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[RP] Cerièra's Place, 1 Boulasse St

Ceriera
Attention convoi exceptionnel ! Débarquement d'un vrai échantillon d'Orient chez Cerièra… un vrai bazar oui : des tapis, des coussins, quelques aménagements qui iraient à Tounis, du khôl pour trois vies de femme, du verre soufflé et de l'albâtre sous forme de contenants divers… un sacré inventaire, sans doute incomplet, mais toujours pas de raton laveur.
Et surtout Fathia, découverte à bord de la Yemaya à la moitié du chemin du retour, gamine enjouée et curieuse à laquelle il ne manquait… que quelques cours de français, et Cerièra, qui l'avait prise sous son aile, lui chercherait vite un précepteur.

Une aide bienvenue, celle de celui qui ne la quittait plus, son doux vairon… et une vie inespérée qui se profilait devant eux. Cerièra avait encore parfois du ma à réaliser que non, elle n'était plus seule dans la vie. Une anomalie pour cette grande solitaire, mais une merveilleuse anomalie.

Ils arrivaient en ralentissant près de chez elle, ce que la griotte ne remarqua pas vraiment… la tête tout à la fois au voyage qui venait de se dérouler, qu'elle résumait à qui l'interrogeait dessus comme «révélateur» se demandant comment dire autrement l'indicible, et à ce qui l'attendait, qui les attendait au retour. Certaines perspectives heureuses évidemment, et si ce n'était Aryanna qui avait pris du retard sur eux, finalement son bonheur trouvait une sorte de résumé dans cette charrette, mais aussi quelques moments désagréables qu'elle s'attendait à rencontrer mais qu'elle relativisait.

C'est Sowelo qu'elle avait laissé mener la charrette jusque là, se laissant porter par son rythme, qui la sortit de ses pensées en lui murmurant : «Je crois que tu es attendue ma chérie.» C'est bien simple : elle n'avait pas fait attention qu'ils étaient déjà arrivés chez elle.


Hein ? comme par réflexe, le temps de jeter un œil au seuil de sa maison. Bomacip. Qu'elle le sollicite et il vient. Qu'elle lui dise de ne pas se déranger et… il vient ! Elle descendit de la charrette et se dirigea vers lui en lui lançant :

Qu'est-ce que tu fiches là toi ? Équivalent pyrénéen pour «mon cher ami, que je suis heureuse de te trouver ici, tu m'as tellement manqué !», chose qui serait évidente au vieil homme auquel elle souriait et qu'elle prenait déjà dans ses bras.
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Antonin_
Le maire faisait le tour de la ville quand il remarqua de l'agitation chez Ceriera. Il sourit et se dit qu'elle était enfin revenu. Sans doute viendrait elle le voir à la mairie et il continua son chemin, content de voir des fuxéens de retour.
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Sacristain de Foix
Fathia
La veille, l'égyptienne avait été confiée à «Manga» lui avait-on dit. Shams et Lamia* devaient s'absenter un moment et ne pouvaient pas l'amener, Lamia lui avait donc dit de bien rester avec Manga. Elle la connaissait à peine, simplement comme la dame qui dormait sur le pont dans une barque, mais elle lui avait semblé gentille jusqu'à ce qu'elle se mette à la houspiller.
Elles étaient passées devant un étal de fruits et Fathia s'était attardée devant, découvrant des choses qu'elle ne connaissait pas. Manga lui avait appris quelques noms de fruits dans la langue d'ici mais elle continuait de regarder, curieuse, alors que la dame avait continué un peu sa route. Le marchand lui avait alors donné une pomme, désignant la belle brune en tenue orientale qui l'accompagnait. Savait-elle danser Manga d'ailleurs ? Il faudrait que Lamia lui apprenne ce que Jalila lui avait montré si ça n'était pas le cas ! Fathia n'avait pas quitté Alexandrie sans son tambourin, et les rythmes elle les connaissait, elle pourrait le leur jouer…
Mais voilà : lorsqu'elle avait ramené la pomme, amusée d'avance par le fait d'être le messager de ce cadeau, Manga lui avait ordonné de la ramener. Elle lui avait pourtant refait tous les gestes du vendeur, lui mimant sa jolie tenue et tout ce qu'elle pouvait, frustrée de ne pas pouvoir lui expliquer avec des mots qu'elle comprendrait. Rien à faire.
Elle avait donc ramené la pomme, penaude, et le marchand bienveillant lui avait fait goûter quelques petits fruits tous noirs, sucrés, mais acides et pas bons s'il ne sont pas bien noirs.


