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Info:
Cerièra emmène son amie Aryanna visiter le village de son enfance. Fin novembre 1463.

[RP] Les Pyrénées, c'est plus fort que toi !

Ceriera
– Le bonheur parfait selon vous ?
– Le cul bien sur la selle de mon andalou, le nez au vent dans la fraîcheur du matin, avec les Pyrénées enneigées au loin. Et mon labrador qui, lui, sourit, la langue pendante.
[ Philippe Noiret ]



[Montferrier, Toussaint 1463]

Bigre, que Cerièra était souvent en Pays d'Olmes ces temps-ci ! Revenir sur les pas de sa jeunesse… la dernière fois, ce fut avec Alexandre, pour la Toussaint.
Ils avaient poussé la petite grille du cimetière, et bien qu'elle n'avait pas porté de fleurs à ses parents depuis des années, elle retrouva immédiatement le chemin de leur tombe. Certaines choses en s'oublient pas, jamais… impossible.

Cerièra avait apprécié la présence du blond à ses côtés, bien qu'elle lui eut paru étrange. Elle ne s'ouvrait que peu de son passé d'ordinaire, et voir ces deux vies, l'ancienne et la nouvelle, se mêler, avait un côté… presque loufoque pour elle. Elle était loin d'imaginer ce jour-là qu'Alexandre ne tarderait pas à rejoindre ses parents, comme ne vivant plus que dans son cœur.

L'émotion avait été palpable, même si Cerièra avait coutume de la masquer derrière des pitreries. Ainsi avait-elle dit à Alexandre «C'est un peu tôt pour te présenter à mes parents, non ?» puis se tournant vers la stèle «Pourtant il vous aurait plu… oh tu, paire*, tu aurais sûrement trouvé quelque chose à redire, mais tu, maire**, tu aurais su voir l'homme prévenant qu'il est pour moi. Brèu… vaquí lo que mon còr causiguèt***, Alexandre.» et la suite s'était passée en occitan, dans se contexte, s'adressant à eux, Cerièra reprenait sa langue maternelle. Quelques mots tendres à leur attention, puis un baiser déposé de la main sur la stèle. Stèle sur laquelle on pouvait lire :


Aicí demòran
Enric Vidal 1413 - † 1452
& son esposa
Beatritz Vidal-Fraisse 1416 - † 1452
Nòstre Sénher Dieu los acuelhès en son solelh

Ici demeurent (…) & son épouse (…)
(Que) Notre Seigneur Dieu les accueille en son soleil


Après un moment de prière silencieuse, ils étaient repartis, Cerièra l'esprit embrumé de quelques… souvenirs ?
Non, impressions étranges, par petites touches, résurgences du passé. Il lui avait semblé que le vernis se craquelait.


~

* toi, père
** toi, mère
*** voici celui que mon cœur a choisi





[Montferrier, jeudi 26 novembre 1463]

Elle ne s'était pas imaginé à l'époque qu'elle y amènerait aussi sa chère amie Aryanna. Drôle de période que celle de la Toussaint. Cerièra avait passé son anniversaire, la veille, le 31 octobre, loin de ses amis fuxéens. S'était posée aussi cette question familiale. Enfin, une conversation avec Sandino et Zézé sur le devenir de notre dépouille après notre dernier souffle, tout cela en même temps.

Certaines vieilles croyances païennes pensent que cette période de l'année est particulière, que la frontière entre le monde des morts et celui des vivants s'amincit. Peut-être est-ce ce qui avait provoqué cette discussion macabre avec ses amis gitans ? Quoi qu'il en fut, Cerièra avait eu le moral en berne, et s'en était confiée à Aryanna, qui lui avait proposé de l'accompagner à Montferrier une prochaine fois.

Elles avaient prévu d'y aller le dimanche précédent, insouciantes. Hélas, c'est le jour où le cœur de Cerièra fut brisé par la nouvelle de la mort d'Alexandre. Aryanna ne la trouvant pas pour se mettre en route, elle dut enfoncer la porte de chez son amie pour la trouver inconsciente. Cerièra se remettait à peine du décès de ses parents, celui de l'homme qu'elle aimait était un bien cruel destin. Qu'avait-elle bien pu faire au Très-Haut pour mériter tant de chagrins ?
Plusieurs jours qu'elle errait comme un ombre dans Foix, incapable de passer du temps chez elle où les souvenirs de lui étaient trop présents pour qu'elle puisse y trouver le sommeil.

Il devenait urgent de fuir, partir, aller se faire piquer les joues par le froid, goûter aux grands espaces. La montagne est belle, Aryanna souhaitait marcher dans les Pyrénées et profiter de l'air pur. Cerièra lui ferait découvrir le pays où elle a grandi, heureuse de partager ça avec elle, Aryanna veillerait sur elle en retour. Elles trouveraient bien à faire…
Cerièra partagerait volontiers son histoire avec elle – les amies comme ça se comptent sur les doigts d'une main – mais uniquement si elle le voulait. Si Aryanna préférait visiter, elles iraient voir l'artisan qui fait ces jolies choses en corne, exerce-t-il encore ? Elles se ramèneraient des peignes, il n'y a rien de tel que la corne pour les cheveux. Ou encore la fermière qui fait ce si bon fromage de chèvre. Et Montségur, qui n'est vraiment pas loin à vol d'oiseau. Ah, ça, c'est triste aussi, mais l'Histoire est ainsi faite, et tant qu'à être arrivées jusqu'ici il serait dommage de ne pas visiter le «Pog»*, ni de se recueillir sur le Prat dels Cremats**, en souvenir de ceux qui furent victime de l'intolérance religieuse… ou de la cupidité, tout dépend comment on lit l'Histoire.

