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[RP] Cerièra's Place, 1 Boulasse St

Ceriera
Espèce de vieille bique des montagnes !

Cerièra tournait en rond chez elle, cette histoire de médaillon lui était revenue en tête désormais que le mirabellier y laissait un peu de place. Poma lui avait laissé quelques cailloux sur le chemin, mais était loin de lui avoir dit tout ce qu'elle savait. Et si l'intuition de la brune se révélait juste, la vieille fromagère ferrimontaine lui cachait depuis bien longtemps quelque chose de fondamental, d'important. Mais pourquoi lui aurait-on caché une chose pareille ? Les «grands» et les secrets… ne se réalisent-ils pas qu'ils se rendent abominables, et laissent derrière eux les nœuds que d'autres devront défaire ? *Bande d'irresponsables !*

Elle était en colère, au fond, la griotte, mais pour faire déplacer Poma, elle devait ne rien en laisser paraître dans le courrier qu'elle lui ferait. Un vélin en main, elle chercha un endroit pour écrire. Le bureau ? Non, trop «fermé». La table non plus… Assise en tailleur devant la cheminée, c'est quand elle allait bien. Seul le grand air pourrait la calmer, elle prit donc la direction du potager. Au milieu des légumes, parfait ! En plus, elle pourrait en ramener quelques-uns, histoire de les mettre au menu.





    Poma,

    Fa bèl temps que t'ai pas donat de nòvas. Rassegura-te : vau plan. Qualques viatjes m'ocupèron l'esperit mantunas setmanas… que disi, de meses !
    Ara soi tornada a Foish, e i a quicòm que te ne vòli parlar. Soi segura que sabes de que. Alavetz davala de ta montanha se te plai, farai una tarta a las ortalissas grasilhadas.
    T'espèri aquela dimenjada,



Avec Poma, comme avec feu ses parents, la communication se faisait en occitan. Le français, c'était pour «la ville» ou «les gens bien». Ou avec les étrangers, c'est pratique aussi pour se comprendre.
En tout cas, déjà que Poma n'aimait pas venir à la ville, si elle voulait la faire descendre de sa montagne, elle n'avait pas intérêt à lui écrire dans la langue du Roy.

Il ne restait plus qu'à prévenir Aryanna. Elles seraient deux à la recevoir, et ça, Poma ne s'y attendrait pas.
Ah, et ramasser quelques légumes aussi…



Traduction de la lettre (c'est du mot à mot, c'est laid) : Ça fait longtemps que je ne t'ai pas donné de nouvelles. Rassure-toi : je vais bien. Quelques voyages m'ont occupé l'esprit plusieurs semaines… que dis-je, des mois !
Maintenant je suis rentrée à Foix, et il y a quelque chose dont je veux te parler. Je suis sûre que tu sais de quoi. Alors descends de ta montagne s'il te plaît, je ferai une tarte aux légumes grillés.
Je t'attends ce week-end.

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Aryanna
[Le 9 Avril - Pour un week-end pas comme les autres]

La noire marchait à petits pas dans les rues de Foix. Presque convoquée par Cerièra chez elle, elle en avait profité pour trouver ce qu'elle cherchait depuis plusieurs jours. Elle avait mis la main sur sa surprise en posant la question à Gänger, qui n'arrêtait pas de brailler depuis le retour d'Anjou : Sa mandoline, le fou voulait sa mandoline.

Ses pas étaient marqués par de légers dzong dzong, alors que la petite tape de l'objet sur sa besace faisait ploc ploc.
Enfin... Arrivée devant chez sa Griotte, l'oiselle toqua à la porte afin d'avertir de son arrivée. Et c'est tout en poussant la porte, qu'elle ouvrit la bouche...

"
Cerièèèraaa !
J'ai une surprise !
"

Et oui ! Quand on attend des mauvaises nouvelles, il en faut bien des bonnes pour compenser. A coup de tzong, grin grin grin, dolong dolong !

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Devise - en sanskrit : Véda prasthâna dijvassia.
Le savoir est source de la vie. Ou la source de la vie est celle qui sait, soit : la femme sait
Ceriera
Cerièra attendait Aryanna en découpant ses parts de tarte, toute chaude, à peine sortie du four à pain de sa boulangerie. Tarte promise, tarde due, qu'on n'aille pas dire qu'on sort de chez elle l'estomac vide !
Elle avait profité d'une fournée pour la cuire, elle n'allait pas brûler du bois pour une seule tarte. Aussi auraient-elles du pain chaud, qui serait apprécié avec le fromage qu'elle espérait de la part de Poma. La ferrimontaine n'allait tout de même pas arriver les mains vides ?

Toutes ces considérations n'étaient pas grand chose, l'enjeu de cette réunion était ailleurs. Mais les gestes du quotidien, c'est l'importance de la routine qui rassure quand tout le reste vacille. Ça peut sembler futile, voire complètement décalé, mais c'est primordial.

Trois petits coups sur la porte, puis la voix attendue de son oiselle. Cerièra ne se retourna pas tout de suite, finissant de faire ses parts.


Installe-toi Aryanna. Poma ne devrait pas tarder, mais je préfère que nous soyons toutes les deux pour…

À cet instant-là, elle se retournait, sa tarte à la main pour la poser sur la table, et elle apercevait la surprise. Ce qui interrompait sa phrase, fatalement, pour faire place à un grand sourire ému.

C'est adorable, merci ! Ça me fait tellement de bien d'en jouer en ce moment, c'est une évasion bienvenue.

Celle qui ne pouvait désormais plus voyager fit un gros bisou à l'oiselle, avant de se diriger vers le coin de la pièce, pour procéder à «l'échange».