Et ce matin ils arrivaient dans la ville de Lamia, celle-ci ayant réveillé Fathia alors qu'ils en approchaient. Elle avait pu découvrir ce qui lui avait été conté : une vallée, des collines autour mais elle devrait attendre encore un peu pour les voir se teinter de rouille, un château sur un gros roc surplombant la ville.
Puis Shams se mit à ralentir la charrette. C'était là, ils y étaient ? C'était la maison de Lamia ? Fathia n'attendit pas beaucoup plus et à peine la charrette arrêtée elle en sauta pour courir vers Lamia et le vieil homme qu'elle étreignait. Elle lui en avait parlé en quelques mots lorsqu'elle lui écrivait «pas mon papa mais comme mon papa» en gros. Elle fonça vers l'homme avec un grand sourire, puis se désigna elle-même en disant :


Fathia !


Shams = soleil = Sowelo. Lamia = «celle qui a les lèvres rouges» = Cerièra. La gamine les appelle comme ça.

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Bomacip
Un accueil à la Cerièra auquel Bomacip était bien habitué. Leurs retrouvailles avaient été faites de «Tu m'as fait peur andouille !» Il lui répondit sur le même ton en la prenant dans ses bras :
Qu'est-ce que je fiche ici ? Je vide tes provisions té !
Mais quelque chose me dit que j'ai bien fait de venir. Tu as ramené l'Égypte toute entière ?
lui dit-il en plaisantant, alors qu'une fille d'une dizaine d'années au teint mat s'approchait de lui pour dire son prénom, qu'il connaissait déjà du courrier de Cerièra.

– Ah, c'est toi alors que Cerièra nous ramène ? dans un doux sourire à la jeunette
– Elle ne te comprend pas Bomacip. lui rétorqua la griotte
– Hé si je ne lui parle pas elle ne me comprendra jamais, ça c'est certain !

Se désignant à son tour :
– Bomacip ! en détachant bien les syllabes
– Bounjour Boumacip ! sur un ton enjoué avant qu'elle aille inspecter les alentours
– Ah Cerièra tu lui montreras à la pichoneta, je lui ai fait un lit que j'ai mis dans l'ancienne boulangerie, le temps que tu t'organises !
– Oh merci ! lui répondit la brune en lui faisant une bise. Je n'ai eu le temps de rien prévoir, il y a tant de choses à penser en rentrant…
– … ne t'en fais pas, vai ! Rentre chez toi, fais visiter à Fathia qu'elle se sente bien, reprends tes marques !

C'est à un sourire plein de gratitude qu'il eut droit avant que les deux brunes ne disparaissent dans la maison, un de ces sourires de Cerièra qui faisait dire à Bomacip qu'il ne venait jamais pour rien. Même si elle semblait heureuse de ce voyage, des événements, il la savait prompte à tout prendre sur son dos : le travail, les proches, l'organisation… jusqu'à se sentir dépassée. Et s'il pouvait l'alléger un peu c'était bien volontiers.

Il reporta son attention sur le meneur de charrette, dernier mais pas des moindres du convoi au vu des nouvelles qu'il avait eues. C'était donc lui qui rendait sourire et espoir à la fille Vidal, à celle sur laquelle il avait veillé si souvent lors de ses coups durs… la seule qu'il lui restait de cette famille ferrimontaine pour laquelle il avait eu tant d'affection.
Ce brun qui était dans sa vie depuis quelques temps ne se doutait certainement pas d'à quel point Cerièra comptait pour le vieux pyrénéen ni d'à quel point il était rassuré de la savoir entre de bonnes mains, avec une vie qui prenait la tournure de ses espoirs de toujours.