Il y avait aussi quelques curiosité à voir aux alentours, elles ne manqueraient pas d'activités, et s'occuper l'esprit, voilà qui allait très bien à Cerièra. Pourvu qu'un ancien villageois, la reconnaissant, ne lui pose pas de question comme «Alors Cerièra, tu as un mari ? des enfants ?». Cela l'obligerait à répondre «Ta gueule vieille bique des montagnes», et elle n'avait pas envie d'être désagréable.
Par bonheur, Montferrier n'est pas bien loin de Foix, car les journées commençaient à être courtes. C'est en milieu de journée qu'elles arrivèrent, plus que quelques heures de soleil.


Regarde, on a de la chance, il y en a ici !

Depuis Foix elles avaient pu remarquer les premières neiges sur les hauteurs, le froid était arrivé d'un seul coup quelques jours de ça, comment en douter ? Arrivées dans le village, elles se signalèrent à l'auberge, histoire de s'assurer qu'elles y auraient de la place le soir-même.

Que veux-tu faire ? Il nous reste un peu de temps avant que la nuit tombe, nous pouvons… faire un tour dans le village ? Monter à Peyregade voir la pierre du sacrifice ? Tendant le bras dans la direction du lieu : C'est à peine un peu plus haut, par-là.
Nous profiterons mieux des alentours demain, je pense, nous aurons davantage de jour.

~

* petit sommet, monticule
** pré des brûlés
Les deux sont encore nommés en Oc aujourd'hui

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Πίστις, ἐλπίς, ἀγάπη
Aryanna
Départ pour Montferrier : prise deux !


[Foix - 26 novembre, début de matinée]

La nuit avait été courte, pour la noire, encore. Il lui avait été impossible de trouver réellement le sommeil une fois rentrée de sa garde nocturne. Il était prévue qu'elle aille avec Cerièra à Montferrier, dans le début d'après-midi, aussi fallait-il que tout soit pret, tout soit réglé, le temps de leur absence.
L'entreprise avait été avortée le dimanche auparavant, l'annonce improbable de la mort du Sénher Alexandre ayant tout fait capoter. Au revoir visite insouciante et nécessaire, bonjour chagrin et noirceur.

Aujourd'hui encore, ce matin encore elle y repensait. Et comment ne pas y penser ! Elle revoyait encore Cerièra, à terre, pâle comme un linge, presque sans vie. Elle ressentait encore l'étonnement qui l'avait effleurer en ne la voyant pas en train de l'attendre devant les remparts de Foix pour débuter la route vers Montferrier, alors même qu'elle n'était jamais en retard, la brune, - contrairement à la noiraude -. Puis la panique qui l'avait assaillie en apprenant la nouvelle, alors qu'elle avait pris le chemin jusque chez Cerièra.
Lui assurer qu'elle était là pour elle, qu'elle pouvait compter sur sa présence, qu'elle était à son écoute entière et totale; cela ne suffisait pas ! C'était si peu de choses ! Une bien piètre promesse, alors même qu'elle venait de perdre l'homme qu'elle aimait...

Soupirant au milieu de son bureau couvert de parchemins et de chiffres, Aryanna se prit doucement la tête entre les mains, grognant contre elle-même. Subitement en colère contre ce Chancelier blond. Elle s'était toujours promis de lui botter les fesses s'il faisait souffrir un jour Cerièra, et maintenant, alors qu'il lui causait la souffrance la plus vive, la plus horrible des tristesses, la donzelle ne pouvait rien faire... Impuissante, elle était totalement impuissante. Si inutile...



[Montferrier - 26 novembre, début d'après-midi]

Cette petit marche revigorante, cette ascension exaltante des Pyrénées, entre Foix et Montferrier, s'était passée sans anicroches. Aryanna avait suivit Cerièra, sagement, à travers les sentiers. Elle était bien peu habituée à emprunter ces chemins du Sud, plutôt familière des voyages vers le Nord et n'avait bien traversée les Pyrénées qu'une seule fois pour l'Espagne, à travers une bien grande route. Aussi se retrouvait-elle un peu perdue et ne lâchait pas sa guide d'une seule semelle. Si elle se perdait, ce serait la fin des haricots ! Et elle manquerait à sa parole, qui plus est, ce qui ne lui était jamais arrivé.