La sienne lui manque, c'est ça ? J'espère qu'il appréciera que je l'aie réaccordée.
Ça ne le fera pas chanter juste, mais ce sera déjà ça !


Avec un sourire amusé. Qu'est-ce qu'il avait pu leur casser les oreilles !
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Aryanna
Elle s'avance, la noire, dans la demeure, dans la première pièce à vivre de la maison, pièce vivante, évidemment. Elle s'avance pour se rapprocher de son amie tout en se rapprochant de cette table. Certainement le lieu des explications.
Elle attend que sa Griotte préférée se retourne, tout en ôtant la mandoline de dans son dos. Évidemment, l'échange est proche. Entendre Gânger jouer et chanter est un calvaire, mais l'entendre geindre à longueur de journée l'est bien plus. De plus, elle compte les envoyer à Montfa, histoire de garder un oeil sur les choses qui y sont. Elle n'y a mis les pieds que deux fois depuis son cassage de binette et l'attribution. Elle trouve que c'est trop grand, bien trop grand pour elle toute seule. Si encore ils étaient vingt-quatre elle comprendrait peut-être... Mais là ?

Enfin. Il est l'heure de l'échange. L'oiselle esquisse un sourire lorsqu'elle voit dans les yeux de son amie que la surprise lui fait plaisir. Évidemment, elle ne pouvait pas se rater après tout. Gänger y avait mis du sien en plus, pour trouver le cadeau qui lui rendrait sa mandoline.

Mais... je t'en prie.
Et puis ce sera la tienne maintenant.
Gânger râle, mais je crois qu'il me tuera si je continue de l'entendre.


Et de laisser échapper un soupire léger, avant d'ajouter...

Enfin... il sera heureux de la retrouver, il ira casser des oreilles ailleurs.
Je te raconterai.


Un sourire se glisse sur ses lèvres, alors que ses yeux glissent sur la tarte déposée. Cela donne faim, tout de même. Mais il manque encore quelqu'un...

Poma t'a dit qu'elle venait ?
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Devise - en sanskrit : Véda prasthâna dijvassia.
Le savoir est source de la vie. Ou la source de la vie est celle qui sait, soit : la femme sait
Poma
[Montferrièr, divendres lo 8 d'abril]

Poma revenait du marché du village où elle avait écoulé quelques tommes de brebis quand elle aperçut un grand oiseau noir se diriger vers elle. Qu'est-ce que c'est que ça ? Le corbeau tenait en son bec une missive. La fromagère n'en recevait pas tous les quatre matins, elle se dépêcha de l'ouvrir et soupira. C'est le moment, nous y sommes. Il leur aura fallu quatre mois. C'est tout ce que la lettre lui tira comme réaction, et elle reprit, le regard contrarié, le chemin de sa maison. Demain Foix, donc. Comment s'y prendrait-elle pour leur parler de tout cela ?


[Foish, dissabte lo 9]

Partie le matin, elle avait pris son temps sur la route. à retourner ces questions dans sa tête : par où commencer, que lui dire, que sait-elle déjà ? La missive de Cerièra était amicale, mais très brève. Dans quel état d'esprit était-elle ? À quel accueil s'attendre ?
Elle ouvrit le petit portail du 1 rue de la Boulasse, le referma derrière elle et emprunta le chemin jusqu'à sa porte. Passant devant la fenêtre elle aperçut deux silhouettes autour de la table… Cerièra n'était pas seule ? Trop tard pour se poser la question désormais qu'elle était là, devant la porte. Il était temps de frapper…


Cerièra, qu'es la Poma !

… et de prendre une grande inspiration pour se donner du courage.


Traductions : Vendredi 8 avril, samedi 9, «c'est Poma !»

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Fromagère de Montferrier.
Ceriera
Cerièra était comme une gamine le matin de la Saint-Noël devant sa mandoline offerte. Celle de Gänger était désormais entre les mains d'Aryanna, et elle commençait à accorder la nouvelle. À croire que cela deviendrait une routine pour la griotte : accordeuse de mandolines ! Elle s'assit et comme elle l'avait fait dans cette auberge angevine, chercha une note de référence, se fiant à sa voix.

Aaaaaa… *grin* Ajuster la corde…
Aaaaaa… *grin* Encore une fois…
Aaaaaa… *grin* Un sourire à l'oiselle qui ne découvrait plus la manipulation.

Casser les oreilles ailleurs ? Elle leva un sourcil… Des potins ? … et sourit, amusée.
Poma ne devrait plus tarder, elle m'a confirmé qu'elle viendrait aujourd'hui. Si elle est partie de Montferrier ce matin… un coup d’œil au ciel … dans un petit moment, je suppose ?

Elle écouta ensuite chaque corde deux par deux, les doigts positionnés comme il se doit…

*grin* *grin* Ajuster…
*grin* *grin* Encore une fois
*grin* *grin* Duo de cordes bon !

Elle recommença pour toutes les cordes jusqu'à avoir un instrument à peu près praticable. Un sourire de satisfaction en allant déposer la nouvelle mandoline au coin de la pièce, près de son bureau.


Je pourrai en jouer dès ce soir. Chose qui serait bienvenue selon Cerièra. Que ce soit pour se détendre elle-même, ou pour les deux. Qui sait comment cette journée se terminerait ?

Trois petits coups sur la porte et…
– Cerièra, qu'es la Poma !

La voilà. Un regard vers la noire, un petit sourire se voulant rassurant mais qui masquait mal son anxiété. D'autant qu'Aryanna la connaissait et ne se laisserait pas abuser par ce masque de confiance. Ou la brune cherchait-elle à se rassurer elle-même ? Elle alla ouvrir à la fromagère :

Dintra Poma, sieta-te.* Ça, c'était pour l'accueil. Merci d'être venue. La suite se ferait en français. Élevée chez les sœurs, Aryanna n'avait pas pu acquérir, enfant, un provençal courant qui lui aurait permis de comprendre l'occitan pyrénéen que les deux ferrimontaines utilisaient entre elles.