L'envie d'en savoir un peu plus ne lui était pas étrangère, mais il ne voulut pas être indiscret. Il se contenterait de donner un coup de main, déjà parce que c'est ce qu'il aimait faire, mais aussi parce que l'action favorise la discussion bien souvent.
C'est une chaleureuse poignée de main qu'il tendit à celui qu'il ne connaissait jusqu'ici que de vue.


Bomacip ! Et si on débarrassait cette cargaison, ce serait fait ?
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Artiste du noir et du blanc.
Sowelo.
Le Vairon était resté au niveau de la charrette, dos contre celle-ci et croisant les bras. Il souriait devant la scène qui se passait devant lui, les retrouvailles entre Cerièra et ce vieil homme qui était certainement Bomacip ainsi que la rencontre entre celui-ci et la jeune alexandrine. Une belle image pour terminer un voyage pas si terminé que cela… il leur fallait aller chercher deux retardataires restées à Carcassonne. Un voyage sans légers contretemps était impossible, du moins, le Vairon n'en avait jamais fait un sans. Mais ce voyage était presque terminé et ils allaient enfin pouvoir tous se reposer… du moins, c'est ce qu'il pensait, les jours suivant lui montreront qu'ils n'en avaient pas encore terminé.

Il vit Cerièra entrer avec Fathia dans la maison, mais non suivies par Bomacip qui, lui, venait vers la charrette. Le Vairon serra la main tendue de l'homme tandis que celui-ci tentait de débuter une conversation.


Sowelo. On pourrait tout décharger, oui, mais Cer ne m'a rien dit d'où mettre tout ça. Une idée ?

Le Vairon savait où lui il mettrai ses propres affaires chez lui. Il avait une pièce fourre-tout et bientôt deux. Mais chez la cerise, il n'avait jamais visité. Seulement une pièce en entrant lorsque Sloan et lui étaient venus se droguer au Champain pour recouvrer la mémoire. Du coup, le Vairon n'en avait aucune idée, mais peut-être que Bomacip le sait, lui.
Bomacip
Une idée ? Bomacip quitta du regard celui dont il venait à peine de remarquer que ses yeux n'avaient pas la même couleur pour s'intéresser au chargement de la charrette. Il ne savait pas exactement ce qui était à Cerièra ou pas là-dedans, mais une majeure partie supposait-il. À vrai dire il voyait mal l'homme qu'il avait près de lui être obsédé par la décoration intérieure.

Au fond, je ne vois que l'ancienne boulangerie, là où j'ai installé la petite ! Je vais vous montrer.

Le jeune brun saurait lui dire ce qu'ils déchargeaient ou pas, mais dans un premier temps Bomacip reconnut la malle de la Vidal et la prit pour l'amener à l'intérieur.

Sauf peut-être ça, je la laisserai dans l'entrée, elle verra pour ranger ses affaires. Pour le reste allons-y !

Et tout en rejoignant la maison, il fit la conversation, avec sa franchise habituelle : Ça ne se voit presque pas vos yeux, il faut vraiment regarder de près. Bon, il faut dire que moi avec l'âge, les détails, ça m'échappe un peu. À force d'années dans mon atelier, de loin je n'y vois plus bien.

Posant la malle dans l'entrée :
Voilà !

