Pepin_lavergne
Pépin était tout à fait prêt à se battre. Il ne voyait absolument pas l'intérêt de faire la guerre, puisque de toute façon, la guerre, ça faisait des millions de morts pour l'honneur - l'honneur n'avait jamais rien demandé, soit dit en passant. Et puis ça prenait du temps, c'était pénible, on mangeait mal, et en un mot comme en cent : ça puait sévère. Mais néanmoins, Pépin était prêt à se battre. Pour sa survie, pour celle de sa femme, de leur fils, et éventuellement un ami ou deux. Il n'avait même pas vraiment peur. Pas pour lui, du moins. Pour sa famille, oui. Pour lui, non. Pas parce qu'il serait tellement fort que nul ne pouvait le vaincre - il ne maniait que le gourdin et la fronde - ni parce qu'il était doté d'un courage à tout épreuve, et encore moins parce que Déos lui aurait soufflé à l'oreille qu'il l'avait choisi pour Champion. La raison était beaucoup plus terre à terre que ça. C'était tout simplement parce qu'il était complètement inconscient. Et que la source de son instinct de survie résidait principalement dans sa ruse et sa tendance aiguë à la fourberie.
Qu'il passe pour un siphonné du bocal en émettant tout haut le souhait de se mettre de l'autre côté, ça lui était égal. Pour la simple et bonne raison qu'il était bel et bien un siphonné du bocal. Ce n'était pas la guerre, d'accord. Mais ça, ça n'avait jamais empêché aucun canon d'écrabouiller celui qui se tenait derrière lui. Les canons se moquaient de la guerre, ces créatures insensibles. Pépin se moquait de la guerre, mais pas des canons écrabouilleurs. Alors certes, sa femme ne se tiendrait pas derrière. Certes, techniquement, elle ne risquait rien. Mais combien de fois l'avait-il vu trébucher sur la seule pierre à dix lieues à la ronde ? Combien de fois avait-il dû se jeter en travers de la route d'un charretier pour éviter qu'elle finisse en purée, parce qu'elle admirait le vol d'une oie sauvage ? Il avait cessé de compter, au bout d'un moment. Et là, c'était pareil. Danger il y avait, parce que les objets ne savaient pas faire attention à la trajectoire qu'empruntait sa femme. C'était du moins ainsi que l'Auvergnat voyait les choses. Ce n'était pas Hélona qui ne regardait pas devant elle, c'était les autres qui ne regardaient pas où allait Hélona. Et par « les autres », il entendait les chevaux, les hommes, les femmes, les enfants, les brouettes, les ronces, les cailloux, les chardons, les orties, les flaques de boue, les poteaux, les panneaux, et depuis peu, les canons.
Doué pour combattre, il ne l'avait jamais été. Il énervait ses trois frères aînés à cause de ça. Il déclenchait des bagarres comme personne, passé maître dans l'art de répandre la zizanie. Mais quand on voulait lui donner un coup - et à moins qu'on ne le prenne à surprise ou qu'il se laisse cogner par lassitude de toujours éviter - il feintait à droite, à gauche, s'abaissait, sautait de côté, et se mettait à courir. L'avance qu'il avait prise en détalant lui était juste nécessaire pour tendre un fil de pêche entre deux troncs, et reprendre sa course une fois ses poursuivants en vue, moins vite qu'il ne s'en sentait capable, pour que les autres croient pouvoir l'attraper... juste avant de s'étaler dans la poussière sous les éclats de rire du gamin pénible qu'il était alors. En grandissant, il avait gardé la même technique, sauf qu'au lieu de tendre un fil, il donnait des coups de bâton derrière les oreilles. Une part de lui savait donc qu'il n'avait absolument aucune chance en combat singulier, surtout si l'autre brandissait un sabre. Mais il n'allait pas le dire, ça n'aurait pas fait sérieux. Pouvait-on le passer par-dessus bord pour incompétence notoire au combat ?
