Wallerand
J'entends !
L'exclamation enrouée précéda de peu un coup d'oeil à Bella (comme il aurait voulu partager avec elle, à cet instant, l'image du bonheur qui se profilait à l'évocation de la Duranxie !) et un raclement de gorge alors qu'il se retournait vers Alvira. Si la Baronne était au bord de la larmichette, à coup sûr, le Beauharnais était sensiblement ému. Pareille déclaration d'amitié, ça n'arrivait pas tous les jours, surtout si éloquemment tournée. Aussi garda-t-il un court instant le silence. A vrai dire, le jeune homme, tout loquace qu'il pouvait se révéler, se muait souvent en carpe (muette ! Aha !) quand il s'agissait d'exprimer des sentiments. Rendu frileux par son ancienne compagne en la matière au terme de sa première relation de plus de trois semaines - miracle ! -, il ne se résolvait plus à exprimer son attachement que dans des circonstances extrêmes : quand la femme qu'il aimait risquait de prendre le voile, pour ne citer qu'un exemple. Aussi usa-t-il d'une pirouette qui lui était assez familière, à savoir un trait d'humour plus ou moins foireux, qui se traduisit par un encore enroué (l'émotion, ça noue la gorge) mais enjoué :
Marraine, ma p'tite marraine à moi... Alvira, avoue, tu as voulu me tirer une larme ! C'est cruel ! Ca se paiera, même.
Définitivement, ce genre de choses le remettait en selle. Aussi, d'une voix cette fois assurée, reprit-il :
Si tu me vois presque comme un fils, je te vois plutôt comme une grande soeur... Si tu étais ma mère, tu serais quand même fichtrement plus vieille ! Un sourire rieur vint atténuer l'assertion. C'était le premier retour de bâton pour l'avoir émotionné en si grand comité. Depuis que tu nous as pris sous ton aile à Bayonne, Acrisius et moi, c'est sûr, tu es quelqu'un à part. La marraine de ma vie, ça, c'est sûr ! Tu m'as montré toutes tes qualités. Tu as accepté que je te signale tous mes désaccords sans m'en vouloir, même quand j'ai été brusque - et ça, ça m'arrive largement. Tu m'as montré combien je peux avoir confiance en toi et trouver un soutien - sauf quand il s'agit de danser - (oh la vilaine allusion au bal de la Saint Valentin !) à chaque instant auprès de toi. La relation de confiance est profonde, durable, et tu as fait un pas supplémentaire pour l'affermir encore.
Tu sais que quand tu m'as demandé, ce soir-là, si j'accepterais de devenir ton vassal, j'ai eu l'impression, un instant, que tu me tirerais les oreilles avec toute la cruauté - aheum - dont tu es capable si jamais je m'avisais de te dire non ? Il faut dire qu'on en a traversé, ensemble... C'est ironique, mais en février, on s'est quand même retrouvés mis dehors par nos compagne et compagnon respectifs le même jour... Ah, celui-là, il aura même trouvé le moyen de nous rapprocher encore ! Si seulement tu m'avais écouté, hein ? Je n'aurais pas boité un bon paquet de semaines et tu n'aurais pas pleuré pendant plus d'un mois, ni pensé que tous les hommes étaient des connards finis pendant plus de temps encore... Crois bien que maintenant, je m'en vais te tympaniser avec tous les avis et conseils que je penserai adéquats ! Et même si je te dois beaucoup, y compris mon bonheur, pas question que je me traine un autre Anthy pour toi !
Le clin d'oeil destiné à la future suzeraine ne pouvait laisser aucun doute quant à la véhémence factice du discours. Les heures sombres, il y en avait eu... Et il y avait surtout eu le retour à la lumière à Peyrehorade, quand elle avait lancé une invitation pour le dérider. A coup sûr, elle avait réussi au-delà de toute espérance ! Aussi, sans plus tarder, Wallerand s'avança jusqu'à deux ou trois pas du trône de la maîtresse des lieux, posa un genou en terre et acheva, le regard posé sur elle, sourire aux lèvres :
Puisque tu me veux pour ton vassal, je te veux pour ma suzeraine, en vertu de tout ce qui nous lie. Je t'offre mon arme, ma plume et mon coeur d'ami. En ce jour, moi, Wallerand de Beauharnais, je te promets à toi, Alvira Messonnier de la Duranxie, aide et service armé, fidélité et respect, et conseil... Pour ça, tu me connais : je suis tellement bavard que tu n'y couperas pas de toute façon !