Donc là à gauche c'est sa chambre. Zone interdite
– comme un avertissement, mais il lui justifia cette prudence : si nous dérangeons ses gris-gris, elle va être grognonne !
Nous n'allons pas entreposer tout cela dans la pièce à vivre alors…
il prit la direction d'un couloir, en face de la porte d'entrée mais un peu décalé, à la droite d'un bureau qu'il avait rangé dans déranger le désordre … suivez-moi ! Il lui indiqua une porte à gauche dans le couloir : Ici elle range pas mal d'affaires, mais encore une fois, je ne me risquerai pas à lui rendre quoi que ce soit inaccessible en y entreposant ce qu'elle ramène, alors qu'au fond c'est vide.
Au bout du couloir, l'ancienne boulangerie. Les deux hommes y entrant, ils virent vite Fathia et Cerièra en pleine conversation : un échange de paroles avant que la jeune égyptienne ne semble sourire enthousiaste. Bomacip vérifia auprès de la maîtresse de maison :

Ton bazar pichona on le met ici ? «Pichoneta» serait désormais réservé à Fathia. C'est le cycle des générations.


Pichona = petite. Pichoneta : la même avec un diminutif, littéral ou affectif = petitette.

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Artiste du noir et du blanc.
Antoynette.
Un pigeon gris des plus ordinaire se posa, avec, à la patte, deux messages. L'un pour Cerièra, l'autre pour Sowelo. Mais Antoynette laissa Cerièra décider si elle donnait ou non celui destiné à l'élu de son coeur.



Chère Cerièra,

J'ai beaucoup réfléchi depuis votre départ. Encore plus depuis ta lettre.
J'ai eu tort, je le sais. Ce n'était pas moi. Mais ce n'est pas une excuse.

Pourquoi j'ai dit ça? Je n'arrive pas à y répondre moi-même. Pourrais-je jamais effacer ça?

J'ai écrit une lettre pour Sowelo. Mais c'est à toi que je l'envoie. Tu peux la lire si tu veux, et décider si tu la lui donnes ou pas.
Ca m'évitera de faire pire que mieux si tu l'estimes inappropriée.

Le baptême d'Olympe est dans quelques jours. Je reviendrai passer quelque temps à Foix, après ça. Si vous souhaitez y assister, vous êtes les bienvenus.

Que Saint Georges te garde
Avec toute mon amitié, si je la mérite encore


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Ceriera
[10 septembre 1464]


Cerièra était en train de découper quelques légumes, avec Fathia, pour préparer un repas de midi qui pouvait encore se consommer froid en cette fin d'été. Fathia qui entre deux rondelles de concombre lui demandait pourquoi Sowelo ne vivait pas avec elles.
La gamine avait été ravie de le trouver à la maison ce matin-là et Cerièra voyait bien qu'un climat familial lui plairait, mais la brune était en plein doute. Ils avaient tellement de mal à se parler, et si ce malaise venait s'installer jusque dans son foyer, où se ressourcerait-elle ? Et lui qui était le seul homme à jamais avoir partagé son lit, prenait-il la mesure de cette invitation, de ce qu'elle représentait pour la griotte ? Trop de questions dans son crâne pour pouvoir lui répondre autre chose que :


لا أدري
[je ne sais pas]


Et c'est sur cette pensée que lui arriva la lettre, ou plutôt les lettres, d'Antoynette. Elle prit rapidement connaissance de la première.
Ne t'en veux pas comme ça Toynou…
Elle n'avait fait que dire les choses Cerièra, mais comme d'habitude elle avait dû mal faire et créer plus de problèmes qu'elle ne l'aurait voulu. Elle poussa un soupir à cette sensation d'échec permanent avant d'entamer la seconde pour Sowelo. En temps normal elle la lui aurait donné directement sans y jeter un œil mais il semblait tellement ailleurs, et Antoynette prenait tellement de précautions qu'elle commençait à redouter le «faire pire que mieux» de la pèlerine.

«Depuis la lettre de Cerièra».
Je ne lui ai même pas dit que j'avais écrit à Toynou… pour elle, il était évident qu'elle ne lui cacherait pas ce courrier mais comment amener tout ça sans risquer de le voir grogner ou se fermer ?
La suite la fit sourire… c'était si simple dit comme ça. C'était simple comme ça devrait l'être : ils s'aimaient tous les deux, pourquoi tant de complications ?
Elle rangea le pli dans sa besace. Selon l'humeur de son brun, elle le lui partagerait au moment qu'elle jugerait opportun.