Deux sièges suffisent d'ordinaire autour de la table, Cerièra n'ayant pas l'habitude d'avoir du monde. Elle laissa Poma prendre la seconde, et alla chercher pour elle celui de son bureau. Elle le mit en bout de table, elle «présiderait la séance». Le temps d'amener pain, godets et vin qu'elle déposa près de la tarte, et elle s'assit à son tour.


Servez-vous, n'attendez pas que je le fasse, faites comme chez vous toutes les deux. Non seulement cette «consigne» mettrait, elle l'espérait, tout le monde un peu plus à l'aise, mais comme elle avait la tête plus à la conversation qu'à regarder que personne ne manque de rien, cela lui serait bien plus pratique. Elle leur laissa un moment pour se saluer, commencer à se servir, picorer… puis plongea la main dans son col pour en sortir le médaillon qu'elle avait gardé sous ses vêtements. Elle passa le lien autour de son cou pour le poser au centre de la table. Puis posa son regard sur Poma. Son ton serait peut-être un peu froid, un peu formel, mais c'était ce qu'elle pouvait faire de mieux pour ne pas se laisser gagner par la colère.

Figure-toi que j'ai une histoire à te raconter. Aryanna et moi étions à un mariage il y a un peu plus d'une semaine. C'est à cette occasion, lors d'une soirée de repos dans notre chambre d'auberge qu'elle a remarqué le médaillon que tu m'as rendu – elle tenait désormais au terme – avant les fêtes. Il faut dire que je ne le porte que depuis peu.
Elle jeta un œil à Aryanna qui confirmerait peut-être la suite : Et qu'elle a tiqué sur le motif, car Aryanna a, figure-toi, une brûlure exactement du même motif, une fleur de vie très distincte. Tu imagines bien la surprise que ça a été pour toutes les deux de constater la similarité des deux. Une petite pause le temps de sonder la réaction de Poma. La femme ne mouftait pas, Cerièra continua donc.
Or tu m'as dit en me le retournant que tu l'avais gardé de ma mère, que mon père avait eu le même mais l'avait perdu quand j'étais petite, ce qui avait mis ma mère en colère. Tu m'as même dit «c'est le moment» en me le rendant. Que voulais-tu dire par-là ? Est-ce possible que la brûlure d'Aryanna vienne du médaillon d'Enric ?

Je t'écoute. J'écoute la tienne, d'histoire. Car tu en as une à nous raconter, n'est-ce pas ?


Les yeux droits dans les prunelles de la pomme…


*Entre Poma, assieds-toi.

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Poma
Elle prit place à la table avec les deux jeunes, s'était servi un verre de vin. Elle se sentait nouée et n'avait pas faim. Elle écouta Cerièra : c'était donc le médaillon qu'elle lui avait rendu, un peu à dessein, qui les avait mises sur la voie. Elle fronça les sourcils quand Cerièra évoqua la brûlure d'Aryanna, et se demanda comment le médaillon d'Enric avait pu brûler la petite. Mais il n'était pas temps de poser des questions pour elle, mais d'y répondre.

Elle prit une belle gorgée de vin pour se donner du courage, et, regardant tour à tour l'une et l'autre, leur raconta l'histoire. Leur histoire, à tous, de son point de vue de Poma :


Le médaillon donc. Pour que vous compreniez, il faut que je vous parle de cette journée, un peu avant la Saint-Noël. Le regard vers Cerièra : Tu devais avoir six ou sept ans, je suis étonnée que tu ne te souviennes pas. Parce que si tu te souvenais, tu ne me poserais pas toutes ces questions. C'est difficile de te dire tout ça, je croyais que tu en savais plus, et au fil des années je m'étonnais que tu n'en parles jamais.

Elle entama donc le récit de la journée. Elle essaierait de ne pas trop se laisser perturber en la leur narrant, pour pouvoir arriver au bout, à ce qui préoccupait réellement les «amies».
Enric rentrait de voyage, il allait souvent en Provence à cette époque. Les jours avant son retour, Beatritz passait souvent chez moi, avec toi d'ailleurs. Elle en avait gros sur le cœur, elle savait qu'il voyait quelqu'un là-bas. En même temps elle lui en voulait et elle avait peur de le perdre. Pour que nous puissions en parler entre nous sans t'inquiéter, Cerièra, nous t'envoyions jouer aux alentours. Tu réclamais souvent ton père pendant ses absences, et nous étions bien embêtées pour te répondre. Bea te disait souvent «il est en voyage, il va revenir», elle ne pouvait pas te dire grand chose de plus la pauvre, elle ne savait pas quand il reviendrait.

Ce jour-là il ne vous a pas trouvées chez vous, alors il est venu chez moi. Tu étais là aussi, tu étais si contente de le revoir que tu t'es jetée dans ses bras. Beatritz lui a posé des questions bien sûr, moi je n'osais rien dire, je t'ai emmenée dans la pièce à côté, mais nous entendions. Elle lui reprochait de ne pas être là pour sa famille, et même d'avoir perdu le médaillon. Tu sais ce médaillon, ça valait alliance pour eux. Tu ne leur a jamais vu d'alliance, ils avaient le médaillon.
Elle se tourna vers Aryanna pour lui préciser ce qu'elle pensait que la cadette ignorait : La fleur de vie. Vidal, c'est lié à la vie, à la nouvelle vie même, au baptême aussi. Puis retourna à Cerièra : Tes parents étaient assez discrets sur leur vie d'avant qu'ils n'arrivent à Montferrier. C'était un peu un nouveau départ pour eux, qu'Enric a symbolisé par ce médaillon qu'il a fait fabriquer pour eux deux.

