[RP] Très mauvais voyage*

En avant...

- Allez, tu me dois bien ça !
- Non, pas possible !
- Pourquoi donc ? C'est pour me rendre service, après tout, c'est différent

Killi le regarde avec un demi-sourire.

- Ecoute, je ne peux pas y aller, avec la crève que je me mange, je vais être à terre avant d'avoir eu le temps de dire ouf, alors que toi...
- Quoi moi ? Je ne suis pas mieux que toi, tu sais
- Tu es le meilleur, tu le sais, suffit de reprendre un peu l'entraînement
- J'ai la petite à garder, non
- La petite qui a 13 ans, elle sait bien se garder toute seule
- Et si sa mère apprend que j'ai taillé la route pour aller me cuiter ?
- Ben quoi, on la prend avec nous, la gamine, on lui donne une poupée et on la met dans sa chambre pour pas qu'elle cause...
- Tu n'y connais rien aux filles mon grand. Une robe, on peut tenter...
- Tu vois que tu envisages l'idée ? Allez, laisse-toi tenter...
- Je te donne une solution
- Tu ne le regretteras pas, tu sais...

Killi se lève d'un bond.

- Mais tu utilises mes techniques ! Je n'y crois point ! Manque plus qu'à me caresser la main !
- Eh bien, donne-la moi...

Il les cache derrière son dos.

- Laisse-moi tranquille
- Killi... Ne m'abandonne pas sur ce coup
- Il ne reste qu'à me faire les yeux doux... Et après, tu pleures ?
- J'ai encore de la ressource, tu veux voir ?
- Non, il suffit. Quand est-ce ?
- cela commence le 12 novembre, tu vois, ça nous laisse le temps
- le temps de quoi ?
- De t'entraîner, pardi !

Les deux compères sont attablés, une dizaine de verres devant eux, une bouteille de vin débouchée. Le Killi respire à fond, comme s'il allait livrer un combat dont sa vie dépend.

- Allez le coq, t'es le meilleur. Tu vas lui faire la misère à cette bouteille
- Oui, mais bon... Il faut que j'arrive à gérer les dix verres
- On va voir ton score déjà, puis je te fais ton entraînement

Killi prend les verres que Jehan lui sert l'un après l'autre, lève le coude avec application et les vide avec la même attention tandis que l'entraîneur note ses performances sur un parchemin.

- T'aurais pu prendre un meilleur !
- Non, sinon, tu vas oublier pourquoi tu fais ça, l'entraînement d'abord, le réconfort après.
- Donc, qu'est-ce que j'ai fait ?

L'entraîneur regarde les résultats, il compte et fait une grimace.

- Ce n'est pas fameux, tu étais bien meilleur. Qu'est-ce que t'as foutu pour perdre autant ?
- J'ai arrêté, tout simplement
- Pourquoi ?
- Parce que l'on est moins performant quand on a trop bu alors que quand on est bien à jeun... On peut donner toute la nuit...
- Boire ou culbuter, il faut choisir
- Farpaitement !
- Debout, tu vas aller courir un peu, il faut travailler ton endurance
- Ne me parle pas de mon endurance, je pourrais t'en remontrer à ce sujet
- On ne discute pas les ordres de l'entraîneur
- Eh ben, ça commence bien... Et on en a pour combien de jours ?
- Tu vas le gagner ce tournoi, fais-moi confiance...

Killi le suit, résigné. Il s'est engagé, autant aller jusqu'au bout maintenant. Il sait qu'il n'a pas fini de subir les idées farfelues de son ami pour ce concours de lever de coude.

*ou l'idée d'un very bad trip au Moyen-Age
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Chez moi

Et d'un corbeau qui trouve toujours où déféquer ses missives

- L'es là le coq... Attention ..je vise , je pointe , je.....lâche.....

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Pendant qu'il est à son entraînement, il sent un indésirable lui lâcher... Un jet blanc sur la chemise et une missive. Il fait son office avec une dextérité et une diligence toute particulière. Killi lit la missive avec un sourire. Décidément, elle est bien sa fille... Il regarde Jehan et lui tend le courrier.

- Ah, tu ne l'as pas ratée, celle-là ! C'est bien ta fille ! Bon, il va falloir aussi t'entraîner pour les joutes. Tu vas avoir un programme chargé, mon gars !
- Je vais être sur les rotules quand Sashah va rentrer
- Ne t'inquiète pas, elle sera contente de venir t'acclamer dans les gradins
- Il va falloir que je sois bon alors

Un sourire du Jehan qui lui ressert une lampée très très longue dans les dix verres alignés l'un contre l'autre.

- Chaque chose en son temps mon coq, pour l'instant, on continue le lever de coude. T'es plus capable de tenir sur un cheval.
- Clairement non !

Killi se débarrasse de cette chemise sale et continue l'entraînement. De toute manière, elle est pleine de bière et d'autres baves innommables. Il préfère oeuvrer en toute simplicité, dans le plus simple appareil ou presque.