[Retour au 24 août…]


C'est avec une Fathia souriante à la découverte de ce qui serait sa chambre improvisée que Cerièra accueillait les deux hommes de sa vie dans l'ancienne boulangerie.
À la question de Bomacip elle posa un regard perplexe sur la salle désormais vide : quand elle voudrait y coudre, comment s'y prendrait-elle pour que Fathia ait un espace à elle, où elle se sente bien ? Son regard se porta sur le vieux barbu auquel elle répondit :


Je ne vois pas comment faire autrement, je trierai plus tard mais… plutôt vers le fond… qui était l'entrée de l'échoppe et qu'elle désignait du bras.
Mais Bomacip… tu penserais quoi d'une cloison à ce niveau… en allant se mettre au bon endroit bras écartés … pour que Fathia ait un semblant de chambre ? Je ne peux pas inventer des pièces qui n'existent pas mais en attendant mieux ça ne serait pas mal non ?

Un regard complice à son vairon au «mieux». Mieux, ce serait avec lui, un jour. Ils auraient la place, comme dans leurs rêves…
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Sowelo
[24 Août 1464]
Le vairon, épuisé du voyage, n'était pas doté d'un don lui permettant de débiter de longs flots de paroles lorsqu'il est en cet état. Aussi, il écouta ce que Bomacip lui disait tout en lui faisant faire le tour du propriétaire.


Mes yeux… vous savez, il suffit qu'une personne le voit, vous regarde étrangement et d'un coup, ça attire l'attention d'autres personnes… l'être humain est curieux de nature, certains l'étant plus que d'autres. J'en suis moi-même un bon exemple. Néanmoins… ces yeux m'ont provoqué des soucis par le passé… mais vous êtes sûrement plus ouvert d'esprit que les personnes de mon passé.

Et… ça serait tout, il ne fit pas grand-chose pour engager la discussion non plus, et il espérait qu'ils auraient d'autres occasions. Le vairon ne fit que suivre les "instructions" de l'endroit où le "bazar" devrait être entreposé. Soit… dans une partie libre de l'ancienne boulangerie.

[Après le retour de Castres, fin Novembre 1464]

Voilà trois mois qu'ils étaient rentrés d'Alexandrie. Déjà trois mois… c'est fou ce que le temps passe vite… ainsi que le nombre de choses qui se sont passées… t qui vont arriver. Le mariage de Cer et Sow approchant, ils devaient tout mettre en place d'ici là… mais l'heure n'était pas aux préparations, mais plutôt au repas ! Car oui, en revenant de Castres, ils avaient ramenés des champignons que Cer avait utilisé pour leur faire une bonne omelette lors de ce repas. Tout semblait normal, mais Sow et Cer avaient pris une décision dernièrement, et il était temps d'en faire part à Fathia. Et cela n'avait rien à voir avec le mariage. Le Vairon regarda Cer, finit sa bouchée puis, s'adressa à Fathia, d'un ton neutre.


Fathia ? Cerièra et moi avons à te parler.

Voilà, il fallait commencer par quelque chose… et il débutait donc ainsi la discussion qui leur semblait désormais nécessaire.
Ceriera
La chose n'avait que trop attendu. La première discussion à ce sujet avait eu lieu lorsque la brune rentrait de Catalogne. Pendant le voyage elle avait enfin laissé échapper quelques gestes tendres pour Fathia, ce qui avait amené la jeune Alexandrine à lui confier son ressenti. La chose racontée à son vairon, décision avait été prise d'avoir une discussion à trois.
Ou mais… quand ? Tout avait concouru à repousse ce moment : les recherches infructueuses de Sowelo, sa fatigue, une virée à Toulouse, la maladie de Cerièra et sa fatigue à elle cette fois… «À notre retour de Castres». Ils y étaient…