Pardon les filles de vous perdre un peu avec toute cette histoire de médaillon, mais il faut que vous sachiez. C'est grâce à lui que vous avez eu la puce à l'oreille après tout.
Les yeux dans les yeux avec Cerièra, puis Aryanna : Votre brûlure Aryanna vient bien du médaillon d'Enric. Le père de Cerièra. J'y viens.

Beatritz lui reprochait donc de négliger sa famille et d'avoir perdu le médaillon. Indirectement, elle lui reprochait sa liaison évidemment. Tu sais Cerièra ta mère ne s'emportait jamais beaucoup, ce jour-là non plus, mais au ton de sa voix…
Un petit soupir de la part de la fromagère qui avait encore en tête le désarroi de son amie.

Enric a été sincère. Il l'avait toujours été avec elle, bien que volage. Mais quelle homme ne l'est pas ? Poma n'a jamais eu une très bonne opinion des hommes, trop inconstants, pas assez fiables. Quelques fiascos lui avaient fait préférer la solitude. Elle évita toutefois de digresser. Il lui a tout dit. Qu'il avait voulu être là pour Grazi… ah, je ne sais plus, un nom italien cette femme, ça ne me revient plus. Il avait voulu être là pour quand elle mettrait leur enfant au monde.

La mine consternée pour la suite, qui était encore pour elle un souvenir douloureux. Là je n'ai plus entendu ta mère, alors j'ai pris peur et je les ai rejoints. Vers Cerièra : Et toi tu m'as suivie bien sûr. Un petit sourire triste. À l'époque la gamine était toujours dans ses pattes, et Poma l'aimait beaucoup. Le temps les avait éloignées. Ta mère n'en croyait tout simplement pas ses oreilles, c'est quand je suis arrivée qu'elle s'est mise à pleurer dans mes bras. Le regard contrit vers Cerièra, suivi d'un long soupir. Je l'ai assise, toi tu ne comprenais rien bien sûr, tu es allée auprès d'elle, tu lui demandais «que i a mamà ? de que se passa ?» E soi ieu que… Elle se reprit, pour Aryanna. Au moins le supposait-elle sinon Cerièra ne serait pas passé au français. C'est moi qui ai posé des questions à Enric ensuite. Je lui ai demandé s'il avait reconnu l'enfant, et si elle allait vivre ici. Évidemment toi tu as demandé «qui vendrà viure aquí ?» Tu ne comprenais pas tout, mais tu voulais savoir. Un sourire ému vers la cerise, la petite avait toujours été curieuse. Et là c'est lui qui s'est mis à pleurer. Il a répondu que non, qu'il ne pouvait pas imposer ça à ta mère, et qu'il avait laissé le médaillon à l'enfant… elle tourna son regard désolé vers Aryanna pour la suite : à vous donc Aryanna, pour ne pas vous laisser sans racines paternelles. Je suis étonnée que votre mère ne vous en ait rien raconté, mais oui, vous êtes la fille d'Enric, la demie-sœur de Cerièra.

Elle termina d'un coup son verre de vin. Si tout ce qui venait d'être dit secouerait certainement les filles, elle non plus ne ressortait pas indemne d'avoir raconté ce triste passage de leur vie ferrimontaine.


Traductions diverses : «qu'est-ce qu'il y a maman ? qu'est-ce qui se passe ?» Et c'est moi qui… / «qui viendra vivre ici ?»

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Fromagère de Montferrier.
--Aryanna.
« La vie et le mensonge sont synonymes »
      - Fiodor Dostoëvski


Elle s’était assise autour de la table, écoutant Cerièra accorder sa nouvelle mandoline, cette mandoline qui serait maintenant rien qu’à elle. Et non plus une mandoline confisquée à un garde-ménestrel fou et raté. Assise sur cette chaise elle ne savait réellement quoi dire, Poma devait arriver et elle arriva. Toutefois, les questionnements et l’incertitude ne la quittait pas. Ce n’était certes pas nouveau, cela datait de cette folle escapade en Anjou, à cette délégation toulousaine et charcuto-fromagère et surtout à cette première nuit d’auberge où, partageant la même chambre, les deux donzelles avaient découvert une chose bien étrange.

Le silence.
La noire était restée silencieuse. Silencieuse lorsque la Griotte avait raconté la découverte, hochant parfois doucement la tête. Silencieuse lorsque le silence était devenue d’or, jusqu’à ce que Poma explique tout. L’oiselle avait écouté avec attention, tâchant de rester la plus calme et sereine possible. Elle qui était toujours posée et réfléchie, il n’était pas temps que cela change…

Le silence.
Ce silence qui avait toujours été sa plus grande force, son bouclier. Ce silence derrière lequel elle se réfugiait toujours. Au fil du discours, au fil de la révélation son teint était devenu de plus en plus pâle, ses joues avaient perdu de leur couleur. Le Père de Cerièra ? Au fur et à mesures que tout devenait clair, Aryanna buvait son verre, tâchant de reprendre contenance alors que ses yeux glissaient sur son amie. Sur celle qui avait été l’une de ses première rencontre lorsqu’elle avait décidé d’enfin s’installer quelque part, d’arrêter sa vie de voyageuse. La coïncidence ou le destin en avait donc voulu ainsi ? Le Très-Haut lui avait donc envoyé un signe, un message ?