- Tu vas encore attirer les lavandières, toi...
- Bah quoi, elles ont déjà vu des torses nus, non ?
- Oui, mais déjà, savoir que le Coq Angevin est dans le coin, tu sais bien l'effet que cela produit.
- Des poulettes en chaleur, c'est tout, laisse-les aller prendre un bain dans la rivière, elles vont s'apaiser toutes seules
- Tu deviens bien trop sérieux, mon grand, je ne te reconnais plus. Tu as l'alcool mauvais, je vois.
- Suis éreinté avec toutes tes idées là, j'en ai marre. Veux dormir
- Eh bien allons nous baigner et nous irons boire un coup en taverne
- tu plaisantes ?
- Ben quoi ? Ce sera pour la détente, cette fois-ci !
- Après la sieste, on verra
- Seul ou...

Le regard du coq lui suffit.

- ca va ! ca va !

Ils prennent leur bain tranquillement, Killi en profite pour faire tremper sa chemise et la ressortir à peu près propre pour rentrer. La servante de la taverne se chargera du reste. Il y retourne avec Jehan qui l'accompagne pour l'aider à tenir debout.

- Je passerais voir Ava plus tard. Je crois pas que je sois en état d'aller lui parler main'nant.
- Vaut mieux pas en effet, tu pue la bière à 10 lieues
- Vais attendre, oui. Réveille-moi dans deux heures, ça ira
- Repose-toi mon grand, je reviens te chercher.
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Chez moi

Musique d'ambiance

Quelques heures plus tard, Jehan est venu chercher le coq qui est encore un peu ensommeillé. Il lui ouvre la porte échevelé, torse nu, les braies débraillées, pieds nus.

- Déjà ?
- Ca fait dix minutes que je frappe à la porte mon grand ! Faut que tu t'entraînes, tu vas jamais tenir...
- Oui, je sais, j'ai beaucoup perdu, je ne pensais point autant
- On va arranger ça, allez, en taverne !
- Envoie-moi la servante qu'elle m'aide à me rendre présentable, va
- T'as pas deux heures
- Mais non, pas de bain, ne t'inquiète pas
- T'as vraiment perdu... Je vais y remédier

En taverne, les deux hommes se sont fait deux séries de dix chopes de bières. Les tailles sont bien plus grandes que les tailles règlementaires. Ils rient et se racontent leurs frasques, celles qu'ils avaient faites ensemble, d'autres que chacun a vécue de son côté.

- T'arrive quand même à aller au lit avec ?
- Oui, je gère, suffit de penser à autre chose, puis il y en a qui ont un corps plutôt masculin, ça aide
- Toujours les mêmes critères, oui
- Ben ils croient que je les préfère ainsi et du coup, je donne le change
- Pas bête, oui, c'est une solution

Killijo regarde les alentours, les gens qui boivent eux-mêmes leurs bières, les servantes qui arpentent les lieux avec des chopes plein les mains. L'ambiance monte doucement, les troubadours commencent à jouer une musique plus entraînante . Killi se lève et regarde Jehan avec un sourire.

- Allez viens, on va leur montrer comment on danse en Anjou
- Suis pas en état mon coq, je vais tomber

Killi lève le bras et crie

- Youh ! Bouge ton corps !

Il commence à bouger les pieds avec le rythme de la musique, et bouge ses hanches en fonction. Il regarde déjà vers les dames alentours, celles qui peuplent habituellement la taverne. Une table de voyageuses est occupée à discuter et à boire. Il tend sa main vers Jehan.

- Toi aussi tu as perdu mon grand, viens, je vais y remédier

Vaincu, Jehan se lève et crie à son tour Youh ! Il commence à bouger comme Killi, effectuant la même chorégraphie que lui. Ils s'amusent en dansant vers les filles présentes pour les inviter à se joindre à eux. Certaines plus hardies, se lèvent très vite. Les catins venues gagner leur pitance pour le lendemain en profitent pour racoler des clients par des danses plus lascives. L'une d'elles ne quitte plus le coq. Jehan le regarde faire avec amusement. Killi danse avec elle, lui tenant parfois la main, parfois non. Il sourit aux voyageuses toujours assises dont certaines les regardent avec envie. L'une d'elles se lève et profite de prendre la place libre dès que Killi a lâché la main d'une des catins pour la fin du menuet. Elle vient parfois se coller contre lui pour lui montrer qu'elle aurait bien dansé à l' horizontale avec son partenaire. Jehan lui, vogue de fille en fille sans montrer un intérêt quelconque a l'une ou l'autre. La tension devient plus forte lorsque les filles commencent à se montrer qu'il faut aussi laisser les autres profiter un peu du coq. Jehan interrompt le manège en emmenant son ami s'en vider une.

- qu'est-ce que tu leur fais ?
- rien en particulier mais je leur montre qu'elles sont l'unique lorsque je danse avec elles
- te fatigue pas trop, demain, l'entraînement continue
- je sais, t'inquiète, pour ça, j'ai de l'endurance

Ils s'en vident deux en devisant sur les joutes auxquelles Killi va participer et pour lesquelles il doit aussi s'entraîner.