Une journée en apparence ordinaire, des gestes tout à fait quotidiens… les girolles trouvées dans la forêt castraise avaient rencontré les œufs de Bashi et Bouzouk. Le prétexte de surveiller l'omelette avait un instant laissé la griotte à ses pensées, une pointe d'appréhension l'envahissant. Comment s'y prendraient-ils ? Parleraient-ils de la même chose ? A priori oui mais cette question lui trottait quand même dans la tête tant son brun lui était énigmatique parfois. Et surtout… la gamine, quel était son état d'esprit aujourd'hui ? Question sans doute idiote aussi…

… retour au réel. Cerièra avait servi et mangeait en apparence calmement. Seuls ses pieds agités pourraient trahir sa légère nervosité, fort heureusement personne ne regardait sous la table en mangeant. C'est Sowelo qui rompit le silence en démarrant la discussion le plus simplement du monde. À cet instant la brune se dit «ouf !», pensant qu'heureusement que c'était lui, aussi naturellement, par cette simple phrase. Elle-même aurait pris des détours, se serait perdue en maladresses… c'était bien mieux ainsi. Un regard à son vairon, un hochement de tête, et ses prunelles se reportèrent sur sa jeune protégée pour lui adresser un sourire bienveillant qui appuierait les propos de son homme.

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Fathia
Fathia passait beaucoup de temps dehors à crapahuter dans les alentours. Quand elle ne faisait pas un tour sur le chemin de Vernajoul, dans les collines, elle se contentait d'arpenter les ruelles de Foix. Trois mois qu'elle vivait ici mais la ville lui était encore un peu curieuse : même si elle commençait à la connaître comme sa poche, la verticalité des maisons, les reliefs, la végétation l'étonnaient encore. Ça n'avait rien à voir avec les paysages auxquels elle avait été habituée en Égypte.

Depuis quelques jours elle limitait cependant un peu ses sorties. Il commençait à faire froid pour elle, surtout lorsque le soleil déclinait. Les montagnes au loin, qu'elle pouvait apercevoir depuis la vallée, s'étaient recouvertes de blanc. Le blanc gagnait même, et bien qu'elle empruntait le châle de Lamia pour se tenir au chaud lors de ses déplacements, faute d'avoir encore le manteau promis qui était en train de prendre forme à l'atelier, elle ne trainait pas longtemps dehors.

Elle était rentrée de balade d'ailleurs avant le repas, ses bottes de cuir brun – «Ça va avec tout» lui avait dit Lamia – pleine de feuilles rouille collées aux semelles. Elle s'en était débarrassée avec l'un des petits bouts de bois qu'elle avait glanés et tenait en main avant de rentrer dans la maison. Un tour à la cuisine le temps de piquer un couteau avec pour prétexte de s'intéresser au repas et elle s'était installée au bureau de Lamia pour tailler une longue et fine branche en pointe, comme il lui avait été montré.

Pourquoi au bureau ? Parce que l'idée était de l'essayer tout de suite. Fathia s'était en effet taillé un
“ قلم ” (calame) qu'elle avait aussitôt trempé dans l'encre pour tracer de droite à gauche de jolies lignes ponctuées de quelques petits ponts, boucles et points. Pourquoi se donner tout ce mal alors que le bureau présentait un large choix de plumes ? Elle avait posé la question un jour à Lamia qui lui avait répondu par l'exemple, en lui en tendant une pour qu'elle l'essaye. L'éclaboussement d'encre avait été éloquent : à la plume on peut tirer des traits, pas les pousser, s'était-elle entendu expliquer.

Le temps du repas était venu et l'égyptienne avait rejoint le couple souriante. Mais alors qu'elle s'attendait à un repas normal, avec quelques phrases ou plaisanteries échangées, Shams et Lamia lui semblaient étrangement silencieux. Ou en tout cas quelque chose pesait dans l'atmosphère mais quoi ? Son regard était passé de l'un à l'autre sans insister, se seraient-ils disputé ? Était-ce grave ? Elle cherchait déjà dans sa tête une taquinerie à faire pour qu'il se passe quelque chose, mais le vairon la prit de court :


– Fathia ? Cerièra et moi avons à te parler.