Le silence.
Alors que toute la lumière est faite, alors que cette partie d’histoire s’imbrique parfaitement dans un puzzle vide depuis bien longtemps… Et ses yeux ne quittent plus le visage de la brune près d’elle, de celle qu’elle a toujours considéré comme son amie la plus chère, comme sa confidente, comme son bateau de sauvetage. Elle ne sait quoi dire et pourtant il faudrait qu’elle prenne la parole.
Alors que certaines pièces de son puzzle se mêlent pour former un début de réponse sur toute sa vie, la noire a bien entendu la mention italienne et les questionnements se pressent à nouveau dans son esprit. Mais la Provence et l’Italie étant terres proches rien ne l’étonne presque.

Le silence est rompu.
Parce qu’il est temps pour elle de s’exprimer, parce qu’il est temps pour elle de s’expliquer et pour que Poma apprenne ce qu’elle elle ne sait pas. Elle tâche de rester neutre, alors qu’une multitude d’émotions l’assaille, alors qu’elle sent les gouttelettes rondes et salées se presser contre ses yeux…

«
Je ne connais pas ma mère. – ni son père, mais toutes le savent.
J’ai grandi dans un couvent, à Arles. Couvent où j’ai passé toute mon enfance et dont je suis partie à l’âge de quinze ans.
Un jour, la mère supérieure – ma mère de substitution
– m’a raconté sur son lit de mort – elle s’arrête une seconde, la douleur est encore vive malgré toutes ces années – qu’elle m’avait trouvé au beau milieu d’un champ gelé. Seule, emmitouflé dans une couverture.
Depuis… je cherche des réponses à mes questions. Et… et…
– elle reprend une inspiration pour ne pas craquer devant Poma – même si, aujourd’hui, une partie du mystère se lève quant à l’identité de mon père. Père que je ne connaitrai jamais. La question de l’identité de ma mère perdure. Aussi… Vous avez dit qu’elle portait un nom italien… Gra… Grazie ? »

Elle a été au couvent et sur les routes longtemps l’oiselle, les langues elle en connait certaines davantage que d’autres. Toutefois il faut qu’elle cherche davantage, parce que nommer une femme « merci » lui parait étrange. Les questions sur son père, sur le père de Cerièra, sur leur père, elle les lui posera à elle directement. Penser à l’infidélité des hommes elle ne le veut pas maintenant. Plus tard, bien plus tard, lorsqu’elle aura pu parler avec Cerièra, peut-être que sa raison criera la méfiance et que son cœur s’inquiètera. Mais là n’est pas le moment, ses forces s’amenuisent, son esprit est bien accaparé par autre chose…
Ceriera
«Je préfère une vérité nuisible à une erreur utile : la vérité guérit le mal qu'elle a pu causer.» Goethe



Elle écouta Poma avec attention leur dérouler ce qu'elle pressentait depuis cette soirée, la veille du mariage de Manon, où elles avaient découvert cette histoire de médaillon similaire qui avait tout de suite mis la puce à l'oreille de Cerièra.
Même si elle se doutait des faits, l'étonnement se lisait sur son visage : Poma pensait qu'elle en savait davantage mais non, la griotte avait occulté tout cela… comment était-ce possible ? Seuls ces quelques mots sortirent de sa bouche pendant que Poma continuait son récit :
Je… je… ne me souvenais plus. Pourquoi ça ne me dit rien ? Le tout à voix basse : ça n'attendait pas forcément de réponse, elle parlait pour elle-même, ses pensées étaient simplement vocalisées.

Ses soupçons se confirmaient donc et ses illusions tombaient : Cerièra avait toujours pris le couple de ses parents en exemple concernant ce qui devrait être un mariage heureux. Sans doute entretenir cette image naïve pendant toutes ces années l'arrangeait bien, elle devrait se demander pourquoi, mais pour l'heure elle avait la nausée à la nouvelle de ce père volage. Les hommes étaient-ils tous si inconstants ? Voilà qui ne la rassurait guère.

C'est le visage déjà contrarié qu'elle confirma par quelques petits hochements de tête l'explication que Poma faisait à Aryanna sur la fleur de vie. La suite la fit blêmir : que son père fut volage est une chose, mais qu'il ait pu abandonner son oiselle et lui dissimuler, à elle Cerièra, qu'elle avait une sœur ?
Le regard d'Aryanna se posa sur elle, mais la brune commençait à sentir la colère lui monter et lui ferma le sien : elle ne pouvait pas y répondre de manière rassurante.

Quand Poma eut fini, ce sont des yeux noirs que faisait la brune à la vieille ferrimontaine : un mur, un vrai mur. Une cocotte minute qui ne demandait qu'à exploser mais se contenait : si elle laissait sortir ce qu'elle avait sur le cœur à cet instant, cela ferait plus de mal que de bien à la discussion, et surtout à sa… «cadette», oh bon sang, il faudrait qu'elle se fasse à cette idée, à ces mots, à sa «sœur». Toutes ces années de solitude où Cerièra était persuadée n'avoir plus de famille, elle qui avait clamé haut et fort ces derniers mois où elle commençait à peine à s'entourer que la famille c'était celle que l'on se faisait…

Une sœur. Son sang… ou la moitié du sien. L'autre moitié était italien, du nom d'une femme que Poma avait à moitié oublié, mais Aryanna rompait déjà le silence pour amener des précisions et lui demander de retrouver le prénom de sa mère. Cerièra attendit qu'elle finisse puis envoya ses yeux dans ceux de Poma et lui dit d'un ton calme, lent et froid, seule solution qui s'offrait à elle pour ne pas se mettre à hurler :


J'avais une sœur.
J'aurais eu tant de moments avec elle si vous ne m'aviez pas caché tout ça, tous.
Elle aurait eu une autre enfance et nous l'aurions eue ensemble. Vous avez tout gâché.
Alors maintenant réponds à sa question, trouve-lui le nom de sa mère ou je t'ouvre le crâne.