- Je vais y faire un saut demain pour les inscriptions.
- Et ton entraînement ?
- Il faut s'y présenter en personne, je n'ai pas le choix. Tu veilleras sur Ava ?
- oui, bien sûr
- Discrètement toujours, mais fais attention à elle. Un taré a voulu abuser d'elle la dernière fois.
- il vit encore ?
- assez pour se rappeler ce que signifie non chez une fille

Killi vide sa chope et se retient au dernier moment de la jeter derrière son épaule.

- tu vois que les réflexes reviennent!
- les autres aussi !
- ceux-là, je ne les ai jamais perdus. Je les avais juste calmés pour elle.

Il repart danser avec les filles, levant les bras pour annoncer sa venue bien qu'elles aient déjà fait un cercle pour l’accueillir. Jehan s'y introduit. Il commence à retrouver les mêmes regards et les mêmes gestes qu'il avait à l'époque où ils s'amusaient à ramener une donzelle différente chaque soir. Parfois, ils prenaient des paris. Parfois, il gagnait. Ils retrouvent très vite leur complicité dans la danse et l'amusement. Ils continuent à faire danser les dames. Certaines abandonnent, vaincues par la fatigue. Killi fait un baise-main à sa partenaire du moment, la danse terminée.

- je vais devoir me rentrer, damoiselle
- vous avez besoin que l'on vous tienne chaud cette nuit

Il lui sourit, comprenant qu'elle servira de chauffe-lit et même de couverture. Il hoche la tête sans répondre et fait un geste à Jehan pour lui indiquer qu'il rentre. Jehan prend lui-même congé de la donzelle qu'il faisait danser. Il rejoint le coq et, voyant que sa cavalière n'est pas décidée à le lâcher, il lui dit

- ta fille doit nous attendre, dépêchons-nous

Killi acquiesce et sourit à la damoiselle.

- nous allons vous raccompagner à votre domicile.

La jeune fille se renfrogne et marmonne qu'elle dort ici. Elle tourne les talons et départ, vexée d'avoir été abandonnée pour une gamine.

- tu m'en dois une là. Enfin, c'est bien ce que tu voulais au fait
- bien sûr mon grand ! Lui répond-il en riant je n'ai point envie que Ava me retrouve avec une autre dans les bras, je ne suis pas fou !

Ils se traînent jusqu'à la chambre en riant. Killi invite Jehan à venir s'affaler avec lui sur un matelas qu'il a fait ajouter à la dernière minute par le tavernier qui est beaucoup moins regardant lorsqu'il fourre la pièce en argent dans sa poche.
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Chez moi

Jour 2 sans elle...

Il se réveille en tâtonnant le vide, là où elle est nichée d'habitude, contre lui, mais il ne sent que le drap. Personne. Il se lève péniblement, la tête lourde, une armée de soldats en armures piétinant à côté des chevaux surexcités dans le crâne. Il se rappelle à peine ce qu'il a fait la veille mais s'il est seul, c'est qu'il a au moins su éviter ce problème. Il sursaute en entendant un ronflement d'ivrogne endormi et voit que Jehan gît près d'un matelas en paille, peu épais. Bon, mieux, il n'était pas bourré au point d'avoir voulu goûter à d'autres luxures que sa morale prohibé. On est sur le bon chemin. Il secoue Jehan du pied.


- debout mon grand ! Lève-toi, j'ai besoin de toi.
- Encore un petit peu !

Killi se change pour avoir l'air présentable. Il se coiffe rapidement, attendant que son comparse se lève.

-Je pars en Bourgogne. Vais aller me présenter aux inscriptions pour le lever de coude et aux joutes. J'en ai pour la journée au moins. Tu vas veiller sur Ava ?
- Si elle se lève pas trop tôt, ça devrait aller.
- je vais demander aux deux Gérard de surveiller la gamine.

Jehan s'étend tranquillement en souriant.

- Bonnet Blanc et Blanc Bonnet ? Ça va être beau...
- je sais, pour ça que j'ai besoin de toi.
- pour sûr !

Plus tard, les deux gardes se tiennent fièrement aux côtés de la porte de l'auberge.

- t'as compris ?
- Nan
- on reprend. La jeune Ava est la fille adoptive de la dame Sashah. Donc, elle est sa fille mais pas tout à fait.
- et donc, elle est pas tout à fait la fille du cap'tain ? C'est sa fille adoptive par adoption alors ? Mais les jumelles ? Elles sont les filles adoptives du cap'tain ?
- Non. Elles sont ses vraies filles.
- mais pourquoi elles sont rousses ? Filles du diable ! Il a couché avec le diable, le cap'tain ?
- Si le diable est une femme, possible. Il les a eues avec une rousse.
- alors il a adoptée la blonde ? Parce qu'elle est pas pareille que les deux autres.
- non, elle, il l'a eue avec une autre femme
- mais comment qu'il a fait pour en avoir autant en si peu de temps ?
- Alors les tapettes, on monte la garde ?
- oui, on garde la fille adoptive de la dame du cap'tain qu'l'a adoptée par adoption

Ils regardent l'autre sans comprendre.

