S'il est des liens qui étranglent, il en est d'autres qu'on a plaisir à tisser, ainsi songeait le Ténébreux maistre d'armes de l'Ordre des Lames en avançant d'un bon pas vers le palais ducal de Savoie où, en cette splendide journée de l'automne 1463, il sapprêtait à recevoir le fief de Longefoy des mains de celle qui allait devenir sa suzeraineté, Maia, Vicomtesse de la Vilette.
Il avait accepté l'idée de cette vassalité en raison de la personnalité de cette jeune femme, assuré qu'elle saurait faire vivre et évoluer ces liens vers la confiance, l'amitié et le partage quand il aurait plaisir à mettre sa lame au service de sa mesnie, les Laskarina d'Alaya.
A 15 ans déjà, sa mère lui avait confié les terres de Roure. Devenir le vassal de sa mère lui avait semblé naturel tant il avait de respect pour cette grande dame. Pourtant, à la mort de la duchesse Alinoé, lorsque sa jeune sur, héritière, lui avait repris le fief, leur mère à peine froide dans sa tombe, il en avait finalement ressenti un vif soulagement tant il lui semblait impossible de ployer genou à la frivolité.
Et nul besoin de mots pour savoir que la jeune femme qui marchait près de lui était dans le même état d'esprit.
Le fief de Longefoy jouxtait celui d'Aime qu'Elektra allait recevoir de la même main.
Soudain, il posa sa main sur la sienne, marquant une hésitation. ..
- Elektra ? Avez-vous songé à cette étrange requête de Maia ? Avez-vous pris les deux Miches.. de pain ? Cette demande l'avait en effet quelque peu surpris bien qu'un sourire en coin d'Elektra ait rapidement mis fin à tout questionnement. En quoi ces miches revêtaient-elle pareille importance pour un anoblissement ?... Il n'aurait su répondre, misant sur une originalité de Maia.
Il ajusta la large ceinture de cuir brun à la boucle argentée qui retenait le kilt qu'il portait pour l'occasion. Pourquoi un kilt, me diriez-vous ? Et pourquoi pas !
A vrai dire, sa garde robe était aussi mince qu'un bout de parchemin et il eut été bien en peine d'y trouver de quoi se présenter devant sa suzeraine sans l'intervention d'Elektra qui avait jeté son dévolu sur ce kilt.
L'entrainant à sa suite, ils pénétrèrent dans la salle où déjà trônait Maia. Le Ténébreux s'inclina sur la main de la jeune femme.
- C'est un plaisir que de vous revoir, Vicomtesse.