D'ordinaire douce, compréhensive, Cerièra se révélait aujourd'hui glaçante, mais elle ne pouvait pas mieux faire. Lorsque Poma prendrait la parole, quelques larmes couleraient sur ses pommettes saillantes, parce qu'il fallait bien que l'émotion sorte d'une manière ou d'une autre.
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Poma
Poma était un peu mal à l'aise. Un silence suivit ses explications, silence qu'elle ne savait pas interpréter. Elle ne connaissait pas Aryanna, et ne revoyait Cerièra épisodiquement que depuis peu. Combien de temps avait-il duré ce silence ? Une minute ? Plus ? Il lui avait semblé durer une éternité…

Ce fut Aryanna qui prit la parole en premier. Elle l'écouta, assez surprise qu'elle ne connaisse pas sa mère, et hocha la tête à «Arles» : Arles, c'est ça ! C'est là qu'Enric se rendait. Puis elle afficha un regard triste alors que la jeunette évoquait son enfance, puis secoua la tête doucement, fermant les yeux, pensant «quel gâchis». Mais c'est en essayant à la demande d'Aryanna de se remémorer le prénom de l'arlésienne qu'elle essuya les foudres de Cerièra.

Les réactions des deux sœurs étaient très différentes : alors qu'Aryanna était restée douce, presque trop, comme si sa timide voix contenait des émotions qui lui étaient encore incertaines, l'ainée laissait s'exprimer une colère froide, un état dans lequel Poma n'avait jamais vue la Vidal. Elle avait en face d'elle un bloc de glace.


Ne me blâme pas Cerièra, moi je croyais que tu savais, tu étais assez grande pour te rappeler. Le jour même de ce que je vous ai raconté, ta mère t'a prise avec elle et vous êtes parties de Montferrier quelques mois, tu ne te souviens pas non plus de ça ? Après, quand vous êtes rentrées, je ne parlais déjà presque plus à Enric. Puis Beatritz a décidé d'aller de l'avant et ne m'en a que peu reparlé par la suite. Et moi je ne me risquais pas à t'en reparler, ta famille avait failli partir en lambeaux, je ne voulais pas te remémorer cet épisode difficile.

Que pouvait-elle dire de plus, Poma ? Elle s'était gardée de se mêler de l'affaire par la suite, et puis ça n'était pas son rôle de remuer tout cela.
Se souvenir. Elle mit la tête dans ses mains et leur demanda le silence :
Laissez-moi me remettre dans l'esprit de cette journée.
Voilà qui ne serait pas facile pour elle, c'était loin, c'était triste, et elle avait enfoui ces souvenirs. Quelques minutes passèrent avant qu'elle murmure : Graziella. Je devais être là pour Graziella.
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Fromagère de Montferrier.
Aryanna
« Ta famille avait failli partir en lambeaux »
Fragments de tissus déchirés, morceau de puzzles éparpillés.
C’est bien ce qu’elle ressentait, elle, alors que Poma cherchait à se souvenir. Un gâchis immense, des vies tourmentées, des vies rapiécées, des mensonges, la confiance perdue par la seule cause d’une femme et d’un homme qui n’avaient fait que s’aimer sans doute, mais qui avaient presque détruit la vie d’une famille toute entière.

Le silence.
Elle s’y était réfugiée à nouveau, la noire, dans ce silence salvateur. Dans ce silence presque assourdissant. Elle ne pouvait faire autrement… Elle ne s’y était que peu attendue à cette révélation. Elle n’avait pensé qu’à une coïncidence davantage qu’à la découverte d’une famille et d’une histoire familiale triste et chaotique. Songer à la découverte d’une sœur, sœur issue d’une union différente que celle qui l’avait vu naître, lui paraissait impensable. Dans son esprit, au mieux, elles auraient pu être parentes, cousines éloignées, quelque chose. Mais pas cela.

La culpabilité.
Ce sentiment qui vous assaille, vous emprisonne, vous dévitalise. L’oiselle se sentait coupable. Coupable d’une relation qui avait pu causer autant de mal. Coupable de sa propre naissance. Coupable d’avoir pu, par sa naissance, presque briser la vie d’une famille entière. Coupable de l’infidélité d’un homme qu’elle ne connaissait pas. Coupable de la stupidité d’une mère qu’elle ne connaissait pas non plus. Et, à cet instant précis, elle ne savait où était sa place.
Comment rester près de son amie, de cette nouvelle sœur, qui lui était si chère, alors qu’elle était le fruit de la trahison d’un homme en qui croyait tant Cerièra ?

Elle tremblait, doucement.
Elle tâchait de le dissimuler tant bien que mal, posant ses mains à plat sur la table. Elle était prise de frissons inarrêtables, alors que la tête lui tournait.
La griotte était en colère, elle le sentait, elle l’entendait. Ne serait-ce qu’avec la menace adressée à Poma, elle pouvait le savoir.
Et elle se sentait mal, rattrapée par la faute de ses parents, celle du père de Cerièra, de son père. Rattrapée par son enfance solitaire. Happée par un vide alors que Poma réfléchissait.
Sa bouche était sèche, elle ne savait quoi dire, elle était pâle et n’arrivait presque plus à respirer normalement. Respirant par à coup, elle se raccrochait au verre donné, presque vide. Elle aurait dû manger, mais elle n’y arrivait pas, ne voulait pas bouger de peur que l’on remarque son agitation plus que nécessaire.