- cherchez pas. On est en mission. On doit garder une jeune fille.
- vous deux ? Elle doit pas valoir grand' chose la gamine ! S'exclame l'un des deux mercenaires
- pas du tout, c'est une mission de confiance que le cap'tain nous a donnée, se gausse le G'rard
- d'accord, on verra ça. Sinon, on peut la garder pendant c'qu'vous allez chercher des glands
- mais non, le cap'tain nous expliqué que c'est une illumination qu'on a eue.


Les deux mercenaires ricanent en se donnant des coups de coude.

-allez les tapettes, on va aller s'entraîner au vrai combat...
- c'est une technique révolutionnaire, vous comprenez rien !
- technique de femmelette !

Pendant ce temps, en Bourgogne, Killi se présente au tournoi de lever de coude. L'entrainement continue. Jehan ronfle comme un sonneur dans la chambre de l'auberge, bienheureux sur son matelas.

Cela ne faisait qu'une journée que sa mère s'était absentée. Ava savait que c'est necessaire, elles n'avaient pas d'autre choix que de se séparer pour une petite poignée de jours. Et Ava n'est plus une petite fille. Pourtant, elle ne quitte guère sa chambre, elle esquive chaque possible rencontre avec Killijo. Le petit chat sauvage ne cherche même le contact de personne. La femme de l'aubergiste lui sert ses repas, parfois elle les monte dans sa chambre, et c'est très bien.

L'ennui et la curiosité la pousse cependant quelques fois à sortir et se faufiler dans les escaliers, derrière une porte, ou même à l'extérieur à la faveur du soir tombant de bonne heure pour aller marcher un peu dans la Rugissante.

Ce soir là, elle se tapit dans les dernières marches de l'escalier qui se trouvent encore dans l'ombre du plafond. Il est là, à table, il n'est pas seul et il boit. Puis il se lève, et Ava est prête à bondir pour remonter les escaliers en quatrième vitesse. Hors de question qu'il la découvre en train d'espionner. Mais il ne vient pas à l'étage. Elle l'observe. Il danse. Il semble ivre. Une femme s'approche de lui et dans l'imagination de la jeune fille fleurissent toutes les perversités des hommes. Elle porte sa main à sa bouche pour retenir un "OHH" désespéré.

*Mère, mère ! Sais-tu vraiment qui il est ?*

Ils parlent d'entrainement, d'inscription, elle ne comprend pas bien, elle n'entend pas bien avec le brouhaha des voix et de la musique. Mais ca, elle le perçoit distinctement.

Tu veilleras sur Ava ?

Quoi ?? De quoi se mêle-t-il ? Il l'abandonne toute seule, alors que sa mère lui faisait confiance pour veiller sur sa fille ! Et en plus il lui colle un "garde du corps" encore plus louche que lui ? Non mais, même pas en rêve !

Elle l'observe encore un peu, les yeux plissés sous son petit masque argent. Il va voir si elle se laisse faire. Pas question que l'autre escogriffe l'approche ! Lorsque les lèvres se penche vers la main d'une femme, de toute évidence, de petite vertu, Ava bondit de sa place.

- je vais devoir me rentrer, damoiselle
- vous avez besoin que l'on vous tienne chaud cette nuit

Ce sont les mots de trop et le chaton grimpe les marches quatre à quatre. La porte de sa chambre claque à faire trembler les murs de toute l'auberge. La suite, elle ne l'aura pas entendue. Certains diront que c'est dommage, mais voyons ce que le lendemain lui réserve.

Le lendemain, jour deux.

La nuit a été longue et courte. Ava a mal dormi. Des images horribles l'ont envahie. L'image de cet homme, qui a essayé de la violenter dans une taverne, se superpose à celle de Killijo.
Devant le miroir, elle brosse avec force ses boucles blondes. Son masque est déjà sur ses yeux. Elle s'observe. Bientôt quatorze ans et elle a toujours l'impression de n'être qu'une petite chose perdue dans un monde trop vaste pour elle.

Elle glisse sa cape sur ses épaules et sort de la chambre. Lentement elle descend les escaliers. Logiquement, il est parti. Logiquement, elle va se retrouver avec son ami collé aux chausses. Son regard erre sur la salle de l'auberge. Malgré l'heure avancée de la matinée, il ne semble y avoir personne. Ava finit de descendre les marches et se précipite vers la porte. Elle achètera une brioche et un fruit sur le marché pour combler sa faim.

Mais voila qu'elle tombe "nez à masque" avec deux hurluberlus.

Hep ! Vous z'etes la d'moiselle adoptée par adoption ?

Elle les observe avec un air suspicieux. Le sourcil s'arque tandis que l'esprit fonctionne à toute vitesse. Ils n'ont pas l'air très malin, facile de les berner et de leur fausser compagnie.

Hum, je crois que vous faites erreur messires. Je dois rejoindre mon époux à l'extérieur, il m'attend et nous devons partit de suite par le coche.