- Ouais. J'vais me reculer. J'suis pas suicidaire.
Il sourit en coin, et jeta un il à Hélona. Elle était en place et techniquement, elle ne risquait rien. Il se mit donc en position à son tour, et attendit vaillamment le signal... Sans pouvoir s'empêcher de faire une remarque tout haut, oubliant qu'il risquait fort de choquer son épouse :
- Mais dîtes, on risque pas de tuer des dauphins à canonner dans le vide ?
L'air poliment curieux qu'il arborait démontrait cependant qu'il n'en était pas moins décidé à faire son ouvrage dès qu'on le lui ordonnerait.
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Qu'il passe pour un siphonné du bocal en émettant tout haut le souhait de se mettre de l'autre côté, ça lui était égal. Pour la simple et bonne raison qu'il était bel et bien un siphonné du bocal. Ce n'était pas la guerre, d'accord. Mais ça, ça n'avait jamais empêché aucun canon d'écrabouiller celui qui se tenait derrière lui. Les canons se moquaient de la guerre, ces créatures insensibles. Pépin se moquait de la guerre, mais pas des canons écrabouilleurs. Alors certes, sa femme ne se tiendrait pas derrière. Certes, techniquement, elle ne risquait rien. Mais combien de fois l'avait-il vu trébucher sur la seule pierre à dix lieues à la ronde ? Combien de fois avait-il dû se jeter en travers de la route d'un charretier pour éviter qu'elle finisse en purée, parce qu'elle admirait le vol d'une oie sauvage ? Il avait cessé de compter, au bout d'un moment. Et là, c'était pareil. Danger il y avait, parce que les objets ne savaient pas faire attention à la trajectoire qu'empruntait sa femme. C'était du moins ainsi que l'Auvergnat voyait les choses. Ce n'était pas Hélona qui ne regardait pas devant elle, c'était les autres qui ne regardaient pas où allait Hélona. Et par « les autres », il entendait les chevaux, les hommes, les femmes, les enfants, les brouettes, les ronces, les cailloux, les chardons, les orties, les flaques de boue, les poteaux, les panneaux, et depuis peu, les canons.
Doué pour combattre, il ne l'avait jamais été. Il énervait ses trois frères aînés à cause de ça. Il déclenchait des bagarres comme personne, passé maître dans l'art de répandre la zizanie. Mais quand on voulait lui donner un coup - et à moins qu'on ne le prenne à surprise ou qu'il se laisse cogner par lassitude de toujours éviter - il feintait à droite, à gauche, s'abaissait, sautait de côté, et se mettait à courir. L'avance qu'il avait prise en détalant lui était juste nécessaire pour tendre un fil de pêche entre deux troncs, et reprendre sa course une fois ses poursuivants en vue, moins vite qu'il ne s'en sentait capable, pour que les autres croient pouvoir l'attraper... juste avant de s'étaler dans la poussière sous les éclats de rire du gamin pénible qu'il était alors. En grandissant, il avait gardé la même technique, sauf qu'au lieu de tendre un fil, il donnait des coups de bâton derrière les oreilles. Une part de lui savait donc qu'il n'avait absolument aucune chance en combat singulier, surtout si l'autre brandissait un sabre. Mais il n'allait pas le dire, ça n'aurait pas fait sérieux. Pouvait-on le passer par-dessus bord pour incompétence notoire au combat ?
- Ouais. J'vais me reculer. J'suis pas suicidaire.
Il sourit en coin, et jeta un il à Hélona. Elle était en place et techniquement, elle ne risquait rien. Il se mit donc en position à son tour, et attendit vaillamment le signal... Sans pouvoir s'empêcher de faire une remarque tout haut, oubliant qu'il risquait fort de choquer son épouse :
- Mais dîtes, on risque pas de tuer des dauphins à canonner dans le vide ?
L'air poliment curieux qu'il arborait démontrait cependant qu'il n'en était pas moins décidé à faire son ouvrage dès qu'on le lui ordonnerait.
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