La fin d’un monde.
Elle songeait à toutes ces années perdues, toutes ces erreurs, tous ces mensonges. Elle songeait à son enfance passée la plupart du temps entre quatre murs. Aux révélations qu’on lui avait faites lorsqu’elle était âgée de sept ans. A l’écroulement de son monde et de ses certitudes.
Et aujourd’hui avait lui un nouveau chamboulement. La seconde chute de Babylone. La déchéance de Prométhée pour le Caucase*. Et si elle n’avait pas l’impression que ce soit le foie qu’on lui dévorait, elle avait davantage l’impression que c’était son cœur. Parce qu’au fur et à mesure où elle voyait les larmes couler sur les joues de son « ainée » elle ne savait quoi faire.
Et elle se sentait coupable de ne pouvoir rien faire, d’être si gauche qu’elle n’arrivait à la réconforter d’aucune manière. Et elle se sentait coupable d’être éblouie par cette vérité et d’enfin sortir de cette grotte obscure**.

« Graziella »
Lorsque Poma fini par murmurer ce nom, ses onyx quittèrent le visage de sa sœur pour rejoindre celui de la ferrimontaine. Aussi c’était-elle souvenue après tout ce temps ? Les onyx s’étaient éclairés, alors que la noire restait honteuse de ressentir tout à coup une joie immense. Une joie immense, la joie d’avoir un nouveau morceau de puzzle à ajouter à celui de sa vie. Et alors qu’elle notait mentalement ces informations, elle essayait d’échafauder un plan pour découvrir. Elle pensait au couvent où elle avait grandi, elle songeait à Arles, elle songeait à l’Italie. Et elle songeait, surtout, qu’il lui serait nécessaire de s’y rendre, bientôt.
Aussi rompit-elle à nouveau le silence dans lequel elle s’était emmurée pour adresser deux mots simples à cette fromagère des montagnes.

«
Mercé Poma »

Comment aurait-elle pu ne pas la remercier ? Après les efforts qu’elle avait faits, après la lumière qu’elle avait faite sur toute cette histoire, après le travail qu’elle avait fait sur sa mémoire ?
Un éclair d’espoir apparaissait à nouveau quand bien même la culpabilité ne la quittait pas, au fond d’elle-même. Parce qu’elle avait failli briser une famille entière par sa simple venue au monde.
L’abandon avait toujours fait partie d’elle-même, quel que soit l’angle par lequel on abordait sa vie. Mais, aujourd’hui, elle avait une nouvelle chance, une nouvelle occasion de se racheter. Car, oui, dans l’esprit d’Aryanna, si on l’abandonne c’est bien toujours par sa faute, parce qu’elle n’aura été à la hauteur.



[ * Mythe de Prométhée
** Allégorie de la caverne, Socrate. Dans La République, Livre VII, Platon. ]

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Devise - en sanskrit : Véda prasthâna dijvassia.
Le savoir est source de la vie. Ou la source de la vie est celle qui sait, soit : la femme sait
Ceriera.
[Le 9 avril toujours, juste après «l'orage»]


La griotte commençait peu à peu à lâcher ses émotions. Si la colère avait pris le pas jusqu'ici, ç'avait été pour ne pas risquer de fondre en larmes alors qu'Aryanna avait besoin de réponse, et au fond d'elle elle sentait qu'elle devait tenir le coup, Cerièra, pour «sa cadette». Certains sentiments ne s'inventent pas, ils sont instinctifs, ils sont spontanés : pourquoi avait-elle toujours eu ce réflexe protecteur vis-à-vis de l'oiselle lorsqu'elle l'avait vue arriver à Foix, puis partir combattre la Pègre désarmée avec ses petits pieds nus ? Pourquoi s'était-elle sentie cette familiarité, pourquoi s'était-elle attachée à elle ainsi ? C'est qu'au-delà du fait de savoir, il y a l'instinct.

Poma venait de répondre donc, et Aryanna qui semblait contenir tellement de choses avait conclu d'un «Mercé Poma». Comment faisait-elle l'oiselle pour rester si douce, si généreuse même dans de tels moments ? Ou peut-être était-ce là la seule chose qui pouvait sortir de sa bouche à cet instant tant le reste lui demeurait confus ? Les yeux de la brune ne lâchaient pas sa sœur, et encore des larmes coulant librement sur ses joues, elle s'approcha d'elle pour la prendre dans ses bras. Car que dire d'autre ? Les mots n'avaient plus leur place, pas maintenant, pas tout de suite… sans doute en reparleraient-elles plus tard.

Des questions, elle en aurait un tas dans son petit crâne : comment avait-elle fait pour oublier une chose pareille ? Sa mère et elle étaient parties des mois ? Comment peut-on occulter plusieurs mois hors de Montferrier consécutifs à une dispute ? Et puis Aryanna, trouvée au beau milieu d'un champ gelée, toute une enfance au couvent… tout cela était tellement dommage… mais qu'y pouvaient-elles toutes ? On ne refait pas le passé, Cerièra pouvait être là dans le présent et dans le futur uniquement. Dans le présent par des gestes aussi simples qu'elles deux ensemble, comme à cet instant, et dans le futur en lui apportant ce qu'elle pouvait ni plus ni moins : un semblant de famille, comme elle-même s'en découvrait une ce jour. Et c'était déjà énorme pour celle qui depuis ses quinze ans s'était toujours considérée seule au monde.

Toutes ces interrogations, émotions à partager, moments à construire et lien familial à vivre… tout ceci était pour l'heure en suspend et très nouveau aux deux brunes, la journée avait déjà été riche et Cerièra était trop tourneboulée pour autre chose que la simple reprise d'activités quotidiennes. Retour au calme donc pour la griotte qui dans un petit geste de main vers la tarte lança à Poma et Aryanna :


Mangez va !

Retour à la mandoline pour elle : elle se servirait un peu après ses invitées.
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Poma
Poma n'avait plus trop su quoi dire. Devant le spectacle des deux sœurs dans les bras l'une de l'autre, elle s'était ressentie de trop dans cette scène. Elle avait fini non sans mal par leur dire tout ce qu'elle savait et elle se serait éclipsée si Cerièra n'avait pas fini par prendre la parole pour les inviter à partager la tarte.