Durant leur grimpette, l'oiselle n'avait cessé de regarder sa comparse d'excursion, essayant de déceler ses émotions, de penser à ce dont elle pensait. La seule chose qu'elle avait pu trouver c'est qu'elle aimait la neige. Sans doute au moins autant qu'elle ! Ce qui était quelque chose d'improbable pour une autre femme du Sud, après tout elle venait de Provence, soit... en face, presque.
La montée leur avait permis d'observer et admirer les premières neiges et même de pouvoir les apprécier par-ci, par-là. Elle s'était retenue de lui envoyer une petite boule de neige, histoire de rire un peu, mais elle s'était dit qu'elle amorcerait certainement une attaque un peu plus tard. Après tout, elles avaient tout leur temps, mais le plus important était bien qu'elles arrivent d'abord à destination.

Le reste de la montée avait été tout aussi calme. Et c'est après avoir déposé quelques affaires à l'auberge, où elles passeraient la nuit, qu'il fut temps de s'occuper du programme de leur fin de journée. Cerièra connaissait le terrain comme sa poche, Aryanna était intéressée par tout ce qu'elle pouvait découvrir. Choisir s'avèrerait donc être une chose particulièrement complexe.

"
Ce que je veux faire ?
Tout ce qu'il y a à faire ! Découvrir, apprendre, voir ! Tout !
"

Après réflexion, face aux deux possibilités proposées, elle proposa également un programme. Il était temps de profiter, de s'évader, d'apprécier l'air frais et vivifiant...

"
Que dirais-tu de monter à... Peyregarde ? Et ensuite, redescendre et faire un tour du village, selon le temps qu'il nous reste.
S'il est trop tard, nous le ferons demain, après d'autres découvertes; sinon nous finirons l'après-midi à voir les rues, avec le soleil couchant
. "
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Ceriera
– Que dirais-tu de monter à... Peyregarde ? Et ensuite, redescendre et faire un tour du village, selon le temps qu'il nous reste.

Cerièra regarda le ciel, puis les ombres diffuses que le pâle soleil d'hiver projetait.

Je pense que si nous nous mettons en chemin tout de suite, nous pouvons tout faire. Si nous traînons trop, nous ferons le reste demain matin.

Il était temps de tester le rythme de marche d'Aryanna sur les montées… oh, en plaine, entre Castelnaudary et Toulouse, même un boiteux ferait de la route ! Quand il s'agit de pousser sur les guiboles, c'est une autre paire de manches ! Cerièra aimait cette sensation dans les jambes, et cette impression que chaque pas nous porte plus haut, plus loin vers l'inconnu. Même si elle aurait pu faire le chemin les yeux fermés, chaque montée lui donnait l'impression d'une conquête.

Selon l'exposition, certains prés avaient gardé un peu de neige, là où sur d'autres, elle avait déjà fondu. Même s'il ne faisait pas chaud, plus on est en altitude, plus proche on est du soleil. Cette pensée lui plaisait : le soleil fait certes fondre la neige, mais c'est aussi la nouvelle adresse de l'élu de son cœur. C'était un peu comme si elle lui rendait visite.

Ce pré-ci était dénué de manteau blanc, quelques courageuses s'y promenaient…




Regarde leurs yeux, ils sont curieux non ? On dirait qu'elles ont du khôl.
Elle mima les cornes… Plus sombres au bout, plus claires à la base… tu verras ce que Bomacip en fait… de jolis peignes bicolores ! Enfin, s'il exerce encore… quel âge peut-il avoir aujourd'hui ?

À l'époque où Cerièra avait quitté Montferrier, elle avait du mal à donner un âge aux gens. Tout ce qui avait dix ans de plus et au-delà basculait dans la catégorie «les vieux». Pourvu qu'il ne le soit pas trop tard… non seulement pour les peignes, mais en plus car le bonhomme était fort sympathique. Et puis les mauvaises nouvelles, elle avait eu sa dose.

Elles apercevaient les premières maisons, il était temps de se retourner pour regarder le chemin parcouru, la montée, la vallée…




Arrivées au village* de Peyregade, elles firent un tour rapide entre les maisons.

C'est presque aussi vivant que Montferrier ici. C'est étonnant car peu accessible.
Prête à continuer ? Je t'emmène à la cascade et à la «pierre du sacrifice».


Elle ne lui en dit pas plus, elle lui raconterait l'histoire supposée de cette pierre là-haut. Le temps de prendre une goulée de mirabelle pour se réchauffer, elles étaient reparties pour une demie-heure de marche.

Ah ! Ben tout de même ! J'étais étonnée que nous n'en voyions pas en route… je me demandais où ils avaient bien pu passer !



Tu en as vu déjà dans les Pyrénées ou pas ? Ce sont des Mérens… assez robustes, courts sur pattes, ils ne sont pas très hauts. Adaptés à la montagne, en somme… en plaine on galope, ici il s'agit surtout de passer partout, et de résister au climat l'hiver.
Par contre je ne m'explique pas leur belle robe noire.
Je les aimes beaucoup, je les trouve très beaux, n'est-ce pas ? Si je n'aimais pas autant voyager j'aurais choisi cette race, mais les pauvres auraient bien du mal à tenir la même allure que Caminaire.