*Ils se sont disputé, ils se séparent et il s'en va*
pensa-t-elle immédiatement. Mais Lamia lui adressait déjà un sourire rassurant, ça n'était donc sans doute pas ça. Si Shams partait Lamia ne sourirait pas, ou sourirait faux. À la côtoyer, elle sait maintenant comment est sa «oum» de cœur quand elle n'a pas le moral, et là elle semblait aller bien. Mais alors…


Mé parler dé quoi ?


C'est que du temps était passé, oui, et Fathia n'avait aucune idée de la conversation qui les attendait.
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Sowelo
En l'espace d'une seconde, le Vairon passa en revue les semaines passées, ces semaines depuis qu'il l'avait trouvé dans la cale du navire, ces semaines pendant lesquelles elle avait vécu avec eux, son insouciance du danger en tirant un filet de pêche en risquant de tomber dans l'immensité bleutée de la mer tandis qu'il la retenait, les différents voyages qu'ils eurent à faire, pour le mariage, pour Castres. Parfois témoin des résultats des disputes entre lui et Cerièra. Mais ce dont le Vairon se souvenait le plus fut la réaction de Sloan dont la première parole, lorsqu'il lui eut dit qu'ils ne rebroussaient pas chemin pour ramener la petite, fut de dire que lui et Cerièra l'adoptaient. Et c'est à là qu'ils en étaient désormais, oui. A l'adoption de la jeune fille d'Alexandrie... du moins, si elle le voulait aussi. Le Vairon n'était pas de ces gens à imposer les choses, plutôt à proposer...

Et pendant cette seconde là, il se demanda s'il n'allait pas dire une bêtise plutôt que la vérité. Comme "Nous allons te ramener chez toi" ou "Ton oncle va venir te chercher" bien que cette dernière possibilité soit quelque peu impossible dans l'esprit du Vairon. Voire lui dire "On commence à manquer d'argent... nous avons donc pris la décision de te vendre". Mais non, rien de tout ça. Même si ça faisait désormais plusieurs semaines qu'elle était avec eux, le Vairon n'avait pas encore saisi toutes les parcelles de sa personnalité. C'est qu'elle était, comme lui, très solitaire au final et elle passait le plus clair de son temps dehors à vadrouiller ou avec Cer. Lui, restant plutôt dans son coin, ils se voyaient assez peu au final... mais il avait tout de même un petit truc au fond de lui qui le poussait à adopter la petite. C'est donc en la regardant qu'il lui expliqua de quoi ils devaient parlé.


Cer et moi avons un peu discuter il y a quelques temps déjà. Et il résulte de ces discussions qu'on aimerait t'adopter... si toi tu le souhaite aussi, bien sûr.

Oui oui, il laisse le choix, et n'impose rien. Il est comme ça le Vairon.
Fathia
La jeune alexandrine écouta donc ce qu'ils avaient tous deux à lui dire, et qui serait annoncé par son «ab» de cœur. Des deux, c'est lui qu'elle connaissait le moins, mais chacun d'eux-deux avait son rôle dans sa vie. Lamia elle l'avait suivie, prenant son bateau, parce qu'elle l'avait vue chez Jalila. Peut-être un peu par confort donc : elle la connaissait, elle savait qu'elle pourrait se faire aussi un peu comprendre d'elle, mais aussi comme un signe du destin. La visite de cette étrangère, douce, souriante, elle l'avait pris comme tel : une opportunité mais aussi l'Unique qui l'avait mise sur son chemin. Pour Fathia, sa vie était ailleurs dès l'instant où Lamia avait parlé de son voyage à Jalila.
«Mabtoub», ou cette idée qui a cours chez elle que les choses sont écrites. Pour la renforcer, c'est lui, Shams, qui l'avait trouvée dans la cale, lui qui était avec elle au moment où ils embarquaient. Et aujourd'hui, elle vivait avec eux. Qu'on ne vienne pas lui dire que c'est du hasard, pour elle, il n'y a pas de hasard.

