parler mais je dois savoir et lui, il est là mais il lest pas. Il est ailleurs. Jen profite. Je mapproche. Je le secoue.
Eh oh ! Cest moi Gehna ! Tu me reconnais ? Tu mexpliques ?
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