Dans la roulotte, garée en bordure du camp viking, un rideau qui vacille. Deux grands yeux sombres qui scrutent ! De sourdes exclamations !
-hooo ! Haaa ! Hooo ! HOOOO !
Une très jeune fille qui n'en croyait pas à ses yeux !
Il est vrai qu'elle avait été récemment arrachée à son petit univers restreint.
Jusqu'à présent elle avait vécu dans la pièce unique d'une pauvre chaumière paysanne de Gascogne, au milieu de ses onze frères et surs.
Sa vie étroite et insipide n'était faites que de tâches ménagères, trier les légumes, faire la soupe, servir la soupe, laver les écuelles, laver le linge, laver par terre, laver les plus jeunes, s'occuper d'eux et cela sous la férule de sa mère qui faisait marcher sa tribu à coups de ceinture de cuir.
Un jour, un homme blond qui se disait médecin, était venu la chercher et l'avait conduite dans sa maison pour qu'elle fasse les repas de son fils pendant son voyage à Saintes.
A leur retour, une dame fort gentille, Margauth, l'avait embauchée pour être servante lors de son mariage.
Et même si sa paye partit intégralement dans la poche de sa mère, ce furent des moments bénis de découverte et de bonheur.
Puis, le médecin et sa femme proposèrent de l'emmener dans leur voyage vers l'est et, plus tard, si elle se plaisait avec eux, de l'adopter comme leur fille.
Pendant tout le voyage, Gelsamina qui n'était jamais sortie de son village, fut tétanisée de peur.
Les bandits, l'inconnu ! Elle avait passé tout le trajet au fond de la roulotte, les yeux fermés, murmurant des prières inaudibles, ses bras menus serrés sur ses précieux trésors : sa belle robe couleur lavande offerte par Margauth et des bijoux d'os, peignes et pendentifs, aux reflets nacrés, offert par Nannou.
Maintenant, ils étaient dans un étrange endroit, pleins de bruits et de rumeurs, de cris et de rires.
Et ce que voyait Gelsamina par la fenêtre, la jeune fille n'en croyait pas à ses yeux.
Des hommes... des hommes qui, depuis ce matin, montraient leurs jambes nues et leurs bras nus et musclés !
Dieux, qu'ils étaient beaux ! Elle se sentait toute retournée à les contempler.
Puis d'autres villageois étaient arrivés. Tous étaient maintenant réunis autour du feu à parler, à rire, à manger et à boire.
Gelsamina n'y tenant plus, rompant avec tous ses principes de timidité, de crainte, dappréhension, revêtit sa belle robe couleur de lavande et ses bijoux en os, lissa ses cheveux, se mordit les lèvres pour les faire paraître plus roses et se dirigea silencieusement vers le feu de camp.
Elle se posa à côté de Nannou et glissant sa petite main dans celle de la jeune femme, elle lui murmura :
-Je suis là !