Pourtant… c'est une mine d'incompréhension qu'elle afficha suite aux mots du vairon. Non qu'elle soit bête, et plus elle entendait dans les conversation des mots usuels, plus elle comprenait ceux qui l'entouraient, mais là, elle sollicita de l'aide auprès de Lamia :


C'est quoi résoulte et adopter ?
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Ceriera
*Ah…* se dit la griotte. *«Il en résulte que», c'est trop compliqué…* C'est qu'elle s'était appuyée volontiers sur son homme pour cette discussion, Cerièra, et voilà qu'il devenait nécessaire qu'elle s'exprime. Inutile de lui faire à cet instant-là un cours «en résulte, résultat de la discussion…», c'est le sens qui devait passer : en gros, famille.

Shams et moi nous avons discuté et nous sommes d'accord lui et moi. Phrase plus simple à appréhender pour sa première partie. «Adopter» c'est تبنى (tabanna). À ce stade-là elle sut très bien que la petite avait compris. Dans sa langue le mot est plus précis encore que dans la leur, pas d'équivoque possible. Pourtant elle se sentit obligée de rajouter, en prenant la main de la gamine et en lui souriant :

سنكون والديك، ابنتنا. عائلة.
«Sanakun walddayka, abnatana. Eayilat.»
[Nous serions tes parents, toi notre fille. Une famille.]


S'entendait-elle parler, un peu, la griotte ? «Parents, fille, famille…» tout cela lui faisait très bizarre, finalement peut-être était-ce plus facile pour elle de dire tout ça en arabe, de façon plus détachée donc qu'elle ne l'aurait fait sinon.
Mais là c'est Sowelo qui ne comprendrait pas. Les mots, en tout cas, car il se douterait fortement du contenu de ses dires : déjà par son attitude, ensuite parce qu'ils s'étaient mis d'accord donc évidemment quelle resterait dans le sujet, et enfin parce que la réaction de Fathia viendrait lui confirmer tout ça.

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Fathia
Un rayon de soleil méditerranéen dans cette maison d'automne. Un large sourire sur son visage cuivré, et ce dès qu'elle avait entendu «tabanna».
D'un coup lui étaient revenues quelques discussion qu'elle avait eues avec Lamia quand elles étaient parties au sud revoir le bateau et ramener quelques amis et qu'elle avait eu la surprise de découvrir qu'Ismat et Naeem étaient aussi venus dans ce Royaume !
Discussions notamment alors que revoyant la mer, Fathia avait eu un coup de «mal du pays» : elle s'était demandé quelle était sa place ici, au juste. Lamia avait amorcé une autre discussion sur les gestes d'affection, gestes qui lui avaient posé davantage de questions qu'apporté de réponses. Il s'était dit qu'ils en reparleraient tous les trois, sans doute, mais les semaines passant Fathia s'était dit que s'ils lui faisaient naturellement de la place avec eux dans leur vie, alors les choses étaient comme ça. Elle ne se posait déjà plus vraiment la question : elle avait un «ab» et une «oum» de cœur, à défaut d'avoir jamais connu ses vrais parents. Mais là… ce qu'elle ressentait elle semblait avoir fait son chemin dans leur tête à eux.

Elle les regarda un moment, puis se remit à manger son omelette. Sans rien dire pour le moment mais le sourire ensoleillé se transformait peu à peu en sourire taquin. Elle avala une bouchée pour leur dire enfin :


Vous dévez manger «abi Shams» et «oumi Lamia», elle va être froid !

Leur désignant leurs assiettes. Guettant un peu la tête qu'ils feraient aussi : elle risquait de s'en rappeler un moment, il ne fallait pas rater ça.
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