Elles aperçurent assez vite la cascade au loin. C'était bon signe : la pierre n'était pas non plus très loin, c'était le signe qu'elles avaient bien marché. Pour une provençale, Aryanna était bien apte à la montagne. Une vocation ?
Il faut dire qu'elle pouvait avoir le caractère des montagnards, la noire : parfois abrupt, mais avec un cœur en or. Ce côté-là chez elle avait tout de suite plu à Cerièra, qui y était bien plus accoutumée qu'aux courbettes de faux-jetons.


Viens, allons voir la cascade… l'eau y coule sur l'ardoise, j'aime beaucoup le contraste que cela fait.



Cerièra approcha, ôta ses mitaines, et prit un peu d'eau glaciale entre ses mains pour en boire quelques gorgées.

Tu peux, elle a toujours été saine ici. Si tu as une gourde à remplir, c'est l'occasion !

Elle essuya ses mains sur ses vêtements, les frotta vigoureusement l'une contre l'autre pour les réchauffer, et remit ses mitaines, cadeau inattendu d'un voyageur en escale à Foix, dont elle n'avait jamais vraiment su s'il était simplement atypique ou complètement fou.

La pierre est juste là-bas…

Son bras désignait un petit chemin vers une clairière. Elles l'empruntèrent pour trouver… ce qui semblait être une banale pierre posée au sol !



Évidemment c'est moins impressionnant que les dolmens que l'on trouve ça et là au hasard d'un chemin, mais cette pierre est intéressante pour la légende qui l'accompagne. On raconte qu'elle remonte à la nuit des temps, et qu'elle aurait servi aux sacrifices humains…

Elle parcourut du doigt les larges stries…

… et que les coulées de sang auraient laissé ces traces.

Son sang se glaça un instant… Mon Dieu que le sujet était lugubre, et quelle drôle d'idée de monter ici ! Si elle avait voulu se recoller les idées noires, elle ne s'y serait pas mieux pris. Elle ne put s'empêcher d'imaginer quelle avait pu être la souffrance d'Alexandre dans ses derniers instants, et son front laissa lire le tracas.
Elle se ressaisit assez vite, non seulement elle n'y pouvait rien changer, mais en plus, terminer la visite lui changerait les idées. Elle attira donc l'attention d'Aryanna sur le pourtour de la pierre :


Tu vois ? On peut encore distinguer quelques petites croix gravées. Personne n'a jamais su ce que cela signifiait. C'est libre à toutes tes interprétations. Voilà qui nous tiendra la discussion sur le chemin du retour. Car tu n'as rien vu du village, tant notre envie d'ascension était grande… ne trainons pas, nous faisons la course contre le soleil.

Elle espérait bien avoir le temps de passer voir quelques habitants, et faire découvrir quelques menues choses à son amie.


*aujourd'hui hameau déserté au profit de Montferrier, jadis village à part entière
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Πίστις, ἐλπίς, ἀγάπη
Bomacip
Ça n'était pas souvent qu'il y avait quelqu'un à la pierre du sacrifice, Bomacip en était étonné. Souvent dans son atelier la journée, profitant de la lumière pour y travailler, il avait été appelé chez un fermier plus haut au soin d'une bête malade.
Sur le chemin du retour au village, il lui sembla distinguer les silhouettes de deux jeunes femmes qui ne lui évoquaient rien. Des «estrangièras» sans doute. En appui sur son bâton de marche, il se dirigea vers les inconnues :


Oh, qui va là ?

L'accueil était rude, mais sa bonhommie lèverait le doute immédiatement sur ses intentions. Le jour filait, et il voulait être certain que les visiteuses ne se perdent pas dans la montagne.
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Artiste du noir et du blanc.
Ceriera
– Oh, qui va là ?

Cerièra sursauta, par réflexe plus que par réelle peur, mais elle ne s'attendait pas à ce qu'il y ait quelqu'un d'autre qu'elles-deux à cette heure-ci, dans ce coin de montagne.

Se retournant, elle regarda l'homme, et c'est un franc sourire qui orna son visage. Si elles n'allaient pas à lui, c'était lui qui venait à elles !


Tu m'as fait peur andouille !

En pyrénéen courant, cela veut dire «mon vieil ami, que je suis heureuse de te revoir !»
Mais elle voulait se donner le temps de voir s'il la reconnaîtrait. Lui n'avait pas beaucoup changé, à peine blanchi, mais elle…

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Πίστις, ἐλπίς, ἀγάπη
Bomacip
L'homme n'y voyait plus très bien de loin, à force d'avoir le nez penché sur ses peignes, et de leur apporter soin et attention, afin que chacun d'eux soit le meilleur ami de la femme qui l'achèterait pendant toute sa vie.
La jeune brune, jeune mais la plus âgée des deux visiblement, semblait le connaître. Il plissa les yeux, puis se rapprocha pour mieux examiner ses traits. Ce faciès tenait des Vidal… que de vieux souvenirs ! C'était donc…


… Cerièra ? Miladiu* ! C'est pas possible !

Une tête de ravi, voilà ce qu'il faisait le bon bougre ! Il la serra dans ses bras, puis la regarda :

Je t'aurais vue ailleurs qu'ici que je ne t'aurais pas reconnue !
Alors, que deviens-tu, qu'as-tu fait toutes ces années ?
Quand est-ce déjà que tu es partie ?