Elle a l'aplomb, elle les fixe sans ciller, sure qu'ils sont déjà en train de douter et de se dire qu'ils ont gaffé. Mais le chaton ne voit pas l'ombre qui s'étend derrière elle et vient s'accrocher à ses chausses, comme elle l'avait imaginé.
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Ils la laissent partir et lui ouvrent la route. L'un d'eux se gratte la tête.

- y nous avait pas dit qu'elle était mariée, sa fille adoptive, le cap'tain
- c'est elle ?
- benj'crois non ?
- ouais, elle a un masque
- c'est elle ?
- mais c'est vraiment elle ?
- ben t'as vu d'autres filles qui portent un masque ?
- c'est elle ?
- Euh nan, mais...
- Lieutenant ! On a une question ! Vous tombez bien !
- qu'est-ce qu'il y a ?
- c'est elle ?
- la fille d'adoption du cap'tain, elle s'appelle mariée ?
- non elle est un peu jeune encore. Pourquoi ?
- ben elle nous dit qu'elle attend son mari avec un cocher
- vous avez vu un coche ici ?
- ben non
- vous l'avez perdue ?
- pouvez nous aider ? Si l'captain apprend ça, y va nous peler le dos
- entre autres oui. Bien, par lui peut-elle être allée ?

Jehan a bien vu que la gamine semble vouloir se diriger vers la Bourgogne, elle a pris cette route, probablement pour aller vérifier où le coq peut se trouver. Il a la langue un peu pâteuse mais la tisane qu'ils lui ont donnée en taverne dissipé déjà les effets de sa gueule de bois. Il a encore une bonne descente le Killi. Il pourra avoir des bons résultats au lever de coude. Il laisse les deux ahuris chercher un peu à droite et à gauche. Elle n'ira pas bien loin à pieds la petite. Surtout sans connaître la route. Il part en avant, en éclaireur comme il a dit. Ils doivent le rejoindre d'ici quelques minutes s'ils ne se sont pas perdus en cours de route.

Il la surveille toujours de loin, entendant ses bruits de chausses, les bruissements de sa tenue. Elle a encore beaucoup à apprendre pour la discrétion malgré son masque.
Il la laisse marcher un bon moment, ayant envoyé Bonnet Blanc a droite et blanc bonnet à gauche. Le temps qu'ils comprennent où était la droite de la gauche et de changer trois fois de place... La journée avançait, tout comme son agacement.

Le coq a terminé l'inscription au lever de coude. Il s'est ensuite dirigé vers le stand des joutes où il a retrouvé ses filles. Quelques politesses échangées avec l'organisatrice, quelques nouvelles données sur le voyage, le reste des membres de l'expédition et le voilà en route a nouveau pour le Lyonnais. Il ne la fera point trop longue ce soir. La potion que sa fille lui a donnée faisait effet mais la fatigue de la veille, cumulée à la route et certainement aux verres qu'ils avaient a nouveau descendus, il sommeillait sur le cheval qui avait ralenti son galop.

Le Jehan marche doucement avec une retenue de braconnier pour ne point effrayer sa proie. Il la voit toujours, à quelques dizaines de pas, scrutant avec attention s'il n'y a pas quelque malandrin pour l'attaquer. Deux de ses hommes sont aussi présents, un peu plus loin, armes au point, prêts à intervenir. Il la laisse marcher sans vraiment chercher à comprendre ce qu'elle voulait, se contentant de la suivre et de profiter du calme de la forêt pour cueillir quelques fruits qu'il arrive encore à trouver.

- tu crois qu'elle est partie avec le coche là-bas ?
- sais pas, il a pas dit qu'il y avait pas de coche ?
- et le mari alors ?
-ben non plus
- pffff , c'est compliqué les filles
- m'en parle pas ! Viens, on va s'faire une pause
- ouais, elle doit pas être loin à pieds

Killi accélère le galop du cheval, ayant repris un peu de forces. Il aimerait être rentré avant la nuit complète. Il arrive aux abords de la forêt menant vers Lyon quand il voit, plus loin, une silhouette.Il accélère encore jusqu'à arriver assez près pour bien visualiser la damoiselle en question. Un masque, une allure peu sûre... Plus loin, un grand escogriffe qui la suit en se cachant a peine... Il aurait dû se douter. Il se dit qu'il a bien fait de la faire surveiller. Qui sait ce qu'il lui serait arrivé? Sashah ne s'en serait point remise. Il ralentit doucement le cheval en arrivant à sa portée et en descend pour aller à sa rencontre.

- Ava, que fais-tu ici, ma douce ? Tu ne devrais point te promener seule ainsi. Viens, je te ramène a l'auberge.

Il lui parle gentiment, sans reproche. L'apprivoiser en douceur. La rassurer, s'il est possible de le faire. Il tient les rennes de son cheval qui s’ébroue.

