Axelle
Dans la chambre du pavillon de chasse de Savenès, les boucles brunes en furie étouffant le traversin froissé, la gitane ouvrit un il, puis l'autre, plus récalcitrant. D'un regard torve, elle observa le plafond et aussi sec, rejeta le drap sur sa figure en grognant à tout va.
Cela faisait des jours et des jours que, chaque matin, les murs en prenaient ainsi pour leur grade. Et pourtant, ces murs tout blanc de chaux, la gitane ne daignait les quitter que le ventre braillant de faim ou tiraillé par une envie qui ne pouvait se retenir davantage. Mais dès lors qu'elle se redressait, ça recommençait. Vaseuse et fébrile, ses jambes semblaient emprisonnées dans du coton à tel point les mouvements les plus anodins lui semblaient plus infranchissables qu'une citadelle tant la fatigue s'accrochait à elle comme une moule à son rocher.
Soit, elle avait bien chopé cette maladie au nom imprononçable dont toutes les commères s'affolaient, mais s'était soignée. Était-ce finalement la confiote de fraise ajoutée à la potion qui en avait altéré les effets ? Le Doc lui avait assuré que non.
Une autre idée avait bien germé dans son esprit, mais un simple calcul l'avait été rejetée illico presto sur le tas estampé « crétineries » relégué dans un coin de sa cervelle. Cette idée-là, de toutes les âneries qu'elle avait pu élaborer, était la plus grotesque, la plus loufoque, la plus ridicule, la plus impensable. La plus affolante.
Alors elle restait là, la manouche, à gronder sous son drap alors qu'elle avait à faire avant de partir pour la capitale intégrer son poste de Prévôt de Paris. Et ce n'était vraiment pas l'envie de filer qui lui manquait quand le manque de son fils lui perçait le cur à chaque battement. Mais à chaque fois qu'elle tentait de s'échapper, le drap satanique prenait vie, l'enlaçant de sa chaude douceur dans une berceuse irrésistible, et elle capitulait, inévitablement. Et puis de toutes façons, elle n'avait que peu d'affaires à empaqueter alors pourquoi se faire violence ? Aussi, rassurée par cette pensée, les mirettes noires se refermèrent et les murs soupirèrent de soulagement face à la trêve accordée. Bien naïfs furent-ils quant à peine eurent-ils fini de souffler, la gitane se redressa d'un bond.
RADIS !
Un sourire illumina son visage comme si elle venait de résoudre l'énigme de luf et de la poule. Et somme toute n'en était-elle pas si loin quand le remède à son mal lui apparaissait soudain auréolé de toute sa splendeur. Joliment oblong. Délicatement rose. Irrésistiblement piquant sur le bout de sa langue. Les radis triompheraient et couronnés de lauriers, remonteraient le Champs de Mars sous les acclamations du peuple déchaîné et honteux de n'avoir pas compris plus tôt leur divin pouvoir!
Éperonnée par son incroyable découverte, la gitane se glissa rapidement dans la première robe qui lui tomba sous la main et fila à toutes jambes dans les vénielles du hameau cherchant le maraîcher béni qui détiendrait sur son étal les miraculeuses racines. Pourtant, la course fut de courte durée, et en guise du rose tendre de l'auguste crudité, ce furent de vilaines taches noires qui dansèrent devant les yeux manouches. Valse funeste qui la fit choir au beau milieu de la chaussée avant même de pouvoir trouver un tronc d'arbre auquel s'accrocher.
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Cela faisait des jours et des jours que, chaque matin, les murs en prenaient ainsi pour leur grade. Et pourtant, ces murs tout blanc de chaux, la gitane ne daignait les quitter que le ventre braillant de faim ou tiraillé par une envie qui ne pouvait se retenir davantage. Mais dès lors qu'elle se redressait, ça recommençait. Vaseuse et fébrile, ses jambes semblaient emprisonnées dans du coton à tel point les mouvements les plus anodins lui semblaient plus infranchissables qu'une citadelle tant la fatigue s'accrochait à elle comme une moule à son rocher.
Soit, elle avait bien chopé cette maladie au nom imprononçable dont toutes les commères s'affolaient, mais s'était soignée. Était-ce finalement la confiote de fraise ajoutée à la potion qui en avait altéré les effets ? Le Doc lui avait assuré que non.
Une autre idée avait bien germé dans son esprit, mais un simple calcul l'avait été rejetée illico presto sur le tas estampé « crétineries » relégué dans un coin de sa cervelle. Cette idée-là, de toutes les âneries qu'elle avait pu élaborer, était la plus grotesque, la plus loufoque, la plus ridicule, la plus impensable. La plus affolante.
Alors elle restait là, la manouche, à gronder sous son drap alors qu'elle avait à faire avant de partir pour la capitale intégrer son poste de Prévôt de Paris. Et ce n'était vraiment pas l'envie de filer qui lui manquait quand le manque de son fils lui perçait le cur à chaque battement. Mais à chaque fois qu'elle tentait de s'échapper, le drap satanique prenait vie, l'enlaçant de sa chaude douceur dans une berceuse irrésistible, et elle capitulait, inévitablement. Et puis de toutes façons, elle n'avait que peu d'affaires à empaqueter alors pourquoi se faire violence ? Aussi, rassurée par cette pensée, les mirettes noires se refermèrent et les murs soupirèrent de soulagement face à la trêve accordée. Bien naïfs furent-ils quant à peine eurent-ils fini de souffler, la gitane se redressa d'un bond.
RADIS !
Un sourire illumina son visage comme si elle venait de résoudre l'énigme de luf et de la poule. Et somme toute n'en était-elle pas si loin quand le remède à son mal lui apparaissait soudain auréolé de toute sa splendeur. Joliment oblong. Délicatement rose. Irrésistiblement piquant sur le bout de sa langue. Les radis triompheraient et couronnés de lauriers, remonteraient le Champs de Mars sous les acclamations du peuple déchaîné et honteux de n'avoir pas compris plus tôt leur divin pouvoir!
Éperonnée par son incroyable découverte, la gitane se glissa rapidement dans la première robe qui lui tomba sous la main et fila à toutes jambes dans les vénielles du hameau cherchant le maraîcher béni qui détiendrait sur son étal les miraculeuses racines. Pourtant, la course fut de courte durée, et en guise du rose tendre de l'auguste crudité, ce furent de vilaines taches noires qui dansèrent devant les yeux manouches. Valse funeste qui la fit choir au beau milieu de la chaussée avant même de pouvoir trouver un tronc d'arbre auquel s'accrocher.
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