Ses yeux se posèrent sur celle qui accompagnait l'ancienne Ferrimontaine…

Je manque à toutes les politesses, bonser Dòna** !
Vous savez où dormir toutes les deux ? J'avais peur avant de reconnaître Cerièra que vous ne vous perdiez dans les montagnes, mais de cela je suis rassuré ! Vous ne risquez rien avec elle !



* mille-dieu
** bonsoir Dame

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Artiste du noir et du blanc.
Ceriera
Tombant dans les bras du vieil homme, parce que bigre, que c'était bon de le revoir celui-là, elle répondit :

Hé, doucement, c'est beaucoup de questions d'un coup !
J'ai vécu… un peu dans les Corbières, puis un peu à Montpellier. Je suis retournée à Foix il y a quelques années, je vis là-bas désormais.


Elle tourna la tête vers son amie :

Je te présente Aryanna, fuxéenne aussi. C'est une proche amie.

C'était un peu court, mais ça suffirait pour le moment.

Nous avons réservé à l'auberge avant de monter à Peyregade. Nous nous apprêtions à redescendre, toi aussi ? Tu fais le chemin avec nous ? Nous discuterons en route.

Les traits fatigués de la griotte laissaient s'exprimer un sourire ravi. Parfois, on est dans un endroit familier, avec des personnes chères. L'un du passé, l'autre du présent, mais dans les deux cas, bienveillantes.
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Πίστις, ἐλπίς, ἀγάπη
Aryanna
ça tourne !

Et... C'est parti ! L'heure l'ascension était venue, l'heure de la découverte également.
Cela faisait quelques mois déjà qu'elle était arrivée dans le Toulousain, mais jamais elle n'avait pu s'égarer dans les Pyrénées, visiter un village paisible, mais néanmoins vivant dans le coin. Certes, elle avait passé les Pyrénées pour se rendre en Espagne déjà, mais la noire était heureuse d'enfin pouvoir profiter de cette occasion pour rencontrer de nouvelles personnes, visiter de nouveaux lieux inconnus, tout cela avec une amie chère.
Pour l'occasion de cette montée, elle avait remonté son écharpe jusque son nez - un peu à la manière des gangsters de western - et suivait Cerièra d'assez près. Pour s'être déjà perdue, plus jeune dans une montagne forestière, cela paraissait une très bonne idée. Interdiction définitive de rêvasser, s'écarter, se pâmer devant un arbre biscornu, bref ! de la perdre de vue une seule seconde.

Ya pas à dire cette découverte Prénéenne était une bénédiction ! Dans ces moments troubles où le cœur est las, où les convictions sont moins fermes et que la motivation disparait, il n'y a rien de tel que de pouvoir prendre un peu de recul. Aussi, l'oiselle avait-elle continué de suivre son amie, la détaillant lentement de dos. Cerièra avait l'air bien plus énergique aujourd'hui que la semaine auparavant. Elle semblait s'épanouir, être heureuse d'être là, ne pas songer à tout ce qu'il s'était passé le dimanche dernier. Et cela n'était pas plus mal, à son sens. Pouvoir oublier un peu les moments d'infinie tristesse était toujours une bonne chose, selon elle. Aller de l'avant, se reconstruire petit à petit...

Durant leur ascension elles avaient ainsi pu voir quantité de choses. Nouvelles et étonnantes pour Aryanna, bien familière pour sa comparse brune. Entre ces bovins aux cornes amusantes, le village de Peyregade aux allures apaisantes et pourtant si vivant, qu'elles avaient traversé, jusqu'aux Mérens, chevaux aux robes sombres, mais si intrigantes. Elle n'en avait jamais vu de tels et elle aussi elle les trouvait beaux. C'est d'ailleurs bien ce qu'elle avait répondu à son amie lorsqu'elle lui avait posé la question : "
Ils sont magnifiques ! Et ils ont l'air si bien ici, comme je les comprends ! ".
Ensuite, elles étaient montés jusqu'à la cascade, Aryanna en avait profité pour remplir sa gourde, bu déjà à moitié - parce que monter ça donne soif ! -; tout comme en avait-elle profité pour glisser sa main dans l'eau, certes froides, mais qui devait être agréable une fois la chaleur du printemps ou de l'été revenue. La noire s'était demandé un instant si les habitants de Peyregade s'y baignait, mais avait bien vite oublié la question. Il était temps de poursuivre vers la "pierre du sacrifice". Étrange pierre, d'ailleurs. Et l'anecdote que lui avait raconté son amie l'avait fait sourire. Oh il existait beaucoup de contes et légendes de ce type en Provence, mais également un peu partout en France, dans les contrées qu'elle avait traversé dans sa jeunesse en quête d'identité. L'oiselle avait imité son amie, glissant sa main gauche sur la pierre, suivant un instant les stries, les déformations et même ces petites croix étranges. L'aventure était palpitante !