- Je ne t'ai pas présenté Intrépide, mon étalon. Il m'accompagne partout où je vais. Tu veux aller sur son dos ? Il aime emmener les jeunes filles en promenade.
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Chez moi

Ils sont figés. Ils la regardent comme si elle débarquait directement de la Lune. Puis ils se mettent à cogiter, ensemble, à voix haute, c'est dire comme leur intelligence à besoin de soutien. Ava en profite pour mettre les voiles. Un mur, un pâté de maisons, une direction approximative, et elle trouve la route. Elle doit être dans la bonne direction, en tous les cas, ils ne sont pas arrivés par celle-ci il y a deux jours donc elle doit bien être sur la bonne route.

Attachée à ses braies, sa bourse cliquette des quelques pièces qu'elle y a glissé pour son déjeuner. Ses petits pas font crisser les cailloux sous sa démarche sautillante. Il faut beau encore et pour un peu elle chantonnerait. Mais le cœur n'y est pas trop. Elle a échappé aux nigauds, mais où se trouve Killijo ?

Un instant, un caillou se glissant dans une de ses chausses, elle s'arrête pour le retirer. Instinct de celle qui se sait en danger, il lui semble entendre un bruit. Son regard scrute les alentours mais elle ne voit rien.

Reprenant sa marche, la petite blonde se rapproche de la lisière du bois, elle essaie de suivre l'ombre des cimes. Étrange cette impression d'être suivie. Elle fait semblant de ramasser une fleur et coule un regard, recommence un peu plus loin en essayant d'attraper une pomme de pin. Mais rien, elle ne voit pas l'ombre d'un humain ou d'un animal.

Elle se decide finalement à presser le pas mais c'est alors qu'un bruit, cette fois bien distinct, lui parvient. Un cheval, et il arrive rapidement, sur elle. Elle a juste le temps de se coller à un tronc qu'elle se trouve dans son champs de vision. Peut-être juste un voyageur ...

Ava, que fais-tu ici, ma douce ? Tu ne devrais point te promener seule ainsi. Viens, je te ramène a l'auberge.

L'Ava en question sursaute. Prise en flag ! En pleine cambrousse, seule, à moitié perdue, juste à moitié parce que c'est simplement qu'elle ne sait pas où elle va. Elle grimace au "ma douce", guère habituée aux mots doux dans son existence, en dehors du "querida" de sa mère.

Elle hoche la tête puis se rapproche légèrement de lui et de sa monture.

Je ne t'ai pas présenté Intrépide, mon étalon. Il m'accompagne partout où je vais. Tu veux aller sur son dos ? Il aime emmener les jeunes filles en promenade.

Ne relevant pas le fait que "son" cheval " à lui" emmène des "jeunes filles", elle garde ca pour Sashah, elle fait encore quelques pas de plus.

Je ne sais pas monter. Et je n'aime pas trop les chevaux.

Une façon de dire qu'elle en a un peu peur. La jeune fille commence à marcher en sens inverse puis se rapproche un peu de Killijo.

Vous êtes armé ? Murmure-t-elle en se penchant un peu vers lui. Je crains de n'avoir été suivie par quelque malandrin.
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Il regarda la gamine avec un sourire pour la rassurer.

- bien sûr que je suis armé. Toujours.

Il se pencha pour lui chuchoter.

- tu as été suivie oui, par mes hommes. Je ne voulais te laisser seule alors que j'avais une affaire à traiter. Ils ont assuré ta protection durant toute la journée.

Il lui tendit la main pour l'emmener vers la ville, tenant les rennes de son étalon avec son autre main.

- ce soir, si tu veux, tu viendras avec moi en taverne, nous pourrons manger, causer un peu et même danser si les troubadours sont encore présents ce soir. Tu aimes danser ? Sinon, je t'apprendrai.

En avançant au rythme de la jeune fille, il fit un signe discret à Jehan qui comprend qu'il ne se joindra point à lui ce soir. Il en profitera pour trouver un petit lit douillet à occuper avec de la compagnie.

- ta mère rentre bientôt et nous nous remettrons en route si elle est en forme. Nous pourrons aller à Joinville où tu rencontreras l'une de mes filles, Kiliane.
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Chez moi

Il fait des efforts, elle le reconnait. Elle en fait peu, elle le sait aussi. Mais elle a l'excuse de l'age, se dit-elle, excuse qui marche en version "trop grande pour" et "trop jeune pour", c'est pratique.

Le murmure la laisse pensive, encore plus lorsqu'il lui tend la main. Il n'y a sans doute pas de mal, même si pour elle les hommes en sont tous emplis.

" Tu as été suivie oui, par mes hommes."
Ce début lui donne plutôt envie d'augmenter la taille de ses pas et de s’éloigner de lui. La faire suivre, elle voit ça comme une oppression à sa liberté. Mais il poursuit.

"Je ne voulais te laisser seule alors que j'avais une affaire à traiter."
Une affaire. Mouais, une affaire. Elle saurait le fin mot un jour, ou elle le prendrait bien sur le fait, la main dans le sac. Elle le regarde. Difficile d'imaginer qu'un homme puisse être différent, et il ne doit pas l’être après ce qu'elle a vu dans l'auberge.