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L'exclamation enrouée précéda de peu un coup d'oeil à Bella (comme il aurait voulu partager avec elle, à cet instant, l'image du bonheur qui se profilait à l'évocation de la Duranxie !) et un raclement de gorge alors qu'il se retournait vers Alvira. Si la Baronne était au bord de la larmichette, à coup sûr, le Beauharnais était sensiblement ému. Pareille déclaration d'amitié, ça n'arrivait pas tous les jours, surtout si éloquemment tournée. Aussi garda-t-il un court instant le silence. A vrai dire, le jeune homme, tout loquace qu'il pouvait se révéler, se muait souvent en carpe (muette ! Aha !) quand il s'agissait d'exprimer des sentiments. Rendu frileux par son ancienne compagne en la matière au terme de sa première relation de plus de trois semaines - miracle ! -, il ne se résolvait plus à exprimer son attachement que dans des circonstances extrêmes : quand la femme qu'il aimait risquait de prendre le voile, pour ne citer qu'un exemple. Aussi usa-t-il d'une pirouette qui lui était assez familière, à savoir un trait d'humour plus ou moins foireux, qui se traduisit par un encore enroué (l'émotion, ça noue la gorge) mais enjoué :
Marraine, ma p'tite marraine à moi... Alvira, avoue, tu as voulu me tirer une larme ! C'est cruel ! Ca se paiera, même.
Définitivement, ce genre de choses le remettait en selle. Aussi, d'une voix cette fois assurée, reprit-il :
Si tu me vois presque comme un fils, je te vois plutôt comme une grande soeur... Si tu étais ma mère, tu serais quand même fichtrement plus vieille ! Un sourire rieur vint atténuer l'assertion. C'était le premier retour de bâton pour l'avoir émotionné en si grand comité. Depuis que tu nous as pris sous ton aile à Bayonne, Acrisius et moi, c'est sûr, tu es quelqu'un à part. La marraine de ma vie, ça, c'est sûr ! Tu m'as montré toutes tes qualités. Tu as accepté que je te signale tous mes désaccords sans m'en vouloir, même quand j'ai été brusque - et ça, ça m'arrive largement. Tu m'as montré combien je peux avoir confiance en toi et trouver un soutien - sauf quand il s'agit de danser - (oh la vilaine allusion au bal de la Saint Valentin !) à chaque instant auprès de toi. La relation de confiance est profonde, durable, et tu as fait un pas supplémentaire pour l'affermir encore.
Tu sais que quand tu m'as demandé, ce soir-là, si j'accepterais de devenir ton vassal, j'ai eu l'impression, un instant, que tu me tirerais les oreilles avec toute la cruauté - aheum - dont tu es capable si jamais je m'avisais de te dire non ? Il faut dire qu'on en a traversé, ensemble... C'est ironique, mais en février, on s'est quand même retrouvés mis dehors par nos compagne et compagnon respectifs le même jour... Ah, celui-là, il aura même trouvé le moyen de nous rapprocher encore ! Si seulement tu m'avais écouté, hein ? Je n'aurais pas boité un bon paquet de semaines et tu n'aurais pas pleuré pendant plus d'un mois, ni pensé que tous les hommes étaient des connards finis pendant plus de temps encore... Crois bien que maintenant, je m'en vais te tympaniser avec tous les avis et conseils que je penserai adéquats ! Et même si je te dois beaucoup, y compris mon bonheur, pas question que je me traine un autre Anthy pour toi !
Le clin d'oeil destiné à la future suzeraine ne pouvait laisser aucun doute quant à la véhémence factice du discours. Les heures sombres, il y en avait eu... Et il y avait surtout eu le retour à la lumière à Peyrehorade, quand elle avait lancé une invitation pour le dérider. A coup sûr, elle avait réussi au-delà de toute espérance ! Aussi, sans plus tarder, Wallerand s'avança jusqu'à deux ou trois pas du trône de la maîtresse des lieux, posa un genou en terre et acheva, le regard posé sur elle, sourire aux lèvres :
Puisque tu me veux pour ton vassal, je te veux pour ma suzeraine, en vertu de tout ce qui nous lie. Je t'offre mon arme, ma plume et mon coeur d'ami. En ce jour, moi, Wallerand de Beauharnais, je te promets à toi, Alvira Messonnier de la Duranxie, aide et service armé, fidélité et respect, et conseil... Pour ça, tu me connais : je suis tellement bavard que tu n'y couperas pas de toute façon !
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