C'est alors qu'elles allaient commencer à redescendre et qu'elle allait ouvrir la bouche afin de poser quelques questions sur tout ce chemin parcouru et sur toutes ces découvertes, qu'elles furent apostrophées par un homme. Après un léger sursaut, la donzelle s'était retournée et était restée interdite. Cerièra ayant reconnu l'homme grisonnant, elle avait laissé libre place à ces retrouvailles improbables. Retrouver des gens connus ne pouvait qu'être une bonne chose pour son amie, aussi resta-t-elle en retrait un temps. Le regard vagabondant entre l'homme, Cerièra, la pierre sacrificielle et l'environnement alentour. Elle avait bu une gorgée d'eau de la cascade, avant de ranger sa gourde dans sa besace. Et c'est lorsque sa très chère amie la présenta à l'homme, juste après qu'il lui ait adressé la parole, qu'elle abaissa son écharpe sous son menton. Cela n'est jamais pratique de parler ou de se faire comprendre la bouche obstruée, après tout. Et puis, c'est impoli !
Alors, l'oiselle avait descendu doucement les quelques mètres qui les séparait d'eux deux et avait présenté, un peu gauchement, une main tendue à l'homme. C'est qu'elle ne savait jamais réellement comment faire la connaissance des gens, comment se présenter, comment se débrouiller...

"
Bonjorn Sénher*.
Je suis enchantée de faire votre connaissance.
"

Mais que dire d'autre ? Elle n'allait tout de même pas le questionner sur son nom, de but en blanc, comme ça. Ce serait certainement grossier et mal approprié après tout. Glissant un léger regard désemparé à son amie, elle poursuivit néanmoins.

"
En effet, comme vous l'a dit Cerièra je me nomme Aryanna.
Je viens de Foix, mais je suis Provençale d'origine.
Les Pyrénées sont un endroit vraiment fascinants et magnifiques, je vous envie de vivre ici.
Mais je... Puis-je vous dem
ander votre nom ? "

Légère hésitation, évidemment. Et la voix qui se termine comme un murmure.
Elle ne savait jamais comment faire avec ces choses là, cela lui paraissait toujours compliqué. Et, bien souvent, son côté réservé reprenait le pas sur sa désinvolture et son amabilité amicale qu'elle avait en présence des gens qu'elle connaissait et appréciait.
Et comme pour se rattraper, elle avait finit par ajouter...

"
En tous cas je vous suis dans cette descente. "

Ils discuteraient en route avait dit Cerièra. Et puis, c'est qu'il ne fallait trop tarder, il finirait bien par faire nuit par ici, bientôt...


* Bonjour Môôsieur

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Bomacip
Et Bomacip d'attraper la main tendue par la jeune amie de Cerièra, avant de la secouer franchement, pour finalement préférer une accolade.

Aryanna ! Enchanté également, les amis de Cerièra sont bienvenue à Montferrièr.

Et puis il trouvait une sale tête à la fille Vidal et était rassuré de la trouver en compagnie.

Moi c'est Bomacip, oh excusez-moi pichoneta*, de retrouver la petite, j'en oublie les bonnes manières !

Il revint à Cerièra pour lui confier son inquiétude :

Tu n'as pas l'air dans ton assiette toi polideta* !


* petite + diminutif affectueux «petitette»
* jolie + diminutif affectueux «joliette»

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Artiste du noir et du blanc.
Ceriera
Cerièra esquissa un petit sourire au vieil artisan. Décidément, elle était trop expressive pour réussir à cacher ses états d'âme, alors à lui…

Je t'en parlerai sur le chemin du retour, la nuit ne va pas tarder à tomber. Endavant* !

C'est ainsi qu'ils redescendirent tous trois le sentier à bonne allure, le soleil déclinait, et le froid ne tarderait pas à piquer.

Bomacip. Le vieil homme… enfin, celui qu'elle retrouvait ainsi après toutes ces années, était d'une douceur incomparable avec les siens, et avait toujours été bon avec elle. Elle se rappelait que, petite, elle allait souvent dans son atelier admirait ce qu'il faisait, comment il s'y prenait, et, déjà curieuse – on ne se refait pas – posait une foule de questions : «et ça, à quoi ça sert ?»
Elle savait qu'elle pouvait lui parler, qu'il ne jugerait pas, n'insisterait pas, si ne l'assommerait de bêtises comme «tu verras, avec le temps…» et autres fadaises qu'elle ne supportait pas d'entendre.

Je… suis… enfin, en effet, je ne vais pas bien Bomacip. J'ai appris il y a quelques jours le décès de l'homme que j'aimais. Ou plutôt que j'aime, parce que… ça n'est pas parce qu'il n'est plus là que je ne l'aime plus.

Elle ne pouvait se résoudre à en parler au passé. À l'effacer. Voilà, la chose était dite, que dire de plus sans s'enfoncer dans de longues confidences ? Ça n'était pas l'objectif du séjour, ni une discussion de retrouvailles. Elle embraya donc sur :

Aryanna m'accompagne ici pour… enfin, à Foix, j'ai trop de souvenirs, trop récents. Aryanna, elle me «sort» de Foix. Nous allons prendre l'air quelques jours.