La fromagère en prit une part : la recette était simple mais les saveurs bien accordées, à n'en point douter «la petite» tenait de sa mère de bien faire avec peu de moyens, Poma reconnaissait bien là un héritage de Beatritz qui saurait assurer à sa fille un quotidien agréable même avec un confort minimal.

Elle avait écouté quelques airs de mandoline puis s'en était allée pour laisser les sœurs à leurs impressions, sans doute avaient-elles à se dire, ou tout simplement à passer du temps ensemble le temps de digérer la nouvelle. Un peu penaude quant à l'accueil qu'elle leur avait fait lors de leur visite à Montferrier, elle les assura qu'elles y seraient mieux reçues si elles voulaient y retourner à l'avenir, puis regagna sa montagne.

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Fromagère de Montferrier.
Bomacip
[Montferrier, atelier de Bomacip, le 18 août]


Ébé quand même c'est pas dommage ! s'écriait le vieux pyrénéen en recevant des nouvelles de la fille Vidal. Oh, pas une once de méchanceté dans sa phrase, il accueillait même le courrier avec le sourire, mais il est vrai qu'il s'était demandé ce qu'elle devenait au point de se demander si Antoynette avait plus de nouvelle que lui.

Il déplia la missive et son visage alla de sourire en inquiétude, puis en sourire.
Ah, mais voilà qui est très bien ! Puis il s'esclaffa de rire au post-scriptum. Comment tu comptes m'interdire ? J'aimerais bien voir ça, té !
Il replia la missive qu'il mit dans sa poche et reprit le polissage du peigne qu'il avait délaissé le temps de sa lecture. Non seulement il «désobéirait», mais il resterait quelques jours le temps d'être là pour accueillir la brune et sa smala à son retour.



[Foix, chez Cerièra, le 20 août]


Deux mois… et elle veut vraiment que je laisse sa maison en l'état ? Bomacip venait d'entrer chez Cerièra. Si l'endroit avait été laissé clair et rangé, un coup de balai ne ferait quand même pas de mal. Chasser les moutons ne lui prit pas un temps fou, il s'en acquitta assez rapidement avant de prendre le chemin du potager : elle avait dû embaucher pendant son absence car mis à part quelques herbes folles, tout était en ordre.

C'est donc sa charrette qu'il alla décharger.
Elle ne va tout de même pas dormir par terre cette petite dont elle me parle ! Il porta jusqu'à l'ancienne boulangerie un lit de fortune qu'il avait eu le temps de bricoler la veille et qui servirait le temps que Cerièra s'organise. Ils verront bien après comment ils comptent s'en occuper. «Ils», car si le vieux pyrénéen ne connaissait l'homme en question que de vue, il avait bien compris dans le courrier de la brune qu'elle ne serait pas seule en rentrant et que certaines décisions seraient prises de concert avec celui qu'il bénissait déjà de la rendre heureuse.

Sur le lit provisoire de celle dont il avait appris qu'elle s'appelait Fathia il déposa un peigne en corne et une pique à chignon, cadeau pour cette nouvelle fille de «la famille» tout droit sorti de son atelier. Cerièra avait déjà les siens, celle qui s'était révélée au fil du temps être sa sœur aussi, il était logique dans la tête de l'artisan de toutes les équiper.

Lui prendrait une paillasse et dormirait au salon après avoir fait son repas d'un peu de pain et d'un morceau de tomme de brebis qu'il avait acheté à Poma avant de descendre dans la vallée de l'Ariège. Il verrait bien le lendemain comment il meublerait ses quelques jours d'attente «à la ville».

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Artiste du noir et du blanc.
Sowelo
24 Août 1464, retour de voyage

Et un beau voyage qui s'achève par un retour au pays. Revoir les paysages et visages familiers, redécouvrir une ambiance générale inchangée et surtout, un retour aux affaires prochains... mais le vairon, lui, restait confiant dans l'ensemble et surtout en l'avenir. Chose rare pour qui connaît bien cet homme qui est toujours à douter. A ses côtés se tenaient Cerièra, sa cerise, la femme de sa vie, celle qu'il aimait, ainsi que Fathia, la jeune alexandrine qui apprenait petit à petit des mots de leur langue mais avec qui il avait toujours du mal à communiquer. Cela ne l'empêchait cependant pas d'apprécier la petite clandestine qu'il avait trouvé dans la cale du navire.

Derrière eux ? Plein de bazar rapporté d'Alexandrie, le bazar de Cerièra en particulier. Le vairon ayant fait mener sa propre charrette jusque devant chez lui. Celles qu'ils menaient en ce moment même transportaient donc les coussins, vases, tapis ainsi que tout le reste et se dirigeait vers chez Cerièra, le Vairon lui ayant dit la veille qu'ils passeraient là en priorité et qu'il l'aiderait, chose qui lui semblait naturelle. Cerièra avait alors accepté son offre et c'est pourquoi ils étaient là de bons matin, à peine revenu en ville.

C'est tranquillement qu'ils arrivèrent en vue de la maison de Cerièra, dernière étape du voyage, celle y mettant fin. Le vairon ralentit alors le pas du cheval qui tirait la charrette sans vraiment faire attention. Même si il était confiant en l'avenir, il avait dit plusieurs fois qu'il n'avait pas envie de revenir et qu'il souhaitait continuer à voyager et ça se ressentait dans son attitude. A pas ralentit donc... ils finirent la route jusque la bâtisse où vivait sa cerise. Et devant laquelle se trouvait un vieil homme semblant attendre celle-ci


Je crois que tu es attendue ma chérie. murmura alors Sowelo à Cerièra.
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