"Ils ont assuré ta protection durant toute la journée."
Ava soupire. Il a raison. Et sa mere lui donnerait raison. Elle est souvent inconsciente du danger potentiel, elle l'ignore, elle s'en fiche en fait. Ce qu'il fait, c'est dans une bonne intention. Enfin, elle l’espère. Il le fait pour Sashah.

Elle hésite un instant mais il semble abandonner l’idée de la hisser sur l'animal, alors elle glisse sa petite main fine dans la sienne. Elle n'en a pas besoin, mais elle doit faire un pas de son coté, elle aussi.

Je ne sais pas danser ... Elle se retient. Elle ne l'a jamais appelé par son prénom, et répéter messire à tout bout de champs devient pesant. Elle esquive. Je ne crois pas que j'aimerai cela.

Toute sorte d'exhibition n'est pas pour elle, bien pour ça qu'elle porte son petit masque sur ses yeux, l’anonymat lui convient.

Je serai ravie de les rencontrer. Je ne connais pas du tout la Bourgogne, je ne sais ce que j'y trouverai, mais je ne suis pas difficile pour m'adapter.

La discussion pouvait sembler banale, mais ce bout de route fait ensemble était la première offre d’amitié de la part de la jeune fille. Il ne fallait pas s'y fier, le petit chat sauvage resterait un moment sur ses gardes, mais Killijo savait finalement plutôt bien s'y prendre pour l'amadouer, et nul doute que Sashah l'avait toujours su.

Un jour plus loin.

Ava avait passé un moment dans la taverne de l'auberge avec celui qui partageait la vie de sa mère. Elle hésitait toujours à lui donner un nom qui décrive ce qu'il était, ou pourrait être, pour elle.
Ils avaient diné ; ils avaient discuté, de tout et de rien ; il avait tenté de lui apprendre quelques pas de danse, qui à défaut d’être productif avait eu l'heur de les faire rire.

Lorsqu'elle s’était réveillée le lendemain, c'est à la recherche de sa mère qu'elle était partie. Ces trois jours sans elle lui paraissaient une éternité. Cette peur de l'abandon, qui l’étreignait depuis sa petite enfance, se cachait au fond d'elle et si elle avait réussi à l'enfouir assez loin depuis que Sashah l'avait prise sous son aile, elle n'en était que plus vive lorsque celle-ci s'absentait.

La jeune fille comptait à présent les heures, patientant dans la salle de la taverne, près d'une fenêtre, ne voulant pas manquer son arrivée.
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- Bon, il est où le mari de la fille du patron ?
- Elle n'est pas marié, je te l'ai déjà dit
- Mais alors pourquoi elle devait partir avec un cochet et le mari ? Ou c'est le cocher son mari ?
- Mais non, c'était pas vrai !
- comme pour l'histoire de la vieille qui voulait qu'on ramasse des glands ?
- Ca je sais pas, j'ai toujours pas compris.
- Ca va les tapettes ?
- Oui, on garde la fille du cap'tain qu'est pas mariée.

Killi arrive de sa tournée matinale de la troupe avec Jehan. Il voit que les mercenaires décampent assez vite en le voyant arriver. Il va encore entendre parler des plaintes des deux autres qui vont en avoir gros et se plaindre. Il soupire et les regarde en tenant la porte de l'auberge.

- Rien à déclarer ?
- Elle a pas de mari, la fille de la dame Sashah ?
- Toujours pas non, et je vous défie de lui en trouver un
- Ben pourquoi ?
- Pour rien, vous avez quartier libre. Et pas trop longtemps aux étuves
- Merci cap'tain !

Killi entre avec deux paquets à la main. Il voit qu'Ava attend près de la fenêtre. Il vient s'asseoir face à elle et lui sourit.

J'ai une petite surprise pour toi. Regarde.

Il déballe la robe qu'il lui montre.



Il la laisse l'observer quelques instants avant de déballer l'autre qu'il tient debout devant lui pour qu'elle puisse mieux la voir.



- Celle-ci est pour ta mère. L'assistante du tisserand m'a dit que cela vous plairait d'avoir la même robe toutes les deux. Qu'en dis-tu ?

Il reste avec la gamine durant l'après-midi, la laissant l'essayer, lui faire ses remarques. Il lui propose d'aller un peu se promener dans la ville pour la découvrir et la faire visiter à sa mère à son retour.


Le soir, alors qu'il l'a raccompagnée à sa chambre, il revient s'attabler avec Jehan. Ils s'enfilent les bières machinalement en discutant d'une prochaine mission qui pourrait se profiler. Ils sont assez concentrés sur les détails quand ils entendent.

- Mais c'est Killiiiiiii !

Killi relève la tête, surpris. Il voit une jolie fille qui s'est précipitée vers eux. Elle semble bien savoir qui il est, mais lui... Il jette un oeil à Jehan qui a bien compris la scène et se marre intérieurement. Il regarde la jeune fille et lui prend les mains qu'il embrasse doucement.

- Comment allez-vous ma jolie ?
- Tu me vouvoie maintenant ? Pourtant, la dernière fois, tu étais moins distant.

Oh pu...rée, il l'a sautée. Oui, mais quand, où et comment ? Il lui sourit et lui murmure à l'oreille.