Comme elle l'espérait, Bomacip se contenta d'acquiescer avec un tendre regard à sa mésaventure, lui manifesta sa compassion en la prenant par l'épaule, et changea de sujet.

– Mais alors dis-moi, depuis ces années, que fais-tu à Foix ? De la musique ? Du dessin ? Des sciences ? Oh je me rappelle comme tu étais curieuse de tout ! Tu es médecin ?


Ses questions lui arrachèrent un petit rire, tant il est vrai que l'on pratiquait de tout, dans sa famille, et que rien ne pouvait lui faire soupçonner la voie qu'elle avait finalement choisie. Oh, ils étaient aristotéliciens aussi, ses parents, mais pas de façon très poussée, et très curieux d'autres traditions.

Médecin… des âmes peut-être ? Ou en tout cas je m'apprêtais… heu, je m'apprête à l'être. Pourvu que cette perte ne l'empêche pas de prôner l'amour, mais pour le moment, c'était la panne. Impossible même de prier. J'étudie la théologie, et devrais être prochainement diaconesse. Si j'en trouve la force, j'aimerais officier une Saint-Noël à Foix cette année. Viendrais-tu ?

Le bonhomme l'écoutait, sans commenter, juste à sa question :

– Oh oui, ce sera un plaisir de te voir faire, je suis certain que ce sera une réussite !

Elle lui fit un sourire complice. Ah, celui-là… on lui dit «si» ou «peut-être»… *je vois très bien ce que tu es en train de faire* mais si c'est pour donner un amical coup de pied au cul, il le prend pour argent comptant. Maintenant qu'elle lui avait dit ça, elle pouvait être sûre qu'il se pointerait, qu'il se passe quelque chose ou pas, et que si jamais elle se décourageait, elle l'aurait sur le dos ! Elle-même parla d'autre chose, donc.

La musique, j'ai peu continué. Je chante encore à peu près juste, je pense… un petit rire … par contre le dessin, j'en fais encore régulièrement, en amateur. Posant la main sur sa besace : si j'ai le temps, je ramènerai quelques croquis des Pyrénées.

Alors qu'ils bavardaient, de divers arts et diverses occupations, elle lui demanda :

Bomacip, tu fais encore ces peignes en corne que tu faisais jadis ? Ce à quoi il répondit par l'affirmative, que son atelier était bel et bien toujours là, et toujours opérationnel. Les yeux de la griotte s'illuminèrent, elle regarda Aryanna pour chercher dans ses yeux si sa curiosité de s'y rendre était telle que la sienne, puis revint à Bomacip :

Tu nous montrerais ? Et reprenant automatiquement avec lui ses réflexes de petite fille : oh, allez, dis oui !

Elle comptait déjà y amener Aryanna à vrai dire, toutes les eux en «clientes», mais c'était peut-être l'occasion de se faire inviter dans son fatras, là où les choses de faisaient avant de se mettre en boutique.


*en avant ! ou «Zou !»

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Πίστις, ἐλπίς, ἀγάπη
Bomacip
[Jeudi 26 novembre, atelier de peignes en corne de Bomacip]

Comment aurait-il pu leur refuser une visite, le vieil homme ? Il avait déjà du mal à refuser quoi que ce soit à Cerièra, alors sin en plus c'était pour faire découvrir à son amie. Son amie d'ailleurs… Bomacip partait toujours du principe qu'il faut laisser le temps aux gens de se révéler, mais ça ne l'empêchait pas de préférer d'emblée certaines personnes à d'autres. Elle était discrète la jeune, mais lui semblait honnête. Et puis Cerièra n'aurait pas amené n'importe qui ici. Rassuré qu'elle soit bien entourée dans sa nouvelle vie, surtout avec ce qu'elle lui avait confié être en train de vivre, il les reçut toutes deux dans son «antre».

Il s'abstint de dire «ne faites pas attention au désordre» : un atelier rangé est un atelier où on ne travaille pas. Au lieu des formules de politesses attendues à la ville, c'est simplement qu'il leur montra ses outils, et leur décrit sa façon de travailler : comment il choisissait la corne, la coupait, sélectionnait les meilleures, écartait les défauts, et dégrossissait pour «faire apparaître le peigne» :
Je ne le crée pas, le peigne, je le révèle. Il est déjà là, dans la corne.

Oh, vous verrez bien des peignes en bois ça et là, mais pour les cheveux, il n'y a rien de mieux que la corne. Et vous savez pourquoi ?

Sans vraiment leur laisser le temps de répondre, il y alla de son explication :
Parce qu'ils sont de même nature. Les cheveux, c'est comme une infinité de très très fines cornes. Alors la corne appelle la corne.
Face à leur moue dubitative, il sourit, et se voulant rassurant : Et puis ça dure, hein ! Vous les donnerez à vos petites-filles !
Parce qu'en disant ça, il leur tendait les peignes finis, destinés à aller en boutique, rassemblés en attendant dans une corbeille :
Allez, choisissez-en un chacune !



