Dacien_de_chenot
La rumeur enfla peu après vêpres, se répandant rapidement sur le camp et aussitôt relayée par les puissantes cloches de la cathédrale champenoise. "Les français ont signé", "C'est la trêve"...
Ainsi donc en ce 18ème jour d'octobre 1463, après des mois de combats, et des jours et des nuits de négociations, l'Empire et le Royaume de France semblaient être parvenus à un accord.
Depuis la veille, ils étaient suspendus à la plume de la dauphine de France qui, pour une raison qu'ils ignoreraient sans doute et que l'Histoire ne reviendrait pas, avait, une fois de plus retardé la signature de l'accord leur faisant craindre une nouvelle volte face des français.
La poitrine du Ténébreux se souleva lorsqu'il posa la main sur l'épaule de Coligny.
- Enfin ! Cette fois nous y sommes!
Un regard suffit à son homme de confiance qui, au fil des années était devenu son plus fidèle ami pour comprendre que les ordres qu'il venait de recevoir allaient changer.
Car, cette trêve tant espérée n'était pas la paix et moultes problèmes allaient encore devoir être traités dont celui qui leur tenait indubitablement le plus à cur : le devenir de la Lorraine depuis des mois colonisée par une bande de traîne-misère et de réformés qui avaient cru aisé en faire une seconde Genève. Cela avait été sans compter les Lorrains qui s'étaient sentis spoliés de leur identité et avaient opposé une résistance farouche. Mais le prix à payer avait été lourd et le climat lorrain loin de la douceur de vivre.
- Prépare toi au départ. Je te préviendrai après tenue du Conseil.
Lorsqu'il entra sous la tente, seule Elektra était là. Ses traits tirés témoignaient à eux seuls des heures passées à l'État Major Impérial en longs conciliabules, stériles pour la plupart, tant on y passait du temps à louvoyer plus qu'à naviguer.
Il suspendit le geste de sa dextre qui cherchait son épaule dans ce besoin qui lui était devenu naturel de la réconforter et laissa retomber son bras.
Non...
Il savait la distance nécessaire et s'y accrochait comme il savait que désormais il résisterait à ce désir dévorant de la serrer contre lui. Il se détourna, le poing étreignant le vide. Son regard se posa sur un plateau, et plus pour retrouver une contenance que par envie, il emplit deux verres.
- Quand partons-nous ?
Avait-elle deviné le geste ? Elle n'en laissa rien paraître.
Il ne leur fallut que peu de temps pour décider de la suite, et tandis qu'à Reims résonnaient déjà les échos de la liesse populaire, ses ordres en poche, le maistre d'armes quitta la tente.
Ils avaient convenu de traverser la Bourgogne jusqu'en Savoie. La route serait rapide et plus sure que celle qui passait plus à l'Est et où Carmin tentait encore en vain un coup de panache du côté de la Franche Comté.
Il fit mander Kjerstin et lui confia sa première mission d'Ecuyer.
- Demain dés prime, vous ferez démonter le camp au plus vite et vous regrouperez les Lames. Nous partirons aux premières heures de la nuit. Assurez-vous que nos montures aient été bien soignées et trouvez-nous deux ou trois charettes pour transporter nos vivres. Prenez quelques sergents pour vous aider.
Les ordres claquaient comme oriflammes au vent tandis qu'en son regard s'épuisaient les derniers reflets du feu de camp.
_________________