- Mais il me semblait que nous avions été assez discrets, non ?

Elle en profite pour lui voler un baiser et se reculant, rapide, mais efficace, et lui dit.

- Bien sûr, et si tu veux, ce soir, je dors ici...

Il lui fait un sourire entendu alors que le Jehan est parti chercher d'autres bières, ne pouvant se retenir de se moquer plus avant. Killi lui baisa à nouveau la main et la laissa repartir après qu'elle lui ai lancé un regard en disant long sur la nuit qu'elle lui réservait. Jehan revenait avec ses bières.

- Alors tombeur !
- Ne m'en parle pas ! Le problème est que je ne me souviens pas d'elle
- J'avais remarqué ! s'esclaffe Jehan en posant les bières, tu vas faire quoi ?
- Esquiver... Bon, et ce plan ?
- Bois mon coq, on a bien le temps de parler de tout ça, regarde toutes ces filles qui nous observent maintenant

Killi regarde les tablées où elles sont en train de parler et de rire. Il a compris, le mot se passe, la mignonne qui est venue le voir n'était là qu'en éclaireur, ou presque. Les troubadours commencent à jouer un morceau entraînant.

Jehan boit sa pinte cul sec et regarde Killi avec un grand sourire.

- Comme au bon vieux temps ?

Killi ne se fait pas prier.

- Puisqu'elles le demandent, autant leur en donner pour leur argent.

Il se lève et vide sa chope à son tour. Il commence à danser sur le rythme de la musique, tourné vers les damoiselles. Les souvenirs commencent à revenir. C'était durant une soirée en taverne, durant laquelle il avait dansé pour les femmes présentes, à Paris, quelques années plus tôt. Il se tourne vers elle, Jehan s'amusant à tourner en dansant autour de la table des demoiselles qui s'émoustillent et s'échauffent de voir ce blond qui leur lance des regards de braise. Killi complète la scène avec son ami, laissant les filles s'exclamer de voir leurs hanches bouger de manière suggestive. Elles se lèvent et viennent danser aussi avec eux, certaines, plus hardies, en profitant pour retirer leurs chemises de leurs braies. La musique s'échauffe,

Musique d'ambiance

les deux hommes se regardent avec un demi-sourire, se comprenant d'un regard. Ils montent sur la table et continuent à danser sur la musique entraînante, faisant voler leurs chemises sous les encouragements des femmes qui lèvent les bras pour les acclamer et leur crient de continuer.
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Chez moi

J'ai une petite surprise pour toi. Regarde.

Ava sursauta. Elle ne l'avait pas entendu approcher. Elle détestait se faire surprendre ainsi, perdue dans ses songes et ses pensées. Le laissant déballer le paquet, elle esquissa un sourire. Elle aimait bien les robes, mais elle n'avait guère l'occasion d'en porter. Dans ses journées communes, elle aimait se promener avec des tenues près du corps, un peu garçon manqué, mais qui offraient une grande liberté de mouvement. Elle se doutait cependant que sa mère n'approuvait pas ce choix. Était-ce Sashah qui avait donné l’idée à son fiancé de lui faire ce cadeau ?

La jeune fille tendit la main et palpa le tissu. C’était de la bonne qualité, pour le peu qu'elle s'y connaissait, et le bleu était sa couleur préférée.

Merci, elle est très jolie.

Elle regarda ensuite celle qu'il déballa, prévue pour sa mère. Elle hocha la tête à ses mots. Ressembler à sa mère était un plaisir pour elle, bien que physiquement elles étaient plutôt comme le jour et la nuit.

Elle sera ravissante dedans, comme toujours.

Killijo avait décidé de passer la journée avec elle, visiter la ville, lui faire oublier l'attente, et sans doute pour lui aussi, car il devait attendre Sashah tout autant qu'elle.
La promenade et le froid l'avaient fatiguée et elle s’était retirée quelques heures dans sa chambre. A son réveil, le soir était tombé. Son regard se porta sur la robe bleue suspendue à la porte de l'armoire et elle esquissa un sourire. Le rejoindre en bas dans la grande salle, faire un effort pour se rapprocher de lui, et peut-être qu'un jour, peut-être, alors elle pourrait voir en lui l'image d'un père, tout comme elle avait trouvé une mère en Sashah.

Ava descendit les marches d'un pas allègre, la musique lui parvenait d'en bas,mais plus elle se rapprochait, plus le doute l'envahissait. Chaton à l'affut, elle prit le temps de jeter un regard avant de sortir de l'ombre des dernières marches.
Les deux hommes étaient là, debout sur la table, à se déhancher avec une telle vulgarité, devant des femmes encore plus vulgaires qui s'arrachaient les chemises qu'ils leur jetaient, jusqu'à en faire des lambeaux.

Ecoeurée, la jeune fille fit demi-tour et remonta dans sa chambre. La porte claqua derrière elle et d'un geste rageur, elle jeta la robe au sol. Puis elle retira ses vêtements et s'enfouit sous l’énorme édredon de son lit, elle verrait sa mère le lendemain.
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