La corne bicolore, noire et blanche, a cela de particulier que selon comme on taille dedans, on n'a jamais deux peignes complètement identiques. Il les laissa donc farfouiller dans la corbeille pour faire leur choix, en les regardant faire avec un sourire amusé. Mais alors qu'il les observait, il partit subitement ouvrir un tiroir, et en ramena deux piques à chignon à la forme étrange.

Je vois que vous vous relevez les cheveux toutes les deux ! Tenez, vous essaierez avec ça : c'est la pique à chignon qui ne glisse jamais. Voyez la courbe là ? Elle se plaque sur votre crâne, et ça bouge plus !



Évidemment, Cerièra se mit tout de suite à tester la pique, pour confirmer ou infirmer les dires de Bomacip, ce qui n'étonnait guère le bonhomme. Celle-là, elle ne croyait que ce qu'elle voyait ! À se demander comment elle avait pu choisir la théologie, à moins qu'elle n'ait vu Dieu aussi, ce qui paraissait improbable au pyrénéen. Aryanna ne tarda pas à suivre Cerièra dans son essai.
Les observant toutes les deux, il trouvait tout à coup qu'elles se ressemblaient, dans les traits comme dans le geste. Mais il n'en dit rien, se contentant de leur sourire gentiment.

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Artiste du noir et du blanc.
Aryanna
On descend de la montagne à cheval, On descend de la montagne à cheval !

C'était à peu près ça, à ceci près qu'ils n'étaient pas à cheval, mais qu'ils crapahutaient dans cette descente, à pied. Le chemin fait un peu plus tôt avait été rebroussé en silence pour elle. Laissant Bomacip et Cerièra discuter tranquillement, rattraper le passé qu'ils n'avaient partagé autours de grandes conversations.
La noire, elle, les suivait sans un bruit, les écoutant, souriant parfois, fronçant le nez pour d'autres. Et oui, elle était montée jusqu'ici pour elle, parce qu'une sœur de cœur on ne la laisse jamais tomber. Il était nécessaire de la tirer de ce cauchemar, de la tirer de cet état dans lequel elle se trouvait. Cerièra, si triste, si jolie quand son visage est illuminé par la joie, n'était bien que le reflet d'elle-même. Tout ça à cause d'un homme, stupide, vilain, qui était mort sans rien dire. Rien que d'y penser, l'oiselle enrageait ! Elle n'avait jamais été proche d'Alexandre, mais elle avait toujours fait un effort pour son amie, elle l'avait toujours écouté, essayé de la conseiller du mieux possible. Et ce, quand bien même elle ne comprenait rien à l'amour, cette chose étrange... Mais Cerièra était amoureuse, indubitablement. Et lorsqu'une amie aime, elle ne doit avoir tout à fait tord, l'homme ne peut être si mauvais.
Toute à ses réflexions, elle les suivait, perdant de la cadence parce qu'elle était dans la lune, la dinde. Et toute à ses réflexions, elle avait admiré à nouveau cette cascade d'eau pure, les Merens qui se repaissait dans ces champs. Ils avaient passé les rues de Peyregade bien vite, mais avait profité d'un instant pour aller poser une main sur le museau d'un veau. Une grattouille derrière une oreille et elle était repartie les rejoindre comme si de rien n'était.

Une fois revenus sur la terre de Montferrier, l'invitation d'une nouvelle découverte avait été lancée. Il était donc temps d'aller à l'atelier de Bomacip ! Évidemment cela l'intéressait, Cerièra lui avait déjà tant dit sur ces peignes qu'elle n'aurait pu refuser, la noire. Aussi c'est avec un mélange d'excitation et d'envie de découverte qu'elle les suivit jusque là-bas.
L'atelier était bien aménagé, il semblait clair, accueillant et paisible, tout comme Bomacip. Cet atelier, tout à fait lumineux devait être un endroit merveilleux dans lequel travailler. Son regard continuant de glisser dans cet atelier réconfortant, elle écoutait également Bomacip leur expliquer ce qu'il faisait, ce travail de révélation... Révéler les cornes, tout comme révéler les êtres... A l'invitation du choix de peigne, l'oiselle ne sut toutefois pas quoi dire. Et, avant même qu'elle ne décide quoi que ce soit elle se retrouvait avec un pique à cheveux dans les mains...

"
Mercé Sénher Bomacip.
Mais comment pourrais-je accepter un cadeau si cher en sentiments, au travail si exaltant sans même pouvoir vous remercier convenablement ?
Nous ne nous connaissons que depuis une heure, à peine...
"

Déjà Cerièra essayait le pique, aussi, finit-elle par faire de même, tout en continuant la conversation...

"
Dites-moi comme puis-je vous remercier ?

Par ailleurs, pourrez-vous nous faire admirer votre savoir-faire et votre maitrise de l'Art des cornes ? La chose m'intéresse grandement !
Et, Cerièra sera sans doute d'accord avec moi, souhaitez-vous vous joindre à nous, ce soir, pour le souper ?
"

Parce qu'un homme pareil, une perle pareille, il fallait bien la garder contre son cœur, toujours. Ménager les gens si gentils et les aimer sans conditions et de manière désintéressée pour ce qu'ils étaient. Et pour leur cœur, infiniment grand.

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